Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le vice-président de la commission des lois, madame la rapporteure, chers collègues, il est aujourd'hui demandé à l'Assemblée nationale de procéder à une adaptation de la réforme territoriale votée et mise en oeuvre sous la précédente législature.
Loin d'être fermé à toute modification de cette réforme d'importance, le groupe Nouvelle Gauche votera la proposition de loi présentée par le groupe du Mouvement démocrate et apparentés.
Cela a été rappelé avant moi, la gestion des milieux aquatiques et la prévention des inondations, appelée GEMAPI, est aujourd'hui une compétence partagée entre l'État et les différentes catégories de collectivités territoriales, à savoir le bloc communal, les départements et les régions.
Notre pays abritant de nombreux milieux aquatiques, et étant fortement concerné par les risques d'inondations, il s'avérait néanmoins pertinent d'inciter les territoires à adopter une approche globale des actions à mener en matière de gestion de ces milieux et de prévention de ces risques.
Je suis élu en Seine-Maritime, département où les vallées portent souvent le nom des cours d'eau qui les traversent – je pense aux vallées de l'Austreberthe, du Cailly, de la Seine ou du Commerce – , et qui a connu des inondations dramatiques. Fort heureusement, des élus se sont emparés de cette question et, depuis des années, gèrent ce risque avec beaucoup de pertinence et de conviction. L'adaptabilité est une ligne de conduite qui doit, à mon sens, être partagée.
Cette exigence d'une approche globale est la raison pour laquelle un amendement sénatorial avait été adopté pendant l'examen du projet de loi devenu la loi MAPTAM, qui visait à transférer la compétence GEMAPI au bloc local à compter du 1er janvier 2016.
Cette date avait finalement été repoussée de deux ans par la loi NOTRe, à l'initiative de son rapporteur à l'Assemblée nationale, Olivier Dussopt. Un tel report se justifiait par la nécessité, réelle, de permettre aux territoires de s'organiser pour mettre en oeuvre au mieux ce transfert de compétence.
À l'heure où je vous parle, l'ensemble des EPCI à fiscalité propre de notre pays doivent exercer la compétence GEMAPI entre le 1er janvier prochain et le 1er janvier 2020, sachant que les autres collectivités exerçant l'une des missions attachées à cette compétence à la date du 28 janvier 2014 peuvent poursuivre leurs engagements jusqu'au transfert de la compétence à l'EPCI, et au plus tard jusqu'au 1er janvier 2020.
Comme cela a été dit avant moi, la compétence GEMAPI, qui fait partie des missions composant le grand cycle de l'eau, regroupe quatre items : l'aménagement d'un bassin ou d'une fraction de bassin hydrographique ; l'entretien et l'aménagement d'un cours d'eau, canal, lac ou plan d'eau, y compris leur accès ; la défense contre les inondations et contre la mer ainsi que la protection et la restauration des sites, des écosystèmes aquatiques et des zones humides ainsi que des formations boisées riveraines.
Les autres missions composant le grand cycle de l'eau restent partagées entre les différentes catégories de collectivités territoriales et l'État.
Il faut également rappeler que les EPCI compétents en matière de GEMAPI pourront, afin de tenir compte des caractéristiques hydrographiques des territoires concernés, transférer ou déléguer tout ou partie de cette compétence à un syndicat de communes ou à un syndicat mixte.
La date du 1er janvier 2018 arrivant vite, de nombreuses questions restent posées s'agissant des conséquences concrètes de ce transfert de compétence.
Une première interrogation porte sur la responsabilité des élus et sur les pouvoirs de police du maire. L'attribution de la compétence GEMAPI devait clarifier la responsabilité des acteurs en fixant un cadre juridique, financier et institutionnel plus cohérent pour la mise en place des actions de lutte contre les inondations. Or, un flou juridique subsiste autour de la responsabilité des maires.
Beaucoup d'entre eux craignent qu'il ne conduise à leur accorder une responsabilité plus large que celle qui est la leur dans l'exercice de leurs pouvoirs de police actuels. Il faudrait donc que la proposition de loi apporte, avant son adoption définitive, une clarification sur ce point.
Une seconde interrogation est liée au financement de cette même compétence : les communes, comme les EPCI, pourront, si elles le souhaitent, mettre en place une taxe – dite taxe GEMAPI – répartie entre les assujettis à différents impôts locaux.
Toutefois, cette taxe est fragilisée, comme cela a été dit avant moi, par la suppression en cours de la taxe d'habitation, qui rend son assise moins ferme qu'elle ne l'était au moment de l'examen des lois MAPTAM et NOTRe.
Par ailleurs, nous savons que les contraintes financières des agences de l'eau posent le problème de la pérennité du financement de la compétence GEMAPI. À ce stade, il n'est pas envisageable que seuls les communes et les EPCI aient à leur charge une gestion d'ouvrages qui dépasserait largement leurs capacités et leurs moyens : je pense en particulier à la gestion des fleuves. Par l'article 2, il est proposé que le Gouvernement remette un rapport sur les évolutions financières. Pour sa part, le groupe Nouvelle Gauche propose de réintroduire la responsabilité de l'État sur les digues domaniales, ouvrages bien trop importants pour être confiés aux EPCI.
Toujours est-il que les dispositions de cette proposition de loi vont dans le bon sens, ainsi que les modifications apportées la semaine dernière en commission des lois. Je pense en particulier à l'article 1er , qui permet non seulement aux collectivités exerçant l'une des missions relevant de la compétence GEMAPI au 1er janvier prochain de demeurer compétentes en la matière jusqu'au transfert de cette compétence aux EPCI, mais aussi aux départements qui remplissent cette condition de continuer à exercer la compétence GEMAPI au-delà du 1er janvier 2020. L'obligation de conclure une convention pour ce faire est un point important pour faciliter la coordination des différentes actions.
L'article 1er bis, issu d'un amendement de notre collègue Sylvain Waserman, a le mérite de répondre à des situations locales particulières. L'article 3, qui crée une dérogation bienvenue, est dans la même veine.
L'article 2, par lequel il est demandé au Gouvernement de remettre un rapport au Parlement, permettra d'éclairer la représentation nationale sur les conséquences du transfert de la compétence GEMAPI pour la gestion des fleuves et, suite à un amendement voté en commission, des digues domaniales. Cette disposition est à souligner, quand on sait que la décision de transférer cette compétence s'est faite sans évaluation préalable.
L'article 4, en rendant sécables les quatre items de la compétence GEMAPI, sera inévitablement source de simplification, ce dont il faut se féliciter. Enfin, les articles 5 et 6 reposent sur un constat simple : clarifier l'organisation de la compétence GEMAPI ne doit pas empêcher la coopération entre collectivités.
Pour terminer, je tiens à appeler votre attention sur les quatre amendements déposés par le groupe Nouvelle Gauche. Je le disais, un amendement portant article additionnel après l'article 2 tend à réintroduire la responsabilité de l'État pour les digues domaniales, ouvrages bien trop importants pour être confiés aux seuls EPCI.
Trois autres amendements, portant articles additionnels après l'article 7, visent pour leur part à apporter des assouplissements dans le transfert à venir des compétences « eau » et « assainissement » à l'ensemble des EPCI à fiscalité propre. Ce sont essentiellement, je dois le reconnaître, des amendements d'appel, sans lien direct avec le texte, sinon l'inscription dans le processus que j'évoquais au début de mon intervention : adapter la réforme territoriale votée et mise en oeuvre sous la précédente législature pour tenir compte des remontées du terrain, dont l'ensemble de mes collègues à cette tribune se sont fait l'écho.
Vous l'avez compris, le groupe Nouvelle Gauche votera cette proposition de loi. Cela coulait de source, mais ça va mieux en le disant.