Il ne s'agit pas aujourd'hui de porter une appréciation sur les choix qui ont amené des Algériens, au cœur d'une guerre coloniale, à s'engager dans l'armée française, à ne pas quitter les rangs des troupes au sein desquelles ils étaient des supplétifs ou encore à servir comme auxiliaires civils. Les raisons qui ont conduit à de tels choix sont diverses et il ne nous appartient pas de les juger ni de les hiérarchiser.
Le constat est largement partagé : après les accords d'Évian, les harkis ont été les grands oubliés de l'histoire. Trop longtemps considérés comme des parias en France et des collaborateurs de l'ennemi en Algérie, ils ont énormément souffert d'un manque de reconnaissance. Quel que soit le regard que nous portons sur une guerre de libération qui imprègne encore nos relations avec l'État algérien, nous leur devons cette reconnaissance.
Le gouvernement en place en 1962 a désarmé les harkis et les a laissés se faire massacrer, avec leurs familles, par les partisans du nouveau pouvoir algérien. Les mêmes responsables politiques ont ensuite relégué dans des camps, pour les cacher à la population française, ceux d'entre eux qui avaient souhaité et pu venir en métropole. Puis, quelle que soit leur couleur politique, les gouvernements successifs ont trop longtemps refusé de satisfaire leurs légitimes revendications matérielles, en matière d'indemnités ou d'aides à l'emploi et au logement, et de mettre fin aux discriminations de toutes sortes, notamment sociales et économiques, auxquelles ont été confrontés leurs enfants et petits-enfants.
Il aura fallu attendre bien longtemps pour que soient prises des mesures fortes en leur faveur. Faut-il le rappeler, une allocation de reconnaissance ne leur a été servie qu'à partir de 2005, avant d'être complétée par une allocation viagère en 2015. Le rapport « Aux harkis, la France reconnaissante », commandé par le Président de la République en 2018, a ensuite donné lieu à l'instauration d'aides financières à vocation sociale pour les enfants de harkis et rapatriés ayant séjourné dans des camps ou des hameaux de forestage. Les aides prévues s'élèvent à 26,63 millions d'euros dans le projet de loi de finances pour 2022.
Malgré ces mesures, le soutien aux harkis et à leurs familles demeure un enjeu d'importance. Ce projet de loi de reconnaissance et de réparation était très attendu. Il devrait concerner le même public que celui visé par le décret de 2018, modifié en 2020. Toutefois, la vocation première des crédits afférents à ce projet de loi est la réparation alors que les indemnités versées jusqu'ici ont d'abord un objet social. Nous devrons veiller à ce que l'application du texte ne s'accompagne pas d'une diminution des fonds à vocation sociale dans le budget – vous nous le confirmerez sans doute, Madame la ministre déléguée.
Jusqu'à présent, les dispositifs d'aide sont gérés par l'ONACVG avec le concours des associations, qui informent les bénéficiaires potentiels. À mes yeux, la réparation doit d'abord s'appuyer sur le travail de la commission instituée par l'article 3 du texte. Le rôle de l'ONACVG doit être d'apporter un appui administratif pour la préparation des dossiers soumis à la commission et ensuite de mettre en œuvre les décisions.
Les députés communistes et le groupe de la Gauche démocrate et républicaine voteront en faveur du projet de loi tout en souhaitant que soient satisfaites les demandes d'améliorations formulées par de nombreuses associations représentatives des harkis, moghaznis et personnels des diverses formations supplétives de statut civil de droit local.