Intervention de Amélie de Montchalin

Réunion du mercredi 11 décembre 2019 à 17h30
Délégation française à l'assemblée parlementaire du conseil de l'europe

Amélie de Montchalin, Secrétaire d'État chargée des Affaires européennes :

La laïcité est aussi un sujet au cœur de l'Union européenne. Mon sentiment est que la France a un modèle très particulier, où aucune religion n'est liée à l'État. Or, d'autres pays ont des modèles de laïcité coexistant avec une religion d'État.

La bonne ligne à adopter pour la défense du modèle français est de mettre en avant qu'il repose sur la liberté et exclut les arrangements. La notion d'arrangement raisonnable suppose qu'au nom de la liberté des uns, on restreigne la liberté des autres, alors qu'en France le respect de la liberté de chacun à croire ou non n'implique pas la restriction de la liberté des autres. C'est une approche qui permet de défendre, au fond, ce qu'est la loi de 1905, qui est une loi de liberté, sans rentrer dans des considérations comme la neutralité ou la discrétion, qui sont des concepts inaudibles pour les pays n'ayant pas nos repères. On peut ainsi faire valoir qu'en France, dans une entreprise, on peut être croyant sans pour autant restreindre la liberté des clients et des collègues de ne pas l'être ou de l'être différemment.

Je pense que, souvent, on peut faire passer ses objectifs ou idées sans rentrer dans un débat que d'autres ne comprennent pas, du fait de leur culture propre. C'est ainsi, me semble-t-il, qu'on peut arriver à défendre la loi de 1905 sans jamais prononcer le mot laïcité qui n'a pas de sens ailleurs qu'en France. Dans beaucoup de pays et de langues, le terme laïcité équivaut même à anticléricalisme, ce qui est en fait assez contraire, voire exactement contradictoire, avec l'esprit de la loi 1905 qui n'est pas un texte anti-religions, mais plutôt un texte qui garantit à chacun de pouvoir en avoir une, sous réserve de limites en termes de visibilité d'exposition et d'influence sur la politique et l'État.

Je vous parle un peu de manière pragmatique parce qu'il y a des débats de ce genre au conseil franco-allemand de l'intégration, cercle de dialogue où la France et l'Allemagne partagent leurs bonnes pratiques ou leurs difficultés sur tous les sujets d'intégration et, donc, en fait, de laïcité. Le terme « intégration » a été retenu car le mot « laïcité » n'a aucun sens dans la pratique allemande. Dans ce genre de débats, c'est très compliqué car le mot laïcité signifie bien souvent pour vos interlocuteurs la négation de la religion, ce qui n'est pas le cas de ce que l'on défend.

Pour résumer, la situation en France est la suivante : chacun peut croire, mais sa croyance ne doit pas affecter la liberté des autres à croire eux-mêmes ou à ne pas croire. Si vous défendez cette ligne-là, vous devriez arriver à tenir une ligne de crête dans vos débats. Il faut néanmoins reconnaître que cela demande parfois une petite gymnastique intellectuelle.

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