… ou, en effet, l'agriculteur qui salarie des ouvriers agricoles, qui n'a rien demandé et qui assumera demain un coût et un risque. La majorité précédente parlait d'un « choc de simplification ». Vous, mes chers collègues, évoquez un « droit à l'erreur » – vous commencez bien, puisque vous allez commencer par compliquer la vie de nos compatriotes, de nos entreprises et de nos chefs d'entreprise !
Plus grave : vous allez polluer les rapports au sein de l'entreprise. En effet, les collaborateurs vont demander à leur patron pourquoi il en est ainsi, et la négociation salariale se fera sur le chiffre qui apparaît en bas à droite de la feuille de paie, après impôt : ce sont autant de difficultés provoquées par une réforme irréfléchie.
Cette réforme, en effet, ne se limite pas à une ligne supplémentaire sur la feuille de paie – que chacun, du reste, prétend régulièrement vouloir réduire, mais qu'on ne cesse d'augmenter. N'allons pas croire que, pour les entreprises, il suffira d'appliquer un taux à une assiette fiscale correspondant au salaire, car ce sera beaucoup plus compliqué. En effet, comme je l'ai déjà dit, le salarié contribuable connaîtra au minimum deux taux : l'un, applicable de janvier à septembre, calculé en fonction de ses revenus de l'année N– 2, et l'autre, applicable de septembre à décembre, calculé sur les revenus de l'année N– 1.
Ce sera cependant un minimum, car il existera d'autres taux. Il suffira en effet que la situation familiale évolue en raison par exemple d'un mariage, d'une naissance, d'un divorce ou d'un veuvage pour que l'entreprise doive appliquer un nouveau taux.
Avec la réforme du prélèvement à la source, le contribuable devra désormais appréhender potentiellement huit taux sur l'année, à savoir le taux marginal, qu'il connaît, et qui est celui de son ultime tranche, le taux moyen d'imposition, le taux – ou, plus précisément, les deux taux – du prélèvement à la source, ainsi que le taux « neutre », qui s'applique aux contribuables qui démarrent et n'ont donc pas de passé permettant de fixer un taux. Ce taux neutre s'applique en particulier aux jeunes et à ceux qui retrouvent le chemin de l'emploi – et nous espérons que ce sera le cas de bon nombre de nos concitoyens – , ainsi qu'aux contribuables qui, pour des raisons de confidentialité, ne souhaitent pas se voir appliquer le taux réel, quitte à rembourser par la suite. Nos compatriotes découvriront encore le taux modulé – car il est possible de demander une telle modulation – , ainsi que les taux individualisés que pourront choisir, pour des raisons de confidentialité, les deux membres du couple, s'ils travaillent tous deux, au lieu du taux moyen pesant sur les deux salaires.
Vous voyez la complexité de ce dispositif, qui changera la nature des relations dans l'entreprise. Jusqu'à présent, en effet, le contribuable n'interrogeait que le fisc. Demain, il interrogera son entreprise, son directeur des ressources humaines – DRH.
Cette réforme est aussi source d'inégalités et d'injustices. Inégalités, tout d'abord, entre salariés et non-salariés, car ces derniers en restent aux revenus de l'année passée et ne connaissent pas les difficultés du prélèvement à la source – ils font certes l'objet d'un acompte, mais ce n'est pas la même chose. Inégalité aussi au profit de nos compatriotes les plus aisés : aujourd'hui, en effet, comme vous le savez pour le voir dans vos circonscriptions, quand un contribuable rencontre des difficultés pour payer l'impôt sur le revenu, il peut obtenir des étalements – voire, même si c'est plus rare, des abattements. Or, cela ne sera plus possible, car le paiement sera systématisé par le prélèvement à la source : ces attitudes réalistes, sinon compassionnelles, à l'égard de nos compatriotes ne sont plus possibles demain.
De plus, cette réforme prend très mal compte certains salaires très spécifiques – je pense en particulier aux emplois à domicile, dont l'employeur est tout un chacun. Comment va-t-on faire ? Vous imaginez une usine à gaz : nous verrons ce qu'il en est lors de l'examen des amendements.
Je pense également aux assistantes maternelles, salariées par plusieurs familles qui les emploient : comment ces familles prélèveront-elles l'impôt sur le revenu de leur assistante maternelle ? Je parle ici de la vraie vie ! C'est comme la prime de Noël évoquée ce matin à la radio dans l'émission de Jean-Jacques Bourdin : c'est la vie et il faut parfois en parler et voir comment ça se passe. Parlons-en donc !
Autre difficulté très sensible, pour des raisons évidentes : les pensions alimentaires, qui se traduisent par une réduction de la base imposable pour ceux qui les versent et par une augmentation de la base imposable pour ceux qui les reçoivent. Qui paie le prélèvement à la source ? Est-ce l'ancien mari qui paiera pour le compte de sa femme ? Ce sont là des difficultés à peu près insolubles, auxquelles vous allez devoir vous atteler, monsieur le ministre – en multipliant vraisemblablement les usines à gaz.
Autre changement majeur : le contribuable perdra la confidentialité à laquelle il est attaché.