Intervention de Élisabeth Toutut-Picard

Réunion du jeudi 15 octobre 2020 à 9h30
Commission d'enquête sur l'évaluation des politiques publiques de santé environnementale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaÉlisabeth Toutut-Picard, présidente :

Vous répondez à ma question de façon indirecte. J'entends le fait que la FNSEA est particulièrement consciente des enjeux de la santé environnementale et de la place que les agriculteurs occupent dans le dispositif.

Vous insistez sur cette phase de transition qu'il faut accompagner et cela semble signifier que tous les agriculteurs ont pris conscience de la place qu'ils occupent dans notre problématique planétaire, aussi bien en ce qui concerne le réchauffement climatique que les pollutions en tous genres, notamment l'exposition à la chimie.

Votre discours est assez réconfortant et vous semblez vraiment engagé dans cette dynamique. Pourtant, des dissonances et des décalages énormes existent entre ce que vous portez comme objectif et ce que nous observons sur le terrain, c'est-à-dire des pratiques qui continuent à être polluantes, qui mettent en péril notamment les riverains.

Il existe sur le terrain des conflits entre la population et les agriculteurs. Ils font certes l'objet d'une concentration de toute l'agressivité et des inquiétudes de la population. Lorsque les agriculteurs sortent en tenue de cosmonaute pour arroser leurs champs, les gens ne peuvent que s'interroger sur les risques qu'ils leur font prendre. J'observe, sur le terrain, un véritable décalage entre le discours, le ressenti et les témoignages d'une certaine inquiétude générale.

Je suis parfaitement d'accord sur le fait que l'agriculture française a dû faire un bond technique, notamment par le recours aux produits phytosanitaires, pour répondre à la demande après la guerre. Tout le monde est coresponsable de ce recours systématique à la chimie pour augmenter la productivité, cela nous a évité la famine et il faut répondre aux besoins alimentaires.

Le souci est que cela donne l'impression que nous avons un peu joué aux apprentis sorciers et que nous avons été dépassés par les outils. Il faudrait revenir maintenant à une sobriété chimique. Je ne parle pas d'une disparition complète mais d'une sobriété. Nous risquons sinon de tous nous mettre en péril, aussi bien les agriculteurs que la population française.

Comment gérer ce décalage entre les objectifs et la réalité du terrain ? Notamment, au-delà de ce que vous nous avez présenté qui prouve la prise de conscience au plus haut niveau des confédérations paysannes, vous êtes-vous donné des objectifs quantifiés, par région par exemple ? J'ai essayé d'avoir quelques informations sur les pratiques culturales dans ma circonscription mais il n'existe aucun document. Nous n'avons pas de cartographie. Nous ne savons pas qui consomme des produits phytosanitaires et lesquels. Nous ne savons pas où se trouvent les problèmes.

Nous savons par grande filière quelles sont les difficultés techniques rencontrées mais j'ai l'impression que votre stratégie est incomplète. Vous parlez d'Écophyto dont tout le monde s'accorde malheureusement à dire que c'est un échec. Pourquoi cet outil conçu pour vous aider à accomplir cette transition écologique n'a-t-il pas fonctionné ?

Vous dites qu'il faut trois ans pour convaincre un agriculteur mais depuis combien de temps avez-vous lancé cette démarche ? Pourquoi n'est-ce toujours pas efficace ? Vous êtes-vous donné des objectifs quant aux surfaces cultivées par des techniques traditionnelles, selon la région, la filière ? Avez-vous un tableau de bord qui confirme ce que vous venez de nous dire ? Avez-vous une cartographie des pratiques agricoles ? Avez-vous évalué ce qui est nécessaire financièrement ?

Nous sommes bien conscients que les agriculteurs doivent vivre de leur pratique mais nous sentons la présence de freins. Est-ce une question de formation initiale ? Est-ce une réserve d'autodéfense de la part des agriculteurs ? Comment arriver à les faire évoluer dans leur prise de conscience pour avoir un véritable effet et ne pas gaspiller de l'argent comme dans le plan Écophyto qui n'a en définitive pas été efficace ?

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