Intervention de Xavier Breton

Séance en hémicycle du jeudi 30 novembre 2017 à 21h30
Résidence de l'enfant en cas de séparation des parents — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaXavier Breton :

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le vice-président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, chers collègues, nous examinons aujourd'hui une proposition de loi relative à la résidence alternée. Personne ne doute qu'il s'agisse là d'un texte très délicat, puisqu'il touche à la situation des enfants après la séparation de leurs parents. Derrière ce texte, se cachent des histoires familiales particulièrement compliquées, souvent douloureuses. Derrière les mots que nous emploierons, se trouvent des personnes qui vivent très difficilement la séparation, l'éloignement, le conflit. Et tout au long de nos débats, nous ne pourrons ignorer la réaction de certains pères, qui manifestent leur colère pour faire entendre leur séparation insupportable d'avec leurs enfants. Nous ne pourrons pas non plus passer sous silence les conditions matérielles difficiles dans lesquelles des mères élèvent leurs enfants, ni étouffer les craintes de ces femmes victimes de violences.

À aucun moment, nous ne pourrons oublier les enfants qui, bien malgré eux, peuvent se retrouver pris en otages d'une séparation qu'ils n'ont pas voulue.

Toutes ces précautions sont celles que nous aurions dû prendre avant d'aborder un sujet qui touche à l'éducation et aux liens familiaux. Malheureusement, elles n'ont pas été prises. En voulant modifier le code civil à marche forcée, vous aurez au moins réussi à provoquer une impressionnante levée de boucliers ces jours derniers, dont nous avons pu mesurer l'importance au travers de tous les mails qui nous ont été adressés, en particulier par des pédopsychiatres, qui n'ont eu de cesse de nous mettre en garde, ou des associations féministes, effrayées par le risque que les mères ne soient encore davantage précarisées.

Soulignons que cette levée de boucliers intervient alors que nous examinons le premier texte sociétal de la législature. Alors que les sujets de société ont créé de profondes divisions au cours du précédent quinquennat, au sein de notre hémicycle, mais surtout de notre société, nous avons l'amer sentiment qu'aucun enseignement n'a été tiré de ces malheureuses expériences.

Bien au contraire, nous retrouvons dès le premier texte sociétal les arguments qui nous ont été servis au cours des cinq dernières années, à commencer par celui de la modernité, sans que l'on sache très bien ce que recouvre cette notion, le plus important étant sans doute de se revendiquer moderne, comme l'illustre cette phrase extraite de l'exposé des motifs de la proposition de loi et brandie tel un leitmotiv : « Il s'agit de moderniser notre droit ».

Second argument : l'égalité. L'exposé des motifs de la proposition de loi, mais aussi le texte du rapport, sont clairs : l'objectif est de traduire l'égalité entre les parents. Une nouvelle fois, nous ne pouvons que constater l'incapacité à penser ensemble égalité et différence, à articuler l'égalité et les différences. À aucun moment il n'est tenu compte de la complémentarité père-mère ni de l'altérité sexuelle.

L'égalité conduit, mais peut-être est-ce finalement cela, la modernité, à réduire les personnes à des individus anonymes, standardisés, interchangeables. Mais en niant la différence, en niant l'altérité, l'égalité se heurte à la réalité concrète qui, elle, se nourrit de ces différences.

Ce texte s'inscrit également dans une logique qui fait des ravages au sein de notre société, celle du droit à l'enfant, revendiqué par les adultes. Qu'en est-il de l'intérêt de l'enfant, en effet, quand il se trouve subordonné à un principe extérieur, celui de la résidence alternée ?

Autre argument : celui du prétendu exemple des autres pays européens. L'exposé des motifs est limpide : de nombreux pays européens auraient déjà intégré le principe de la résidence alternée dans leur droit. Cet argument est dangereux en ce qu'il nous conduirait, tôt ou tard, à adopter la gestation pour autrui ou l'euthanasie, à la suite de la Belgique, des Pays-Bas ou de la Grande-Bretagne. Plutôt que d'être à la remorque des législations anglo-saxonnes, utilitaristes et ultralibérales, plutôt que de nous laisser aller dans un moins-disant sociétal, soyons fiers de l'exception française en matière éthique !

Ce texte s'inscrit encore plus dans une logique ultralibérale en favorisant la déjudiciarisation, en organisant la vie familiale sur la seule base contractuelle. Or, cette logique conduit à ne plus protéger comme il se doit le plus faible, le plus fragile.

Les objectifs que vous affichez sont empreints d'une tentation malheureusement trop connue, celle de vouloir rééduquer ceux qui n'adoptent pas la pensée unique. Relisons cette phrase du rapport : « La proposition de loi a pour objectif de faire évoluer la perception du rôle social de chacun des parents ». La législation, au lieu de prendre en compte avec précaution la diversité des situations, s'inscrit dans une démarche idéologique.

Autre trait de ce texte, qui rappelle quelques précédents : la volonté de donner satisfaction à une petite minorité, au risque de perturber la vie de la grande majorité de nos concitoyens. Rappelons que le pourcentage des pères qui ont fait une demande de résidence alternée sans obtenir satisfaction est de 2,6 % sur l'ensemble des pères séparés.

Ce texte s'inscrit dans la lignée de bien d'autres, aussi par sa précipitation. Sur un sujet aussi délicat, aucune étude d'impact, aucun avis du Conseil d'État – puisqu'il s'agit d'une proposition de loi – n'éclaire nos choix. À peine écrit, il aura déjà fallu le réécrire complètement en commission. Il faudra à nouveau le corriger ce soir, et Mme la ministre nous a indiqué qu'il devrait être complété dans les prochains mois.

Alors qu'un texte pourrait être annoncé sur la famille et la politique familiale, alors qu'est prévue la révision des lois de bioéthique, vous comprendrez l'inquiétude que soulève l'examen de cette proposition de loi.

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