Madame la secrétaire générale, dans votre propos liminaire, vous avez à juste raison souligné votre attachement à l'indépendance de la justice, et un peu plus loin, indiqué que celle-ci était une institution. Je vous rejoins tout à fait. La justice est une institution, comme le Parlement en est une, et comme la presse libre et indépendante en est une autre dans une société démocratique, qui fonctionne sur ces fondamentaux.
J'ai été interpellé, il y a quinze jours par un article d'un hebdomadaire dominical qui traitait d'un sujet qui revient en boucle ces dernières semaines et concerne l'un de nos collègue, M. Thierry Solère. Cet article était titré « Le complot des juges » et cela m'a amené à m'interroger, à « googliser » comme on dit le sujet, et j'en ai tiré plusieurs interrogations dont je vais vous faire part.
Vous aviez, en qualité de procureur de Versailles, le 19 juin 2018, transmis une demande de levée d'immunité parlementaire concernant notre collègue. Deux faits essentiels y figuraient : des crédits immobiliers déclarés par le député réputés fictifs, et le fait qu'il aurait perçu plus d'un million d'euros de la part de l'un de ses amis, sans déclarer cette somme aux services fiscaux. Le parlementaire a été placé en garde à vue, à la suite de la décision de levée d'immunité parlementaire qui date, elle, du 11 juillet 2018. Comme la presse s'en faisait encore l'écho hier, notre collègue s'interroge sur le fait que figurait selon lui dans son dossier tous les éléments de preuves qui auraient dû amener au rejet de cette demande de levée d'immunité. Et ce, de manière bien antérieure à sa transmission au bureau de l'Assemblée nationale.
Ma question est toute simple, madame la secrétaire générale : avez-vous aujourd'hui, devant nous et après avoir prêté serment, connaissance de dysfonctionnements au sein de l'autorité judiciaire dans cette enquête ?
Je vais plus loin : vous avez transmis le 19 juin votre demande à madame la garde des Sceaux. Celle-ci l'a transmise le 22 juin au président de l'Assemblée nationale de l'époque. Et dans l'intervalle, le 21 juin, la direction des affaires criminelles et des grâces transmettait une note qui concernait elle – là aussi, c'est dans la presse – les rapports entre notre collègue et le juge d'instruction Roger Le Loire. Ce point avait fait l'objet d'un classement sans suite, par le procureur de Paris de l'époque François Molins, en février 2018. Toutefois, il apparait encore dans la demande de levée d'immunité parlementaire.
Comment qualifieriez-vous aujourd'hui juridiquement, le fait que soit transmis à l'Assemblée nationale un fait présenté comme avéré, alors que quatre mois auparavant, l'affaire avait été classée sans suite ?
Enfin, hier, dans l'hebdomadaire Marianne, la procureure de Nanterre, Catherine Denis, fait état d'une série de pressions entre les deux tours de l'élection présidentielle, dont certaines concernaient ce dossier et lesquelles émaneraient, je cite, « de la Chancellerie, via le Parquet général de Versailles ». Aviez-vous connaissance de ces pressions, madame la secrétaire générale ? Et je finirai par une question chapeau : comment peut-on expliquer que l'inspection générale de la justice n'ait pas été saisie de ce sujet ?