Intervention de Michel Herbillon

Réunion du mercredi 12 janvier 2022 à 14h30
Commission d'enquête sur les dysfonctionnements et manquements de la politique pénitentiaire française

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMichel Herbillon :

Je souligne à mon tour le travail de qualité que nous avons mené, avec 135 auditions et quatre déplacements, ainsi que l'ambiance qui a régné au sein de notre commission d'enquête durant ces six mois. Je rends hommage au président pour la manière dont il a conduit les travaux, ainsi qu'à notre rapporteure. Un grand nombre de sujets ont été abordés avec beaucoup d'ardeur, d'intensité et de sérieux.

Il faut toutefois déterminer si ce que nous proposons répond à l'intitulé de la commission d'enquête. Sans vouloir polémiquer, je rappelle que la rapporteure elle-même, au début de nos travaux, s'était étonnée de cet intitulé. C'était aussi l'objet de la première remarque du garde des sceaux, Éric Dupond-Moretti, lors de son audition : visiblement, il n'en était pas satisfait. Pourtant, le président du groupe et les députés Les Républicains ne l'ont pas choisi au hasard.

Les questions touchant à la sécurité et à l'ensemble de la chaîne pénale – y compris la détention et le suivi des personnes sortant de prison – sont très importantes pour nos concitoyens. Elles les concernent tous, quelle que soit leur sensibilité politique. À cet égard, je ne partage pas les propos du garde des sceaux, selon lesquels il y aurait non pas de l'insécurité, mais un sentiment d'insécurité. Les faits disent l'inverse.

Les propositions contenues dans le rapport répondent-elles à l'urgence que ressentent nos concitoyens ? Permettent-elles de remédier aux dysfonctionnements et aux manquements de la politique pénitentiaire ? En tant que parlementaires et membres de la commission d'enquête, il nous revient de poser ces questions. Or, je dois marquer à mon tour ma déception, car il manque des propositions relatives à certains enjeux, quand d'autres ne sont pas à la hauteur des défis que nous avons à relever pour le compte des citoyens que nous représentons.

Il est vrai que certaines propositions vont dans le bon sens. Je pense à celles qui visent à améliorer les conditions de travail des agents pénitentiaires, à renforcer l'attractivité des métiers, à donner aux agents de l'administration pénitentiaire des perspectives de carrière, de meilleures conditions de logement, un meilleur statut, des conditions de rémunération plus favorables. Elles font d'ailleurs consensus auprès des membres de la commission d'enquête.

De même, je remercie la rapporteure d'avoir retenu les propositions du président concernant l'aménagement de la loi SRU, qui rejoignent ses préoccupations. Pour avoir été maire, je connais tous les bonheurs découlant de la loi SRU… Il est fondamental de tenir compte du point de vue des élus locaux – ceux qui ont un établissement pénitentiaire dans leur commune et ceux chez qui l'on envisage d'en construire un.

Lors de chacune de nos auditions et de nos visites, il a été question de la radicalisation en prison. Or, le rapport ne contient qu'une seule proposition sur le sujet, la proposition no 11, du reste trop générale et n'allant pas assez loin. Il faut être beaucoup plus audacieux et précis ; le phénomène doit faire l'objet d'une attention poussée. Le renseignement pénitentiaire est trop peu abordé lui aussi. De même, on ne va pas assez loin pour ce qui concerne le suivi, à leur sortie de prison, des personnes dangereuses pour la société. Il n'est pas suffisamment question non plus de l'encellulement individuel.

La surpopulation carcérale est un phénomène connu de tous, qui ne date pas de cette législature. Mme la rapporteure a évoqué le chiffre de 13 188 détenus en surnombre, soit près de 20 % de la population carcérale. La question est prégnante, car cette situation entraîne toute une série de problèmes, notamment au regard des conditions de détention, qui doivent pourtant respecter le principe essentiel qu'est la dignité humaine. Comme vous, madame la rapporteure, je considère qu'il n'est pas normal que des détenus s'entassent parfois à trois dans des cellules de 9 mètres carrés. L'amélioration de la condition pénitentiaire est essentielle et légitime.

J'ai trouvé laborieuse l'explication du garde des sceaux concernant le report à 2027 de l'engagement de créer 15 000 nouvelles places de prison. Mme la rapporteure a dit à cet égard : « Ce bilan n'est donc pas totalement critiquable. » Cela signifie bien qu'il est loin d'être totalement satisfaisant – c'est le moins que l'on puisse dire. Je regrette que l'engagement pris par le Président de la République n'ait pas été tenu, et ne suis pas certain que l'on obtienne ces 15 000 places en 2027.

Enfin, je n'ai pas reçu le document relatif à Fresnes que M. le garde des sceaux, lors de son audition, avait promis de me transmettre. J'ai sollicité son directeur de cabinet en séance, qui m'a renvoyé vers le conseiller parlementaire. Celui-ci n'a pas jugé utile de me répondre. Il est vrai que je suis dans l'opposition, mais on peut quand même attendre d'un conseiller parlementaire qu'il réponde au bout de trois ou quatre jours à un député, membre d'une commission d'enquête, qui demande simplement qu'on lui communique un document que le garde des sceaux avait en sa possession lors d'une audition. Je ne désespère pas que ma requête soit entendue jusqu'à la place Vendôme.

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