À compter du 1er janvier prochain, la France assurera, pour la treizième fois, la présidence du Conseil de l'Union européenne, dont les grandes orientations ont été présentées la semaine dernière par le Président de la République.
Nous étions convenus, Madame la ministre, que vous viendriez présenter devant la commission les priorités de la présidence française de l'Union européenne (PFUE) en matière de défense, avant qu'elle ne commence.
Votre audition est d'autant plus importante que le Président de la République a fait de la pleine souveraineté européenne le premier des axes de la PFUE. Si elle revêt certes plusieurs aspects, la confortation de notre souveraineté suppose l'approfondissement de l'Europe de la défense, que le chef de l'État souhaite voir entrer dans « une phase plus opérationnelle ». Elle n'implique en aucun cas, le chef de l'État l'a encore rappelé, une diminution de l'utilité et de l'efficacité de l'OTAN, qu'elle devrait au contraire encore renforcer.
Ceci doit d'abord être le cas dans le domaine des opérations, déjà nombreuses et diverses, qu'il s'agisse des opérations maritimes Atalanta ou Irini ou des missions de formation de l'Union européenne – European Union Training Missions (EUTM) – au Mali, en République centrafricaine, au Mozambique ou en Somalie. Nous avons d'ailleurs décidé de la création d'une mission d'information sur les opérations extérieures de l'Union européenne, conjointe avec la commission des affaires européennes et confiée à Mmes Aude Bono-Vandorme et Marianne Dubois.
Je ne doute pas non plus que la mission d'information sur les enjeux de défense en Méditerranée – conduite par MM. Jean-Jacques Ferrara et Philippe Michel-Kleisbauer – et celle sur les enjeux de défense dans l'espace baltique conduite par MM. Jean-Charles Larsonneur et Charles de La Verpillière, aborderont les menaces qui pèsent aux frontières de l'Europe et les moyens d'y répondre. Toutes ces missions présenteront leurs conclusions en février.
Je n'oublie pas non plus la situation toute particulière dans laquelle se trouvent les Balkans occidentaux, en proie à une lutte stratégique opposant la Chine, la Russie ou encore la Turquie. La réaction de l'Union européenne est attendue. C'est pourquoi je me félicite de l'annonce de l'organisation d'un sommet sur cette question en juin prochain.
L'approfondissement de l'Europe de la défense doit également être mené dans le domaine capacitaire. En la matière, s'il faut nous féliciter d'avancées importantes – Fonds européen de la défense (FED), initiative européenne d'intervention, coopérations structurées – comme de l'investissement que la Commission a décidé de réaliser dans le domaine spatial, la route est encore longue et… parfois tortueuse ! J'en veux pour exemple certaines initiatives conduisant de fait à exclure d'une partie des financements européens l'industrie de défense et, ce faisant, à créer les conditions de l'affaiblissement de la base industrielle et technologique de défense (BITD) européenne et de notre autonomie stratégique. Nous examinerons d'ailleurs demain matin une proposition de résolution européenne que j'ai élaborée avec M. Jean-Louis Thiériot, cosignée par un très grand nombre de nos collègues de tous les bancs.
Après l'annonce – certes attendue – du choix du F35 par les autorités finlandaises, nous ne pouvons également que regretter que nos partenaires européens ne fassent pas plus souvent le choix du Made in Europe pour leurs équipements de défense.
Plus largement, des questions se posent sur nombre de programmes conduits en coopération – du système de combat aérien du futur (SCAF) au système principal de combat terrestre ou Main Ground Combat System (MGCS).
La mise en cohérence des stratégies nationales et leur dépassement par un horizon européen commun constituent précisément l'une des ambitions de la boussole stratégique, dont l'adoption est attendue en mars prochain. Nous fondons beaucoup d'espoir sur cet outil qui ouvre la voie à une souveraineté stratégique européenne communément acceptée.
L'Europe semble à la croisée des chemins car, comme vous l'avez récemment déclaré, Madame la ministre, dans un contexte marqué par la désinhibition de nos compétiteurs stratégiques, « soit l'Europe fait face, soit l'Europe s'efface ». Je ne saurais trouver meilleure formule pour décrire les défis que nous devrons relever au cours des prochains mois.
Avant de vous céder la parole, permettez-moi de vous faire part, en mon nom et celui de mes collègues, de notre profonde indignation et de notre honte face aux dégradations inacceptables commises dans la nuit de dimanche à lundi sur le site du Mont-Valérien.