Monsieur Mouhanna, je suis content que vous ayez indiqué dans vos propos introductifs que ce qui pouvait être entendu comme des propos à charge contre les forces de l'ordre ne devait pas forcément être pris en tant que tels car j'avoue les avoir un peu pris ainsi pour ce qui me concerne ! Je vais donc essayer de vous faire part de mon interprétation, même si je suis assez d'accord avec certaines des assertions des uns et des autres.
Monsieur Blanchard, il n'est pas rare de constater, avez-vous déclaré, que les manifestants ne sont plus équipés pour tenir tête aux forces de l'ordre, sous-entendu « contrairement à ce qui était le cas auparavant ». Nous comprenons que l'égalité des armes serait un élément important.
Certains d'entre vous, dans cette salle, ont participé à un documentaire récent sur le maintien de l'ordre, actuellement projeté au cinéma. Je m'empresse de préciser que je l'ai vu, sans quoi les réseaux sociaux m'inviteront plus ou moins gentiment à aller le voir ! J'ai donc bien vu ce documentaire qui traite largement du monopole de la violence légitime.
Notre contrat social implique que le policier et le gendarme aient des pouvoirs exorbitants. Le droit pénal, qui est produit notamment dans cette maison, rappelle qu'insulter ou blesser un policier ou un gendarme ne revient pas à insulter ou à blesser un tiers : cela constitue une circonstance aggravante. C'est bien la preuve que les forces de l'ordre ne sont pas sur un pied d'égalité avec les autres citoyens, d'un point de vue strictement juridique. Aussi, me semble-t-il, il n'y a pas d'égalité des armes et je pense que notre contrat social repose sur l'adage : force doit rester à la loi. Je ne suis pas gêné par l'idée que le maintien de l'ordre organise ce monopole de la violence désarmant les manifestants.
En tant que sociologues – même si vous ne l'êtes pas tous, vous portez tous un regard sociologique sur ces sujets –, vous devriez vous interroger sur une forme de banalisation ou de regard porté par une partie de notre société sur les forces de l'ordre et en contrepoint sur l'extraordinaire demande d'autorité qu'elle réclame. Voilà ma réaction.
J'en viens à ma question, qui s'adresse plus spécifiquement à M. Blanchard en sa qualité d'historien. Il s'agit d'une question ouverte, je n'ai pas d' a priori quant à la réponse.
Vous sembliez dire qu'en regardant dans le rétroviseur, nous constaterions que certaines violences manifestantes étaient plus importantes dans le passé, pendant les manifestations de 1968, par exemple. Est-il possible de porter un regard à caractère plus scientifique ? Concrètement, pouvons-nous mesurer les dégâts causés – le nombre de voitures brûlées, de personnes blessées –, les coûts engendrés, par exemple, entre les manifestations des Gilets jaunes et celles de mai 68 ? Des études comparatives ont-elles été réalisées sur le nombre de voitures dégradées en 2019 et en 1968, sur les remboursements des assurances ? Les chiffres permettraient des comparaisons.