Je crains d'être le seul, dans cette atmosphère consensuelle, à ne pas apporter ma voix à la proposition de résolution européenne. « La lucidité est la blessure la plus proche du soleil », écrivait René Char. La lumière que je vais vous apporter me sera aussi douloureuse, puisque j'irai à rebours de l'unanimité qui semble se dégager.
Je comprends l'enjeu, les objectifs recherchés. J'ai conscience de la nécessité de protéger l'industrie de l'armement des effets de ce qu'on appelle la taxonomie européenne de la finance durable – bien que le terme « taxonomie » soit difficile à saisir au premier abord.
Toutefois, il me semble une erreur de créer des critères spécifiques aux industries de la défense : telle est la raison principale de mon opposition. Vous écrivez, dans votre rapport qu'il faut éviter une mise à l'index mais, selon moi, c'est le résultat auquel mènera la création de cette exception. Appliquer des critères particuliers aux industries de l'armement par rapport aux exigences de la transition écologique entraînera un mouvement contraire qui risque de se retourner contre les objectifs recherchés.
De manière générale, toutes les exceptions que l'on tente de définir dans le domaine de la transition écologique sont rejetées. À titre d'exemple, dans la dernière niche de mon groupe parlementaire, j'ai défendu une proposition de résolution européenne relative au financement de la transition écologique. J'ai proposé que l'on extraie certains investissements verts de la base de calcul des 3 % de déficit public. On m'a répondu que c'était absolument impossible, que l'on ne dérogeait pas aux règles. En l'occurrence, vous proposez également de déroger à une règle.
Contrairement à vous, je n'ai pas complètement confiance dans les industries de la défense. Je suis dubitatif quand je vois que certaines entreprises de défense exportatrices d'armes ne remplissent pas leurs obligations réglementaires, ne font pas preuve de la diligence requise s'agissant des droits humains définis par le droit international. Je ne suis pas sûr que leur positionnement sera très différent s'agissant de la protection de la planète. J'ai d'ailleurs écrit à certaines d'entre elles, qui ne m'ont pas répondu. Elles refusent de fournir les informations sur les conséquences potentielles au regard de l'atteinte aux droits humains de leurs exportations d'armes. Je doute de leur devoir de vigilance sur les aspects tant environnementaux qu'humains.
Je défends de longue date la création d'un pôle public bancaire. De fait, la question se poserait différemment si l'on avait une BPI (Banque publique d'investissement) beaucoup plus puissante, qui finance véritablement les investissements, par exemple dans les domaines régaliens. On aurait un levier très différent de celui qui est constitué par l'investissement des banques. Ces dernières, on le sait, recherchent leurs intérêts et ont pour objectif la réalisation des gains financiers les plus élevés possible. Craignant d'être mises à l'index, les banques pourraient limiter les crédits aux industries de la défense.