Intervention de Élisabeth Toutut-Picard

Réunion du jeudi 19 novembre 2020 à 15h30
Commission d'enquête sur l'évaluation des politiques publiques de santé environnementale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaÉlisabeth Toutut-Picard, présidente :

Je vous remercie pour ce cours magistral et un peu « décoiffant » sur l'état de la recherche en France. Vous avez soulevé des problèmes éclairants sur le fait que nous paraissons finalement ne rien apprendre de l'expérience. Nous nous habituons tant bien que mal, nous essayons de trouver des solutions sur un mode toujours réactif mais nous ne prenons jamais vraiment le temps de réfléchir ni, surtout, comme vous l'avez bien dit, d'anticiper. J'entends avec beaucoup d'intérêt ce que vous avez dit sur la déformation intellectuelle de nos chercheurs. Vous avez d'ailleurs osé dénoncer le conservatisme de la recherche qui, dans certains cas, comme actuellement pour la covid, peut être mortel. Vous avez indiqué travailler sur ces sujets depuis un certain nombre d'années et cela ne nous a pourtant pas permis de nous préparer à cette pandémie. Vous avez ajouté, en nous faisant peur, que cette pandémie n'est rien par rapport à ce que nous pourrions vivre si jamais la grippe aviaire prend le relais.

Vous disiez apprécier davantage l'ambiance de la recherche anglo-saxonne qui favorise les formations initiales pluridisciplinaires alors que, en France, nous sommes hyperspécialisés. Cela entraîne, dans le travail de recherche, des biais cognitifs par manque d'expertise pluridisciplinaire et le fait que les hypothèses sous-jacentes sont influencées par l'ambiance intellectuelle du moment. L'ambiance est toujours dans le curatif plutôt que le préventif et l'anticipation.

Le manque d'appétence des jeunes chercheurs à travailler en France ne s'explique peut-être pas uniquement par le niveau des salaires, mais aussi par cette ambiance très frustrante qui empêche la créativité et la prise de risque, par le manque de liberté de penser et d'oser penser différemment.

Les problématiques que vous avez soulevées appartiennent à l'ambiance culturelle de la recherche actuelle, mais sont dues aussi au fait que l'objet recherché est complexe, puisque vous avez parlé d'approche systémique. En santé environnementale, nous nous heurtons souvent à ce problème de savoir par où commencer. Les interactions sont tellement nombreuses, les interdépendances tellement diffuses que nous ne savons plus très bien quelle approche méthodologique suivre. Que pourriez-vous nous proposer pour être réellement opérationnel sur cette réalité infiniment complexe, sachant aussi que le temps du chercheur n'est pas le temps du politique ? Les politiques sont amenés à demander conseil aux chercheurs. Lorsqu'ils sentent un flottement sur la parole scientifique, ils sont déstabilisés et désorientés, surtout lorsqu'ils essaient de s'accrocher à quelques résultats scientifiques qui semblent probants mais ne sont pas totalement fiables. Les lobbyistes s'engouffrent dans ces brèches en contestant la parole scientifique.

Quelle approche méthodologique permettrait d'être opérationnel pour un politique coincé dans le délai d'un mandat, obligé de faire vite et d'être efficace ?

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