Intervention de Wojciech Sawicki

Réunion du mercredi 16 décembre 2020 à 16h30
Délégation française à l'assemblée parlementaire du conseil de l'europe

Wojciech Sawicki, Secrétaire général sortant de l'APCE :

La question de l'élargissement du Conseil de l'Europe aux pays des Balkans a soulevé une question de principe dans les années 1990, consistant à savoir si l'Organisation pouvait exiger immédiatement de leur part, au sortir de l'effondrement de l'Union soviétique, des standards en matière d'État de droit, de démocratie et de droits de l'Homme qui soient identiques aux États membres « historiques ». Le choix a été fait de les admettre tout de suite et, par une procédure de suivi des progrès sur le chemin de la démocratisation et de l'État de droit, de les accompagner. Cette procédure de suivi, qui repose sur l'esprit de coopération des pays concernés, fonctionne dans certains cas mais pas dans tous. Il faut néanmoins persévérer.

Le cas du Kosovo est particulier et délicat. Deux-tiers des États membres l'ont reconnu comme État indépendant, le tiers restant considérant qu'il fait toujours partie de la Serbie. Nous ne savons pas comment le Conseil de l'Europe répondrait à une demande d'adhésion émanant des autorités du Kosovo. Ce pas décisif n'a pas été franchi car le contexte ne s'y prête pas pour le moment. Qui plus est, le Kosovo dispose de certains droits à l'APCE et il est membre de la Commission de Venise.

S'agissant des occupations russes en Géorgie, Moldavie et aussi en Ukraine, le fait est que des troupes militaires sont présentes sur ces territoires et que le Conseil de l'Europe n'est pas l'organisation internationale en charge des conflits armés. N'oublions pas, à cet égard, les cas de Chypre et du Haut-Karabakh, qui concernent d'autres régions du ressort géographique de l'Organisation.

Le Conseil de l'Europe n'a ni le mandat, ni la possibilité de définir une solution politique à ces conflits. Il ne peut pour autant rester totalement étranger à ces situations où des questions touchant aux droits humains et à des considérations humanitaires se posent. C'est la raison pour laquelle le droit de visite des organes de suivi et des parlementaires de l'APCE sur place est absolument essentiel.

Pour ce qui concerne la procédure de suivi en elle-même, je dis toujours à tout nouveau Président de l'APCE prenant ses fonctions qu'une réflexion sereine sur le sujet serait nécessaire. Pour certains États membres, cette procédure de monitoring dure depuis leur adhésion au Conseil de l'Europe, nourrissant ainsi à tort ou à raison le sentiment d'une inégalité entre pays et délégations au sein de l'Organisation.

Si l'on y regarde de près, aucun État membre n'est parfait en matière de droits de l'Homme, de démocratie et d'État de droit. Preuves en sont les arrêts prononcés par la Cour européenne des droits de l'Homme à l'encontre de tous les États membres du Conseil de l'Europe chaque année. Il arrive en revanche que la procédure de suivi soit ouverte sur la base de constats et d'inquiétudes justifiées. C'est le cas s'agissant de la Pologne, cette année. Cette orientation me semble davantage faire sens en la matière.

La question de la composition de la commission du monitoring demeure ouverte à mes yeux : ses membres sont actuellement exclusivement désignés par les groupes politiques, pour des raisons qui se comprennent, mais certains argumentent en faveur de désignations par les délégations nationales, ce qui peut aussi trouver des justifications. Il faut y réfléchir car aujourd'hui plus de 100 membres de l'Assemblée parlementaire (Russes, Turcs et autres) n'appartiennent à aucun groupe politique et se trouvent ainsi exclus de la commission ; or il ne faut pas perdre de vue que ce mécanisme de l'APCE, comme tous les autres d'ailleurs, doit fonctionner selon un caractère inclusif.

J'observe comme vous, Monsieur le sénateur, que les mandats des commissions des questions politiques et du suivi se recoupent parfois. La définition réglementaire des mandats des commissions, intervenue en 2008-2009, a attribué – pour une raison qui m'échappe – à la commission des questions politiques et à la commission du suivi la même compétence de s'intéresser au fonctionnement des institutions démocratiques dans les États membres, dans des termes quasiment identiques. Est-ce une erreur ? Le risque de conflit de compétences avait-il été bien envisagé à l'époque ? Je ne sais, mais ce point devra indéniablement être clarifié à l'avenir afin d'éviter des difficultés dans l'attribution des rapports à la commission la plus appropriée à chaque fois.

S'agissant enfin des missions post-électorales, indépendamment du cas d'espèce de la Géorgie que vous avez mentionné et qui ne donnera finalement pas lieu à l'envoi d'une telle mission en raison du contexte sanitaire, il existe parfois de bons arguments pour dépêcher ce type de missions, notamment lorsque des tensions existent dans un pays après le scrutin. Reste que, quand un co-rapporteur de la commission du suivi s'y oppose, comme vous l'avez fait, le Bureau, qui est décisionnaire, doit se poser la question de la pertinence d'un tel déplacement.

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