Intervention de Stéphane Peu

Séance en hémicycle du jeudi 30 novembre 2017 à 21h30
Résidence de l'enfant en cas de séparation des parents — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaStéphane Peu :

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le vice-président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, chers collègues, depuis des décennies, la détermination de la résidence de l'enfant en cas de séparation des parents est vivement débattue. Ce sujet est source de controverses et d'actions médiatisées de parents en colère contre l'institution judiciaire.

Depuis 2002, le code civil offre un choix aux parents et au juge : il est possible de fixer la résidence de l'enfant soit en alternance au domicile de chacun des parents, soit au domicile de l'un d'eux. Ce principe général du choix a été décidé car il a été largement établi qu'aucune forme de résidence ne prévalait sur une autre. Sa détermination est examinée au cas par cas selon des critères multiples – entente des parents, âge de l'enfant, proximité des résidences.

La législation actuelle, aussi imparfaite soit-elle, dans des contextes de grandes souffrances de part et d'autre, a le mérite de laisser une large marge d'appréciation aux parents et au juge dans l'intérêt supérieur de l'enfant et de ne pas imposer, par principe, de manière automatique et indifférenciée, la mise en place d'une résidence alternée.

La proposition de loi que nous examinons aujourd'hui revient sur ce principe du choix pour imposer un mode, celui de la résidence alternée. Nous y sommes opposés pour plusieurs raisons.

Les données statistiques produites par le ministère de la justice indiquent que la résidence alternée n'est pas le mode de garde le plus demandé par les parents. Seulement 25 % d'entre eux la choisissent, et certains d'entre eux reviennent sur leur choix durant les premiers mois. En cas d'accord des deux parents, ce qui est fort heureusement le cas dans 80 % des séparations, les juges confirment dans 99,8 % des cas la décision coparentale. Dans les cas de désaccord entre les parents, le juge fixe deux fois plus souvent la résidence chez le père que dans les cas d'accord.

Alors à quoi bon vouloir revenir sur ce principe général qui répond dans la très grande majorité aux demandes des parents et à l'intérêt supérieur de l'enfant ? Pourquoi vouloir imposer un mode de garde que 75 % des parents qui se séparent ne choisissent pas ?

Cela ne nous semble pas sérieux, voire dangereux. Les députés communistes considèrent que la résidence alternée ne doit pas devenir automatique. Elle doit rester une possibilité d'organisation de l'exercice conjoint de l'autorité parentale, au même titre que la domiciliation chez l'un des parents. Son intérêt doit être apprécié au cas par cas, au regard de la situation de chaque parent et, avant tout, des besoins de l'enfant.

Or il est très difficile dans les cas de séparation des parents de déterminer a priori si l'enfant a intérêt à vivre en alternance chez ses deux parents ou en priorité chez l'un d'eux. L'intérêt de l'enfant impose la prise en compte de la situation dans toute sa complexité, dans les moindres détails.

Des pédopsychiatres, des psychologues et des psychiatres ont fait part récemment, dans un texte adressé aux députés, de leur « grande inquiétude » concernant cette proposition de loi. Ces professionnels de l'enfance mettent notamment en garde contre le risque de troubles chez les enfants âgés de moins de 6 ans.

Certes, plusieurs amendements ont été adoptés en commission pour rendre cette proposition de loi plus acceptable. Certains défenseurs du texte considèrent même qu'il a été vidé de sa substance. Il viserait maintenant, selon le rapporteur, à donner simplement « une direction » vers la coparentalité. D'ailleurs, le titre a été modifié. De « Principe de garde alternée des enfants », on est passé à « Résidence de l'enfant en cas de séparation des parents ».

En dépit des modifications adoptées, ce texte, mal ficelé, maintient l'instauration d'un principe général de double domiciliation chez chacun des parents, c'est-à-dire de résidence alternée, tandis que la résidence au domicile de l'un des parents devient l'exception.

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