Délégation française à l'assemblée parlementaire du conseil de l'europe

Réunion du mercredi 16 décembre 2020 à 16h30

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • APCE

La réunion

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Présidence de Mme Nicole Trisse, députée, Présidente

La séance est ouverte à 16 heures 30.

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. Mes chers collègues, lors de la prochaine session plénière de l'APCE, au mois de janvier, notre délégation sera appelée à procéder à l'élection du Secrétaire général de l'Assemblée parlementaire, le second mandat quinquennal de l'actuel titulaire, M. Wojciech Sawicki arrivant à échéance.

Deux candidats ont été retenus le 8 juillet dernier par le Comité des Ministres et nous allons les entendre successivement aujourd'hui, de manière à pouvoir nous forger une opinion pour le vote.

Audition de Mme Despina Chatzivassiliou, Cheffe du secrétariat de la commission des questions politiques et de la démocratie

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. Nous commençons nos entretiens avec Mme Despina Chatzivassiliou, Cheffe du secrétariat de la commission des questions politiques et de la démocratie depuis 2010. Madame, permettez-moi de vous souhaiter la bienvenue devant la délégation française.

Certains d'entre nous vous connaissent déjà mais ce n'est pas le cas de l'ensemble de notre délégation, qui a été récemment renouvelée en partie à la suite des élections sénatoriales françaises. Je rappelle donc à grands traits votre parcours au Conseil de l'Europe, avant de vous laisser vous exprimer pour exposer votre projet pour l'APCE.

Vous travaillez au Conseil de l'Europe depuis vingt-sept ans : vous y avez notamment conseillé quatre Secrétaires généraux de l'APCE, plusieurs Présidents de l'Assemblée et de commissions, et vous avez dirigé le secrétariat de deux des commissions les plus sensibles, à savoir la commission du monitoring, de 2006 à 2009, puis la commission des questions politiques et de la démocratie, depuis 2010. Grâce à votre rôle dans la mise en place de la procédure de suivi, vous avez également été choisie par la direction de la planification stratégique pour encadrer une équipe et mener les travaux de suivi du Comité des Ministres, en renouvelant sa manière de travailler.

Parfaitement plurilingue, puisque vous parlez aussi bien l'anglais que le français, ce qui constitue un critère important pour nous, vous connaissez tout à la fois l'Organisation du Conseil de l'Europe et les parlementaires des États membres, avec qui vous avez l'habitude de travailler depuis longtemps.

Vous avez souhaité nous exposer, de manière libre, les motivations de votre candidature, ainsi que votre conception du poste que vous briguez. Je vous laisse donc sans plus attendre la parole, avant que nous engagions la conversation.

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Despina Chatzivassiliou, Cheffe du secrétariat de la commission des questions politiques et de la démocratie

. Madame la Présidente, chers membres de la délégation française, merci de l'opportunité que vous me donnez de m'exprimer devant vous pour vous exprimer le bien-fondé de mes motivations.

Madame la Présidente, vous avez devancé une partie de mon discours et je vous en remercie. Vous avez présenté de manière assez complète mon parcours au Conseil de l'Europe au cours de mes vingt-sept années de carrière. Il ne me reste peut-être qu'à ajouter que j'ai fait mes études à l'Université de Florence, à l'institut universitaire européen, où j'ai passé une thèse de doctorat sur la convention européenne des droits de l'Homme. J'ai ensuite directement intégré le Conseil de l'Europe, où j'ai rencontré mon mari, franco-grec, qui y travaille lui aussi. Mère de deux enfants et vivant à Strasbourg, la France est mon pays d'adoption.

En plus de deux décennies d'activité, j'ai eu le privilège de contribuer à différents travaux et succès de l'Assemblée parlementaire, qui a notamment été à l'initiative – entre autres – de la convention européenne des droits de l'Homme dont nous fêtons les soixante-dix ans, que l'on appelle aussi « la conscience de l'Europe » et qui esquisse les sociétés de demain, avec leurs aspirations à la démocratie et leurs combats. Mais cette maison commune de l'Europe, c'est vous, parlementaires, qui la bâtissez et la faites vivre ; ce « trésor » ne dépend pas d'une ou d'un Secrétaire général et d'une poignée de fonctionnaires internationaux mais bien de la pierre que chacune et chacun de vous apporte à l'héritage laissé par les pères fondateurs.

L'Assemblée parlementaire et le Conseil de l'Europe ont destin lié avec Strasbourg, capitale européenne. Il y a une dichotomie vertigineuse entre leurs objectifs nobles et importants, d'une part, et la réalité des moyens à leur disposition, d'autre part, particulièrement au regard des moyens des États membres et de l'Union européenne. Néanmoins, on ne doit pas rougir des résultats obtenus : l'APCE est devenue un forum interparlementaire de dialogue de renommée internationale. Je pense pourtant que nous pouvons faire davantage pour qu'elle devienne, au niveau de la grande Europe, une caisse de résonance de vos initiatives et de vos débats, en vue d'une refondation démocratique.

Comment faire mieux ? C'est justement avec cette ambition et le désir de vous accompagner dans la mise en œuvre de changements que j'ai décidé de présenter ma candidature à l'élection au poste de Secrétaire général de l'APCE. Je souhaite vous aider à apporter une réponse plus adaptée aux défis économiques, sociaux, sanitaires, environnementaux et technologiques, mais aussi renforcer le caractère politique de votre Assemblée, avec un peu moins de bureaucratie et d'administration.

Comme vous l'avez rappelé, Madame la Présidente, j'ai collaboré avec détermination et passion avec des centaines de parlementaires de cultures, de traditions et d'orientations politiques différentes. J'ai pu ainsi nouer des relations de confiance et leur proposer mes connaissances juridiques, mon sens politique, ainsi que ma créativité pour la définition de solutions aux problèmes rencontrés.

Je ne citerai que deux exemples pour illustrer mon propos. Tout d'abord, dans les années 1990, lors de l'élargissement du Conseil de l'Europe, je figurais parmi la poignée de personnes à même de développer une doctrine d'adhésion pour les nouveaux États membres et à mettre en place, ensuite, une stratégie de suivi des engagements qu'ils avaient pris. Plus récemment, à l'occasion de la crise institutionnelle et politique consécutive au départ de la délégation russe de l'APCE, j'ai eu le privilège d'assurer le secrétariat de la commission ad hoc du Bureau sur le rôle et les missions de l'Assemblée parlementaire, présidée par M. Michele Nicoletti, une instance innovante où siégeaient tous les Présidents de délégations nationales et tous les Présidents de groupes politiques, des Présidents de commissions, ainsi qu'un représentant de la Fédération de Russie. Alors qu'au départ les débats étaient très vifs et les tensions importantes, cette commission est parvenue à l'adoption d'un rapport consensuel ; dans la foulée, j'ai assisté M. Tiny Kox, entre octobre 2018 et avril 2019, dans sa réflexion sur les moyens de permettre un retour de la délégation russe, en lien avec les Présidences finlandaise et française du Comité des Ministres. J'y vois là un parfait exemple des synergies possibles entre l'APCE et le Comité des Ministres lorsqu'un but politique commun est poursuivi.

Laissez-moi à présent vous exposer mes priorités pour l'avenir, afin d'améliorer les choses et d'accroître l'impact de l'APCE. Á mon sens, celle-ci ne doit pas chercher à adopter des centaines de textes mais plutôt à veiller à la mise en œuvre de ses préconisations. Cela suppose des relations plus étroites avec les Parlements nationaux et les délégations nationales, car si le cœur de l'Assemblée parlementaire bat à Strasbourg, il ne peut battre que grâce aux pulsations des Parlements nationaux. De même, davantage de synergies doivent également être recherchées au quotidien avec les groupes politiques et les autres organes du Conseil de l'Europe : concrètement, j'aimerais que davantage de séminaires de formation soient organisés à cet effet, notamment pour montrer aux parlementaires les différentes activités de l'Organisation (GRECO, Commission de Venise, etc.).

Au cours de la crise sanitaire actuelle, l'APCE a pu bénéficier de l'apport des nouvelles technologies. Même si l'objectif doit être un retour aux sessions « physiques » à Strasbourg, il faut conserver les bonnes pratiques qui se sont développées dans le contexte actuel. Á cet égard, il me semble opportun de remettre sur le métier le projet qui avait été envisagé et, faute de volonté administrative, abandonné d'une Assemblée parlementaire sans papier, grâce à des applications dédiées qui allégeraient considérablement le travail des parlementaires et des secrétaires de délégations ou de groupes politiques, notamment en vous dispensant de chercher dans les étages des signatures pour des dépôts de propositions de résolutions.

Enfin, si je deviens la première femme Secrétaire générale de l'APCE, vous ne serez pas surpris que j'accorde une approche plus sensible à l'égalité des sexes et aux questions de genres. J'ai notamment la volonté de vous aider à améliorer la parité à l'Assemblée parlementaire, mais aussi d'impulser des progrès au sein de son administration où des progrès restent à faire en la matière.

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. Avant de passer la parole à mes collègues, je souhaiterais vous poser quelques questions portant plus particulièrement sur vos projets de réformes. Vous n'êtes pas sans savoir que, en tant que parlementaires, nous sommes toujours soumis à des contraintes d'agendas et d'ordres du jour très chargés, que ce soit en commission ou en séance plénière. Avez-vous réfléchi sur ce sujet et, si vous étiez élue Secrétaire générale de l'APCE, quelles propositions feriez-vous pour remédier à cette situation assez insatisfaisante ?

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Despina Chatzivassiliou, Cheffe du secrétariat de la commission des questions politiques et de la démocratie

Mon expérience au Conseil de l'Europe et à l'APCE depuis plus de vingt-cinq ans m'a convaincue que beaucoup trop de réunions s'enchaînent ou sont concomitantes, alors même que vous avez aussi à assumer vos obligations dans vos Parlements nationaux. Pour cette raison, je pense que les travaux des commissions lors des sessions à Strasbourg devraient être davantage focalisés sur l'ordre du jour de la plénière et que leurs agendas hors sessions plénières devraient être allégés. Ainsi, par exemple, il me semble que les commissions ne devraient pas procéder à des auditions importantes ou à des nominations de rapporteurs lorsque d'autres commissions examinent un rapport en procédure d'urgence ou des amendements sur un texte en débat. Dans le cas de la commission des questions politiques, c'est ce qui est advenu en novembre, aucune réunion n'étant intervenue à ce moment-là car nous avions déjà beaucoup siégé en septembre et octobre, et pour ce qui concerne la session de janvier, la commission ne se réunira qu'en cas de débat d'urgence. Pour les autres commissions, en janvier, je suis un peu inquiète de la concomitance de quatre réunions de commissions ; je ne vois pas comment certains d'entre vous pourront participer à toutes ces réunions, surtout qu'elles se passeront en mode « hybride ».

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. Si je comprends bien vos propos liminaires, une fois la crise sanitaire derrière nous, compte tenu des habitudes désormais prises, vous envisageriez donc de poursuivre les réunions de commissions et les sessions au format hybride, c'est-à-dire en présence de ceux qui le souhaitent et par connexion à distance des autres, c'est bien cela ?

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Despina Chatzivassiliou, Cheffe du secrétariat de la commission des questions politiques et de la démocratie

Je vais vous répondre d'abord en qualité de Cheffe du secrétariat de la commission des questions politiques, puis en qualité de candidate aspirant à exercer les fonctions de Secrétaire générale de l'Assemblée parlementaire.

Les modalités de fonctionnement de la commission des questions politiques sont décidées par sa Présidente ; or Dame Cheryl Gillan souhaite éviter les réunions hybrides et préférerait un retour aux réunions exclusivement en présentiel une fois la crise sanitaire passée. Lors de la session de janvier, il est acquis que les membres de la commission se réuniront en mode hybride, c'est-à-dire que ceux présents à Strasbourg seront dans la salle et les autres se connecteront à distance. Ultérieurement, les réunions de commission hors session continueront à se dérouler à distance tant que la situation sanitaire perdurera.

Si la situation s'améliore comme nous l'espérons tous, on peut imaginer un retour à des réunions où la présence des parlementaires sera assurée à 80 voire 90 % des membres à partir du mois d'avril. Pourquoi pas, dès lors, ne pas envisager de permettre à ceux qui n'auraient toujours pas la possibilité de voyager d'assister aux travaux à distance ?

Á plus long terme, en revanche, je souhaite le retour à des réunions où 100 % des parlementaires siègent physiquement. La visioconférence resterait néanmoins possible pour faciliter l'audition de certains experts à moindre coût, car l'enjeu n'est pas le même.

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Claude Kern, sénateur

Merci pour votre présentation. J'ai noté que vous voulez moderniser les méthodes de travail, ce qui constitue une excellente ambition.

Je souhaite vous poser deux questions assez précises. Tout d'abord, quelle est votre position à l'égard d'un élargissement du Conseil de l'Europe, et plus particulièrement à l'égard des Balkans ? D'autre part, quelle devrait être selon vous l'attitude du Conseil de l'Europe vis-à-vis de l'occupation de certains territoires de la Géorgie et de la Moldavie par la Fédération de Russie, où les droits de l'Homme sont fortement bafoués ?

Personnellement, sur ce dernier point je pense que l'Organisation devrait prendre une position ferme à l'égard de ces agissements intolérables.

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Despina Chatzivassiliou, Cheffe du secrétariat de la commission des questions politiques et de la démocratie

Un élargissement du Conseil de l'Europe dans les Balkans se réduirait à une adhésion du Kosovo, puisque tous les autres États de la région sont désormais membres de l'Organisation. Le dossier avait plutôt bien avancé puisque, en 2016, la commission des questions politiques avait proposé au Bureau de l'APCE un mémorandum visant à donner un rôle plus actif aux parlementaires du Kosovo. Comme vous le savez certainement, ils ont actuellement moins de droits que les représentants de la communauté du Nord de Chypre ou des Observateurs et Partenaires pour la démocratie, puisqu'ils ne peuvent siéger dans l'hémicycle.

Le Bureau n'a pas suivi ces propositions, qui se voulaient transitoires dans l'attente de la reconnaissance d'un statut pour le Kosovo. Un assouplissement a toutefois été autorisé pour permettre aux parlementaires kosovars d'accéder à l'hémicycle.

Un nouveau rapporteur, de nationalité allemande, a été désigné sur le sujet. Il est déterminé à avancer. En fait, deux options sont possibles : soit améliorer le statut actuel de neutralité, en accordant un droit de siège, de parole dans l'hémicycle et de signature des propositions de résolutions aux parlementaires kosovars, ce qui entre dans les prérogatives du Bureau de l'APCE, soit engager une procédure d'adhésion du Kosovo au Conseil de l'Europe, ce qui suppose une demande formelle en ce sens des autorités kosovares. Dans ce second cas, le Comité des Ministres devrait se prononcer et la commission des questions politiques se trouverait saisie. Une nouvelle phase s'ouvrirait, avec la nécessité de disposer d'un rapport d'éminents juristes sur la compatibilité des normes du Kosovo avec celles du Conseil de l'Europe. Néanmoins, un tel processus n'est pas d'actualité pour le moment car aucune demande d'adhésion n'a été formulée.

Votre seconde question me permet de souligner que j'ai eu l'honneur d'être la première fonctionnaire de l'APCE à me rendre, en 1994 avec Mme Josette Durrieu, alors rapporteure sur l'adhésion de la Moldavie, à Tiraspol en Transnistrie, puis ultérieurement en Ossétie du Sud et en Abkhazie, dans le cadre de la procédure de suivi concernant la Géorgie. Où en sommes-nous ? Á mon sens, il convient de distinguer deux choses : tout d'abord, les pressions politiques que l'Assemblée parlementaire peut exercer sur la délégation russe pour que les violations cessent et qu'il y ait une ouverture à la société civile ; mais il ne faut pas pour autant oublier les moyens propres dont dispose le Conseil de l'Europe pour assurer la mise en œuvre des droits de l'Homme – je pense plus particulièrement à la Commissaire aux droits de l'Homme et aux rapporteurs de l'Assemblée parlementaire, qui devraient pouvoir avoir accès à ces territoires plus facilement que dans le cadre normalisé d'un traité. Ces déplacements sur place doivent pouvoir se faire et ils ont eu lieu par le passé. Quant aux pressions sur la délégation russe, passent-elles par les menaces et les sanctions ? Personnellement, je crois plus au dialogue qu'aux sanctions.

Un autre volet important concerne l'exécution des arrêts de la Cour européenne des droits de l'Homme concernant ces territoires. L'exécution de certaines décisions touchant la Transnistrie et la Géorgie est toujours à l'ordre du jour du Comité des Ministres actuellement. J'observe que lorsqu'une partie importante liée au problème est absente de la discussion, il s'avère toujours plus difficile d'avancer de manière constructive. Nous le voyons notamment avec la Biélorussie. Autrement dit, exclure ou sanctionner la délégation de la Russie ne ferait pas progresser la cause de ces territoires occupés.

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Claude Kern, sénateur

Je suis d'accord avec vous. En tant que co-rapporteur de la commission du suivi du respect par la Géorgie de ses obligations liées à son adhésion au Conseil de l'Europe, je n'ai pas eu accès à ces territoires d'Ossétie du Sud et d'Abkhazie, faute d'autorisation de la Russie, ce que je regrette. Lorsque j'ai présidé, d'autre part, la mission d'observation électorale des élections législatives en Moldavie, j'ai également souhaité me rendre en Transnistrie et me suis heurté au même problème, la Russie ayant tout simplement décalé la frontière de treize kilomètres dans la nuit sans que la communauté internationale réagisse !

Vous avez évoqué la nécessité de développer les synergies entre commissions. Je plaide pour ma part pour une plus grande synergie entre les commissions des questions politiques et du suivi. J'en veux pour preuve la récente idée de mission post-électorale en Géorgie alors qu'avec l'autre co-rapporteur sur la Géorgie nous souhaitions effectuer une évaluation similaire. Il me semble qu'il incombe au Secrétaire général d'éviter ce type de doublons aussi inefficaces que générateurs de dépenses inutiles.

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Despina Chatzivassiliou, Cheffe du secrétariat de la commission des questions politiques et de la démocratie

Je suis absolument d'accord avec vous sur ce point. Ayant moi-même travaillé au sein de ces deux commissions et participé à la mise en place des procédures de la commission du suivi, je pense être particulièrement bien placée pour établir les synergies et les ponts que vous appelez de vos vœux entre ces commissions.

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. Je souscris moi-aussi totalement à cette aspiration à davantage de transversalité et de fluidité dans le fonctionnement des différentes instances de l'APCE.

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Alain Milon, Premier Vice-président

Vous avez conclu votre propos introductif par vos priorités. J'aimerais que vous développiez sur la question de l'intelligence artificielle. Comment envisagez-vous l'avenir et le travail sur cette question ?

Par ailleurs, l'APCE ne devrait-elle pas engager un travail sur l'épidémie de coronavirus et ses conséquences économiques, sociales et en matière de santé pour les peuples des États membres, sachant que nous pourrions sans doute nous pencher sur le partage d'expérience à l'égard de la gestion d'épidémies de ce genre dans une perspective plus prospective ?

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Marietta-Karamanli, députée

Je voudrais, quant à moi, revenir sur deux éléments que vous avez évoqués dans vos propos liminaires. Pouvez-vous développer les pistes de modernisation des méthodes de travail que vous comptez explorer et, par ailleurs, détailler vos propositions de renforcement des synergies entre l'APCE et les Parlements nationaux ?

J'aimerais également que vous nous indiquiez quelle est votre conception du rôle que peut jouer le Secrétaire général de l'Assemblée parlementaire pour accompagner et accélérer le processus de discussion en cours en vue de l'adhésion de l'Union européenne à la convention européenne des droits de l'Homme.

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Despina Chatzivassiliou, Cheffe du secrétariat de la commission des questions politiques et de la démocratie

Merci pour ces questions qui vont me permettre d'apporter quelques précisions sur des sujets absolument prioritaires.

Monsieur le sénateur Milon, permettez-moi tout d'abord de vous souhaiter la bienvenue à l'APCE. Je fonde l'espoir de vous transmettre mon affection et mon enthousiasme pour cette Assemblée parlementaire qui dispose de peu de moyens mais réalise de grandes choses.

En guise d'illustration, je vous indique qu'elle a adopté tout récemment pas moins de sept rapports traitant de différents aspects de l'intelligence artificielle. J'ai moi-même eu le plaisir de travailler à l'élaboration du rapport de Mme Deborah Bergamini sur la nécessité d'une gouvernance démocratique de l'intelligence artificielle. Hier, s'est réuni l'organe d'experts qui réfléchit à l'élaboration d'une étude de faisabilité sur une nouvelle convention relative à l'éthique de l'intelligence artificielle et à la lutte contre ses potentielles dérives : le comité ad hoc sur l'intelligence artificielle (CAHAI). Dans ses conclusions, le CAHAI a indiqué vouloir prendre en compte les résolutions récemment adoptées par la Commission permanente de l'APCE en faveur d'une convention-cadre contraignante, qui serait combinée avec des instruments plus souples, tels que les recommandations du Comité des Ministres, pour les aspects les plus spécifiques. Voilà une illustration concrète de l'importance des synergies entre les organes du Conseil de l'Europe.

Pour ce qui concerne les rapports entre l'APCE et les Parlements nationaux, je considère que les délégations nationales doivent être les porte-paroles du travail accompli dans l'enceinte de l'Assemblée parlementaire auprès des législateurs de chaque État membre. Les récents rapports sur l'intelligence artificielle constituent à cet égard un exemple parlant des travaux de l'APCE que les Parlements nationaux devraient s'approprier, par votre intermédiaire. Afin d'aller plus loin en la matière, je souhaiterais que soient organisées davantage de réunions conjointes des commissions de l'APCE et des Parlements nationaux, ainsi que des auditions croisées d'experts.

Sur ce point, je me rappelle plusieurs propositions formulées dans le cadre de la commission ad hoc du Bureau sur le rôle et les missions de l'Assemblée parlementaire, présidée par M. Michele Nicoletti, insistant notamment sur l'importance pour les délégations nationales de rendre systématiquement compte dans leurs Parlements nationaux des débats et des textes adoptés par l'APCE. Cela pourrait prendre la forme de débats publics, comme certains États membres le font.

S'agissant de l'opportunité de débattre à l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe du retour d'expérience sur la gestion de la pandémie actuelle, je vous rassure Monsieur le sénateur Milon : ce sujet entre bien dans les compétences de l'APCE et il a d'ailleurs déjà fait l'objet de débats cet automne. J'ai moi-même contribué, à cette occasion, à l'élaboration d'un rapport sur les démocraties face à la pandémie de coronavirus, qui établit des lignes directrices sur toutes les normes et les principes que les États membres doivent respecter en de pareilles crises. Même dans des pays où la démocratie est bien ancrée, les parlementaires ont parfois vécu des débats escamotés et des prises de décisions mal comprises, ce qui a généré quelques frustrations. C'est la raison pour laquelle le partage d'expérience entre pays et Parlements faisait partie de nos propositions.

D'ailleurs, une proposition de résolution déposée par Mme Marietta Karamanli a justement repris cette idée et Madame la députée a été désignée rapporteure sur la question par la commission des questions politiques. Ce rapport devrait permettre de voir plus concrètement comment ce partage d'expérience pourrait être organisé car, quand la pandémie actuelle sera derrière nous, nous n'en aurons pas forcément fini avec les crises, sanitaires ou d'autres natures, susceptibles d'ébranler le fonctionnement des Parlements. Une fois encore, un séminaire dans les Parlements nationaux sur les débats et textes adoptés par l'APCE pourrait faire sens. Les conséquences économiques et sociales de la pandémie ne sont pas oubliées, un rapport de la commission des questions sociales étant actuellement en préparation sous l'égide de M. Andrej Hunko, un parlementaire allemand.

Au sujet de l'adhésion de l'Union européenne à la convention européenne des droits de l'Homme, thématique en discussion depuis près de quarante ans et devenue une obligation juridique par le traité de Lisbonne il y a dix ans, les obstacles posés par la Cour de justice de l'Union européenne sont en passe d'être levés. En avril 2019, dans le cadre de la préparation du rapport de M. Tiny Kox dont j'ai déjà parlé, j'ai assisté à la rencontre du rapporteur avec M. Jean-Claude Juncker, alors Président de la Commission européenne, lequel a soutenu le passage du dossier de la Commission au Conseil européen. Depuis, des avancées ont été constatées et la dernière réunion de la commission des questions politiques a été consacrée à la question.

Le Parlement européen a une position convergente avec l'APCE et le Conseil de l'Europe. Il reste à convaincre les États non membres de l'Union européenne et à lever les derniers doutes à Bruxelles. Dans ce contexte, la direction générale des droits de l'Homme et de l'État de droit du Conseil de l'Europe sollicite un maximum de soutien politique pour avancer. Si je suis élue Secrétaire générale de l'Assemblée parlementaire, pour ma part, je veillerai à développer les synergies avec le Parlement européen et ses commissions sur ce sujet d'intérêt mutuel, afin de relayer les messages politiques portés par nos institutions.

Je conclurai mes réponses sur la modernisation des travaux de l'APCE. Celle-ci doit s'inscrire dans le cadre d'un recours accru aux nouvelles technologies, notamment pour faire aboutir le concept d'une « Assemblée sans papier ». J'ajoute que l'optimisation des ressources constitue aussi un défi à relever ; la Secrétaire générale du Conseil de l'Europe a engagé une réforme globale de l'Organisation que j'aurais pour ambition d'accompagner, en insistant sur les mots clés suivants : flexibilité et mobilité, ce qui suppose plus de fluidité entre les secrétariats de commissions. Bien sûr, on ne peut non plus s'abstraire des enjeux de communication, l'Assemblée parlementaire se devant d'être plus visible sur les réseaux sociaux ; cela nécessite un travail étroit, en amont, avec la direction de la communication du Conseil de l'Europe.

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. Madame, chère Despina, vos propos étaient tout à la fois denses et très clairs. J'en retire quelques enseignements pour notre Parlement national. Je vous remercie infiniment d'avoir eu l'amabilité de nous consacrer une partie de votre temps aujourd'hui. Je ne doute pas que nos échanges éclairent utilement le choix qu'il nous appartiendra de faire en janvier.

Vous allez certainement poursuivre vos rencontres et vos échanges pour convaincre les membres de l'APCE de porter leurs suffrages sur votre nom. Je vous souhaite donc bonne continuation dans cette dernière ligne droite avant l'élection.

Permettez-moi en outre de vous souhaiter par anticipation de bonnes fêtes de fin d'année même si celles-ci seront un peu particulières. Prenez-soin de vous et profitez-en bien avant notre reprise des sessions à Strasbourg, en janvier, où notre délégation a bien l'intention de se rendre.

Audition de M. Wojciech Sawicki, Secrétaire général sortant de l'APCE

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. Nous poursuivons à présent nos entretiens avec M. Wojciech Sawicki, Secrétaire général de l'APCE depuis le 1er février 2011. Monsieur le Secrétaire général, permettez-moi de vous souhaiter la bienvenue devant la délégation française.

Si plusieurs d'entre nous vous connaissent déjà, ce n'est pas le cas de l'ensemble de notre délégation, qui a été récemment renouvelée en partie à la suite des élections sénatoriales françaises. Je rappelle donc à grands traits votre parcours au Conseil de l'Europe, avant de vous laisser vous exprimer pour exposer votre projet pour l'APCE.

Votre expérience de la vie parlementaire est particulièrement riche puisque vous avez été le Secrétaire général du Sénat polonais de 1990 à 1996, année où vous avez rejoint l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe. Au sein de celle-ci, vous avez été successivement directeur, chef des services généraux jusqu'en 2006, puis directeur général jusqu'en janvier 2011, cette période vous conduisant à exercer par ailleurs l'intérim du Secrétaire général du Congrès des pouvoirs locaux et régionaux.

Depuis le 1er février 2011, vous êtes le Secrétaire général de l'APCE ; vous avez donc été élu à deux reprises, ce qui constitue en soi une très belle performance. Nous ne nous connaissons vous et moi que depuis 2017, mais je peux attester devant mes collègues, en ma qualité de membre du Bureau de l'APCE, de votre grande compétence sur tout ce qui touche à la procédure. Vous vous êtes également toujours montré disponible, ce dont je vous remercie.

J'ajoute que vous êtes parfaitement plurilingue, puisque vous parlez aussi bien l'anglais que le français, ce qui constitue – vous le comprendrez aisément je pense – un critère important pour nous.

Vous avez souhaité nous exposer, de manière libre, les motivations de votre candidature, ainsi que votre conception du poste que vous briguez. Je vous laisse donc sans plus attendre la parole, avant que nous engagions la conversation.

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Wojciech Sawicki, Secrétaire général sortant de l'APCE

Merci beaucoup, Madame la Présidente, pour votre invitation à partager avec vous mes idées ainsi que les objectifs que je porte à l'appui de ma candidature pour une prolongation de mon mandat de Secrétaire général de l'Assemblée parlementaire. Si je sollicite votre soutien et votre vote, c'est pour plusieurs raisons.

Tout d'abord, je pense que mon travail et mon expérience attestent de mes aptitudes et compétences, ainsi que de ma capacité à relever, aux plans politiques et managérial, les défis nouveaux et exigeants qui peuvent s'adresser à l'APCE. J'ai intégré l'administration du Conseil de l'Europe, en 1996, comme greffier-adjoint – un poste aujourd'hui disparu – ; au cours de ma carrière, je me suis toujours efforcé à agir avec impartialité et équité, deux qualités qui me semblent essentielles au poste que je souhaite continuer à occuper. Je suis prêt à poursuivre dans cet état d'esprit car l'APCE est ma seconde maison.

Des éléments plus personnels motivent également ma démarche et contribuent à mon attachement au Conseil de l'Europe et à son Assemblée parlementaire, la plus ancienne des assemblées européennes. Cette dernière est la seule à être réellement structurée, à avoir une continuité de ses travaux. Son rôle et ses pouvoirs sont définis par un traité international. Aussi bien les fonctionnaires qui travaillent pour elle que les parlementaires qui en sont membres peuvent être fiers de ses réalisations, en dépit de ses moyens limités. Depuis 1996, j'ai personnellement assisté à de nombreuses réformes de cette Assemblée, et notamment à celles engagées sur la base d'un rapport de M. Jean-Claude Mignon en 2012.

Ces dernières années, aux responsabilités qui m'incombaient, j'ai dû relever quatre défis spécifiques :

‑ une crise politique et budgétaire majeure, liée à l'absence de la délégation russe pendant près de six ans ;

‑ des allégations inédites de corruption à l'encontre de plusieurs membres de l'Assemblée parlementaire, auxquelles j'ai contribué à apporter un démenti en proposant et en appuyant la mise en place d'un groupe d'enquête indépendant qui a permis d'établir les faits et de répondre de manière efficace aux accusations ;

‑ une crise de la présidence, à travers la remise en cause de Monsieur Pedro Agramunt en 2017, qui a fait l'objet d'une demande de révocation jamais vue jusqu'alors et à laquelle il a fallu apporter une réponse ;

‑ la pandémie de coronavirus, face à laquelle il est apparu nécessaire de mettre en place des moyens pour permettre à l'APCE de continuer à fonctionner. Les solutions trouvées, sans être parfaites, ont néanmoins facilité l'adoption de textes et donné l'occasion à l'Assemblée parlementaire de participer aux débats que la situation sanitaire exige.

Toute candidature doit aussi se projeter dans l'avenir et, pour ce qui concerne le futur, j'estime que certains sujets doivent être abordés, même si les décisions à prendre incomberont aux parlementaires que vous êtes. Le rôle du Secrétaire général, à cet égard, vise seulement à conseiller et à proposer des solutions, pas à se substituer aux prérogatives des membres de l'APCE.

La réforme des procédures et du fonctionnement de l'Assemblée parlementaire est attendue par les délégations nationales et les groupes politiques, ainsi que l'a révélé le travail de la commission ad hoc du Bureau sur le rôle et les missions de l'APCE présidé par M. Michele Nicoletti. Beaucoup de propositions de changements avaient été formulées dans ce cadre et elles auraient notamment dû être examinées en détail cette année ; néanmoins, par la force des choses, la pandémie a retardé cet exercice et il faudra se tenir prêt à en reprendre le cours.

La réforme s'avère particulièrement nécessaire pour la procédure de suivi du respect, par les États membres, de leurs obligations découlant de leur adhésion au Conseil de l'Europe, notamment pour éviter la perception, par les délégations des pays sous suivi, qu'existerait un « double standard » entre les membres de l'Organisation.

Il convient de la même manière de poursuivre le travail entamé sur les équilibres entre les sexes et les questions de genres. Il faut non seulement porter un regard spécifique sur cet enjeu lors des travaux de l'Assemblée parlementaire, mais également sensibiliser les secrétariats de délégations à l'importance de cette question.

Enfin, sur beaucoup d'autres sujets, des perspectives d'évolution paraissent inévitables : la procédure de sélection des juges peut elle aussi faire l'objet d'améliorations ; le volet parlementaire de l'adhésion de l'Union européenne à la convention européenne des droits de l'Homme doit être imaginé ; le cadre déontologique conçu pour prémunir l'APCE des risques de corruption peut sans doute être enrichi ; la coopération avec les partenaires de la société civile peut être approfondie dès le stade des travaux en commission ; de même, de nouveaux développements technologiques et numériques sont appelés à ancrer l'APCE dans le XXIème siècle, même si cela ne veut pas dire que l'Assemblée parlementaire doit devenir une assemblée totalement virtuelle, ce à quoi je ne suis pas favorable en raison de ma conviction selon laquelle l'échange et le dialogue en présence des parlementaires est ce qui fait la force de cette institution.

Pour terminer ce propos liminaire, je souhaiterais vous dépeindre l'APCE de mes rêves. Cette Assemblée parlementaire rassemble des personnes de cultures, d'histoires, d'origines et de langues différentes mais unies par des valeurs communes. L'Assemblée parlementaire est, selon moi, la force motrice du Conseil de l'Europe, avec sa voix politique propre, à la fois indépendante et critique. Elle doit rester une institution tournée vers l'avenir, agissant pour une Europe meilleure. Cette APCE de mes rêves est une assemblée dont l'hémicycle est rempli de parlementaires et non vide comme c'est malheureusement le cas actuellement. J'ai la sincère volonté d'accompagner l'APCE dans ce voyage.

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. Monsieur le Secrétaire général, j'allais vous demander pourquoi vous comptiez effectuer un troisième mandat mais vous avez devancé par vos propos les réponses à cette question en nous faisant part de votre volonté d'approfondir les réformes et votre action auprès de l'Assemblée parlementaire. Il reste que les activités de l'APCE, par le nombre de textes adoptés, de réunions de commissions et d'auditions qui se télescopent, manquent parfois de lisibilité et de priorisation. Comment améliorer les choses de ce point de vue, selon vous ?

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Wojciech Sawicki, Secrétaire général sortant de l'APCE

Il s'agit là d'une question prégnante à l'APCE. Du fait de mes responsabilités, je regarde attentivement les statistiques relatives à l'activité de l'Assemblée parlementaire et de ses commissions. Cela peut paraître ennuyeux mais s'avère très utile.

Pendant longtemps, l'APCE a adopté chaque année de 120 à 140 résolutions et recommandations, un record étant établi en 2010 avec 142 textes. Ce nombre a diminué au cours des dernières années pour s'établir aux environs de 88 à 90 textes, voire 70. Cela montre bien que l'enjeu de priorisation, ce que d'aucuns appellent la nécessité de se concentrer sur le core business, a été pris en compte.

Le fait est que le Secrétariat général de l'Assemblée parlementaire est toujours sous pression des groupes politiques et des délégations nationales pour traiter les sujets les plus sensibles.

Actuellement, le nombre de rapports en préparation oscille entre 100 et 120. Du fait de la pandémie de coronavirus – Covid-19, seulement 43 rapports contenant des résolutions et recommandations ont été adoptés cette année.

Prioriser les sujets est indéniablement un défi qu'il n'est jamais facile de relever. Lorsqu'il est proposé au Bureau d'écarter des suggestions de rapports sur des thématiques proches de celles déjà traitées, il n'est pas rare que des parlementaires ou des Présidents de groupes insistent pour que ces sujets soient quand même inscrits à l'agenda des commissions. Il ne faut pas oublier que l'APCE est composée de quelque 640 parlementaires issus de quarante-sept pays différents, qui ont toutes et tous à cœur de voir des questions essentielles pour leurs populations examinées dans le cadre de l'Assemblée parlementaire. Peut-on leur refuser de traiter des sujets qui comptent à leurs yeux ? Sur quel fondement d'ailleurs ?

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Alain Milon, Premier Vice-président

Monsieur le Secrétaire général, vous avez indiqué que 100 à 120 rapports étaient en phase d'élaboration et que seulement 43 rapports ont été adoptés cette année. Pouvez-vous m'éclairer sur le sort réservé à ces rapports et sur leur portée concrète ?

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Wojciech Sawicki, Secrétaire général sortant de l'APCE

Ces rapports contiennent tous des résolutions et, parfois, des recommandations.

Les recommandations sont adressées au Comité des Ministres – donc, à travers lui aux gouvernements des États membres –, auquel l'Assemblée parlementaire demande ainsi concrètement de prendre des initiatives à la suite de l'expression de ses préoccupations ou de la formulation de ses propositions sur un thème précis.

Les résolutions, quant à elles, sont adressées par le Secrétariat général aux Parlements nationaux des États membres et aux organes internationaux, afin de les sensibiliser sur les questions qu'elles soulèvent. Désormais, chaque rapporteur suit pendant un an les effets produits par une résolution qu'il a fait adopter.

Le problème est que ni les résolutions, ni les recommandations n'ont de force obligatoire. L'Assemblée parlementaire peut suggérer, proposer, mais pas imposer. Malgré tout, certains rapports assortis de résolutions ont, j'ose le terme, « changé le monde ».

C'est le cas notamment du rapport de M. Dick Marty, un parlementaire suisse, qui a révélé l'existence de prisons secrètes de la CIA en Europe. Il en est allé de même de rapports sur les crimes de guerre au Kosovo, que le tribunal de La Haye a pris en considération dans les affaires dont il a à traiter. Plus récemment, le rapport de M. Pieter Omtzigt sur l'assassinat de la journaliste Daphne Caruana Galizia a eu des répercussions considérables à Malte, où le gouvernement a changé.

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Claude Kern, sénateur

Monsieur le Secrétaire général, quelle est votre position à l'égard de l'élargissement du Conseil de l'Europe à l'égard des pays des Balkans qui ne sont toujours pas membres ? De même, que pensez-vous de l'occupation russe de certains territoires de la Géorgie et de la Moldavie, où les droits de l'Homme se trouvent de ce fait remis en cause ? Enfin, vous avez indiqué que la procédure de suivi mériterait d'être revue, ce qui m'intéresse en ma qualité de co-rapporteur de la commission du monitoring. Ne considérez-vous pas que des synergies plus grandes devraient être recherchées entre les commissions des questions politiques et du suivi, afin d'éviter des initiatives aussi malencontreuses que dispendieuses que la récente proposition de visite post-électorale en Géorgie ?

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Wojciech Sawicki, Secrétaire général sortant de l'APCE

La question de l'élargissement du Conseil de l'Europe aux pays des Balkans a soulevé une question de principe dans les années 1990, consistant à savoir si l'Organisation pouvait exiger immédiatement de leur part, au sortir de l'effondrement de l'Union soviétique, des standards en matière d'État de droit, de démocratie et de droits de l'Homme qui soient identiques aux États membres « historiques ». Le choix a été fait de les admettre tout de suite et, par une procédure de suivi des progrès sur le chemin de la démocratisation et de l'État de droit, de les accompagner. Cette procédure de suivi, qui repose sur l'esprit de coopération des pays concernés, fonctionne dans certains cas mais pas dans tous. Il faut néanmoins persévérer.

Le cas du Kosovo est particulier et délicat. Deux-tiers des États membres l'ont reconnu comme État indépendant, le tiers restant considérant qu'il fait toujours partie de la Serbie. Nous ne savons pas comment le Conseil de l'Europe répondrait à une demande d'adhésion émanant des autorités du Kosovo. Ce pas décisif n'a pas été franchi car le contexte ne s'y prête pas pour le moment. Qui plus est, le Kosovo dispose de certains droits à l'APCE et il est membre de la Commission de Venise.

S'agissant des occupations russes en Géorgie, Moldavie et aussi en Ukraine, le fait est que des troupes militaires sont présentes sur ces territoires et que le Conseil de l'Europe n'est pas l'organisation internationale en charge des conflits armés. N'oublions pas, à cet égard, les cas de Chypre et du Haut-Karabakh, qui concernent d'autres régions du ressort géographique de l'Organisation.

Le Conseil de l'Europe n'a ni le mandat, ni la possibilité de définir une solution politique à ces conflits. Il ne peut pour autant rester totalement étranger à ces situations où des questions touchant aux droits humains et à des considérations humanitaires se posent. C'est la raison pour laquelle le droit de visite des organes de suivi et des parlementaires de l'APCE sur place est absolument essentiel.

Pour ce qui concerne la procédure de suivi en elle-même, je dis toujours à tout nouveau Président de l'APCE prenant ses fonctions qu'une réflexion sereine sur le sujet serait nécessaire. Pour certains États membres, cette procédure de monitoring dure depuis leur adhésion au Conseil de l'Europe, nourrissant ainsi à tort ou à raison le sentiment d'une inégalité entre pays et délégations au sein de l'Organisation.

Si l'on y regarde de près, aucun État membre n'est parfait en matière de droits de l'Homme, de démocratie et d'État de droit. Preuves en sont les arrêts prononcés par la Cour européenne des droits de l'Homme à l'encontre de tous les États membres du Conseil de l'Europe chaque année. Il arrive en revanche que la procédure de suivi soit ouverte sur la base de constats et d'inquiétudes justifiées. C'est le cas s'agissant de la Pologne, cette année. Cette orientation me semble davantage faire sens en la matière.

La question de la composition de la commission du monitoring demeure ouverte à mes yeux : ses membres sont actuellement exclusivement désignés par les groupes politiques, pour des raisons qui se comprennent, mais certains argumentent en faveur de désignations par les délégations nationales, ce qui peut aussi trouver des justifications. Il faut y réfléchir car aujourd'hui plus de 100 membres de l'Assemblée parlementaire (Russes, Turcs et autres) n'appartiennent à aucun groupe politique et se trouvent ainsi exclus de la commission ; or il ne faut pas perdre de vue que ce mécanisme de l'APCE, comme tous les autres d'ailleurs, doit fonctionner selon un caractère inclusif.

J'observe comme vous, Monsieur le sénateur, que les mandats des commissions des questions politiques et du suivi se recoupent parfois. La définition réglementaire des mandats des commissions, intervenue en 2008-2009, a attribué – pour une raison qui m'échappe – à la commission des questions politiques et à la commission du suivi la même compétence de s'intéresser au fonctionnement des institutions démocratiques dans les États membres, dans des termes quasiment identiques. Est-ce une erreur ? Le risque de conflit de compétences avait-il été bien envisagé à l'époque ? Je ne sais, mais ce point devra indéniablement être clarifié à l'avenir afin d'éviter des difficultés dans l'attribution des rapports à la commission la plus appropriée à chaque fois.

S'agissant enfin des missions post-électorales, indépendamment du cas d'espèce de la Géorgie que vous avez mentionné et qui ne donnera finalement pas lieu à l'envoi d'une telle mission en raison du contexte sanitaire, il existe parfois de bons arguments pour dépêcher ce type de missions, notamment lorsque des tensions existent dans un pays après le scrutin. Reste que, quand un co-rapporteur de la commission du suivi s'y oppose, comme vous l'avez fait, le Bureau, qui est décisionnaire, doit se poser la question de la pertinence d'un tel déplacement.

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Claude Kern, sénateur

Sauf que, dans le cas de la Géorgie, les tensions observées ne sont pas nées avec le dernier scrutin législatif ; elles existaient auparavant et j'avais pu m'en rendre compte lors d'un déplacement là-bas en ma qualité de co-rapporteur sur ce pays. Il s'agit d'un État dans lequel l'opposition refuse de siéger au Parlement de longue date. Au demeurant, l'annulation de la mission post-électorale a le mérite de se traduire par des économies pour l'Assemblée parlementaire.

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Wojciech Sawicki, Secrétaire général sortant de l'APCE

Un élément personnel a aussi joué dans la décision du Bureau, M. Tiny Kox, Président de la commission ad hoc chargée d'observer les élections en Géorgie ayant été injustement mis en cause par M. Mikheil Saakachvili.

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. Monsieur le Secrétaire général, à un moment où l'APCE compte plus de 100 membres non-inscrits, les groupes politiques ne constituent peut-être plus le seul élément autour duquel certains organes de l'Assemblée parlementaire doivent se structurer ; je pense qu'une réflexion doit s'engager à cet égard, comme je l'avais suggéré lorsque j'étais moi-même non-inscrite avec mes collègues de La République en Marche. Á défaut, le risque serait de créer des parlementaires de seconde zone, ce qui nuirait à l'unité et à l'efficacité de l'APCE. Naturellement, il faut en parallèle rester fermes sur les valeurs qui peuvent fédérer les membres des groupes, afin d'éviter l'apparition de groupes populistes qui n'ont pas leur place dans l'un des organes statutaires du Conseil de l'Europe. Mais je vous redonne la parole pour un propos conclusif.

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Wojciech Sawicki, Secrétaire général sortant de l'APCE

Madame la Présidente, vous m'avez demandé pourquoi solliciter un troisième mandat, surtout à l'âge de 65 ans. Je vous répondrai que c'est parce que je suis profondément attaché à l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe, qui a traversé des épreuves et accompli de grandes choses surtout grâce à ses membres. Je parlais d'épreuves, les prochains mois seront à cet égard cruciaux. Je souhaite vous accompagner pour surmonter cette période de turbulences. Il me semble que l'APCE aura besoin d'un Secrétaire général expérimenté et compétent. Je conclurai en disant : faites-moi confiance !

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. Monsieur le Secrétaire général, cher Wojciech, je vous remercie infiniment d'avoir eu l'amabilité de nous consacrer une partie de votre temps aujourd'hui. Je ne doute pas que nos échanges éclairent utilement le choix qu'il nous appartiendra de faire en janvier.

Vous allez certainement poursuivre vos rencontres et vos échanges pour convaincre les membres de l'APCE de porter leurs suffrages sur votre nom. Je vous souhaite donc bonne continuation dans cette dernière ligne droite avant l'élection.

Permettez-moi en outre de vous souhaiter par anticipation de bonnes fêtes de fin d'année même si celles-ci seront un peu particulières. Prenez-soin de vous et profitez-en bien avant notre reprise des sessions à Strasbourg, en janvier, où notre délégation a bien l'intention de se rendre.

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Information relative à la délégation

À l'issue de l'audition des deux candidats à l'élection au poste de Secrétaire général de l'APCE, la délégation française délibère sur la liste de candidats au siège réservé à la France au sein du Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou taitements inhumains ou dégradants (CPT) que lui a proposé le comité d'experts qu'elle a installé sous la présidence de la Contrôleuse générale des lieux de privation de liberté, Mme Dominique Simonnot, et elle entérine la transmission au Secrétaire général de l'APCE de la liste comportant les noms de :

– M. Vincent Delbos, inspecteur général de la justice, actuel titulaire du siège au CPT ;

– M. Nicolas Guillou, magistrat actuellement détaché comme juge de la mise en état dans l'un des tribunaux spécialisés à La Haye ;

– Mme Magali Lafourcade, magistrate et secrétaire générale de la commission nationale consultative des droits de l'Homme.

La séance est levée à 18 h 40.

Membres présents ou excusés

Députés :

Présents. – Mme Marietta Karamanli, Mme Nicole Trisse.

Excusés. – Mme Sophie Auconie, M. Olivier Becht, M. Bertrand Bouyx, Mme Yolaine de Courson, Mme Marie‑Christine Dalloz, Mme Jennifer De Temmerman, M. Bruno Fuchs, M. Fabien Gouttefarde, M. Yves Hemedinger, M. Dimitri Houbron, Mme Catherine Kamowski, M. Jérôme Lambert, Mme Martine Leguille-Balloy, Mme Alexandra Louis, M. Jacques Maire, M. Frédéric Petit, Mme Isabelle Rauch, M. Frédéric Reiss , Mme Laurence Trastour-Isnart, Mme Liliana Tanguy, Mme Marie-Christine Verdier-Jouclas, Mme Martine Wonner.

Sénateurs :

Présents. – M. Claude Kern, M. Alain Milon.

Excusés. – Mme Nadine Bellurot, M. François Calvet, Mme Nicole Duranton, M. Bernard Fournier, M. André Gattolin, Mme Sylvie Goy-Chavent, M. Christian Klinger, M. Jacques Le Nay, M. Didier Marie, M. André Vallini.