Intervention de Clément Beaune

Réunion du mercredi 2 juin 2021 à 16h40
Délégation française à l'assemblée parlementaire du conseil de l'europe

Clément Beaune, Secrétaire d'État chargé des Affaires européennes :

Sur la question environnementale, je rappellerai tout d'abord l'engagement majeur de la France aux niveaux international et européen, comme en atteste son implication dans la conclusion de l'Accord de Paris. De même, la convention citoyenne sur le climat a-t-elle soulevé beaucoup de sujets de dimensions européenne et internationale, que nous reprenons à notre compte. Je pense notamment à la lutte contre la criminalité environnementale, qui relève aussi bien de l'ONU que du Conseil de l'Europe.

Á mon sens, devrait être creusée la problématique plus large, qui justifie par elle-même une coopération accrue entre l'Union européenne et le Conseil de l'Europe, du devoir de vigilance. Celui-ci renvoie à la façon dont l'Europe, au sens large, vérifie dans les chaînes du commerce international qu'un certain nombre de standards, environnementaux mais aussi sociaux, sont respectés et vérifiés. En effet, il ne sert pas à grand-chose d'avoir des règles abouties en Europe si nous ne sommes pas capables de nous assurer qu'elles sont respectées dans les chaînes de valeur intégrée. Si les organes du Conseil de l'Europe ne sont pas encore formellement saisis d'une réflexion sur le devoir de vigilance, il y aura en revanche bientôt une proposition de l'Union européenne sur le sujet. Je pense que cette question pourrait inspirer de futurs travaux au sein du Conseil de l'Europe, notamment sur les enjeux environnementaux et climatiques.

Pour en revenir à la question de l'élaboration d'un instrument juridique international sur l'environnement et le climat sous l'égide du Conseil de l'Europe, la France est ouverte à la discussion. Néanmoins, si l'on ne peut que partager l'objectif, il convient de prendre garde aux modalités.

Nous avons toujours indiqué, depuis quelques mois, que l'idée de la conclusion d'un instrument non contraignant sur les obligations des États en matière climatique et de protection de l'environnement pourrait être utile et complémentaire aux engagements existants. Cette démarche relèverait plutôt de l'ordre du signal ou du symbole, c'est vrai, mais elle présenterait l'avantage de pouvoir être élaborée rapidement et de faire consensus assez rapidement. Se lancer dans une démarche plus exigeante, telle l'élaboration d'un protocole additionnel à la convention européenne des droits de l'Homme, suppose de mesurer le temps que cela prendra pour aboutir ainsi que le contentieux qui découlerait de l'absence de vision partagée sur des notions claires et partagées. En d'autres termes, nous n'avons évidemment aucune objection de principe sur le fond, mais il nous semble que cette démarche en faveur d'un instrument contraignant est assez hypothétique, pour ne pas dire irréaliste, quant à son aboutissement. Le processus prendrait au bas mot plusieurs années pour déboucher, j'en ai peur, sur un impact réel limité.

Il faut donc envisager des outils sans doute plus ciblés, à mi-chemin entre l'élaboration de textes non contraignants et l'option la plus exigeante d'un protocole additionnel à la convention européenne des droits de l'Homme, telle une convention ad hoc du Conseil de l'Europe, dont l'adoption serait certainement plus facile, ou l'adoption de lignes directrices en faveur d'une meilleure protection de l'environnement par le droit civil ou pénal. Il s'agit là d'une réflexion difficile et sensible, que nous avons engagée en France ces derniers mois. Je crois donc à un travail ad hoc, ciblé sur des dispositions de droit civil et pénal, à travers une convention ad hoc. Je sais que le Président de l'APCE, M. Rik Daems, s'est prononcé à plusieurs reprises en faveur d'un protocole additionnel à la convention européenne des droits de l'Homme mais, en la matière, le mieux est l'ennemi du bien. En tout état de cause, les services du ministère de l'Europe et des Affaires étrangères sont prêts à travailler sur l'idée d'une convention ad hoc, qui nous semble une piste plus prometteuse si l'on veut être efficaces sur un sujet aussi important.

S'agissant de la protection des ONG, il n'y a malheureusement pas de remède miracle. Les pays qui se rendent coupables d'atteintes à leur égard, sous couvert de lois contre les organismes étrangers, seraient sans doute les plus réticents à accepter des traités ou conventions en la matière. Il ne me semble donc pas souhaitable de s'engager dans cette voie, qui ne conduirait qu'à s'épuiser en discussions vouées à l'échec.

Si le problème fait nécessairement penser à la Russie, il faut reconnaître que cette inquiétude sur les restrictions à l'encontre de la liberté d'action des ONG concerne aussi certains États membres de l'Union européenne, tels que la Pologne ou la Hongrie. Sous des prétextes de régulation des financements étrangers et de contrôle des établissements d'enseignement supérieur – je parle sous le contrôle de M. le député Frédéric Petit, qui connaît parfaitement ce sujet et avec lequel nous échangeons régulièrement –, les autorités de ces pays essaient de « casser » un certain nombre d'outils d'opposition.

Á défaut de solution toute faite ou idéale, je crois que, là-aussi, la coopération entre le Conseil de l'Europe et l'Union européenne peut s'avérer utile. Sans aller jusqu'à l'élaboration d'un texte contraignant, l'établissement d'une liste commune de principes, la dénonciation conjointe de faits graves contre les ONG seraient sans doute des démarches bienvenues. Peut-être, sous la présidence française de l'Union européenne, cette question pourrait-elle donner lieu à une initiative, voire à un événement spécifique à Strasbourg, afin d'avancer au moins politiquement, dans un premier temps, sur cette question de la défense du travail des ONG en Europe ?

Pour ce qui concerne le cas douloureux du conflit entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan, ainsi que j'ai eu l'occasion de le dire dans l'hémicycle du Sénat, la France est très engagée à la résolution des tensions. Le Président de la République a reçu le Premier ministre arménien ces derniers jours.

D'un point de vue factuel, depuis la signature de l'accord de cessez-le-feu en novembre 2020, il y a eu quelques gestes de l'Azerbaïdjan avec la remise d'un petit nombre seulement de prisonniers à l'Arménie. Ces signaux positifs ont été récemment annihilés par une escalade initiée par l'Azerbaïdjan, dont les forces armées ont mené plusieurs incursions sur le terrain, ce qui a brisé la légère dynamique d'apaisement à l'œuvre jusqu'alors. La France, qui co-préside le groupe de Minsk, a demandé que soient respectés les accords de remise de prisonniers arméniens. Nous n'y sommes pas encore.

Je l'ai déjà dit, mais je réitère notre position : c'est de l'Azerbaïdjan que nous attendons aujourd'hui des signes de désescalade et le respect des accords passés. Á long terme, la situation actuelle nous rappelle que nous devons poursuivre nos efforts diplomatiques et politiques au sein du groupe de Minsk ; c'est la seule issue. Á court terme, comme l'a montré le déplacement il y a quelques semaines de M. Jean-Baptiste Lemoyne et de plusieurs parlementaires en Arménie, nous apportons à cette dernière une aide, qui ne se résume pas à un soutien politique mais consiste également en la fourniture d'une assistance humanitaire. Nous continuerons à le faire en parallèle de nos efforts de médiation au sein du groupe de Minsk de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE).

Dans les prochains jours, d'ailleurs, nous essaierons de proposer aux Ministres des Affaires étrangères de l'Arménie et de l'Azerbaïdjan une réunion afin de discuter de la mise en œuvre des accords de cessez-le-feu, afin que ceux-ci soient intégralement respectés.

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