La séance est ouverte.
La séance est ouverte à seize heures.
L'ordre du jour appelle la discussion, en lecture définitive, du projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2018 (no 434).
Monsieur le président, monsieur le rapporteur général, mesdames et messieurs les députés, nous parvenons au terme de l'examen du projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2018.
Le Sénat a opposé la question préalable à ce texte ; il n'a donc pas souhaité l'examiner à nouveau. Les sénateurs ont toutefois considéré qu'un travail utile avait été accompli. Le texte qui vous est soumis est donc celui que votre Assemblée a adopté mercredi dernier en deuxième lecture.
Le 24 octobre dernier, quand a commencé l'examen de ce projet de loi, je vous avais dit l'ambition du Gouvernement : que ce premier projet de loi de financement de la Sécurité sociale du quinquennat soit celui de la responsabilité, de la solidarité et de la transformation. Je peux affirmer aujourd'hui que l'esprit de responsabilité est consacré, que la solidarité est confortée et que notre volonté de transformation sort renforcée de nos débats.
Oui, il s'agit du PLFSS de la responsabilité et de l'équilibre. Nous consacrons 20 % de notre richesse nationale à la Sécurité sociale de nos concitoyens. Les conditions de son financement sont en conséquence des choix politiques essentiels pour aujourd'hui et pour demain.
Par ce projet de loi, nous choisissons d'adapter ce financement à l'évolution de notre modèle social, en élargissant l'assise des contributions, en renforçant la solidarité intergénérationnelle, qui est au fondement de la Sécurité sociale, en pérennisant les allégements généraux de charges en contrepartie de la suppression du CICE – crédit d'impôt compétitivité emploi – , en allégeant les conditions de contribution pour les créateurs d'entreprise et en réduisant les contributions des trois quarts des travailleurs indépendants. Grâce à ces choix, ce projet de loi donnera davantage de pouvoir d'achat à 20 millions de travailleurs – salariés et indépendants – dès le début de l'année 2018.
Par ces choix également, le Gouvernement conforte durablement notre système de Sécurité sociale et confirme sa volonté de revenir à l'équilibre des comptes. Cet objectif, fixé par le Premier ministre à l'horizon 2020, nous engage vis-à-vis des nouvelles générations, auxquelles nous devons laisser une protection sociale sans dette. Il témoigne d'une méthode, d'une volonté politique : celle de l'esprit de responsabilité qui est le corollaire de l'esprit de réforme et de progrès social.
Oui, la solidarité est confortée. Je veux le redire à nos concitoyens : ce PLFSS améliorera la situation de près de 550 000 personnes âgées bénéficiaires du minimum vieillesse. Ce PLFSS augmentera les prestations familiales pour les familles les plus pauvres et les familles monoparentales, ces dernières bénéficiant en outre d'une majoration significative de l'aide pour faire garder leur enfant. Il permettra de mieux prendre en compte l'évolution des besoins des personnes âgées, en particulier les plus dépendantes d'entre elles. Enfin, il mobilisera davantage de ressources pour notre système de santé : le taux d'évolution autorisé de l'objectif national des dépenses d'assurance maladie – ONDAM – sera le plus élevé depuis quatre ans.
Derrière chacune de ces mesures, il y a la même volonté : celle de conforter le modèle social qui est au coeur de notre cohésion républicaine, et de soutenir d'abord nos concitoyens les plus fragiles ou les plus pauvres. Nous aurons l'occasion, dans le courant de l'année 2018, de travailler plus avant, ensemble, aux orientations à donner à des pans importants de ce modèle – je pense notamment à la politique familiale.
Oui, enfin, à l'issue de ces débats, notre volonté de transformation est renforcée. Les deux assemblées, en adoptant l'article 11 de ce projet de loi, ont soutenu la volonté du Gouvernement de faire évoluer l'organisation de la protection sociale des travailleurs indépendants.
Là encore, il s'agit de transformer et d'adapter les organisations à la société dans laquelle nous vivons : c'est le meilleur moyen de préserver les outils de notre solidarité nationale. Il s'agit d'un chantier majeur, qui sera conduit avec détermination, mais avec le temps et les moyens nécessaires à sa réussite. Le mandat très clair que donnera la représentation nationale sera – n'en doutons pas – un soutien puissant aux femmes et aux hommes engagés dans ce projet d'adossement du RSI – régime social des indépendants – au régime général.
Le Parlement nous a également donné un mandat très clair pour transformer notre système de santé. J'ai été impressionnée par l'engagement des parlementaires, sur ces bancs et au Sénat, quelle que soit leur appartenance partisane, pour que les paradigmes de la politique de santé changent et que soit clairement affirmé le primat de la prévention.
Il s'agit là, vous le savez, de la priorité de mon action : votre engagement, votre soutien, conforteront la stratégie nationale de santé, dont j'arrêterai les axes dans le courant de ce mois, et le Plan national de santé publique, qui sera élaboré au cours du printemps.
Nous avons – je le crois – une même vision des évolutions que doit accomplir l'organisation de notre système de santé : la pertinence des soins et des prescriptions comme référence, l'agilité des organisations et l'expérimentation comme méthode, la rémunération comme vecteur de changement, la révolution numérique comme facteur d'accélération des mutations. C'est naturellement dans cette voie que je poursuivrai mon action ministérielle dans les prochains mois, en mettant en oeuvre les dispositions de l'article 35 ou en oeuvrant pour accélérer la transition numérique du système de santé.
Mesdames et messieurs les députés, au terme de plus de cinquante heures de débat, je remercie l'ensemble des députés, plus spécialement la présidente de la commission des affaires sociales, Mme Brigitte Bourguignon, et le rapporteur général, M. Olivier Véran, pour les échanges très intenses et très riches que nous avons eus, qui ont contribué à améliorer le projet du Gouvernement. N'ayant pu le faire directement, j'associe à ces remerciements les sénatrices et les sénateurs qui ont manifesté leur accord à beaucoup des dispositions de ce projet de loi.
Ce premier projet de loi de financement de la Sécurité sociale de la législature traduit les engagements pris devant les Français. Ces engagements, mesdames et messieurs les députés, sont tenus, et le pacte de confiance avec nos concitoyens en sortira renforcé. C'est pourquoi je vous invite résolument, par votre vote, à soutenir ce projet de loi.
Applaudissements sur les bancs du groupe REM.
La parole est à M. Olivier Véran, rapporteur général de la commission des affaires sociales.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous étions réunis ici il y a cinq jours pour le vote de ce PLFSS en nouvelle lecture, après quelques jours de débats en séance, eux-mêmes précédés par quelques jours de débats en commission. Le tout, quelques semaines après la première lecture, au cours de laquelle nous avions eu quelques jours de débats en commission, puis quelques jours de débats en séance.
Après tous ces épisodes, nous nous retrouvons de nouveau pour parler du même texte, dans la rédaction que nous avons adoptée le 29 novembre, ainsi que l'exige le formalisme de la procédure parlementaire, puisque le Sénat, en nouvelle lecture, a opposé la question préalable. Constatant les désaccords entre les deux assemblées, qui se sont donnés à voir lors de la première lecture de ce texte au Sénat, les sénateurs ont conclu qu'un accord était impossible. C'est ainsi que nous nous retrouvons pour une discussion générale, qui sera immédiatement suivie d'un vote sur l'ensemble du texte, sans examen d'amendements.
Nous n'aurons donc pas ce soir des débats animés entre groupes politiques comme nous en avons connu lors des lectures précédentes. Je m'interroge : peut-être devrions-nous, dans le cadre de la prochaine réforme des institutions, simplifier les choses !
Les points de désaccord avec le Sénat sont nombreux et bien connus. En dépit du travail accompli par les sénateurs en première lecture, et de la commission mixte paritaire, ce désaccord n'a pu être levé. Je n'en tiens nullement grief aux sénateurs : en rejetant certains points, ils étaient parfaitement dans leur droit – je pense notamment au périmètre de l'augmentation de la CSG, s'agissant des retraités et des pensions d'invalidité, et au dispositif de soutien aux exploitants agricoles, que nous avons rétabli en nouvelle lecture le deuxième soir, au terme de débats animés.
Je rappelle qu'à l'initiative du groupe majoritaire, nous avons adopté une disposition aux termes de laquelle la prestation de compensation du handicap perçue par les aidants familiaux, jusqu'ici considérée comme un revenu du capital, sera désormais considérée comme un revenu du travail. Elle sera donc soumise à un taux de CSG moins élevé, dans un souci de justice.
Nous avons également supprimé un article introduit par le Sénat qui tendait à exonérer les non-résidents de prélèvements sociaux sur les revenus du capital. Nous avons par ailleurs adopté, sur ma proposition, une modification du barème de la fameuse taxe sur les boissons rafraîchissantes sans alcool, dont nous avons exclu le lait de soja après des débats épiques ayant donné lieu à une suspension de séance.
S'agissant de la branche maladie, nous avons supprimé l'article 35 bis B qui portait sur l'accès testimonial – j'ai également parlé d' « utilisation compassionnelle » – des médicaments innovants. Quoique nous ayons supprimé cet article, nous avons pu débattre de cette question avec Mme la ministre des solidarités et de la santé, ce qui nous permettra d'avancer sur ce terrain.
Nous avons également supprimé l'article 36 bis, qui portait sur la téléradiologie, et, à l'article 37, la procédure d'instruction accélérée des CHAP – les commissions de hiérarchisation des actes et prestations. Cela peut sembler technique, sauf pour ceux qui ont suivi avec passion les débats des lectures précédentes. À l'article 40, nous sommes revenus sur la restriction, par le Sénat, de l'encadrement de la charte de qualité des pratiques de publicité aux seules pratiques promotionnelles.
À l'article 41, nous avons rétabli le mécanisme de baisse des prix des dispositifs médicaux au-delà d'un plafond de dépenses. À l'initiative du groupe Les Constructifs, nous avons supprimé l'article 50 ter, introduit par le Sénat, concernant la mutualisation de la prestation de compensation du handicap – cette disposition avait fait monter au créneau un certain nombre d'associations, après son adoption en première lecture par les sénateurs, et pour cause ! Nous avons donc suivi le groupe Les Constructifs dans cette démarche.
Nous arrivons enfin au terme d'un débat riche. Sur un certain nombre de points, nous avons avancé de façon consensuelle, avec l'accord de la presque totalité des groupes parlementaires. Je me réjouis de voter, dans quelques instants et pour la dernière fois, ce projet de loi de financement de la Sécurité sociale – avant ceux des prochaines années de ce quinquennat.
Si je devais le résumer en quelques mots, je dirais que ce PLFSS est un texte de pouvoir d'achat pour les Françaises et les Français. Par ce texte, nous portons une attention particulière aux 6,5 millions d'indépendants dans notre pays, grâce à la suppression du RSI. Nous renforcerons par ailleurs la compétitivité de nos entreprises, grâce à la transformation du crédit d'impôt compétitivité emploi en baisse de cotisations patronales.
Enfin, ce PLFSS comprend de très bonnes dispositions en matière de politique sanitaire, notamment la généralisation de la télémédecine et la possibilité d'expérimenter, dans les territoires, le paiement des soins au parcours ou à l'épisode de soins. Je vous remercie donc à nouveau, madame la ministre, pour ce beau texte, et chacun d'entre vous pour votre participation aux débats.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe REM.
Monsieur le président, mes chers collègues, madame la ministre, la lecture que nous faisons de ce PLFSS est bien différente de celle que vous avez faite tout à l'heure dans votre intervention liminaire.
Mes collègues du groupe La France insoumise et moi-même, nous aimons la Sécurité sociale. Elle fait partie du patrimoine national : aussi faut-il ardemment la défendre.
La Sécurité sociale est un projet qui vient de loin : de la fin du XIXe siècle jusqu'au début des années 1980, en passant par l'épisode fondateur du programme du Conseil national de la Résistance, la France a réussi à construire le meilleur système de protection sociale au monde. Soyons-en fiers, car bon nombre de pays nous l'envient !
Il est vrai que vous n'êtes pas les seuls responsables des problèmes que rencontre aujourd'hui la Sécurité sociale. Beaucoup de décisions prises par les majorités successives ont servi davantage à détricoter la Sécurité sociale qu'à la généraliser, l'élargir et la renforcer.
Désormais, je dirais simplement que l'idée n'est plus que chacun contribue à la hauteur de ses moyens et reçoive à la hauteur de ses besoins, comme en témoigne le recours à la CSG, impôt injuste qui accable les bas revenus et ménage, finalement, les plus fortunés.
L'idée n'est pas non plus d'étendre la protection sociale, de renforcer l'accès aux soins, d'aider les plus fragiles et de soigner tout le monde. De nombreux indicateurs montrent que les coups portés à notre système de sécurité sociale ont des conséquences dramatiques, allant jusqu'à dégrader l'espérance de vie en bonne santé de nos concitoyens. Après une longue période de progrès ininterrompus, l'espérance de vie en bonne santé, aujourd'hui, stagne voire même régresse. C'est là un fait majeur, qui ne semble pas vous émouvoir outre mesure. Manifestement, cela ne vous choque pas qu'aujourd'hui, l'espérance de vie en bonne santé soit moins élevée en France que dans d'autres pays d'Europe – je pense notamment à la Suède, ou même au Royaume-Uni.
Cela ne vous choque pas qu'un quart des assurés sociaux – je dis bien un quart – , aujourd'hui, en 2017, renonce aux soins pour des raisons financières.
Cela ne vous choque pas que des hôpitaux ferment un peu partout sur le territoire, limitant l'accès aux soins pour des pans entiers de la population.
Cela ne vous choque pas que dans un pays qui a longtemps été la tête de pont du progrès social, le taux de mortalité infantile – le taux de mortalité infantile ! – soit désormais en hausse, avec un bond de près de 10 % sur les deux dernières années.
Cela ne vous choque pas, manifestement, que près de 20 % des lits d'hôpitaux aient été fermés en à peine plus de dix ans, si l'on tient compte de l'évolution démographique.
Cela ne vous a pas choqués non plus que le nombre d'hôpitaux rapporté à celui des habitants dans un département d'outre-mer comme Mayotte soit dix fois inférieur à celui d'un département métropolitain comme Paris.
Cela ne vous a pas choqués que l'on recense de plus en plus de suicides au sein du personnel médical, notamment chez les infirmières et les aides-soignants.
Je ne dramatise pas, chers collègues : l'hôpital public est en souffrance, et l'essor des cliniques privées ne doit pas nous réjouir. L'accès aux soins est de plus en plus cher, et nous assistons à l'émergence d'une médecine à deux vitesses dans un pays qui a longtemps défendu l'idéal de la solidarité universelle et l'assistance portée à chacun, quels que soient ses moyens.
Les plus riches bénéficient des avancées technologiques en matière de soins et du confort inégalé de certains établissements privés, tandis que les plus modestes et les plus pauvres doivent se contenter de lits de fortune, parfois dans les couloirs débordants de souffrance et de misère des services d'urgences publics. Je ne caricature pas ! J'ai là, devant moi, des collègues de Seine-Saint-Denis qui le savent : telle est la réalité dans nombre d'hôpitaux de ce département, où les services d'urgences se réduisent souvent à un simple couloir.
En matière de Sécurité sociale, comme dans tous les autres pans de la société, je vous le dis tout de go, vous clivez, vous divisez, vous séparez et vous triez. Vous défendez un projet d'insécurité sociale : tout pour les riches et si peu pour les pauvres, jusqu'à menacer le droit à la santé. Il n'y a visiblement plus assez d'argent pour la Sécurité sociale, l'hôpital public, l'accès aux soins ou l'aide à la dépendance, mais il y a en revanche toujours plus d'argent dans les paradis fiscaux, toujours plus d'argent pour exonérer d'impôts les plus riches et toujours plus d'argent à offrir sans contrepartie aux grandes entreprises, qui en profitent pour donner des avantages à leurs actionnaires.
Votre budget non seulement conforte, mais pérennise le CICE alors que le prix d'un emploi créé par ce dispositif avoisine les 300 000 euros. Voilà, hélas, à quoi tend votre projet : limiter la solidarité, valoriser ce que j'appellerais une forme de cupidité. On pourrait croire à une caricature, mais tel est le triste portrait des politiques qui sont menées.
Avec La France insoumise, vous le savez – nous l'avons dit lors de l'élection présidentielle – , nous défendons un tout autre projet : celui d'une Sécurité sociale rendue universelle dans une société que nous souhaitons bienveillante.
Les progrès techniques, l'amélioration de la productivité et l'essor des nouvelles technologies doivent servir l'intérêt général, mais tel n'est pas le cas de votre projet. La quasi-totalité des bénéfices tirés de ces avancées est accaparée par les grandes fortunes, lesquelles s'accumulent dans l'immoralité la plus extrême et sous le regard bienveillant de votre majorité.
La presse s'est émue du fait qu'après l'adoption du PLFSS, en première lecture, certains collègues de cette majorité aient bu le champagne à la buvette parlementaire.
Eh bien sachez que, si vous n'y prenez garde, ce champagne aura demain un goût amer – si toutefois ce projet devait être définitivement adopté. Pour notre part, nous voterons contre !
Applaudissements sur les bancs du groupe FI.
Des gens de votre groupe étaient présents ! Il y avait des gens de La France insoumise ! C'est nul ! Dès le lundi, c'est petit…
Monsieur le président, chères et chers collègues, par-delà l'indignation, je voudrais faire résonner ici cette interpellation du philosophe Lucien Sève : « Pensez-vous que l'humanité aille mal tout autant que notre planète, que soit en vrai péril la dimension civilisée du genre humain, de sorte qu'au souci urgent de sauvegarder la nature s'impose d'adjoindre au même niveau d'importance celui de sauvegarder l'humanité au sens qualitatif du mot ? ». Cause écologique et cause anthropologique indissociablement liées. Et de pointer du doigt « la frénésie du rentable », la « marchandisation de l'humain », la « dévaluation des valeurs », « l'évanouissement du sens » qui conduisent selon lui à « une décivilisation sans rivage ».
Nous sommes dans cette crise. Les symptômes sont là. Dans un livre récent, Roland Gori, Bernard Lubat et Charles Silvestre appellent au respect des métiers, au retour à l'oeuvre. L'oeuvre, « du geste le plus simple à l'exercice le plus savant », qui « développe le commun, l'humanité dans l'homme ». Où cette perte est-elle la plus sensible ? Dans le secteur de la santé, disent-ils, soumis aux logiques de coût et de management, où « le médecin, invité à exécuter des protocoles, veut rester ou redevenir « l'homme de l'art » » et où, selon l'OCDE, les infirmières sont payées en-dessous de la moyenne européenne.
Soigner l'humain, tout l'humain, cela ne mérite-t-il pas un peu de temps, un peu de délicatesse, un peu d'égards et des moyens à la hauteur ? La Sécurité sociale, peut-être la plus grande invention sociale du siècle dernier, est au coeur de ce défi. Je n'ai pas voulu commencer par invoquer l'histoire – qui nous oblige et dont on ne peut profaner les créations sans juste raison – mais si la Sécurité sociale n'a pu naître vraiment qu'à la faveur de ce puissant élan de la Libération, comme antidote à la barbarie, c'est bien parce qu'elle illustre une idée si forte et si contraire aux intérêts des forces dominantes qu'elle réclamait une volonté hors-norme.
Par coups de boutoir successifs, elle a été affaiblie et remise en question depuis. Et pour cause ! Il y a dans cette idée quelque chose de ce que je nomme « communisme » : face aux aléas de l'existence, aller « de chacun selon ses moyens, à chacun selon ses besoins ». Quelle force concrète donnée au principe d'égalité et quelle juste reconnaissance pour le travail, créateur de valeurs !
Ici, que voulez-vous ? Augmenter le pouvoir d'achat, avez-vous dit. Cela se verrait sur la fiche de paie grâce à la suppression de la cotisation, ce salaire socialisé, mis en partage et donnant des droits à caractère universel. Après cette opération de « com' » simpliste, comment la protection sociale sera-t-elle financée ? Par l'augmentation de l'impôt, avez-vous dit, non pas l'impôt sur le revenu, progressif – quoique trop peu – , mais la CSG. Sans doute est-ce là l'une des mesures les plus contestées dans la campagne électorale, qui vient impacter sept millions de retraités présentés comme des privilégiés un peu grippe-sous. Leur situation matérielle devient intenable. En regard, vous avez multiplié les cadeaux aux grands propriétaires et n'avez pas prévu d'y revenir. Donc, votre hausse du pouvoir d'achat sera auto-financée par les salariés. Nous vivons un grand moment de mystification !
Dans le même ordre d'idées, vous prenez également quelques mesures contradictoires en termes de politique familiale, de politique en faveur des personnes handicapées ou des personnes âgées, politique de la main droite qui reprend ce que la main gauche a donné.
Pour le reste, vous poursuivez la logique de compression des dépenses de santé, invoquant la pertinence des dépenses comme un lieu d'économies substantielles, ce qui aura du mal à se vérifier compte tenu des restrictions qui ont cours depuis si longtemps.
Face à cette profonde crise de l'humain, nous devons nourrir une tout autre ambition pour la protection sociale et pour la santé. La consommation de soins et de biens médicaux a été évaluée à 8,9 % du PIB pour 2015, en léger recul, et la Sécurité sociale en a financé 76,8 %. Elle devrait tendre vers 100 %.
Quoi qu'il en soit, nous avons besoin de davantage de ressources pour la protection sociale, mais vous n'allez pas les chercher : vous délivrez des exonérations débordantes de cotisations patronales, ce qui vient encore grossir l'accaparement du monde par quelques-uns et la pollution de nos sociétés par la finance, qui ne rêve que d'une chose : s'offrir ici de nouveaux terrains de spéculation.
Selon Lucien Sève, il convient d'allier « à la plus réaliste conscience du possible la plus ambitieuse vision du nécessaire ». Dans ma circonscription, un hôpital est sous tension, avec des personnels qui sont en souffrance, un centre de Sécu a fermé dans une ville populaire, les salariés s'inquiètent des maladies professionnelles. Couplée aux ordonnances, cette réforme de fragilisation pour la Sécurité sociale et de compression pour la santé nous tire vers un nouvel ordre social inquiétant et appelle le temps de nouvelles inventions et de nouvelles conquêtes. C'est pourquoi nous nous opposerons à ce projet de loi.
Applaudissements sur les bancs du groupe FI.
Monsieur le président, madame la ministre des solidarités et de la santé, monsieur le rapporteur général de la commission des affaires sociales, mes chers collègues, nous nous retrouvons aujourd'hui pour la lecture définitive du projet de loi de financement de la Sécurité sociale, ultime étape de l'examen de ce texte fondateur pour notre législature.
Ce premier budget de la Sécurité sociale du quinquennat concrétise les engagements sur lesquels les députés du groupe La République en marche ont été élus. Il engage notre pays sur la voie de la modernisation et des réformes tout en s'inscrivant résolument dans l'objectif de retour à l'équilibre des branches de la Sécurité sociale et d'extinction de la dette sociale.
Grâce à la trajectoire responsable que propose ce texte, le déficit de la Sécurité sociale devrait s'établir en 2018 à son niveau le plus bas depuis quinze ans. Pourtant, le texte que nous nous apprêtons à examiner en lecture définitive propose des réformes ambitieuses pour les Français et, en premier lieu, pour les plus fragiles.
En première lecture, l'Assemblée nationale et le Sénat ont trouvé de nombreux points de convergence, preuve du travail constructif mené par les deux chambres sur ce texte. Ainsi, plusieurs dispositions phares de ce budget ont été validées au Sénat : suppression du RSI, transformation du CICE en allégement pérenne de charges sociales, hausse du prix du tabac, extension de l'obligation vaccinale, hausse historique du minimum vieillesse ou, encore, généralisation de la télémédecine, innovation en santé.
Deux points majeurs de désaccord subsistaient pourtant. Tout d'abord, l'article 7 prévoyant la baisse des cotisations salariales en contrepartie de la hausse de 1,7 point de CSG avait été profondément transformé par le Sénat. C'est pourquoi en nouvelle lecture, à l'Assemblée, nous avons continué à faire acte de pédagogie pour que cette mesure soit comprise par les Français, pour expliquer à nouveau que les petites retraites ne seront pas concernées par la hausse de la CSG, que le vieillissement de la population nous impose de revoir le financement de notre système de protection sociale, que la solidarité entre les générations ne saurait aller que dans un sens.
Si nous avons rétabli cette mesure en nouvelle lecture, c'est parce qu'elle est juste pour les Français, c'est parce que, sans elle, c'est l'équilibre même de ce budget qui s'effondre. Incarner la modernité au sein de cette assemblée, c'est aussi prendre nos responsabilités.
Dans le même temps, l'examen en nouvelle lecture de cet article 7 a permis au groupe majoritaire de proposer deux amendements importants.
Le premier s'inscrit dans une priorité que nous avions mise au premier plan pendant les campagnes présidentielle et législative : il s'agit de l'aide aux aidants, ces personnes qui, chaque jour, s'occupent d'un proche en situation de dépendance ou de handicap. L'amélioration de leur qualité de vie est un objectif fondamental.
Le second vise à compenser la hausse de la CSG pour les artistes auteurs afin que ceux-ci ne soient pas pénalisés injustement. Le débat que nous avons eu en séance la semaine dernière a permis de trouver une solution pour ces acteurs essentiels du monde de la culture. Je ne peux que saluer la mobilisation du groupe majoritaire sur ce sujet.
Le Sénat avait par ailleurs supprimé l'article 26 du texte prévoyant l'harmonisation du barème et des plafonds de la prestation d'accueil du jeune enfant et du complément familial. Là encore, il s'agit d'une mesure essentielle pour la lisibilité des aides et l'équilibre de ce budget, qui permet de dégager les ressources nécessaires pour une politique familiale plus solidaire. Avec la hausse de 30 % du complément de mode de garde pour les familles monoparentales, la revalorisation de l'allocation de soutien familial et du montant majoré du complément familial, cette politique s'inscrit résolument dans la lutte contre la pauvreté des familles et des enfants.
Les députés du groupe La République en marche assument ces choix, et c'est la raison pour laquelle ils ont soutenu le rétablissement de l'article 26 en nouvelle lecture la semaine dernière.
Ils ont par ailleurs soutenu un amendement visant à rétablir une disposition supprimée par le Sénat qui ouvre la voie à l'harmonisation des critères d'attribution des places en crèche. Il s'agit là d'une mesure de transparence nécessaire alors que tant de familles sont aujourd'hui confrontées à des décisions obscures et souvent injustes au moment d'inscrire leur enfant en crèche.
L'examen en nouvelle lecture à l'Assemblée nationale a également permis de procéder à un ajustement du barème de la taxe sur les boissons sucrées, mesure de premier plan pour prévenir l'obésité.
Je veux, avant de conclure mon propos, remercier Mme la ministre des solidarités et de la santé et M. le ministre de l'action et des comptes publics, ainsi que leurs équipes, pour la qualité des échanges que nous avons eus sur ce texte. Le travail que nous avons mené au sein du groupe La République en marche, mais également avec les groupes d'opposition, aux côtés du rapporteur général Olivier Véran et de la présidente de la commission des affaires sociales, Brigitte Bourguignon, doit être salué.
Le texte que nous avons adopté en nouvelle lecture traduit nos engagements pour un système de protection sociale plus juste et solidaire, reposant sur des finances assainies. Il met la prévention et l'innovation au coeur de notre système de santé et fait des choix clairs en faveur des plus fragiles, de celles et ceux qui doivent faire l'objet de toute notre attention et de notre soutien.
Pour toutes ces raisons, et pour ces engagements tenus, le groupe La République en marche votera pour ce projet de loi de financement de la Sécurité sociale.
Applaudissements sur les bancs des groupes REM et MODEM.
Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, vendredi dernier, les sénateurs ont fait le choix d'adopter une motion tendant à opposer la question préalable, motion qui nous conduit ce soir à conclure sur un texte identique à celui adopté par l'Assemblée nationale en seconde lecture. Des désaccords subsistent en effet entre le Sénat, votre gouvernement et votre majorité à l'Assemblée nationale, qui conduiront les membres du groupe Les Républicains à voter contre ce projet de loi de financement de la Sécurité sociale.
Pourtant, pour la première fois depuis cinq ans, ce PLFSS aurait pu faire l'objet d'un accord de notre groupe, s'il n'avait pas comporté des articles qui, selon nous, n'ont rien à faire dans un tel texte. Vous avez manqué l'occasion qui s'offrait à vous, madame la ministre, de marquer votre arrivée au sein de ce grand ministère par une rupture avec le passé. Nous ne pouvons que regretter votre choix, nous qui sommes les partisans d'une démarche concertée et la plus consensuelle possible. Nous le regrettons d'autant plus qu'un certain nombre d'articles essentiels ne suscitent, de notre part, aucun désaccord de fond.
Je veux parler de la transformation du crédit d'impôt compétitivité emploi – CICE – en allégement de charges – même si nous ne sommes pas d'accord sur le taux retenu – , de l'année blanche de cotisation pour les créateurs d'entreprises, ou encore de l'aménagement de la taxe sur les boissons sucrées. À ce sujet, je veux vous remercier, madame la ministre, monsieur le rapporteur général, d'avoir reconnu le bien-fondé de mon argumentation et de celle de Thierry Benoit sur le lait à base de soja.
Je n'oublie pas non plus notre accord sur vos propositions en matière de vaccination, sur la suppression de l'obligation d'appliquer le tiers payant généralisé, ou encore les expérimentations visant à promouvoir un véritable parcours de soins et une meilleure efficacité de la prise en charge. Tous ces points, particulièrement clivants dans le passé, ont fait l'objet de discussions, puis d'un accord de notre part. C'est dire, madame la ministre, si, avec la volonté du Gouvernement, un accord aurait pu être trouvé sur l'ensemble du texte.
Mais, avec l'appui inconditionnel de votre majorité, vous vous êtes obstinée à refuser nos propositions sur les articles principaux de ce PLFSS. Nous maintenons notre opposition ferme et résolue à l'augmentation de la contribution sociale généralisée – CSG – pour les retraités, même si l'exonération pour les bénéficiaires de la prestation de compensation du handicap est un point de satisfaction. Je regrette également votre décision de supprimer l'article 7 bis, introduit par le Sénat, concernant l'imposition des Français de l'étranger. Vous n'avez pas voulu entendre mon argumentation, et je crains que votre choix ne coûte cher à notre pays.
S'agissant de la suppression du régime social des indépendants – RSI – , nous continuons de penser que cette proposition aurait dû faire l'objet d'un texte à part entière et qu'elle n'a rien à faire dans ce PLFSS. Jean-Pierre Door vous a dit à plusieurs reprises qu'il s'agissait, selon nous, d'un cavalier. Vous prenez le risque de mettre les affiliés au RSI dans une situation encore plus complexe que celle qu'ils connaissent aujourd'hui.
Enfin, la diminution de la prestation d'accueil du jeune enfant – PAJE – pèsera sur de nombreuses familles aux revenus modestes. Vous allez priver de nombreuses femmes du droit de travailler, faute de pouvoir faire garder leurs enfants, et vous priverez aussi de nombreuses assistantes maternelles des enfants dont elles ont la garde. Je vous l'ai dit et je le répète : ce n'est pas là notre vision de la politique familiale. Puisque la mission d'information sur la politique familiale va bientôt entamer ses travaux, vous auriez dû attendre ses conclusions avant de prendre une telle décision.
Tous ces éléments ne doivent pas nous faire oublier qu'il reste de nombreux problèmes à régler. Je pense aux déficits abyssaux des hôpitaux publics et à la situation des services d'urgence. Je pense aux nouveaux traitements et dispositifs médicaux, souvent coûteux, mais indispensables aux soins des patients, à leur confort de vie et à la lutte contre les maladies les plus graves. Je pense aussi aux greffes d'organes, que nous devons continuer à faciliter, et aux soins palliatifs, qu'il nous faut développer dans tous les services hospitaliers, ainsi qu'à domicile. Je pense, enfin, aux personnels des hôpitaux et des EHPAD, au vieillissement de la population et à tant d'autres questions qu'il va nous falloir résoudre au cours de ce quinquennat.
Sur tous ces points, madame la ministre, vous nous trouverez à vos côtés à chaque fois qu'il faudra trouver les solutions les plus appropriées au service des Françaises et des Français.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Sur l'ensemble du projet de loi de financement de la Sécurité sociale, je suis saisi par les groupes UDI, Agir et indépendants et La France insoumise d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à Mme Nathalie Elimas.
Monsieur le Président, madame la ministre, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, c'est avec fierté, et même avec une certaine émotion, que je prends la parole aujourd'hui dans cet hémicycle, alors que nous nous apprêtons à voter définitivement le premier projet de loi de financement de la Sécurité sociale du quinquennat.
Les députés du groupe MODEM ont soutenu ce texte tout au long de son examen et nous saluons ses grandes orientations. En effet, le PLFSS pour 2018 fixe un cap clair et ambitieux pour notre système social, afin de le rendre plus juste, plus solidaire et plus innovant. Il permettra de mieux lutter contre la désertification médicale, d'améliorer notre système de prévention et de libérer l'innovation en matière de santé, notamment à travers le déploiement de la télémédecine.
Certes, nous regrettons que le Gouvernement ne nous ait pas entendus sur un certain nombre de points qui nous tenaient à coeur. Madame la ministre, vous savez quelle énergie nous avons déployée à défendre le pouvoir d'achat des retraités les plus modestes et celui des agriculteurs. Nous déplorons qu'un signal fort ne leur ait pas été envoyé. Il nous semblait juste, en effet, que 50 % des retraités soient exonérés de la hausse de la CSG.
De même, il est à nos yeux incompréhensible que les agriculteurs, durement touchés par des crises successives, soient les seuls actifs pour qui la hausse de la CSG ne sera pas intégralement compensée. Les allégements de charges spécifiques qui leur avaient été accordés en 2015 étaient nécessaires pour renforcer la compétitivité de notre secteur agricole. Nous appelons à présent le Gouvernement à prendre, par voie réglementaire, des mesures pour réparer cette situation injuste, d'autant qu'il s'y était engagé en première lecture.
J'aimerais dire un mot, également, de la politique familiale, qui doit rester forte et ambitieuse. Nous déplorons, madame la ministre, la mesure que vous avez introduite à ce sujet dans le cadre de ce PLFSS. Nous la déplorons tout d'abord sur le fond, puisqu'elle représente une perte de 15 euros mensuels pour les naissances déclarées à partir du 1er avril 2018 et qu'elle entraînera une baisse de 10 % du nombre des bénéficiaires de l'allocation de base de la PAJE. Madame la ministre, si nous saluons les 70 millions d'euros supplémentaires, en faveur notamment des familles monoparentales et des plus défavorisés, ces crédits demeurent modestes en comparaison de l'économie de 500 millions d'euros sur trois ans qu'entraînera la mesure relative à la PAJE.
Cela étant, nous sommes d'accord avec vous et pensons qu'il est cohérent d'aligner les montants de la PAJE et du complément familial, puisque ces deux allocations se succèdent dans la vie d'un enfant, l'une étant touchée avant ses trois ans, l'autre après. Nous aurions d'ailleurs soutenu cette mesure, si l'alignement avait été fait à la hausse, et non à la baisse.
Nous désapprouvons également cette mesure sur la forme. En effet, nous avons entendu et respecté l'appel du Gouvernement à observer un statu quo cette année, dans la perspective d'une concertation pour l'émergence de mesures de rénovation de notre politique familiale dans un cadre global et cohérent l'année prochaine. C'est pourquoi nous avons accepté de retirer tous les amendements ayant trait à la politique familiale que nous avions déposés sur le PLF et le PLFSS, dans l'attente de la mission d'information qui sera prochainement lancée par la commission des affaires sociales. Nous aurions donc souhaité que le Gouvernement observe lui-même le statu quo que nous avons accepté de respecter et qu'il attende l'année prochaine pour prendre toute décision sur la PAJE. Cette demande avait d'ailleurs obtenu un large consensus sur nos bancs, ainsi qu'au Sénat, et nous savons que notre rapporteur général n'y était pas indifférent.
Renforcer la politique familiale aujourd'hui, c'est penser aux enfants de demain, et à la société française et au modèle social et solidaire d'après-demain. Le Gouvernement pourra compter sur le groupe MODEM pour formuler des propositions constructives, dans l'intérêt général.
Madame la ministre, mes chers collègues, malgré nos réserves sur ces trois points, nous voterons avec enthousiasme ce PLFSS pour 2018, qui contient de nombreuses mesures attendues et essentielles, lesquelles s'inscrivent résolument dans l'objectif de réduction des déficits, pour l'avenir de nos enfants.
Je tiens à conclure mon propos en remerciant Mme la ministre, notre rapporteur général et la présidente de la commission des affaires sociales, ainsi que l'ensemble des commissaires et, au-delà, tous les élus qui ont siégé sur ces bancs, pour les échanges que nous avons eus, qui furent souvent de qualité.
Applaudissements sur les bancs des groupes MODEM et REM.
Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur général, monsieur le rapporteur spécial, mes chers collègues, pour le groupe UDI, Agir et indépendants, ce premier projet de loi de financement de la Sécurité sociale comporte deux erreurs graves, deux mesures ambivalentes et plusieurs mesures positives.
Je commencerai par les deux erreurs graves. Vous savez, madame la ministre, que nous avons deux désaccords de fond avec vous, concernant ce projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2018 – je veux parler des articles 7 et 26.
À l'article 7, votre projet de hausse de 1,7 point du taux de la CSG est à la fois socialement injuste et contraire au principe constitutionnel d'égalité entre les citoyens. À égalité de revenus, en effet, vous ne traitez pas de la même façon les différentes catégories sociales françaises. Cette mesure qui n'améliorera en rien la compétitivité des entreprises va par ailleurs gravement pénaliser le pouvoir d'achat des retraités. En effet, vous prélevez 1,7 point sur les retraites des personnes âgées de plus de 60 ans et percevant plus de 1 240 euros par mois – et 1 400 euros, au-delà de 65 ans – pour financer une augmentation de 1,4 % du pouvoir d'achat des salariés gagnant jusqu'à 13 000 euros par mois. C'est une redistribution à rebours !
Votre mécanisme ne prévoit aucune augmentation de pouvoir d'achat pour les fonctionnaires. Entre les salariés du privé et les salariés du public, vous considérez donc implicitement que les salariés du privé ne sont pas assez rémunérés, tandis que les fonctionnaires le sont suffisamment ! Vous ne prévoyez aucune augmentation pour les fonctionnaires de l'État et, s'agissant des fonctionnaires territoriaux et hospitaliers, on attend toujours de savoir comment vous allez compenser cet écart de 0,7 % de pouvoir d'achat. Ce que je sais, en tout cas, c'est que le montant des compensations éventuelles, si vous baissiez le taux des cotisations patronales, n'existe pas dans votre budget. Vous renvoyez cette question à une prochaine discussion, mais je vous rappelle que cette disposition doit s'appliquer au 1er janvier, ce qui implique que l'on fasse vite.
Les indépendants agricoles, enfin, seront fortement pénalisés par la hausse de cotisations que vous prévoyez. Vous considérez que les 7 % d'abaissement des cotisations sociales obtenus l'année dernière par les exploitants agricoles ne sont pas reconductibles. C'est tout à fait inexact, car cela procédait d'un décret qui n'était pas limité dans le temps. Mais vous envisagez de le supprimer, de telle sorte qu'entre 2017 et 2018, vous allez augmenter de 120 millions d'euros le montant des cotisations sociales pour la catégorie sociale qui a les revenus les plus bas de France. En effet, tous les agriculteurs ayant un revenu mensuel inférieur à 1 125 euros connaîtront, eux, une hausse. Quant aux épargnants les plus modestes, ils seront davantage taxés que les plus riches car, avec cette augmentation de 1,7 point, vous accablez les plus modestes des épargnants et vous épargnez – c'est le cas de le dire ! – les plus riches.
Compte tenu du plafonnement de la flat taxà 30 %, le taux de taxation, impôt sur le revenu et CSG confondus, passant de 15,5 à 17,2 %, le taux marginal d'impôt sur le revenu chutera à 12,8 %, c'est-à-dire plus bas que la première tranche de l'impôt sur le revenu, qui est de 14 %. Votre mécanisme, loin de favoriser la compétitivité des entreprises, va même pénaliser les entreprises agricoles. Et la comparaison qui a été faite par nombre des membres de la majorité avec la mesure préconisée par l'ancienne opposition, d'augmenter de 2 % le taux de TVA, n'est pas du tout pertinente, puisque cette augmentation devait être consacrée, pour deux tiers à la baisse des cotisations sociales patronales des entreprises, et pour un tiers à la baisse des cotisations sociales des salariés.
La deuxième mesure que nous contestons est celle que vous prévoyez à l'article 26, car elle porte une nouvelle fois atteinte au principe d'universalité des allocations familiales – vous n'êtes pas la première à le faire, madame la ministre : c'est une longue tradition ! En tout cas, elle illustre de nouveau la dérive de la politique familiale vers une politique des revenus.
J'en viens aux deux points sur lesquels nous nous interrogeons.
Il s'agit tout d'abord de l'augmentation du prix du paquet de cigarettes de référence de 7 à 10 euros. Pour nous, la politique de hausse du prix du tabac n'a de sens que si elle s'inscrit dans une perspective européenne. À défaut – hélas, le Gouvernement ne mène pas d'action forte au niveau européen pour essayer de persuader nos partenaires, notamment nos voisins, d'harmoniser – , elle aboutira simplement à un maintien du taux de prévalence, qui est l'un des plus élevés d'Europe, et entraînera une nouvelle baisse des recettes fiscales, car vous n'obtiendrez pas les 500 millions d'euros attendus, madame la ministre – nous en reparlerons l'année prochaine.
Ensuite, l'adossement du régime social des indépendants au régime général nous apparaît ambigu. En particulier, de quel montant les cotisations des indépendants vont-elles augmenter ? Vous nous dites « de zéro », mais nous le verrons à l'épreuve.
Néanmoins, le texte comporte plusieurs bonnes mesures : …
… le soutien à l'innovation, l'augmentation du minimum vieillesse et de l'allocation aux adultes handicapés, la suppression du tiers payant généralisé – vous avez abandonné cette élucubration – et la transformation du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi, même si l'on peut encore travailler à son amélioration.
En conclusion, le groupe UDI, Agir et indépendants n'est pas totalement convaincu par ce premier projet de loi de financement de la Sécurité sociale.
Une majorité du groupe votera donc contre, tandis qu'un certain nombre de ses membres s'abstiendront.
Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, le débat sur ce texte arrive à son stade final. Je remercie mon collègue Joël Aviragnet, qui ne pouvait pas être présent ce soir, de l'avoir suivi depuis le début pour le groupe Nouvelle Gauche.
Madame la ministre, vous êtes une belle personne : votre parcours et vos engagements sont connus de tous, et vous incarnez de belle manière ce que peut être un ministre de la santé. De ce point de vue, le Président de la République a fait un choix audacieux et judicieux car, comme tous les magiciens, il a le talent de fixer notre regard sur ce qui doit être vu pendant que, de l'autre main, il pratique ce qui ne doit pas l'être. Il vous fait en effet assumer une politique qui ne manque pas d'habileté : pendant qu'il fixe notre regard sur sa main gauche, qui augmente l'allocation aux adultes handicapés ou la bonification de l'aide aux familles monoparentales, et détourne ainsi notre attention, de sa main droite, il baisse la prestation d'accueil du jeune enfant, gèle les pensions de retraite, augmente le forfait hospitalier, supprime la généralisation du tiers payant et augmente la CSG pour les particuliers tout en baissant les cotisations sociales sur les stock options. Emmanuel Macron l'a déclaré lui-même : il n'est pas le Père Noël. Chacun en conviendra au regard de ce que je viens de dire.
Je voudrais énumérer nos huit points de désaccord sur ce texte.
Le premier porte sur la suppression du tiers payant généralisé, qui revient à sacrifier l'accès aux soins. Vous avez décidé de passer du tiers payant généralisé au tiers payant généralisable. Comment mieux dire la faillite d'une volonté politique ? Il s'agissait d'une des mesures phares du précédent quinquennat, qui aurait dû entrer en vigueur progressivement, la loi de 2016 de modernisation de notre système de santé ayant prévu plusieurs étapes. C'est la première mesure que je regrette dans la politique que vous conduisez aujourd'hui.
Deuxième point de désaccord : avec ce projet de loi de financement de la Sécurité sociale, vous continuez à faire de nombreux cadeaux au capital, comme vous l'avez fait avec le projet de loi de finances. Vous avez fait adopter un amendement abaissant de 30 à 20 % le taux de cotisation patronale applicable en cas de distribution d'actions gratuites. Par là même, vous confirmez votre volonté d'accorder toujours aux mêmes des cadeaux dont ils n'avaient pas besoin.
Troisième point de désaccord : la hausse de la CSG. Vous avez expliqué qu'une solidarité intergénérationnelle était nécessaire, qu'il fallait que les retraités paient pour les actifs. Telle est l'opération que vous nous demandez de mener. Dans cette opération, les retraités les plus pauvres, seront, dites-vous, ménagés. Les plus pauvres, sans doute, mais les plus modestes, certainement pas ! Car les retraités qui perçoivent plus de 1 200 euros par mois seront amenés à payer un taux majoré de CSG, ce qui est proprement incompréhensible. En définitive, l'équation que vous écrivez est simple : elle consiste à dire que, à partir de 1 200 euros, un retraité est riche, alors qu'un millionnaire ou un milliardaire, lui, ne l'est pas – je fais référence à la flat tax et au remplacement de l'impôt de solidarité sur la fortune par l'impôt sur la fortune immobilière.
Quatrième point de désaccord : le gel des pensions de retraite en 2018. Vous avez décidé de reporter de trois mois, du 1er octobre au 1er janvier, la date de revalorisation des pensions de retraite, ce qui fait perdre une année de revalorisation aux retraités et gèle leurs pensions en 2018. Cette mesure, qui fera économiser 380 millions d'euros en 2018, 405 millions en 2019 et 490 millions en 2020, s'ajoutera à la hausse de CSG de 1,7 point et aggravera la dégradation du pouvoir d'achat des retraités.
Cinquième point de désaccord : la baisse de la PAJE, dont la cible est, cette fois-ci, les familles. Non seulement le montant de l'allocation de base de la PAJE sera abaissé de 15 euros par mois à compter du 1er avril 2018, mais, en plus, les plafonds de ressources seront diminués. Cela va priver 150 000 familles de cette prestation, qui était une mesure de justice. Une économie de 500 millions d'euros au bout de trois ans sera ainsi réalisée sur le dos des familles.
Sixième point de désaccord : la hausse du forfait hospitalier. Vous avez décidé de l'augmenter de 2 euros, ce qui entraînera une hausse du tarif des complémentaires santé pour tous. Or, contrairement aux cotisations de sécurité sociale, qui sont proportionnelles aux revenus, les tarifs des complémentaires santé ne dépendent pas, je le rappelle, des ressources des cotisants. Cette augmentation pèsera donc davantage, là encore, sur les plus modestes et sur les classes moyennes.
Septième point de désaccord : les 4,2 milliards d'euros d'économies supportées par l'assurance maladie. Le taux de progression des dépenses a été fixé à 2 % pour l'hôpital…
… et à 2,6 % pour les établissements médico-sociaux – j'en termine, monsieur le président. Cela se traduira par de fortes restrictions sur le terrain, qui seront très difficiles à suivre pour les établissements hospitaliers.
Enfin, huitième point de désaccord : vous avez décidé de revaloriser l'allocation de solidarité aux personnes âgées sur trois ans. Or le Gouvernement met l'accent sur cette revalorisation de l'ASPA pour masquer l'effet « président des riches ».
Pour finir, je regrette simplement que les grandes fortunes soient, chaque fois, privilégiées
Exclamations sur les bancs du groupe REM
et que les autres aient encore longtemps à attendre. Je regrette aussi que vous n'ayez pas voulu avancer avec nous sur la question des déserts médicaux. Je vous annonce d'ores et déjà que nous reviendrons sur ce sujet à l'occasion d'une prochaine niche parlementaire.
Je suis sûr que vous avez déjà eu l'occasion de vous exprimer, monsieur Le Fur.
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2018, tel qu'il résulte du texte voté par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture.
Il est procédé au scrutin.
Nombre de votants | 56 |
Nombre de suffrages exprimés | 56 |
Majorité absolue | 29 |
Pour l'adoption | 43 |
contre | 13 |
Le projet de loi est adopté.
Applaudissements sur les bancs des groupes REM et MODEM.
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à seize heures cinquante-cinq, est reprise à dix-sept heures cinq.
Monsieur le président, monsieur le rapporteur général de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire, monsieur le président de la commission, mesdames, messieurs les députés, permettez-moi tout d'abord de vous dire tout le plaisir que j'ai à vous retrouver pour l'examen de ce cinquième texte financier de l'automne, que j'ai l'honneur de présenter. Nous achevons ainsi notre marathon budgétaire, même si de longues heures nous séparent encore de la fin du mois de décembre. J'en profite pour saluer le travail des parlementaires et de leurs collaborateurs, et tout particulièrement celui de M. le rapporteur général, dont l'expertise est précieuse. Nous aurons l'occasion de continuer à travailler sur ce texte après la commission, et je me réjouis d'avance des arguments que nous pourrons échanger.
Comme vous le savez, compte tenu de ce calendrier chargé, le Gouvernement s'est engagé à réduire au maximum le nombre d'articles et d'amendements de ce texte, même s'il fera un certain nombre de propositions qui trouveront, je l'espère, un accueil favorable dans cette assemblée. Si vous m'autorisez un dernier mot sur la procédure, monsieur le président, je souhaiterais réaffirmer devant vous une ambition nouvelle pour l'examen du collectif budgétaire de fin d'année. Je proposerai, avec l'accord de la présidence de l'Assemblée nationale et de celle du Sénat, dans une démarche de « sincérisation » de la présentation des comptes, que le Gouvernement s'engage à l'avenir à ne plus recourir à un décret d'avance en fin d'année, le mieux étant souvent l'ennemi du bien. C'est une voie exigeante, qui suppose à la fois un accord politique avec l'ensemble de vos groupes, notamment avec M. le président de la commission des finances, afin que le projet de loi de finances rectificative de fin d'année soit adopté tout début décembre, et un accord technique pour que le Gouvernement s'engage à n'y faire figurer que les dispositions les plus essentielles – notamment les garanties et schéma de fin de gestion. Nous aurons l'occasion d'en reparler.
S'agissant du présent projet de loi de finances rectificative, les enjeux sont de trois ordres : confirmer et compléter la démarche de sincérisation de nos comptes entamée cet été, à la suite de la publication de l'audit de la Cour des comptes, dont nous avons ici maintes fois discuté ; améliorer, simplifier et renforcer l'efficacité de l'action administrative en matière fiscale dans des conditions sécurisées, tout en allégeant la charge pour les entreprises collectrices ; opérer enfin divers ajustements budgétaires nécessaires à la mise en oeuvre des priorités du Gouvernement – je l'ai évoqué tout à l'heure.
Premièrement, nous poursuivons notre démarche de « sincérisation » de nos comptes entamée dès l'été. Comme vous pourrez le constater, ce collectif confirme les hypothèses macroéconomiques et de finances publiques retenues au moment de l'élaboration du projet de loi de finances pour 2018, à savoir un taux de croissance de 1,7 % et un déficit public, toutes administrations confondues, de 2,9 % en 2017. Certes, nous aurions pu faire autrement, et les récentes publications de l'Institut national de la statistique et des études économiques – l'INSEE – laissent penser que nous pourrions avoir une croissance légèrement supérieure, mais la prudence nous a conduits à ne pas modifier les hypothèses. Ce sérieux budgétaire est à mettre à l'actif du Gouvernement, quels que soient les bancs où vous siégez.
Deuxièmement, ce texte confirme que le Gouvernement tiendra ses engagements en matière de finances publiques, et au premier chef le respect de la règle européenne des 3 % dès 2017, ce qui sera atteint au prix d'importants efforts à la fois en dépenses et en recettes – je voudrais en remercier mes collègues du Gouvernement et les parlementaires qui s'intéressent à ces questions – , compte tenu de l'annulation contentieuse de la taxe de 3 % sur les dividendes distribués.
En dépenses, les annulations de cet été, qui se sont élevées à plus de 3 milliards d'euros et ont fait couler beaucoup d'encre, accompagnées de mesures de ralentissement de la dépense pour plus de 1 milliard d'euros, seront complétées par près de 850 millions d'euros d'annulations, qui figurent dans le décret d'avance sur lequel votre commission, comme d'ailleurs celle du Sénat, a donné un avis favorable – je l'en remercie. Ces annulations permettront de financer un montant équivalent d'ouvertures indispensables à très court terme : je pense ici notamment aux salaires de nos enseignants, ou aux crédits de nos forces armées en opérations extérieures – cela a été largement évoqué.
Au final, les mesures de redressement en 2017 se seront donc élevées à plus de 5 milliards d'euros, un montant inédit en cours de gestion. Si l'on y ajoute les ouvertures de crédits indispensables à ce stade de l'année, compte tenu de l'absence de budgétisation initiale – environ 3 milliards d'euros – , il aura été nécessaire d'ouvrir plus de 7 milliards d'euros de crédits en cours d'année, ce qui correspond aux chiffres mis en avant par la Cour des comptes dans son audit publié cet été.
Enfin, ce projet de loi de finances rectificative achève pour 2017 l'exercice de « sincérisation » du budget entamé cet été en apurant un certain nombre de dettes – par exemple, celle du Commissariat à l'énergie atomique, le CEA, à l'égard d'Areva, ou la dette au titre de l'allocation pour demandeur d'asile à l'égard de Pôle emploi – et devrait permettre de réduire le montant des crédits reportés d'une année sur l'autre, qui avait eu tendance à grossir dangereusement chaque année. Nous mettons fin à cette spirale.
Deuxièmement, ce texte met en oeuvre diverses dispositions de nature à améliorer, simplifier et renforcer l'efficacité de l'action administrative en matière fiscale. Tout d'abord, le Gouvernement confirme la mise en oeuvre du prélèvement à la source de l'impôt sur le revenu à compter du 1er janvier 2019, réclamée avec force par M. Le Fur, dont je salue l'enthousiasme. Comme vous le savez, nous avons souhaité nous donner le temps en reportant d'un an sa mise en oeuvre. Bien nous en a pris, quoi qu'en disent ceux qui m'ont précédé, car il convient de vérifier que cette réforme se fera sans dommage ni pour les entreprises ni pour les ménages – nous y reviendrons lors du débat sur les amendements.
Nous tirons ainsi, dans ce projet de loi de finances rectificative, les conclusions des recommandations formulées par la mission d'audit menée par l'Inspection générale des finances – l'IGF – et le cabinet Mazars, ainsi que celles de l'expérimentation de cet été, dont le Parlement a été, comme je m'y étais engagé, destinataire. Il m'a semblé normal de tirer les conclusions de l'expérimentation après que celle-ci a eu lieu. M. de La Palice n'aurait pas dit mieux, mais il n'a pas toujours été en responsabilité à Bercy ces derniers temps.
Dans le détail, le Gouvernement a tiré les enseignements des difficultés constatées lors des expérimentations et des propositions formulées par l'IGF et par les commissions du Parlement. Le dispositif envisagé a ainsi été renforcé par des mesures d'accompagnement et de simplification, notamment pour les entreprises, mais aussi pour les contribuables. Pour ces derniers, un dispositif de communication sera mis en oeuvre tout au long de l'année 2018. Je crois que la direction générale des finances publiques – DGFIP – a eu l'occasion de vous présenter en commission les principales étapes de l'application du prélèvement à la source de l'impôt sur le revenu, et je l'en remercie, car cela a probablement intéressé nombre de députés. Les sanctions seront assouplies en cas de modulation à la baisse erronée de leur taux par les contribuables. Pour le cas spécifique des gérants et associés, les revenus imposés qui ont la nature de bénéfices non commerciaux seront soumis au prélèvement à la source sous la forme d'un acompte contemporain, comme pour les travailleurs indépendants. Je pense que cette mesure est de bon aloi.
Pour les collecteurs, c'est-à-dire pour les entreprises notamment, mais aussi pour les associations, les collectivités territoriales et, plus largement, pour tous les employeurs, le montant minimal de l'amende applicable en cas de défaillance déclarative du collecteur de la retenue à la source est réduit de moitié, passant de 500 à 250 euros.
Une phase de préfiguration dès la fin de l'année 2018 est instituée, afin de roder le dispositif avant sa mise en oeuvre opérationnelle. La DSN – déclaration sociale nominative – sera généralisée, ce qui est un gage de simplification. Au moment où nous aurions dû la mettre en place, elle était présente dans 97 % des entreprises, ce qui est un pourcentage élevé. Les 3 % restants relèvent de l'action politique, et concernent notamment les plus petites entreprises. Nous atteindrons les 100 % lorsque l'impôt à la source sera opérationnel, au 1er janvier 2019.
Toujours dans une logique d'amélioration de la relation de confiance entre les contribuables et l'administration, j'ajoute que ce projet de loi de finances rectificative prévoit la réduction – enfin ! – de moitié du taux des intérêts de retard dus par le contribuable et des intérêts moratoires dus par l'État. En effet, le Gouvernement a considéré que l'État ne pouvait continuer à exiger des contribuables des taux d'intérêt devenus largement supérieurs à ceux du marché, lesquels, chacun a pu le constater, ont fortement diminué ces dernières années. Les intérêts de retard, payés par le contribuable, et, par symétrie, les intérêts moratoires, payés par l'État, seront ainsi ramenés de 4,8 à 2,4 % par an.
Enfin, parce qu'il n'est de consentement à l'impôt sans justice fiscale, ce collectif de fin d'année prévoit diverses mesures visant à renforcer la lutte contre la fraude. Il prévoit d'abord une mesure précisant les obligations des institutions financières en matière d'identification des détenteurs de comptes, ainsi que les modalités de contrôle de ces obligations et les sanctions applicables en cas de manquement, dans le cadre de l'échange automatique d'informations. Le texte contient également une mesure anti-abus pour les pays ne pratiquant pas l'assistance administrative avec la France, ou inscrits sur la liste des États non coopératifs, avec un renversement de la charge de la preuve : désormais, il appartiendra au contribuable de démontrer que la détention d'actifs dans ces pays n'a pas une visée fiscale. C'est une disposition très importante. Il prévoit par ailleurs une mesure d'harmonisation et de simplification des procédures de recouvrement forcé mises en oeuvre par les comptables publics, et une mesure de consolidation du contrôle par l'administration fiscale de la tenue de comptes d'épargne réglementés. J'ajoute, mesdames et messieurs les députés, que le Gouvernement sera très ouvert à vos initiatives en la matière, tant l'actualité récente nous a rappelé la nécessité de renforcer la coopération européenne et internationale en matière de lutte contre la fraude et l'optimisation fiscales. Je suis certain que, comme à l'accoutumée, ce débat sera nourri.
Enfin, ce collectif budgétaire présente diverses mesures en lien étroit avec l'actualité gouvernementale, qui méritent d'être soulignées. J'évoquerai certaines d'entre elles. Premièrement, nous mettons en cohérence l'aide apportée par le Fonds de soutien au développement des activités périscolaires avec la liberté donnée aux collectivités de sortir enfin de la semaine de quatre jours. En toute logique, les communes qui font le choix de la semaine de quatre jours et qui, dès lors, n'ont plus à supporter les coûts associés à l'allongement des rythmes scolaires, n'en bénéficieront plus. Symétriquement, celles qui continueront à appliquer la réforme percevront toujours cette aide qui avait vocation à être provisoire et tend à devenir pérenne.
Deuxièmement, afin de préparer le grand événement que seront les Jeux olympiques et paralympiques de 2024, l'État apporte dans ce texte, comme je m'y étais engagé lors du débat budgétaire, sa garantie aux opérations préparatoires aux Jeux olympiques. Tout d'abord, comme le précédent gouvernement s'y était engagé dans le dossier de candidature, les sommes avancées par le CIO – Comité international olympique – seront garanties en cas d'annulation des Jeux olympiques. Ensuite, en complément des 48 millions d'euros de crédits ouverts par le projet de loi de finances, il est proposé que l'État se porte garant des emprunts souscrits par le COJO – Comité d'organisation des Jeux olympiques. Cela fait écho à d'autres débats, que vous avez eus tant avec moi qu'avec Mme la ministre des sports.
Troisièmement, l'un des articles porte la garantie des prêts des fonds d'épargne de la Caisse des dépôts et consignations accordés à Action logement, en accompagnement de la réforme du logement – dont vous avez examiné une partie dans le volet « recettes » du projet de loi de finances, une deuxième partie dans le volet « dépenses », et dont vous examinerez d'autres dispositions dans le projet de loi logement que présenteront Jacques Mézard et Julien Denormandie. Le quatrième pan de cette réforme, à savoir la garantie des prêts, permettra aux bailleurs sociaux de poursuivre, dans la concertation, l'application de ce dispositif. Celui-ci consiste en une garantie accordée à la Caisse des dépôts et consignations à hauteur de 1,2 milliard d'euros, lui permettant d'accorder jusqu'à 2 milliards d'euros de prêts bonifiés de haut de bilan pour les bailleurs sociaux afin de financer la construction de logements sociaux. Leur bonification sera financée par Action logement.
En matière de fiscalité locale, enfin, des dispositions prévoient la codification des nouvelles modalités de révision des valeurs locatives des locaux commerciaux et le report au 1er janvier 2019 de la mise à jour permanente de ces tarifs locaux professionnels. Vous me permettrez une facétie, monsieur Woerth : vous avez été le ministre qui, il y a sept ans, a lancé la réforme ; je suis heureux d'être celui qui l'inaugure. Cela illustre la lenteur et la difficulté auxquelles peut se heurter la réforme, et devrait inciter ceux qui souhaitent la révision immédiate des valeurs locatives des habitations à méditer sur une évolution qui mettra donc dix-neuf ans – sept plus douze – à trouver son aboutissement. Chacun pourra réfléchir sur ce temps long, qui fait écho au plaisir que j'aurai à passer plusieurs nuits avec vous.
Applaudissements sur les bancs des groupes REM et MODEM, ainsi que sur plusieurs bancs du groupe UAI.
La parole est à M. Joël Giraud, rapporteur général de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire.
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des finances, chers collègues, le marathon budgétaire se poursuit aujourd'hui avec l'examen du traditionnel collectif de fin d'année. Il s'agit du second projet de loi de finances rectificative pour 2017 dont nous sommes saisis. Le fait de voter deux lois de finances rectificatives pour une même année n'a d'ailleurs rien d'exceptionnel, puisque cela correspond à la moyenne constatée depuis l'entrée en vigueur de la loi organique relative aux lois de finances. À cet égard, je rappelle que les années 2010 et 2011 ont été des années records, marquées par quatre lois de finances rectificatives.
La première loi de finances rectificative a été promulguée vendredi dernier. Elle a tiré les conséquences de l'annulation par le Conseil constitutionnel de la contribution de 3 % sur les montants distribués et a créé des contributions exceptionnelles dues par les plus grandes entreprises. Elle doit permettre de maintenir un objectif de déficit public sous la barre des 3 % du PIB.
Le second projet est plus classique. Il ajuste le niveau des crédits et actualise les prévisions de recettes et de solde. De ce point de vue, les collectifs de fin d'année sont très utiles et contribuent à la sincérité du débat budgétaire. La prévision de déficit budgétaire de l'État pour 2017 est ainsi revue à 74,1 milliards d'euros, soit 4,8 milliards d'euros de plus que prévu par la loi de finances initiale adoptée sous la précédente législature. Cela s'explique principalement par une sous-estimation des recettes non fiscales et des sous-budgétisations de dépenses que la Cour des comptes avait mises en évidence dans son audit du mois de juin. Un tel écueil ne doit pas se renouveler en 2018, et il ne se reproduira pas, grâce aux efforts de sincérité du budget qui ont été accomplis et reconnus, y compris sur les bancs de l'opposition.
Le projet contient aussi un certain nombre de dispositions techniques, comme il est d'usage pour les collectifs de fin d'année. Il comporte vingt-quatre articles fiscaux, dont un aménagement du prélèvement à la source de l'impôt sur le revenu et une réduction du taux de l'intérêt de retard et moratoire. Il inclut aussi trois articles sur les garanties et un article sur l'impact de l'assouplissement des rythmes scolaires sur les aides du Fonds de soutien au développement des activités périscolaires.
Ces articles, qui ont été examinés en commission, ont tous été adoptés, à l'exception de l'article 22, pour lequel nous avons adopté un amendement de suppression présenté par notre collègue Lise Magnier.
De fait, cet article créait une taxe annuelle sur les permis exclusifs de recherches des gîtes géothermiques, dont le produit est évalué à seulement 40 000 euros, ce qui nous a laissés, collectivement, un peu perplexes.
Nous avons adopté, en outre, vingt-sept amendements modificatifs, si l'on exclut les amendements rédactionnels et identiques. Nous avons ainsi particulièrement enrichi l'article 9 du projet de loi de finances rectificative, qui est un article important sur l'aménagement du prélèvement à la source de l'impôt sur le revenu. Il contient une série de mesures de simplification et de précision. Il institue une phase de préfiguration du prélèvement à la source à compter de septembre 2018 qui permettra, sur la base du volontariat, de procéder à un test grandeur nature, afin de familiariser les collecteurs et les salariés au dispositif avant sa mise en oeuvre réelle.
Sur cet article 9, la commission a adopté cinq amendements que j'ai présentés : un amendement de précision pour étendre de façon explicite aux contrats de travail temporaire l'abattement permettant le calcul du taux par défaut applicable aux contrats à durée déterminée ; un amendement permettant, durant la phase de préfiguration, d'opter pour le taux individualisé, l'article 9 prévoyant seulement l'option pour le taux neutre ; trois amendements sur le volet pénal, l'un prévoyant expressément l'application des sanctions pénales dès le début de la phase de préfiguration, et les deux autres visant à instituer des sanctions plus proportionnées à la gravité de l'infraction dans deux cas : celui d'une violation du secret professionnel par les personnes ayant connaissance du taux d'imposition d'un contribuable, et en cas de retard de versement des retenues à la source. Un sixième amendement sur l'article 9, présenté par François Pupponi, prévoit un lissage de l'effet de l'année blanche pour les travaux sur les monuments historiques ; nous demeurons toutefois dans l'attente, sur ce point, d'une évaluation de l'amendement. Je tiens également à souligner un bel exemple de travail parlementaire constructif et transpartisan que nous pourrons, je l'espère, reproduire à l'avenir, concernant la taxe de séjour. En effet, la commission a adopté deux amendements signés par des représentants de tous les groupes. Le premier prévoit une modification du barème de la taxe de séjour, pour appliquer aux hébergements non classés une taxe proportionnelle au prix de la nuitée par personne et plafonnée, qui ne désavantagera donc pas les familles.
Le second rend la collecte obligatoire de la taxe par les plateformes internet lorsqu'elles sont intermédiaires de paiement pour des loueurs non professionnels.
Concernant les zonages bénéficiant d'avantages fiscaux, la commission a adopté deux amendements. Un premier amendement de Fabien Roussel, à l'article 13, introduit une clause d'embauche locale pour bénéficier des exonérations prévues dans les nouveaux bassins urbains à dynamiser. Un second amendement, que j'ai présenté, a pour objet d'étendre aux entreprises non individuelles l'exonération d'impôt sur le revenu ou d'impôt sur les sociétés applicable dans les zones de revitalisation rurale lors de la première transmission familiale d'une entreprise ; il s'agit d'une mesure de cohérence avec le dispositif, relatif aux entreprises individuelles, que nous avions adopté en projet de loi de finances pour 2018 et que le Sénat a adopté conforme.
En matière de fiscalité immobilière, la commission a adopté quatre amendements : un amendement que j'ai présenté prévoit une exonération pour les plus-values en cas de procédure de « délaissement », comme cela existe déjà pour les procédures d'expropriation ; un amendement du groupe Nouvelle Gauche prévoit une prorogation de deux ans de l'exonération de plus-value en cas de cession à un organisme de logement social ; un amendement du groupe MODEM prévoit la publication des valeurs foncières par l'administration ; enfin, un amendement cosigné par nos rapporteurs spéciaux sur les crédits de l'agriculture, Émilie Cariou et Hervé Pellois, reconduit pour trois ans le dégrèvement de taxe foncière pour les associations foncières pastorales.
Toujours sur le plan fiscal, la commission propose un amendement à l'initiative du groupe La République en marche, qui prévoit une prorogation de trois années du crédit d'impôt phonographique, un amendement de notre collègue Bénédicte Peyrol, qui vise à garantir la compatibilité du régime spécial des fusions au droit européen dans certaines hypothèses, et un amendement de notre collègue Jean-Paul Mattei qui précise que l'exonération des petits producteurs d'électricité ne s'applique que lorsque ceux-ci consomment intégralement l'électricité produite.
Trois amendements adoptés ont eu pour objet d'accroître ou de protéger certains droits. Deux amendements que j'ai présentés visent à permettre l'ouverture d'un compte aux personnes qui ne disposent pas d'un numéro d'identification fiscale et à étendre le plafonnement des frais bancaires consécutifs à des mesures de recouvrement forcé. Un amendement de notre collègue Marie-Christine Dalloz vise à protéger les établissements qui rémunèrent l'épargne réglementée contre les changements de doctrine administrative et les doubles contrôles, lorsqu'ils feront l'objet de la nouvelle procédure de vérification prévue par l'article 26.
Au bénéfice des collectivités territoriales, nous avons aussi adopté deux amendements : un amendement de Jean-Paul Mattei qui précise que le Fonds de péréquation des droits de mutation à titre onéreux prend en compte les communes jusqu'à 5 000 habitants inclus, et non pas seulement les communes de moins de 5 000 habitants ; un amendement, que j'ai présenté, qui étend de 120 à 240 jours la durée d'exonération de TGAP – taxe générale sur les activités polluantes – dans son volet « déchets », pour les communes touchées par une catastrophe naturelle.
Nous avons également abordé la question des quantités de rhum pouvant être mises à la consommation ou exportées, en adoptant un amendement d'Olivier Serva pour augmenter ces quantités dans les limites permises par le droit européen. Nous avons aussi traité le cas des camping-cars en Corse, en adoptant un amendement de Michel Castellani créant une écotaxe selon la durée du séjour. Ces exemples illustrent la variété des sujets traités par notre commission.
La thématique sportive a également été abordée en commission avec l'adoption d'un amendement de Perrine Goulet, notre rapporteure spéciale, prévoyant un relèvement du plafond de la taxe affectée au CNDS – Centre national pour le développement du sport – de 27 millions d'euros.
La commission a, enfin, adopté deux amendements sollicitant des rapports : l'un présenté par le président Éric Woerth sur la mise en oeuvre des moyens budgétaires des grands projets d'infrastructures de transport ; un autre, présenté par François Pupponi, sur l'évaluation des conséquences de l'abaissement du seuil de paiement en espèces des impôts et des recettes publiques sur les contribuables, prévu à l'article 30.
L'examen en séance publique, je n'en doute pas, permettra encore d'améliorer et d'enrichir ce collectif de fin d'année.
Applaudissements sur les bancs des groupes REM et MODEM et sur plusieurs bancs du groupe UAI.
La parole est à M. le président de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire.
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur général, mesdames et messieurs les députés, chers collègues, nous examinons un second collectif budgétaire, mais on pourrait dire qu'il en existe un troisième : celui que vous avez déposé jeudi soir. Vous avez en effet déposé il y a quatre jours pas moins de trente articles, ce qui double pratiquement le volume du collectif. Je ne sais pas si c'est du jamais vu mais, en tout cas, c'est beaucoup : on parle de trente articles additionnels, à rapporter à une trentaine d'articles originels, si l'on fait abstraction des articles obligatoires. C'est un problème pour la représentation nationale, car on court-circuite, d'une certaine façon, la commission : nombre d'amendements ont été examinés, peu avant la séance, dans le cadre de la réunion de l'article 88 du règlement ou plutôt, devrais-je dire, ont été parcourus à la vitesse d'un TGV qui roulerait.
Sourires.
Vous court-circuitez aussi le Conseil d'État, ce qui vous fait prendre des risques juridiques : ce n'est pas une bonne nouvelle.
Il faut donc proscrire cette pratique – je suis sûr, monsieur le ministre, que vous êtes d'accord avec moi. Si j'ai bien compris, vous annoncez un collectif différent pour l'année prochaine, mais celui dont nous commençons l'examen aujourd'hui ressemble singulièrement à d'autres – malheureusement, il est probablement pire que les autres…
La France renoue aujourd'hui avec la croissance. C'est une bonne nouvelle, mais je regrette que vous ne l'utilisiez pas pleinement. La croissance va se consolider autour de 1,7 % ou 1,8 %, soit un peu moins de 2 %, ce qui permet d'engager des réformes – je ne dis pas qu'il est facile de réformer notre pays, mais il est plus facile de le faire quand il fait beau, c'est-à-dire en période de croissance, que quand il fait très mauvais, c'est-à-dire en période de récession ou de crise.
Il faut donc utiliser pleinement cette croissance. Je note d'ailleurs qu'elle vous permet d'afficher une réduction du déficit assez importante. Le rapporteur général de la commission des finances du Sénat, Albéric de Montgolfier, indique dans son rapport que l'amélioration de la conjoncture a permis de réduire le déficit français d'environ 0,4 point de PIB depuis le printemps. Ainsi, s'il n'y avait pas de croissance et si le cycle que nous avons connu ces dernières années avait perduré, le déficit ne serait pas inférieur à 3 % mais plutôt proche de 3,3 %.
Il faut donc aller plus loin en utilisant cette marge de manoeuvre qui est extrêmement importante, et même considérable, en termes de recettes. D'ailleurs, vous gardez souvent certaines de ces recettes sous le coude, afin de les utiliser pour de bonnes raisons, et je suis d'accord avec vous : c'est pour cela que vous ne les avez pas utilisées dans le cadre du premier collectif budgétaire. Cependant, il est assez paradoxal que la croissance, qui dope l'économie du pays – et c'est tant mieux ! – , puisse anesthésier un peu la volonté d'aller loin dans la réforme. Certains gouvernements précédents ont connu le même écueil, et il faut faire très attention de ne pas réitérer l'erreur commise, il y a longtemps, par Lionel Jospin.
La croissance actuelle ne suffit pas pour ramener le déficit actuel à un niveau acceptable. Certes, la France va peut-être sortir de la procédure de déficit excessif, et c'est tant mieux, mais d'année en année, nous flirtons avec la barre des 3 %. Je ne sais pas à combien Eurostat évaluera le déficit français en 2017, compte tenu de la recapitalisation d'Areva et de la taxe sur les dividendes de 3 %, mais nous devrions atteindre 2,9 % de PIB. L'année prochaine, le déficit devrait se situer autour de 2,8 %, voire un peu en dessous si les recettes sont plus importantes que prévu. En 2019, nous replongerons à 3 %, malgré la suppression du CICE. Même en période de croissance, nous avons donc bien du mal à rester sous la barre des 3 %, un plafond qui n'est pas théorique mais, au contraire, extrêmement pratique. Un tel niveau de déficit ne permet pas d'enrayer l'augmentation de la dette en France.
Au-delà du déficit des finances publiques dans leur ensemble, permettez-moi de m'attarder sur le déficit de l'État lui-même. Malgré quelques bonnes surprises en 2017 – je pense par exemple au prélèvement sur recettes au profit de l'Union européenne, ou aux 2 milliards d'euros de recettes supplémentaires par rapport à la loi de finances initiale – , ce second collectif budgétaire montre que les dépenses de l'État se creusent de 5 milliards d'euros. Nous ne sommes donc pas dans un exercice de maîtrise de la dépense ; au contraire, je le répète, les dépenses apparaissent plus importantes aujourd'hui, c'est-à-dire à la fin de l'exercice, que lors du vote de la loi de finances initiale. Je sais bien que vous n'êtes pas responsables de l'exécution budgétaire de l'ensemble de l'année, mais nous voyons que l'effort de maîtrise des dépenses publiques manque singulièrement. Sur ce sujet, nous devons évidemment être très vigilants. En 2018, la situation sera à peu près la même : il n'y a pas, me semble-t-il – j'essaie d'être objectif – , de tentative de maîtrise de la dépense publique sur le fond, c'est-à-dire sur la structure même de cette dépense.
Je ne développerai pas davantage mes arguments sur ce point : nous l'avons fait lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2018 et nous le referons régulièrement à partir de l'année prochaine, en suivant l'évolution de la dépense en 2018.
À ce titre, la présentation du décret d'avance a montré que vous souhaitiez, certes, procéder à des annulations de crédits – même si vous en ouvrez aussi ailleurs – , mais que ces annulations ne portaient que très peu sur des réformes structurelles, c'est-à-dire sur la capacité à contenir une dépense et à modifier profondément une politique publique. En réalité, vous utilisez, comme d'habitude, un mécanisme bien connu qui est celui du rabot. Je ne vous reproche pas de faire des économies dans le cadre de ce décret d'avance, mais de réutiliser de mauvaises méthodes, qui ont toujours prévalu et dont il faut aujourd'hui se passer.
Vous mettez en avant votre sincérité : c'est très bien ! Mais quand on examine les crédits relatifs aux opérations extérieures – OPEX – , on s'aperçoit que le rapport entre les crédits réellement engagés et les crédits inscrits au budget était plus faible en 2009 qu'aujourd'hui, même si les dépenses réelles sont désormais un peu supérieures. Il y a huit ans, les crédits inscrits au budget couvraient 60 % des dépenses finales ; aujourd'hui, ce taux est de 40 %. Certes, je l'ai dit, les dépenses augmentent, mais la sincérité doit s'appliquer à l'évaluation des dépenses réelles.
Vous n'exercez donc qu'à moitié votre effort de sincérité, qui n'est pas du tout à la hauteur de ce qu'il devrait être.
Ce collectif budgétaire vous permet également d'engager la réforme Eckert, qui prévoit le prélèvement à la source de l'impôt sur le revenu. Pour ma part, je ne pense pas que cela soit une bonne idée. Certes, il est utile de réduire le décalage temporel entre la perception des revenus et le paiement de l'impôt, mais il existait d'autres manières de le faire, que nous avons exposées plus d'une fois. Vous pouviez par exemple mettre en place une mensualisation de l'impôt. Vous pouviez également éviter de faire prélever l'impôt par les entreprises.
Vous voulez simplifier la vie des entreprises, mais en même temps vous leur compliquez la tâche et vous accroissez leurs coûts. Vous risquez d'entraîner des tensions salariales que personne ne souhaite. Vous réduisez, d'une certaine façon, la valeur du travail net d'impôts, alors que plus de 50 % de nos concitoyens ne paient pas d'impôt sur le revenu. Cela pose un véritable problème. Grâce aux amendements qui ont été déposés sur ce sujet, notamment aux 250 amendements de Marc Le Fur, …
Sourires.
… je suis persuadé que nous ferons le tour de la question. Le prélèvement à la source est une bonne idée, mais la manière dont vous procédez ne me semble pas adaptée.
En commission des finances, nous avons également discuté de la transformation du CICE en baisse de cotisations sociales. Nous sommes favorables à cette mesure, mais il aurait fallu aller plus loin. Nous avons débattu de ce sujet avec le ministre de l'économie et des finances, et nous avons notamment proposé d'étendre le dispositif à tous les salaires inférieurs à 3 ou 3,5 SMIC – peut-être pas dès l'année prochaine, mais au cours des années suivantes. Sans doute pourrez-vous nous indiquer vers quoi nous allons, monsieur le ministre. Il s'agit d'appliquer le rapport Gallois et surtout de mettre l'accent sur la compétitivité de nos entreprises – un aspect qui manque singulièrement dans votre projet de loi de finances rectificative.
Je veux enfin saluer le travail réalisé par le rapporteur général et l'ensemble de nos collègues sur la taxe de séjour : dans ce domaine, il faut rétablir l'égalité entre les hébergements classiques et les plateformes numériques. Ce qui est vrai en matière d'hébergement l'est aussi pour beaucoup d'autres aspects de notre vie : lorsque deux personnes différentes exercent la même activité, il est absolument anormal qu'il y ait deux poids, deux mesures – deux poids fiscaux et deux mesures sociales. J'espère que le Gouvernement ne cherchera pas à diminuer la portée des amendements adoptés par la commission, …
… qui ont été élaborés par le rapporteur général avec l'ensemble des membres de la commission des finances. Ne soyez pas frileux, monsieur le ministre, et ne manquez pas de courage sur ces sujets-là !
Nous avons mis en place une bonne méthode de travail. En dehors des sujets plus politiques qui peuvent nous opposer fondamentalement, j'espère que nous pourrons continuer à travailler de cette façon, en commission, avec le rapporteur général, sur un certain nombre d'autres sujets – en tout cas, nous nous y emploierons.
Je conclus en réitérant mes doutes au sujet de l'année 2018, qui sont évidemment restés intacts. Je souhaite que le Gouvernement aille plus loin dans son exercice de réforme. La croissance le permet : ne gâchez pas cette chance, monsieur le ministre !
J'ai reçu de M. Christian Jacob et des membres du groupe Les Républicains une motion de rejet préalable déposée en application de l'article 91, alinéa 5, du règlement.
La parole est à M. Marc Le Fur.
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, ce projet de loi de finances rectificative nous permet d'aller au fond des choses sur la question du prélèvement à la source de l'impôt sur le revenu. N'escamotons pas ce débat ! Il s'agit là d'une réforme considérable, que l'on aurait bien tort d'imaginer comme limitée au seul recouvrement de l'impôt. C'est la logique même de notre système fiscal qui se trouve bouleversée.
L'examen de ce projet de loi de finances rectificative constitue la seule véritable occasion d'évoquer concrètement, dans cet hémicycle, les conséquences du passage au prélèvement à la source.
Je vous rappelle que le changement de mode de perception de l'impôt a été voté à la fin de la précédente législature par une majorité et un gouvernement finissants, pour ne pas dire agonisants. Curieusement, nous avons brièvement retrouvé ce prélèvement à la source lors de la discussion du projet de loi d'habilitation à prendre par ordonnances les mesures pour le renforcement du dialogue social : à l'époque, monsieur le ministre, vous ne vouliez absolument pas déposer de projet de loi de finances rectificative. Enfin, nous avons l'occasion d'aborder ce sujet ! C'est peut-être la dernière fois que nous pourrons le faire au cours de cette législature, alors que la réforme est essentielle, conséquente, redoutable pour nos compatriotes. Le débat aura donc lieu lors de l'examen de l'article 9 du présent projet de loi de finances rectificative.
Faisons un peu d'histoire. La gauche voulait mener une grande réforme fiscale qui devait bouleverser profondément les fondements mêmes de l'impôt sur le revenu. L'idée était notamment de rapprocher l'impôt sur le revenu et la CSG.
Rappelons-nous les noms de MM. Ayrault, Muet et Piketty, qui s'étaient faits les apôtres de cette réforme, laquelle a été sournoisement entamée avec la réduction des effets du quotient familial. Cependant, suite à ses échecs électoraux de 2014, la gauche a dû réduire ses prétentions et abandonner ce projet global. Dès lors, une forme de compromis a été adoptée au sein du parti socialiste : à défaut d'une réforme plus globale de l'impôt sur le revenu, on modifierait les modalités du recouvrement de l'impôt avec l'instauration du prélèvement à la source. En réalité, les auteurs de la réforme avaient bien à l'esprit une réforme plus large, avec la volonté de casser le système familial que nous connaissons et la perspective d'une individualisation de l'impôt dans le cadre d'un rapprochement entre l'impôt sur le revenu et la CSG.
En France, jusqu'à présent, l'impôt est familialisé : il repose sur le foyer fiscal. Il porte sur les revenus perçus par ce foyer fiscal en tenant compte des charges supportées par ce dernier. Cette capacité contributive est au coeur de notre Constitution, puisque l'article 13 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen dispose que la contribution fiscale doit être également répartie entre tous les citoyens « en raison de leurs facultés ».
La retenue à la source constitue le cheval de Troie de la fin de la familialisation de l'impôt sur le revenu et de la fusion de ce dernier avec la CSG, en dépit de ce que bon nombre de personnes ont affirmé.
Dans la logique voulue par le précédent gouvernement, l'année 2017 devait être une année de transition : le prélèvement à la source devait s'appliquer à partir du 1er janvier 2018. L'ordonnance du 22 septembre 2017 n'a fait que décaler la réforme d'un an, sous un prétexte technique : l'année de transition devient l'année 2018, le prélèvement à la source devant s'appliquer à partir du 1er janvier 2019.
En réalité, il s'agissait de ne pas appliquer la réforme du prélèvement à la source concomitamment à l'augmentation de la CSG que vous souhaitiez et que la majorité vient malheureusement de voter il y a quelques minutes. Au 1er janvier 2018 interviendra en effet une hausse de la CSG, parallèlement à une baisse des cotisations sociales salariales. En appliquant au même moment cette augmentation de la CSG et le prélèvement à la source, vous auriez provoqué un choc fiscal : pour éviter cela, vous avez préféré étaler la réforme. Chacun aura bien compris que ce report n'était pas motivé par des raisons techniques, comme vous le prétendez, mais par des raisons strictement tactiques.
Qu'est-ce qui pourrait justifier le prélèvement à la source ? On nous sert régulièrement des arguments tenant à la modernité de cette réforme ou reposant sur des comparaisons internationales. Ne faisons pas de comparaisons internationales quand la nature des impôts est aussi différente d'un pays à l'autre !
Ce mode de recouvrement pourrait se justifier si nous rencontrions des difficultés de perception de l'impôt. Or, ce n'est pas le cas, car notre impôt sur le revenu est perçu à 98,5 %.
Le prélèvement à la source pourrait également se justifier s'il s'agissait de simplifier la vie de nos compatriotes. Or, là non plus, ce n'est pas le cas, car la mensualisation et, plus récemment, la déclaration pré-remplie ont changé les choses : ce sont là autant de progrès qui ôtent l'intérêt essentiel du prélèvement à la source.
Mes chers collègues, avec le prélèvement à la source, on vend aux Français des illusions : celle de la simplicité, tout d'abord, car la déclaration d'impôts demeurera, et celle de l'immédiateté – de la « contemporanéité », comme on nous dit. Voyez les choses en face et sans détour : il n'y aura aucune contemporanéité, dès lors que le taux de l'impôt sera calculé à partir des années précédentes. Pis, il y aura deux taux dans l'année : l'un, calculé sur l'année N– 2, qui s'appliquera de janvier à septembre, puis un autre, calculé sur l'année N– 1, qui s'appliquera de septembre à décembre.
On voit déjà la complexité de l'exercice. Le contribuable pourra certes, en théorie, choisir de moduler le taux – ce qu'il peut, au demeurant, déjà faire aujourd'hui – , mais s'il le fait à mauvais escient, les pénalités seront conséquentes.
Il n'y a pas davantage d'immédiateté pour le crédit d'impôt et les déductions d'impôt, qui donneront lieu à un remboursement l'année suivante. Il y a donc désormais dans l'impôt deux temps différents : celui du paiement et celui des éventuels crédits et déductions.
Aujourd'hui, les contribuables acquittent durant l'année N un impôt calculé sur les revenus de l'année N– 1 en tenant compte aussi des réductions d'assiette, déductions d'impôts et crédits d'impôt. Or, ce ne sera désormais plus le cas : on paiera tout de suite sur les revenus salariaux perçus et ce n'est que l'année suivante, au vu de la déclaration d'impôts, que l'on pourra bénéficier, le cas échéant, de réductions d'impôt ou crédits d'impôt.
Pour nos concitoyens qui paieront tout de suite et seront éventuellement remboursés au bout d'une année, le coût en trésorerie sera lourd.
Les contribuables feront la trésorerie de l'État.
Prenons l'exemple très concret d'un contribuable qui décide de passer au régime des frais réels – des millions de nos compatriotes sont dans ce cas. Jusqu'à présent, ce contribuable déclare durant l'année N+1 les revenus de l'année N et déduit les frais kilométriques correspondants : c'est très clair et très simple, et ce calcul se fait simultanément, de telle sorte que, bien souvent, l'impôt qu'il doit payer – qui peut atteindre 2 000, 3 000 ou 4 000 euros – est réduit et peut même disparaître du fait de l'application de ces frais réels. Désormais, ce contribuable devra payer complètement l'impôt et n'obtiendra le remboursement que l'année suivante. Je vous laisse imaginer les difficultés de trésorerie que cela représentera pour bon nombre de nos contribuables.
Concrètement, que se passera-t-il au 1er janvier 2019 ? Beaucoup de choses, et plus que ne le supposent nos compatriotes ! En premier lieu, ceux-ci s'apercevront, fin janvier 2019, que, toutes choses égales par ailleurs, ils gagnent moins qu'à la fin décembre 2018 et que, d'un mois sur l'autre, le montant qui figure en bas à droite de leur feuille de paie – car c'est ce qui les intéresse – sera réduit.
Il y aura donc des surprises, des déconvenues et des interrogations, ce qui, ne le nions pas, peut provoquer une baisse de consommation.
Dès janvier ou dès le printemps 2019, en effet.
Vous me direz certes qu'en contrepartie, les contribuables ne seront plus mensualisés et qu'à certains égards, cela revient au même à terme – mais à terme seulement car, dans les premières mois, ils ne s'en rendront pas compte et cela provoquera de véritables difficultés. La consommation du début de l'année 2019 risque ainsi d'être affectée par cette nouveauté.
Les effets sur la consommation se feront également sentir également aux mois de novembre et décembre car, comme vous le savez, nos compatriotes mensualisés ne paient pas l'impôt ces mois-là, par une sorte de facilité qui permet du reste une consommation conséquente en fin d'année. Cette facilité ne sera plus possible, car le prélèvement interviendra désormais chaque mois sur la feuille de paye, …
… avec des incidences très fortes sur une certaine consommation de Noël et sur certaines filières économiques.
Au 1er janvier 2019, nos compatriotes découvriront également une autre chose, plus surprenante : deux personnes travaillant dans la même entreprise, occupant des fonctions identiques, avec les mêmes horaires de travail et une ancienneté identique, et dont les feuilles de paie font apparaître, en bas à droite, des rémunérations identiques verront sur ces mêmes feuilles de paie, à partir de janvier 2019, des rémunérations différenciées du fait du prélèvement à la source.
Concrètement, la personne qui, à cause par exemple des revenus de son conjoint, dispose de revenus supplémentaires verra le chiffre de sa rémunération réduit en conséquence, tandis que celui qui a des charges familiales importantes verra se maintenir à peu près le montant figurant sur sa feuille de paye. C'est tout à fait surprenant.
Exclamations sur plusieurs bancs du groupe REM.
C'est ensuite seulement que l'impôt doit régler les choses mais, sur le moment, ce n'est nullement plus juste. Vous l'assumerez !
C'est en tout cas très clair : les salaires figurant sur la feuille de paie seront différenciés selon l'impôt.
Les gens se comparent, à la cantine ou devant la machine à café, et ils constateront des divergences assez surprenantes. Jusqu'à présent, la situation était simple, car les ménages n'avaient qu'un seul interlocuteur : le fisc. Avec le prélèvement à la source interviendra désormais un tiers : l'entreprise, qui collectera l'impôt. Elle aura ainsi connaissance du montant et du taux moyen de celui-ci et déduira du montant du salaire de ses employés l'impôt qu'elle reversera à l'État. On introduit donc un tiers dans un mécanisme qui doit relever de la stricte confidentialité.
Autre conséquence négative du prélèvement à la source : les contribuables ne seront plus en mesure d'évaluer les charges de leur impôt. Or, c'est parce qu'ils peuvent mesurer le niveau de l'impôt que nos compatriotes l'acceptent ou le contestent. Le prélèvement à la source transforme l'entreprise en collecteur de l'impôt sur le revenu et le salarié percevra ainsi une rémunération nette non seulement de cotisations sociales et de CSG, mais également d'impôt sur le revenu. Il est à craindre que, demain, il ne connaisse pas le montant de l'impôt sur le revenu qu'il aura à payer – pas plus qu'il ne connaît aujourd'hui celui de la CSG et des cotisations sociales. Vous me direz qu'il peut les connaître mais, en fait, il les ignore.
L'effet du prélèvement de l'impôt à la source est d'anesthésier le contribuable, ce qui autorisera demain les gouvernements successifs à augmenter l'impôt puisque, de fait, la charge en sera dissimulée.
Autre conséquence au 1er janvier 2019 : comme l'a déjà dit M. le président de la commission des finances, le prélèvement de l'impôt à la source sera aussi une charge très lourde pour les entreprises – qui, je le rappelle, ne sont pas demanderesses et dont le métier n'est pas de collecter l'impôt, mais qui, demain, le collecteront et le restitueront à l'État.
Pour évaluer le coût que cela représentera pour elles, vous fondez votre analyse, monsieur le ministre, sur un rapport de l'Inspection générale des finances qui fait état d'un coût de 300 millions d'euros. Vous me direz que ce n'est déjà pas mal, mais je rappelle qu'il s'agit d'un rapport établi par des inspecteurs des finances contrôlant des collègues et camarades inspecteurs des finances qui travaillent dans le bureau voisin et qu'ils retrouveront le lendemain : on est dans l'entre soi. Je vous renvoie donc plutôt à l'étude – beaucoup plus sérieuse et objective, car exploitant les ressources de 500 entreprises – réalisée pour le Sénat par le cabinet Deloitte, qui estime que le coût pour les entreprises est nettement plus important : de l'ordre de 1,2 milliard d'euros chaque année. C'est tout à fait considérable.
J'ai bien noté la volonté de l'État de dissimuler le coût de cette mesure, mais la meilleure preuve qu'il y a un problème de coût pour les entreprises est que vous envisagez un amendement tendant à atténuer cette charge au moins pour les PME.
Pour les entreprises, le prélèvement à la source n'est pas simplement un coût, mais aussi un risque, une responsabilité juridique. En effet, l'employeur qui devient collecteur d'impôts devient en même temps dépositaire du secret fiscal, comme un fonctionnaire des impôts et, s'il trahit ce secret, il est susceptible d'être puni d'un emprisonnement et d'une amende pouvant atteindre 15 000 euros. Ainsi, alors que l'employeur n'est pas redevable de l'impôt, mais simple collecteur, il risque des pénalités disproportionnées. Sa responsabilité pourra aussi être mise en cause s'il n'applique pas le bon taux, s'il ne s'acquitte pas en temps et en heure de ses nouvelles obligations déclaratives ou s'il ne respecte pas le délai de règlement ou l'obligation de confidentialité.
Les sanctions possibles sont très explicites : pour un non-dépôt de déclaration dans les délais prescrits, une amende de 10 % des retenues qui auraient dû être effectuées ou déclarées et 40 % en cas de non-dépôt dans les 30 jours d'une mise en demeure ; pour une inexactitude ou omission, une amende de 5 % des retenues qui auraient dû être effectuées ou déclarées et 40 % en cas de non-dépôt dans les 30 jours d'une mise en demeure ; pour un retard de paiement, une majoration de 5 % des retenues non versées dans les délais, avec application d'intérêts de retard. Vous voyez tout le risque que cela représente pour nos entreprises.
Le risque est encore plus conséquent pour les entreprises qui embauchent des salariés en CDD ou des saisonniers car il faudra, à chaque fois, faire le même exercice et, chaque fois, ce sera compliqué. On occasionne donc ainsi des difficultés.
Imaginez donc, chers collègues, le boulanger, le garagiste ou la PME de votre circonscription, …
… ou, en effet, l'agriculteur qui salarie des ouvriers agricoles, qui n'a rien demandé et qui assumera demain un coût et un risque. La majorité précédente parlait d'un « choc de simplification ». Vous, mes chers collègues, évoquez un « droit à l'erreur » – vous commencez bien, puisque vous allez commencer par compliquer la vie de nos compatriotes, de nos entreprises et de nos chefs d'entreprise !
Plus grave : vous allez polluer les rapports au sein de l'entreprise. En effet, les collaborateurs vont demander à leur patron pourquoi il en est ainsi, et la négociation salariale se fera sur le chiffre qui apparaît en bas à droite de la feuille de paie, après impôt : ce sont autant de difficultés provoquées par une réforme irréfléchie.
Cette réforme, en effet, ne se limite pas à une ligne supplémentaire sur la feuille de paie – que chacun, du reste, prétend régulièrement vouloir réduire, mais qu'on ne cesse d'augmenter. N'allons pas croire que, pour les entreprises, il suffira d'appliquer un taux à une assiette fiscale correspondant au salaire, car ce sera beaucoup plus compliqué. En effet, comme je l'ai déjà dit, le salarié contribuable connaîtra au minimum deux taux : l'un, applicable de janvier à septembre, calculé en fonction de ses revenus de l'année N– 2, et l'autre, applicable de septembre à décembre, calculé sur les revenus de l'année N– 1.
Ce sera cependant un minimum, car il existera d'autres taux. Il suffira en effet que la situation familiale évolue en raison par exemple d'un mariage, d'une naissance, d'un divorce ou d'un veuvage pour que l'entreprise doive appliquer un nouveau taux.
Avec la réforme du prélèvement à la source, le contribuable devra désormais appréhender potentiellement huit taux sur l'année, à savoir le taux marginal, qu'il connaît, et qui est celui de son ultime tranche, le taux moyen d'imposition, le taux – ou, plus précisément, les deux taux – du prélèvement à la source, ainsi que le taux « neutre », qui s'applique aux contribuables qui démarrent et n'ont donc pas de passé permettant de fixer un taux. Ce taux neutre s'applique en particulier aux jeunes et à ceux qui retrouvent le chemin de l'emploi – et nous espérons que ce sera le cas de bon nombre de nos concitoyens – , ainsi qu'aux contribuables qui, pour des raisons de confidentialité, ne souhaitent pas se voir appliquer le taux réel, quitte à rembourser par la suite. Nos compatriotes découvriront encore le taux modulé – car il est possible de demander une telle modulation – , ainsi que les taux individualisés que pourront choisir, pour des raisons de confidentialité, les deux membres du couple, s'ils travaillent tous deux, au lieu du taux moyen pesant sur les deux salaires.
Vous voyez la complexité de ce dispositif, qui changera la nature des relations dans l'entreprise. Jusqu'à présent, en effet, le contribuable n'interrogeait que le fisc. Demain, il interrogera son entreprise, son directeur des ressources humaines – DRH.
Cette réforme est aussi source d'inégalités et d'injustices. Inégalités, tout d'abord, entre salariés et non-salariés, car ces derniers en restent aux revenus de l'année passée et ne connaissent pas les difficultés du prélèvement à la source – ils font certes l'objet d'un acompte, mais ce n'est pas la même chose. Inégalité aussi au profit de nos compatriotes les plus aisés : aujourd'hui, en effet, comme vous le savez pour le voir dans vos circonscriptions, quand un contribuable rencontre des difficultés pour payer l'impôt sur le revenu, il peut obtenir des étalements – voire, même si c'est plus rare, des abattements. Or, cela ne sera plus possible, car le paiement sera systématisé par le prélèvement à la source : ces attitudes réalistes, sinon compassionnelles, à l'égard de nos compatriotes ne sont plus possibles demain.
De plus, cette réforme prend très mal compte certains salaires très spécifiques – je pense en particulier aux emplois à domicile, dont l'employeur est tout un chacun. Comment va-t-on faire ? Vous imaginez une usine à gaz : nous verrons ce qu'il en est lors de l'examen des amendements.
Je pense également aux assistantes maternelles, salariées par plusieurs familles qui les emploient : comment ces familles prélèveront-elles l'impôt sur le revenu de leur assistante maternelle ? Je parle ici de la vraie vie ! C'est comme la prime de Noël évoquée ce matin à la radio dans l'émission de Jean-Jacques Bourdin : c'est la vie et il faut parfois en parler et voir comment ça se passe. Parlons-en donc !
Autre difficulté très sensible, pour des raisons évidentes : les pensions alimentaires, qui se traduisent par une réduction de la base imposable pour ceux qui les versent et par une augmentation de la base imposable pour ceux qui les reçoivent. Qui paie le prélèvement à la source ? Est-ce l'ancien mari qui paiera pour le compte de sa femme ? Ce sont là des difficultés à peu près insolubles, auxquelles vous allez devoir vous atteler, monsieur le ministre – en multipliant vraisemblablement les usines à gaz.
Autre changement majeur : le contribuable perdra la confidentialité à laquelle il est attaché.
C'est très important, en effet ! Aujourd'hui, le montant de l'impôt du salarié est connu de la seule administration fiscale. Ce ne sera plus le cas demain, puisque le chef d'entreprise et la direction des ressources humaines connaîtront le taux de l'impôt, qui leur permettra de découvrir, de pressentir, d'imaginer d'autres revenus – ceux du conjoint, des revenus fonciers, des revenus immobiliers.
Leur connaissance n'en sera pas précise, mais ils pourront s'en faire une idée, alors que, aujourd'hui, l'accès à ces informations est protégé, connu, tracé, dans tous les services fiscaux, où l'on sait quels fonctionnaires ont pu consulter tel ou tel dossier à tel ou tel moment. Ce ne sera plus le cas au sein d'une direction des ressources humaines. Vous entrevoyez la difficulté que cela représente.
À bien des égards, ces informations tomberont dans le domaine public. Elles ne seront plus protégées, mais mises à la disposition de la direction du personnel et des ressources humaines, c'est-à-dire le service même qui négocie les salaires. On peut prévoir des conséquences redoutables. On entend déjà bruire la petite musique, lors des négociations salariales en entretien individuel : « Cela ne va pas si mal chez vous. L'augmentation de salaire que vous réclamez est bien évidemment légitime, mais y a-t-il urgence ? Certains de vos collègues connaissent d'autres difficultés. » Le risque est réel.
J'ai à l'esprit les propos tenus par une jeune secrétaire de direction très dynamique : « J'adore mon patron, mais je ne veux pas qu'il connaisse mes revenus. »
Et un jeune assistant qui adorerait sa patronne ?
Les victimes seront surtout les femmes, en particulier si leurs conjoints perçoivent une rémunération confortable. Ce sont elles qui souffriront en premier de ces difficultés lors des négociations.
Vous me répondrez que ceux qui souhaitent préserver ces informations peuvent choisir d'être imposés au taux neutre – ou taux forfaitaire. La loi offre en effet au salarié contribuable la possibilité d'anonymiser, en quelque sorte, son impôt. C'est vrai, mais imaginez la suspicion qui pèsera alors sur le salarié au sein de son entreprise ! S'il le sollicite, c'est qu'il veut cacher quelque chose ! Surtout, le mécanisme prévu pour ce taux forfaitaire est tel qu'il ne sera susceptible d'être retenu que par les célibataires. Pour les familles, il représenterait un coût beaucoup plus élevé. Certes, un remboursement aurait lieu, mais l'année suivante seulement. Autant de difficultés auxquelles je vous invite à réfléchir, chers collègues.
Par ailleurs, le prélèvement à la source est à l'évidence une mesure anti-jeunes. Aujourd'hui, le jeune qui commence à travailler en janvier ne fait sa déclaration sur l'année N qu'au printemps de l'année N+1, pour ne payer qu'en novembre de l'année N+1. Dorénavant, il devra payer tout de suite. Surtout, il paiera sur la base du taux neutre, puisque, par définition, on ne peut pas lui appliquer de taux, faute de précédent. Ce taux neutre sera vraisemblablement, dans bien des cas, plus élevé que celui qu'il devrait réellement acquitter, ce qui représente une vraie difficulté. Le taux neutre s'appliquera dans les premiers mois de l'embauche.
Je soulèverai une autre difficulté, jusque-là méconnue. Un dispositif permet aujourd'hui à des jeunes étudiants de bénéficier de l'équivalent de trois mois de SMIC exonérés s'ils travaillent pour financer leurs études. Cet avantage deviendra ingérable, car l'employeur ne connaîtra pas le montant que gagnera le jeune durant l'année. Le jeune sera alors imposé au taux forfaitaire, alors qu'il ne sera peut-être pas imposable. Vous me répondrez qu'on remboursera l'année suivante. Mais comment faire ? Dans bien des cas, le jeune étudiant qui travaille est encore domicilié fiscalement chez ses parents. Ce n'est pas lui qui sera remboursé, mais ses parents. Imaginez la difficulté qu'auront ces familles à isoler ce remboursement.
Cela aussi, c'est la vraie vie, comme la prime de Noël.
Par ailleurs, l'année blanche, l'année de transition, est pleine d'incertitudes. Elle arrive très vite, dans quelques semaines, au 1erjanvier 2018. Il faudra malgré tout, au cours de cette année, déclarer ses revenus. Cette année ne sera pas imposée, de fait, sauf les revenus jugés exceptionnels. Nous devrons débattre de la nature exceptionnelle des revenus, sur la base d'un adjectif que les Français ne tarderont pas à découvrir : surérogatoire ! Une prime jugée surérogatoire sera imposée tandis qu'une prime normale ne le sera pas. Vous imaginez à l'avance les difficultés que cette distinction posera aux entreprises, aux salariés.
Il n'est pas illégitime que ces revenus exceptionnels soient imposés, à condition qu'ils résultent des décisions du seul salarié. S'ils résultent des décisions de son employeur, je ne vois pas très bien pourquoi ils seraient particulièrement imposés. Durant cette année de transition, nous serons en pleine insécurité juridique.
Il est par ailleurs temps d'éclairer nos compatriotes sur quelques situations très inquiétantes. Je pense tout d'abord à l'épargne-retraite. Un million de Français cotisent à la Préfon, au PERP, au PERCO, au Madelin, et une déduction en découle. Mais ce ne sera pas le cas en 2018, année blanche. Plus personne n'aura intérêt à cotiser, ce qui posera un réel problème à ces régimes de retraite. J'espère, monsieur le ministre, que nous trouverons une solution. La seule solution, serait de payer au titre de l'année 2019, les avantages de 2019 et les avantages de 2018.
La solution qui semble envisagée serait pire que le mal : déduire la moitié sur 2018 et la moitié sur 2019. Plus personne n'aura alors intérêt, ni en 2018 ni en 2019, à verser au titre de ces régimes d'épargne-retraite.
La question de l'épargne-retraite n'est pas traitée, ni l'ensemble des questions liées à des réductions de base d'imposition. Vous savez à peu près régler les problèmes de crédits d'impôt, de déduction d'impôts, mais pas les problèmes de réduction de base.
Une difficulté se posera également dans le domaine immobilier. Prenons le cas concret d'un retraité de l'agriculture qui loue une petite maison dont il est propriétaire – un propriétaire bailleur. Cette location lui rapporte 5 000 euros par an et il envisage de faire réaliser des travaux pour la même somme. Ce qui serait judicieux en année normale – 5 000 euros de recettes, 5 000 euros de travaux, pas d'impôts puisque ses revenus seront alors nuls – ne présentera plus le moindre intérêt en 2018, puisqu'il ne sera pas imposé sur les revenus de l'année 2018. Le secteur du bâtiment risque d'en pâtir cruellement, d'autant que vous leur avez déjà infligé des mesures particulièrement funestes, en plus de ce prélèvement à la source – la baisse des APL, les nouvelles dispositions relatives au Pinel, au prêt à taux zéro. La seule solution serait d'appliquer en 2019 les avantages fiscaux de 2018.
Prenons l'exemple du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi, le CICE, qui est très comparable. La subvention est calculée sur les charges salariales des entreprises subventionnées, versée en N+1. On la remplace par une baisse des charges qui s'applique sur l'année en cours. Durant l'année de transition, qui sera l'année 2019, le Gouvernement a pris le parti de payer deux fois – le CICE, calculé en 2018, et la baisse des charges sur 2019.
Pourquoi ne pas faire pour les salariés ce que vous faites pour les entreprises ? C'est vrai, cette mesure représente un coût pour l'État, mais ce serait la seule solution.
On le constate, de multiples difficultés émergent à tous les niveaux, mes chers collègues. Ne laissons pas nos concitoyens imaginer qu'il s'agit là d'une réforme mineure et technique, de pure simplification. Au contraire, leur vie s'en trouvera compliquée. Ils devront verser leurs impôts en deux temps : l'année N et l'année N+1, du fait des éventuels remboursements. Ils ne s'y retrouveront plus, et la lisibilité de l'impôt s'en trouvera très sensiblement réduite.
Derrière cette réforme, une menace pèse sur l'individualisation de l'impôt et la sortie de la familialisation de l'impôt, mais aussi sur la confidentialité, du fait du prélèvement à la source.
Rejetez le prélèvement à la source. L'année de transition sera ingérable.
Je vous invite donc, mes chers collègues, à rejeter ce projet de loi de finances rectificative, à rejeter le prélèvement à la source, à épargner à nos concitoyens contribuables une réforme funeste. Adoptez cette motion de renvoi, ou, au moins, les quatre-vingt-dix amendements que j'aurai le privilège de défendre devant vous.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Dans les explications de vote sur la motion de rejet préalable, la parole est à M. Jean-Louis Bourlanges, pour le groupe du Mouvement démocrate et apparentés.
Nous sommes sensibles aux arguments de fond développés par M. Le Fur, mais nous ne nous associerons pas au vote de sa motion, car le débat permettra de traiter au fond les questions qu'il a soulevées à juste titre.
Nous sommes, sur le fond, profondément inquiets. Mais il ne vous aura pas échappé, mes chers amis, qu'en général, les centristes sont divisés sur tous les sujets, en dehors de ceux relatifs à l'assainissement et à l'eau – on se demande d'ailleurs bien pourquoi.
Cette réforme, monsieur le ministre, est parfaitement inutile. Nous détestons les réformes inutiles, comme la fausse réforme régionale qui a réuni Annecy et Aurillac au sein d'une même région. Aujourd'hui, les acomptes de l'impôt sur le revenu sont payés en année N et l'impôt est liquidé et payé définitivement en année N+1. Demain, les acomptes seront payés en année N, même si le régime sera différent, et ils seront liquidés et payés définitivement en année N+1. Je suis prêt à parier que les acomptes ne seront pas plus fidèles au principe de contemporanéité qu'ils ne le sont aujourd'hui. M. de Villèle, grand financier sous la Restauration, l'entendait ainsi : la meilleure façon d'établir les prévisions pour l'année N, est de se baser sur l'année N– 1 – bien entendu, il n'employait pas ces termes.
Voici une réforme qui pénalise les jeunes, les contribuables, les entreprises, et qui ne sert à rien. Monsieur le ministre, c'est la réforme de trop. Je pourrais dire d'elle ce qu'Oscar Wilde pensait du mariage : vous nous proposez une réforme qui vise à résoudre des problèmes que nous n'aurions pas à affronter sans elle !
La parole est à M. Charles de Courson, pour le groupe UDI, Agir et indépendants.
M. Le Fur a eu le mérite de soulever de nombreux problèmes. Certains sont partiellement résolus grâce à des amendements, mais il en reste quelques-uns, notamment au sujet de l'épargne-retraite. Nous en discuterons à la faveur d'autres amendements.
Notre position est plus ouverte. Nous ne sommes pas hostiles par principe au prélèvement à la source. J'avais déclaré, sous l'ancienne majorité, que j'y serais opposé tant que nos collègues socialistes voudraient faire du prélèvement à la source le préalable à la fusion entre l'impôt sur le revenu et la CSG. Notre groupe est fondamentalement contre une telle réforme. Heureusement, M. Darmanin a affirmé très clairement que le Gouvernement écartait totalement cette idée.
Il demeure que les problèmes soulevés par M. Le Fur sont réels. Le Gouvernement a parfois répondu, mais des incertitudes demeurent. Ce n'est pas une raison pour renoncer à cette réforme, qui n'est pas une grande réforme. Il s'agit simplement de modifier les modalités de perception de l'impôt, ce qu'ont déjà mis en oeuvre toutes les grandes démocraties, depuis 1850 pour la première – les États-Unis à l'issue de la grande crise à la fin des années 1930, la Grande-Bretagne juste après la guerre. Nous sommes les derniers de la classe.
Certes, d'autres solutions étaient possibles – celles envisagées par le président de la commission des finances étaient d'ailleurs plus simples.
C'est vrai, l'application de la réforme posera de nombreux problèmes la première année, mais par la suite, la situation s'arrangera.
Notre groupe soutiendra cette motion, mais pas du tout pour les raisons évoquées par M. Le Fur. Celui-ci a centré toute son intervention sur le prélèvement à la source, qui peut susciter quelques inquiétudes d'ordre technique, mais au principe duquel nous sommes plutôt favorables.
En la matière, le Gouvernement saura certainement trouver les bonnes solutions.
Si nous avons l'intention de voter la motion, c'est pour deux raisons principales : d'abord, parce que vous ne vous préoccupez guère de simplicité – on aurait pu réunir en un seul texte le présent projet de loi de finances rectificative et celui relatif à la surtaxe exceptionnelle sur les grandes entreprises ; mais pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ? Ensuite, en raison des annulations de crédits que vous envisagez, et qui témoignent d'une incohérence vis-à-vis de vos propres priorités.
J'en prendrai deux exemples. Premièrement, vous annulez 212 millions d'euros de crédits alloués à la mission « Travail et emploi » ; cette stratégie pour l'emploi sera bien difficile à expliquer dans les territoires, d'autant plus que vous réduisez de 50 % le budget des maisons de l'emploi dans le projet de loi de finances pour 2018.
Deuxièmement, vous retirez 48 millions d'euros à la mission « Relations avec les collectivités territoriales », privant nos territoires d'investissements locaux éminemment nécessaires. Pour le justifier, vous invoquez le prétexte d'une sous-consommation des crédits. Permettez-moi d'en être très surpris : je suis bon nombre de dossiers d'investissement dans ma circonscription et je n'ai pas cru comprendre que les robinets à subventions étaient grand ouverts. Les territoires sont donc inquiets quant aux crédits qui seront alloués aux contrats de ruralité ou au dispositif des territoires à énergie positive pour la croissance verte – les TEPCV – , par exemple.
Vous l'aurez compris, non seulement nous ne partageons évidemment pas vos choix quant aux moyens de revenir à l'équilibre budgétaire, mais nous y observons même une incohérence interne, et cela justifie notre vote.
Pour notre part, nous serons conséquents avec nos votes précédents : comme nous nous opposons à ce texte – je vais expliquer rapidement pourquoi – , nous voterons la motion de rejet préalable.
Nous n'en partageons pas toutes les motivations, loin de là, mais nous en rejoignons la teneur sur un point au moins : le fait de camoufler dans un projet de loi de finances rectificative une réforme structurelle manifeste et d'ampleur, à savoir l'imposition à la source. Cette réforme, nous la jugeons complexe, inutile, coûteuse, dangereuse et peu transparente, au rebours de ce que requiert le consentement républicain à l'impôt.
Dangereux, je l'ai dit, ce texte ne remédie qui plus est nullement, hélas, à l'injustice et à l'austérité du projet de loi de finances, que nous avons dénoncées. Il n'opère donc aucun progrès par rapport au PLF pour 2018. Sur le sujet qui aurait dû être au coeur d'une réforme structurelle intégrée au PLFR après les révélations des Paradise Papers, il ne change pas grand-chose ; il n'est en tout cas pas à la hauteur de l'ampleur de la fraude fiscale.
La parole est à M. Pierre Dharréville, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Il y aurait sans doute beaucoup de choses à rectifier dans ce budget.
Les arguments avancés par notre collègue Marc Le Fur ont principalement ciblé la mesure visant à établir l'imposition à la source, et permis de démontrer certains des problèmes concrets qu'elle va poser. Nous sommes en accord avec plusieurs des objections qu'il a soulevées. Outre que la simplification ne sera évidemment pas au rendez-vous, il y va de la confidentialité et de l'efficacité. On introduit un intermédiaire entre le citoyen et l'État pour la levée de l'impôt, et on sous-traite aux employeurs, et même aux directions des ressources humaines dans les entreprises qui en ont, une mission régalienne, ce qui ne laisse pas d'être problématique et ne nous paraît pas être de bonne politique.
À ces arguments, j'ajoute les coupes dans le budget de la mission « Travail et emploi » qui viennent d'être décriées par Jean-Louis Bricout : cette mission n'en a pas besoin, surtout à l'heure où sont mises en oeuvre des ordonnances qui promettent d'être dévastatrices.
Nous voterons donc cette motion de rejet préalable.
Je comprends que la motion de rejet préalable repose uniquement sur une appréhension parfois incertaine, voire inexacte, du prélèvement à la source par certains de nos collègues. Je rappelle que ce PLFR ne se résume pas à la mise en oeuvre du prélèvement à la source, mais vise à contribuer à nous tirer des impasses de la loi de finances initiale pour 2017, que la Cour des comptes a mises en évidence l'été dernier.
Vous en conviendrez, en matière budgétaire, l'effort de sincérité est essentiel, …
… y compris à la préservation de la crédibilité de la France au niveau européen.
Soyez rassurés : vous veillerons à tenir nos engagements à cet égard.
Le contexte macroéconomique et la prévision de hausse de la croissance sont favorables à la planification budgétaire. C'est dans ces conditions que nous choisissons la responsabilité et la prudence.
Le texte est responsable, car il accompagne l'action du Gouvernement dans le champ des politiques publiques et garantit les dépenses obligatoires et prioritaires, telles que les aides liées aux activités proposées dans le cadre des nouveaux rythmes scolaires et la réduction du taux des intérêts de retard et de celui des intérêts moratoires – que vous appeliez de vos voeux, mes chers collègues, lors des débats sur le projet de loi de finances.
Il est également prudent, car il opte pour le sérieux et la pertinence, plutôt que pour un effet d'annonce séduisant mais trompeur.
Ce PLFR doit donc non pas être rejeté mais, au contraire, être voté en l'état. Nous ne sous-estimons pas l'effort à consentir, mais il sert la double ambition de la sincérité et de l'action. Laissons au débat la chance de le démontrer à la représentation nationale.
Telles sont les raisons pour lesquelles nous, députés de La République en marche, voterons contre la motion de rejet préalable.
Applaudissements sur les bancs du groupe REM.
Le groupe Les Républicains votera la motion de rejet préalable brillamment présentée par Marc Le Fur. En effet, nous restons convaincus que l'instauration du prélèvement à la source, même reportée au 1er janvier 2019, est une aberration et une réforme funeste, comme l'a dit Marc Le Fur.
Il faut bien reconnaître, madame Hai, que le prélèvement à la source est un article essentiel pour la vie des Français au sein de ce PLFR.
Nous pensons que le prélèvement à la source sera un facteur majeur de complexité, ce que reconnaît votre propre administration, monsieur le ministre. En aucun cas les ajustements que vous nous proposez dans ce PLFR ne résoudront les problèmes posés. La réforme va notamment modifier le rapport à l'impôt des Français, compliquer la vie des entreprises et entraîner des tensions entre employeurs et salariés.
Nous estimons pour notre part que le contribuable et l'État sont liés par un principe de consentement à l'impôt, par un certain sens civique qui motive le paiement de l'impôt et responsabilise le citoyen vis-à-vis de l'État.
À nos yeux, l'instauration du prélèvement à la source va aussi entraîner davantage de complexité et une surcharge de travail pour les entreprises, en particulier les plus petites d'entre elles, qui n'auront pas nécessairement les moyens de gérer cette nouveauté.
De plus, votre réforme va déstabiliser les relations entre les employeurs et les employés, …
… et même celles des employés entre eux.
C'est enfin, pour nous, une véritable inquisition dans les ressources des foyers.
Ce sont toutes ces raisons qui nous conduisent à voter la motion de rejet préalable.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
La motion de rejet préalable, mise aux voix, n'est pas adoptée.
J'ai reçu de M. Christian Jacob et des membres du groupe Les Républicains une motion de renvoi en commission déposée en application de l'article 91, alinéa 6, du règlement.
La parole est à Mme Véronique Louwagie.
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, chers collègues, nous sommes réunis pour examiner le second projet de loi de finances rectificative pour 2017. Allons droit au but : tel qu'il a été rédigé, ce texte ne tient pas la route.
Pour le démontrer, je développerai trois points : premièrement, la situation du déficit structurel et l'analyse de la Commission européenne ; deuxièmement, le prélèvement à la source de l'impôt sur le revenu – une mesure essentielle de ce PLFR, comme l'a très bien indiqué Marc Le Fur – et ses différentes conséquences ; troisièmement, le dispositif de soutien fiscal au seul bassin minier du Nord-Pas-de-Calais, oubliant les autres bassins miniers.
On ne peut aborder ce second PLFR de l'année sans analyser le PLF pour 2018, dès lors que, s'agissant du solde structurel, le lien entre les deux est étroit. C'est si évident que la Commission européenne n'a pas attendu pour nous mettre en garde au sujet de la maîtrise budgétaire : dès le 22 novembre dernier, les risques de non-conformité du budget pour 2018 avec les normes européennes étaient pointés du doigt.
Pour relancer la croissance, le Président de la République souhaite réduire les déficits et, ainsi, la dette elle-même. Pourtant, au vu de l'article liminaire du PLFR qui nous est soumis, c'est avec un déficit public de 2,9 % du PIB que la France devrait clôturer l'année 2017.
Certains retiendront que la règle européenne des 3 % est respectée. Mais c'est compter sans un éventuel désaccord sur la comptabilisation du sauvetage financier d'Areva, qui pèserait 0,1 point de plus, et sans l'analyse d'Eurostat sur la comptabilisation de l'étalement des 10 milliards d'euros de remboursement de la taxe sur les dividendes, qui pourrait alourdir de 0,2 point le ratio du déficit sur le PIB.
En attendant le verdict de la Commission européenne, ce qu'il faut retenir ici, c'est que, de toute l'Europe, seules la France et l'Espagne, que nous n'hésitons pas à mettre au banc des accusés, atteignent des niveaux aussi élevés. Est-il nécessaire de vous rappeler que la France fait l'objet de la part de Bruxelles d'une procédure de déficit excessif ? Pourquoi ne pas entendre les propos de M. Pierre Moscovici, commissaire européen, qui indiquait il y a quelques jours que notre marge de manoeuvre était extrêmement faible ? Et comment expliquer que nous marchions si près du gouffre quand la moyenne des autres pays de l'Union oscille autour de 1,1 % de déficit public ?
La Commission européenne le dit elle-même, il existe un écart important entre le budget présenté et la trajectoire d'ajustement requise pour réduire le déficit et la dette publics. S'il n'y avait qu'une seule approche de ce problème, nous devrions retenir celle du déficit structurel. Car c'est bien à partir du déficit structurel que nous pouvons apprécier les efforts accomplis sur les dépenses de fonctionnement de l'État.
S'il veut satisfaire les règles européennes, l'État devrait consentir un effort structurel de 0,1 point de PIB. C'est ce qui est prévu pour 2018, me direz-vous ; mais, à en croire la Commission européenne, l'État n'a pas suffisamment anticipé les risques, particulièrement le risque de relâchement budgétaire qui viendrait plomber cet effort en le faisant tomber à moins 0,4%.
Qu'attendons-nous pour réduire ce déficit structurel alors que la conjoncture est bonne ? L'épisode peu glorieux de l'an 2000 n'a-t-il pas suffi ? À l'époque, la croissance au sein de l'Union européenne était forte et les recettes dynamiques, ce qui aurait permis une diminution des déficits publics. Mais le gouvernement Jospin, en se focalisant sur son seul déficit effectif, n'avait pas anticipé le ralentissement de la croissance et la nouvelle hausse des déficits. Le taux de déficit public est alors repassé au-dessus du seuil de 3 % du PIB. Cette hausse aurait pu être pondérée par une réduction des déficits structurels ; l'équilibre budgétaire aurait été au moins préservé.
Aujourd'hui, je le répète, la conjoncture est bonne, la croissance solide – probablement 1,8 % pour 2017, comme vous l'avez dit, monsieur le ministre, même si, par prudence, vous n'avez pas anticipé ce que nous espérons tous – , les taux d'intérêt sont faibles et le prix du baril reste bas ; mais les réformes et les économies engagées ne sont pas suffisantes.
En fait, vous avez probablement peur d'entreprendre une réduction plus rapide du déficit public, en raison du risque de réduction de la croissance. Pourtant, face à une croissance solide, ce ralentissement ne serait de toute façon que temporaire. Dans ces conditions, est-ce un trop grand risque à prendre pour réduire l'endettement ? Je ne le pense pas. La France a trop souvent reporté le redressement de ses finances publiques au motif que la conjoncture n'était pas suffisamment favorable.
Le Président de la République souhaite replacer la France au centre du jeu européen. Il a raison, et c'est de très bon augure. Mais il faudrait peut-être commencer par ne pas enfreindre le pacte de stabilité et respecter les règles budgétaires européennes de réduction d'au moins 0,5 point de PIB par an. J'ai beau éplucher encore et encore nos projets de loi de finances, je n'y vois aucun objectif de réduction de 0,5 point.
Le Haut conseil des finances publiques relève les limites du budget, en notant que le solde structurel des dépenses publiques sera de 0,2 point de PIB pour 2017 et de seulement 0,1 point de PIB pour 2018. Avec un niveau élevé de déficit structurel et une faible prévision de réduction pour 2018, ce même Haut conseil met en garde l'État quant au respect des objectifs de maîtrise de la dépense – c'est bien là que le bât blesse. Cette programmation budgétaire manque tellement d'ambition que, même pour 2022 – date de la fin de ce quinquennat – , le déficit public vise seulement 0,4 point de PIB, et cela sans l'atteindre totalement. Face à ce manque d'ambition et à une certaine hypocrisie, nous ne pouvons que nous opposer à une telle programmation budgétaire.
L'hypocrisie, cependant, ne s'arrête pas là ! Le Gouvernement masque son manque d'ambitions, en se projetant dans des réformes qu'il ne maîtrise pas, et reporte la charge de travail sur les entreprises. Vous l'aurez compris, j'aborde ici la problématique de la réforme du prélèvement à la source prévue à l'article 9 du projet de loi de finances rectificative pour 2017 – et quelle problématique ! Notre collègue Marc Le Fur l'a déjà évoquée, mais plusieurs autres points méritent d'être soulignés. Déjà reportées d'un an, les mesures promises n'en demeurent pas moins toujours aussi insuffisantes et périlleuses. Le travail est colossal – nous ne pouvons le nier – et c'est précisément pourquoi il ne doit pas être fait trop hâtivement.
L'idée d'un prélèvement de l'impôt sur le revenu contemporain pourrait être bonne. Toutefois, la réforme proposée n'est absolument pas pertinente. Le système d'imposition en place est particulier à la France, et le prélèvement à la source n'est pas la bonne méthode. L'impôt sur le revenu est calculé aujourd'hui selon un grand nombre de paramètres et de nombreuses variables, tels que les tranches et les quotients. Disons-le clairement : le mécanisme d'imposition sur le revenu est complexe et ne se prête pas, à l'heure actuelle, à un tel changement. Aujourd'hui, nous estimons que cette réforme est inapplicable et nous proposons de l'abandonner telle qu'elle est envisagée.
La réforme se veut un facteur de simplification ; or elle ne fait, en réalité, qu'ajouter des complexités et des difficultés. L'administration fiscale et les services de Bercy l'ont eux-mêmes reconnu à demi-mot. La procédure retenue ne doit pas être négligée ; car c'est tout le système de consentement à l'impôt qui est ici touché. Il est question d'un principe directeur de la République et de la confiance des citoyens en elle. Le curseur de la relation entre l'État et les citoyens change complètement de position, en venant se placer sur l'entreprise qui devient, de ce fait, le collecteur de l'impôt sur le revenu. Le salarié percevra ainsi une rémunération nette non seulement de cotisations sociales, comme c'est le cas actuellement, mais également de l'impôt sur le revenu.
La retenue à la source rend le prélèvement presque invisible, inexistant. C'est là le problème : c'est bien parce que les citoyens peuvent mesurer le niveau de l'impôt qu'ils l'acceptent ou le contestent. Nous y voyons un changement inquiétant dans la prise en compte de l'imposition. Le secteur entier se voit remis en question, dans son fonctionnement comme dans ses objectifs. Pour assurer ces nouvelles charges, les employeurs vont en devenir, sous la contrainte, de nouveaux acteurs. Et quels acteurs, alors qu'on leur attribue un rôle qui n'est absolument pas le leur !
De pareils changements ont d'importantes conséquences. De l'aveu même de l'Inspection générale des finances, en comparaison avec un grand groupe, il en coûtera trois fois plus par salarié à une TPE. Le coût de la mise en place du prélèvement à la source est estimé entre 103 et 137 millions d'euros pour l'ensemble des TPE et entre 101 et 152 millions d'euros pour les PME. Ce coût est d'autant plus exorbitant pour la petite et moyenne entreprise qu'aucune compensation financière de la part de l'État n'est prévue. Ce sont les entreprises qui vont supporter le coût de la réforme.
Cette situation m'interpelle. Lorsque le recouvrement de l'impôt est opéré par l'État au profit des autres personnes publiques que sont les collectivités territoriales ou encore les établissements publics de coopération intercommunale, des frais de gestion sont bien prévus et perçus. Pourquoi n'en est-il pas de même à l'égard de l'employeur ? Si l'on ajoute à tout cela les frais que devront engager les entreprises pour se former, obtenir les logiciels adéquats et prévoir les risques financiers de sanction en cas d'erreur, nous ne simplifions pas la vie de nos petites et moyennes entreprises, puisque nous imputons à leur charge certaines obligations et contraintes.
Faire des entreprises une extension de l'administration est possible ; mais ce projet, tel que le Gouvernement l'annonce, est inconcevable. Il vient totalement dénaturer le coeur de l'objet de l'entreprise. Comment ne peut-on pas penser une seconde à l'impact que ces nouvelles obligations auront sur leur activité ? L'impôt est un élément essentiel au bon fonctionnement de l'État, et il ne saurait être viable sans une bonne exécution dans la procédure de recouvrement. Il faut se demander ce que nous voulons pour l'État et pour l'entreprise. À tous égards, il me semble que nous souhaitons tous un recouvrement correct de l'impôt, ainsi que la pérennité et le profit de l'entreprise.
C'est être aveugle de ne pas constater que ces deux ambitions ne peuvent être contenues en un seul et même acteur : l'une des missions empiétera nécessairement sur l'autre. Le Gouvernement le sait, puisqu'il a déjà prévu de sanctionner les entreprises qui ne procéderont pas correctement au recouvrement de l'impôt sur le revenu. Elles devront alors obligatoirement consacrer plus de temps à cette mission de recouvrement de l'impôt, au détriment des celles qui sont au coeur de leur métier et auxquelles elles s'étaient originellement consacrées.
Ce transfert de compétences est presque inéluctable ; car les sanctions qu'encourent les entreprises s'entendent jusqu'à la répression pénale. Bien que des allégements aient été consentis en commission des finances par M. le rapporteur général, que nous remercions, il n'en demeure pas moins que les entreprises sont traquées de bout en bout du processus. Cela va de l'amende minimale de 250 euros, en cas de défaillance déclarative, à des peines d'emprisonnement assorties de 15 000 euros d'amendes. Il est impensable de faire peser une si lourde charge sur les entreprises, et encore plus sur les TPE et les PME. Une telle position d'équilibriste ne peut être maintenue.
Pour les indépendants, le mécanisme retenu correspond à la mise en place d'acomptes avec des régularisations, une fois le résultat connu. De janvier à août, ils paieront les acomptes calculés sur l'année n– 2 ; et, de septembre à décembre, des acomptes calculés sur les revenus de l'année n– 1. Ce système, hélas, n'est pas sans rappeler celui du RSI, dont les régularisations en année n– 1 ou n– 2 ont été dramatiques pour les chefs d'entreprise. Nous ne devons pas retourner vers un système équivalent pour les artisans, les commerçants et les professions libérales, ni le développer pour les agriculteurs. Finalement, vous proposez, pour l'impôt sur le revenu, un système similaire aux anciennes procédures appliquées au RSI, lesquelles ont pourtant été si décriées pour le paiement des cotisations sociales. C'est aberrant.
Et que dire des relations que les employeurs auront avec leurs salariés ? Voire des relations entre salariés d'une même entreprise ? Quand bien même on imaginerait que le mécanisme de retenue à la source par les entreprises ne pose aucune difficulté technique et financière, c'est bien au niveau des relations au sein de l'entreprise que le bât blesse de nouveau, à deux égards. Dans une entreprise où deux salariés occupent le même poste et touchent le même salaire brut, le salaire net risque de ne pas être le même en raison de l'application d'un taux d'imposition différent.
Nous pouvons être certains que cela entraînera des difficultés d'appréhension et de compréhension, qui auront des conséquences sur la pérennité de l'entreprise et de l'emploi. Il me semble que le marché de l'emploi se trouve déjà en assez grande difficulté pour qu'on évite de lui enfoncer une nouvelle épine dans le pied. Bercy a certes envisagé la possibilité d'appliquer un taux neutre, qui soit forfaitaire. J'y vois là une autre faiblesse du mécanisme que le Gouvernement veut imposer. Si l'intention y est, l'utilisation de ce taux forfaitaire risque de créer des problèmes et semble vouée à l'échec.
En prenant pour référence une personne célibataire, sans enfant à charge, le taux forfaitaire se trouve bien loin de la réalité de beaucoup de contribuables. L'utilisation de ce taux sera presque toujours défavorable aux contribuables et ne revêtira aucun intérêt, puisqu'il revient à renoncer à la demi-part fiscale des enfants. En conséquence, le salarié se voit quasiment dans l'obligation de transmettre ses informations personnelles et familiales à son entreprise. Visiblement, le Gouvernement ne s'émeut pas de la protection de la vie privée, ni des impacts possibles sur la vie professionnelle. L'entière connaissance des informations du salarié, de sa situation familiale, risque d'influer sur sa carrière, son avancement et sa rémunération.
Plus encore que de faire de l'entreprise une filiale de l'administration, le Gouvernement tend à la transformer en un véritable gestionnaire financier de ses salariés. Nous pouvons tous constater la multiplication des mesures touchant les entreprises. Elles sont un secteur vivant, sujettes aux changements sociaux et sociétaux, il est vrai ; mais leur dynamisme risque bien, à force d'ajustements, de s'essouffler.
À ce propos, faisons un point sur le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi. En souhaitant le transformer en baisse de cotisations patronales en 2019, le Gouvernement cherche à redonner, de façon durable, de la compétitivité aux entreprises. Mais, en réalité, il n'en est rien. Aucune mesure contribuant à diminuer le coût du travail n'est prise pour résoudre le déficit de notre balance commerciale de 48,3 milliards d'euros en 2016, ni nos pertes de parts de marché mondial divisées par deux depuis 2000 pour s'établir à 3,7 % en 2016.
Les allégements de charges, contrepartie de la suppression du CICE, qui se fait sans nouveauté, ne se concentrent que sur les bas salaires. Cela n'a que peu d'impact sur l'industrie qui se situe, elle, à des niveaux de rémunération plus élevés, avec des emplois plus qualifiés. Le rapport Gallois de 2012 le recommandait déjà ; si nous voulons soutenir l'industrie en France, il faut réduire le coût du travail jusqu'à 3,5 SMIC.
Nous pouvons d'ailleurs consentir des efforts plus importants, puisque M. le ministre de l'économie et des finances, Bruno Le Maire, s'est prononcé en faveur d'un allégement des charges au-dessus de 2,5 SMIC pour les entreprises françaises désireuses d'exporter. Des amendements déposés en ce sens par des députés de notre groupe ont été rejetés en commission, alors que cela mériterait une écoute plus attentive de la part de la majorité.
Mais revenons-en au prélèvement à la source. Après avoir évoqué ses impacts sur les salariés et sur les entreprises, il me resterait une question, et non des moindres : le Gouvernement a-t-il mesuré l'impact d'un prélèvement dès janvier 2019 pour les salariés, qui se traduirait par une diminution de leur pouvoir d'achat en janvier 2019, …
… sur la consommation ?
C'est important !
Poursuivons nos interrogations sur l'année blanche. Les revenus non exceptionnels de 2018 ne seront pas soumis à l'impôt sur le revenu. Seuls les revenus exceptionnels de 2018 le seront. Le projet de loi de finances dresse la liste les revenus non exceptionnels, pour décliner par ricochet les revenus exceptionnels. Comment comprendre que des indemnités de licenciement soient des revenus exceptionnels soumis à impôts en 2018 ? Comment apprécier que telles ou telles primes versées soient exceptionnelles ou pas et génèrent ou pas un impôt ? La distinction mérite d'être beaucoup plus finement établie ; sinon, de nombreux contentieux pourraient en résulter.
Pour ce qui est des revenus fonciers, c'est un désastre pour le secteur du bâtiment, comme j'ai eu l'occasion de le dire en commission des finances. Dans la première version du PLF pour 2016, qui mettait en place le prélèvement à la source, les travaux réalisés pendant l'année blanche ne donnaient lieu, en matière de revenus fonciers, à aucune déduction. Nous avions été nombreux à dénoncer cette situation.
Une seconde version a été établie pour prendre en compte cet élément, puisque les travaux d'entretien représentent chaque année 400 millions d'euros. Un mécanisme de lissage a été retenu, afin de permettre de déduire sur deux années 50 % des travaux.
Ainsi, les travaux réalisés en 2017 sont entièrement déductibles pour le calcul de l'impôt sur le revenu, et les travaux réalisés en 2018 et 2019 ne le seront qu'à 50 %. Il faudra attendre 2020 pour retrouver une déductibilité des travaux. À votre avis, que vont faire les propriétaires ? Pour les travaux les moins urgents, ils attendront 2020, puisque, s'ils réalisent ces dépenses en 2018 et en 2019, ils ne pourront les déduire intégralement et verront donc, en quelque sorte, leur impôt augmenter.
Monsieur le ministre, il faut impérativement corriger le tir et trouver un dispositif qui ne casse pas la dynamique actuelle – nous défendrons des amendements en ce sens – , d'autant plus que, lorsque les travaux ne pourront pas être reportés, cela se traduira par une augmentation d'impôt pour les titulaires de revenus fonciers qui ne pourront déduire l'intégralité de leurs travaux.
Enfin, le Gouvernement reconnaît qu'il faut soutenir l'industrie française, et nous sommes tous d'accord sur ce point. Pourtant il n'a su reconnaître le droit à un dispositif de soutien fiscal spécifique qu'au seul bassin minier du Nord-Pas-de-Calais, en lui donnant la qualification, à l'article 13 du PLFR 2017, de « bassin urbain à redynamiser ». Ce dispositif est si spécifique qu'il apparaît finalement personnalisé puisque les critères qui le conditionnent sont tellement stricts qu'ils ne permettent pas à des communes d'autres anciens bassins miniers d'en bénéficier.
Certes, les chiffres de la région sont alarmants : au premier trimestre 2016, le taux de chômage dans les Hauts-de-France atteignait 12,3 % de la population active quand le taux de chômage en France métropolitaine était de 9,9 %. Le problème est donc réel, mais il ne l'est pas que dans cette seule région, et si la création de ce dispositif est en tout point légale, il serait bien plus pertinent, équitable, juste et cohérent de l'étendre à tous les territoires d'anciens bassins miniers. Il ne faut jamais raisonner par clientélisme !
Face à l'ensemble de ces éléments, je formulerai plusieurs interrogations. Pourquoi s'engager dans un PLFR 2017 sans réforme structurelle, ni même à venir dans le PLF 2018 ? Pourquoi s'engager dans une réforme du prélèvement à la source d'une telle ampleur pour si peu de projections positives, quand le système de prélèvements obligatoires apparaît bien moins difficile à mettre en oeuvre ?
Nous ne sommes pas préparés à ce changement, nos mécanismes d'imposition ne le permettent pas et ne se prêtent pas à la réforme que vous proposez ; c'est une vraie difficulté.
Pourquoi, enfin, avoir établi un sur-mesure pour le bassin minier du Nord en privant les anciens bassins miniers des autres territoires d'une approche globale ?
Pour toutes ces raisons rappelées dans cette conclusion sous forme de questions, je demande, au nom du groupe Les Républicains, que nous retournions en commission pour retravailler certains sujets et je vous invite, mes chers collègues, à voter cette motion de renvoi en commission du PLFR 2017 dont l'examen est envisagé.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Madame Louwagie a finalement répété à sa façon ce qu'avait déjà dit M. Le Fur. Son propos ne nous a donc pas beaucoup surpris. Les deux interventions sont émaillées d'erreurs manifestes, notamment dans leur lecture du rapport de l'IGF, que le président de la commission des finances mentionnait également dans son introduction. C'est justement aujourd'hui qu'il y a une sur-épargne de l'impôt, qu'on évalue à 0,2 % du PIB. En effet, la mensualisation concerne entre 55 et 60 % des contribuables, et il reste encore 40 % de gens normalement constitués qui sur-épargnent leur impôt, ce qui bloque la consommation – soit tout le contraire de ce que vous évoquez.
Ce qui me frappe beaucoup dans les arguments utilisés par Les Républicains – que ce soit M. Le Fur ou Mme Louwagie – , c'est la peur. Vous avez peur de tout, et en premier lieu du changement. Vous êtes censés aimer l'entreprise, mais vous considérez que c'est un lieu terrible et que le patron est un voyeur par nature qui va forcément dénoncer le travailleur.
Votre vision de l'entreprise est terrible ! Le patron ira forcément regarder ce qui se passe dans la vie du salarié…
… et, dès lors qu'il verra toute une série de difficultés administratives simplifiées, notamment avec le droit à l'erreur, il passera un temps infini à examiner les taux un par un. Il sera déçu, car, pour 90 % des salariés, le taux se situe entre 0 et 10 %, mais, pour tous ceux qui restent, il va poser des questions, s'intéresser à la voiture du salarié pour voir s'il y a un siège enfant, puis vérifier si le salarié le déclare…
Franchement, madame Louwagie, monsieur Le Fur, j'avais cru comprendre que vous apparteniez à une famille politique qui respectait l'entreprise, mais, manifestement, il y a eu beaucoup de changements ! Vous savez, monsieur Le Fur, tous les patrons ne sont pas comme ceux que vous montrez du doigt, et beaucoup d'entre eux sont très heureux de travailler avec des salariés sans leur demander le fond de leur vie privée.
Mais les patrons ne demandent rien ! Ils ne veulent pas s'occuper de la vie privée des salariés !
Vous estimez que le taux neutre ne fonctionne pas – c'est votre principal argument – , mais votre vision des choses est tout à fait étonnante ; la peur s'est instillée dans votre fonctionnement.
Vous avez également peur de l'administration. À mon grand étonnement, monsieur Le Fur, voilà que vous attaquez une institution qui compte nombre des plus hauts fonctionnaires de notre État, l'IGF. Je trouve vos propos un peu démagogiques ; surtout, monsieur Le Fur, alors que vous dénoncez l'entre-soi, que soutenez-vous comme contre-proposition ? Le rapport parlementaire porté par vos collègues Républicains du Sénat ! On n'est plus dans l'entre-soi, mais dans l'hyper-soi politique !
Ce que vous racontez est d'autant plus faux que j'ai pris soin de demander au cabinet Mazars d'accompagner la réflexion. Ce cabinet privé, choisi sur appel d'offres de mon administration – que vous pouvez consulter – a travaillé en lien avec l'IGF ; il est à votre totale disposition. Pour tripler la ceinture de sécurité, on a choisi de mener une expérimentation avant de rendre la conclusion. Le rapport que vous avez pu lire déroule ces trois aspects : d'abord, le travail de l'IGF, qui a toute ma confiance et dont, dans d'autres débats, vous louez la pertinence lorsque cela vous permet de contrecarrer les positions du Gouvernement – schizophrénie qui vous est bien utile ; …
… ensuite, l'expérimentation avec les 500 collecteurs, dont beaucoup d'entreprises, que je remercie, et de gens qui n'étaient parfois pas favorables à la retenue de l'impôt à la source ; enfin, le concours du cabinet Mazars. Voilà donc votre deuxième peur : l'administration qui, dans l'entre-soi, par définition, avancerait des choses commandées par le Gouvernement.
Je voudrais attirer votre attention sur un point : la peur du changement. J'entends certains arguments qu'évoque M. Bourlanges ; on peut en discuter. Je crois avoir rassuré votre collègue Charles de Courson en expliquant que jamais le Gouvernement n'a envisagé de fusionner l'impôt sur le revenu avec la CSG. Il existe des arguments contre l'impôt à la source et je ne les sous-estime pas ; mais ceux du groupe Les Républicains reviennent à dire : « Il ne faut rien changer ! ». Alors que, comme l'a dit le président de la commission des finances, le PLFR comprend beaucoup d'articles budgétaires et fiscaux qui touchent à bien des sujets, vous arrivez – même si c'est votre droit le plus strict – à déposer deux motions et à tenir quasiment une heure sur l'impôt à la source : « Delenda est Carthago » !
Mme Louwagie m'a également accusé – j'allais l'oublier, même si, finalement, on ne sait pas très bien ce qu'elle a voulu dire – d'être grosso modo démagogue et populiste en choisissant le bassin minier juste dans ma région. Je vous rappelle d'abord que c'est une promesse de l'ancien gouvernement, que nous essayons, comme toujours, d'honorer. Je suis très étonné et je serais très curieux de savoir ce que le président de région pense de vos propos absolument scandaleux sur ce bassin qui a perdu 1 million d'emplois en vingt ans. Cela ne veut pas dire qu'il n'y a pas de difficultés ailleurs sur notre territoire, mais le bassin minier n'est que la sixième zone fiscale ; les cinq autres ont été créées auparavant. Permettez-moi de vous dire, madame, que, si vous aviez bien lu les attendus du PLFR, vous ne feriez pas les approximations accusatrices auxquelles vous vous livrez : cette zone existe déjà pour cent communes, mais sans continuité territoriale ; c'est pour pallier ce problème que nous l'étendons aux cent cinquante. Il n'y a donc là aucune démagogie. Nous aurons l'occasion d'en reparler, mais il faudrait pour cela que vous ayez des arguments de fond et non une simple volonté de bloquer les débats !
Applaudissements sur les bancs du groupe REM.
Dans les explications de vote sur la motion de renvoi en commission, la parole est à M. Jean-Louis Bourlanges, pour le groupe du Mouvement démocrate et apparentés.
Monsieur le ministre, vous avez beaucoup de talent, mais je vous assure que vous pouvez mieux faire ! Votre réponse est un peu désinvolte. Je suis sûr que vous allez vous améliorer tout au long du débat pour devenir beaucoup plus convaincant.
Sur le fond, j'ai écouté avec beaucoup d'intérêt l'intervention de Mme Louwagie, mais je voudrais vous faire part d'une réflexion de Huron. Sans être un jeune député – car je suis vieux – , je suis un député récent, et je m'étonne toujours de ces motions qui consistent en fait à utiliser la procédure pour dire tout ce qu'on a envie de dire. C'est un peu contradictoire, madame Louwagie, car vous ouvrez de fait le débat ! Vous dites qu'il faut renvoyer le texte en commission, et vos arguments sont souvent très pertinents ; mais on l'a déjà étudié en commission et le moment est venu d'en débattre, de voter et de se décider. Nous ne voterons évidemment pas cette motion de renvoi, mais je m'étonne que, dans cette maison, on commence, pour dire les choses, par essayer de démontrer qu'il ne faut pas en parler !
Applaudissements sur quelques bancs du groupe REM.
La parole est à M. Charles de Courson, pour le groupe UDI, Agir et indépendants.
Notre groupe pourrait être tenté de voter la motion de renvoi en commission, moins pour les raisons qui ont été évoquées par Mme Louwagie que parce que nous avons appris tout à l'heure que le Gouvernement avait déposé trente amendements, dont certains ne nous sont même pas encore parvenus, puisque notre cher président vérifie toujours s'ils sont recevables. Cela pourrait justifier un renvoi en commission !
Sur le fond, le problème de la mise en place du prélèvement à la source est très simple : pendant quarante ans, on a miné notre impôt sur le revenu par des dépenses fiscales en tous sens. On va donc avoir un énorme problème.
M. Le Fur et Mme Louwagie ont raison de soulever toutes ces questions, car nous ne les avons pas toutes résolues, tant s'en faut, monsieur le ministre. C'est pourquoi, pour rebondir sur les propos de notre collègue Bourlanges, il serait intéressant que vous vous engagiez sur ces dépenses fiscales ; je vous ai fait une série de propositions dont on discutera point par point. Je crois que nous serons amenés, en 2019, à remonter les plafonds et à accepter la déductibilité des dépenses de 2018 et de 2019 : sinon, nous ne nous en sortirons jamais.
Il y aura des effets d'anticipation : les gens risquent d'arrêter, en 2018, de faire un certain nombre d'investissements liés à des crédits d'impôt, préférant attendre six mois ou un an, jusqu'en 2019. Cela peut provoquer un effet de dépression dans beaucoup de domaines. Il y a également le problème de l'épargne retraite, notamment en matière de déductions pour travaux. Néanmoins, il faut engager le débat.
Monsieur le ministre, la raison pour laquelle nous allons voter cette motion de renvoi tient aussi à ces trente amendements – et non des moindres – déposés au dernier moment. Certains d'entre eux contiennent des propositions que nous avions défendues en commission et que le rapporteur général avait rejetées – notamment dans le domaine du transport – , nous expliquant qu'il n'était pas question de les adopter et qu'on ne comprenait pas de quoi on parlait. Et voilà que le Gouvernement dépose les mêmes amendements trois jours après ! La commission est un lieu de débat et de dialogue, mais, si l'on y rejette nos arguments pour que ceux-ci soient ensuite repris en séance par le Gouvernement, c'est que le travail n'y a pas été poussé jusqu'au bout. Ce n'est pas nouveau que le Gouvernement dépose des amendements au PLFR à la dernière minute, mais cette manière de fonctionner n'est pas la bonne. C'est pourquoi nous proposons de renvoyer le texte en commission pour au moins analyser ces trente amendements.
La parole est à M. Fabien Roussel, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Nous aurions pu être tentés de ne pas voter cette motion de renvoi en commission, eu égard aux arguments défendus par Mme Louwagie qui estime qu'il faut étendre le CICE, qu'il faut aller plus loin et frapper plus fort en matière de réduction du déficit et de la dépense publique. Bien sûr, nous ne partageons pas ces idées ni les explications avancées dans son intervention. D'ailleurs, monsieur Bourlanges, vous prenez vous-même la parole pour parler de tout à fait autre chose qu'une explication de vote !
Vous êtes donc mal placé pour critiquer la motion de renvoi en commission ! Nous pensons pour notre part qu'on aurait dû prendre plus de temps pour revenir sur certaines dispositions, notamment sur le prélèvement à la source qui fait beaucoup débat ou sur l'évasion et l'optimisation fiscales, ainsi que sur d'autres mesures contenues dans le PLFR. Pour toutes ces raisons, nous voterons cette motion de renvoi en commission.
Monsieur le président, mes chers collègues, ramener le déficit à 2,9 % ce n'est pas énorme effectivement et nous aurions aimé pouvoir faire mieux, mais vous admettrez que ce n'était pas évident avec les 10 milliards que va coûter l'invalidation de la taxe sur les dividendes et le reliquat de 8 milliards du gouvernement précédent. Il est déjà remarquable de passer au-dessous des 3 %, et de respecter ainsi un critère qui permettra à la France de retrouver une voix en Europe – car tel est bien l'un des objectifs de ce PLFR.
Vous nous reprochez aussi de ne pas faire assez de réformes structurelles, mais quand auraient-elles dû être faites, ces réformes ? En mai 2017 ou en mai 2012, ou bien en mai 2007, voire bien plus tôt ? Et qu'ont fait ceux qui étaient au pouvoir en 2002, en 2007, en 2012 ? La réponse est simple : rien.
Nous avons permis que vous soyez là ! Ce n'est pas rien ! Vous pourriez avoir un peu de reconnaissance !
Peut-être, aujourd'hui, n'en faisons-nous pas beaucoup, mais au moins faisons-nous quelque chose.
Quant au prélèvement à la source, les employeurs le pratiquent déjà depuis bien longtemps, notamment dans les zones frontalières. Surtout, ils se livrent à des calculs autrement plus complexes pour déterminer le montant des cotisations, par exemple – au hasard – au titre de la réduction Fillon. Si je devais vous exposer l'évolution de ce dispositif depuis dix ans, nous passerions la nuit à essayer de comprendre comment ça fonctionne.
Les entreprises sauront donc faire, je n'ai pas d'inquiétude sur ce point.
Je voudrais néanmoins m'arrêter trente secondes sur un problème que tous les employeurs connaissent : celui des saisies-arrêts. Aujourd'hui, la majeure partie des saisies-arrêts sur salaire a pour origine un contentieux fiscal.
Demain, grâce au prélèvement à la source, les salariés n'auront plus à supporter et les employeurs n'auront plus à gérer des procédures dont l'incidence était bien plus lourde que ne sera celle du prélèvement à la source.
Applaudissements sur les bancs du groupe REM.
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, qui dit budget rectificatif dit normalement rectification de la trajectoire budgétaire. Quelle n'a pas été notre déception de constater qu'il s'agissait en fait de simples ajustements, en dépit des trente-six amendements que vous avez déposés et que nous découvrons à l'instant.
Vous mettez en avant les efforts consentis, mais, en réalité vous vous contentez de revenir sous la barre des 3 % de déficit public, alors que les recettes sont meilleures que prévu. Alors que ce budget rectificatif était pour vous l'occasion de proposer de véritables efforts budgétaires, vous n'enrayez pas l'augmentation de la dépense publique, qui va encore progresser de 1,9 % entre 2016 et 2017. Il n'y aura donc pas de débat de fond sur ces enjeux essentiels : c'est d'autant plus regrettable que vous en aviez l'occasion.
Mais le plus regrettable, c'est le débat avorté sur la mise en place du prélèvement à la source. La repousser à l'année prochaine ne réglera pas tous les problèmes évoqués par mes collègues, et ils sont nombreux. Je pense tout particulièrement à l'aggravation des charges administratives des entreprises, à laquelle vous n'apportez pas de solutions, à la confidentialité des revenus annexes du salarié, essentielle pour qui veut négocier une revalorisation de son salaire ?
À cela s'ajoutent ces fameux amendements qui viennent d'arriver.
C'est pour pouvoir examiner ces problèmes de fond que nous demandons que le texte soit renvoyé en commission.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
La motion de renvoi en commission, mise aux voix, n'est pas adoptée.
Je demande une suspension de séance.
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à dix-neuf heures cinq, est reprise à dix-neuf heures quinze.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'affaire qui nous occupe aujourd'hui est intéressante. Je dois reconnaître que je suis assez critique, et peut-être le plus critique parmi les membres du groupe du MODEM et apparentés. Mais soyez rassuré, monsieur le ministre, nous allons voter le texte – même si mes collègues du groupe ne sont pas là pour le moment, et c'est d'ailleurs pourquoi je suis à la tribune.
Sourires.
En effet, nous avons tout de même un représentant de nos éléments d'élite.
Nous allons, disais-je, nous prononcer en faveur du projet de loi de finances rectificative, ne serait-ce que parce qu'il est d'usage de voter les lois de finances quand on est dans la majorité, même si l'on n'y adhère pas entièrement. Nous sommes très favorables à l'action du Président Macron, et nous entendons le soutenir. Enfin, malgré tout, monsieur le ministre, même s'il appelle des réserves, votre texte a tout de même une orientation fondamentalement heureuse. Je ne suis donc pas gêné pour exprimer le soutien de notre groupe.
Toutefois, je ferai deux observations. La première porte sur la procédure. Nous avons dit, lors de l'examen du précédent projet de loi de finances rectificative, que nous trouvions abusif de le faire si rapidement à partir d'éléments aussi incertains et aussi imprécis, alors que le Gouvernement aurait pu grouper ces deux textes et créer ainsi les conditions d'un examen conséquent d'un ensemble destiné à boucler l'exercice budgétaire 2017. Je regrette que, en l'occurrence, le Gouvernement et la majorité aient été hâtifs. Plus posés, nous aurions sans doute été plus exacts dans l'appréciation des arguments de chacun.
Une autre remarque de procédure concerne les amendements. Je n'ai pas voté la motion de renvoi en commission, car je ne voulais pas bloquer le système, mais Mme Louwagie a raison sur le fond : plus de trente amendements gouvernementaux déposés à la dernière minute…
… vont créer au moins trente articles nouveaux qui n'auront pas été examinés en commission, et dont nous débattrons dans la plus grande improvisation. Ce n'est pas satisfaisant. Ce n'est pas ainsi qu'on fait du bon travail. Le Huron que je suis est d'ailleurs accablé par la façon dont on travaille au sein de la commission des finances et au sein de cette assemblée : on ne dispose pas du tout du recul et des délais nécessaires, ni de la connaissance des textes suffisamment en amont, pour pouvoir procéder à leur examen. Je crois qu'il faut vraiment revoir notre procédure budgétaire.
Ma seconde observation porte sur le prélèvement à la source. C'est tout de même le plat de résistance de votre texte, et un plat qui appelle à la résistance.
Nous ne sommes pas du tout satisfaits par la façon dont cette affaire est conduite. Je sais d'où vous venez, monsieur Darmanin, et je devine où vous serez. Le général de Gaulle disait à Edgar Faure : « Je sais ce que vous êtes, ce que vous avez été et ce que vous serez. » Je ne suis pas le général de Gaulle, mais je serais tenté de vous dire la même chose. En tout cas, je sais ce que vous pensiez de cette retenue à la source et je vois bien que vous vous avancez dans cette affaire « les bras chargés de l'enfant d'un autre », pour reprendre les mots d'André Tardieu. Il n'en demeure pas moins que le prélèvement de l'impôt à la source est un vrai poison pour les entreprises. Je ne dis pas cela animé par la peur – sentiment que je n'éprouve pas – , mais sachant que ce n'est pas à elles d'accomplir le travail de l'administration, car elles n'en ont ni les privilèges, ni les droits, ni les sujétions.
Et puis c'est une atteinte aux jeunes : aujourd'hui, quand ils entrent sur le marché du travail, ils jouissent d'un délai de grâce qui leur permet de négocier leur logement, de s'installer dans la vie, avant de payer l'impôt. Désormais, ils seront frappés d'emblée.
C'est un impôt anti-contribuables. Je ne comprends pas que personne ne signale cet effet de base fiscale : quand on paye en année N sur la base des revenus de cette année-ci et non sur celle des revenus de l'année N– 1, la croissance et l'inflation – par exemple, 2 % de l'année N– 1 plus 2 % de l'année N – augmentent l'impôt d'autant. Tout cela est vraiment très préoccupant.
Enfin, c'est un impôt anti-familial qui suppose soit sa propre défaillance – on évalue le revenu individuel sur des bases ne correspondant pas au revenu final – , soit, s'il fonctionne, de renoncer à cet aspect central de notre fiscalité, qui a contribué au taux démographique de notre pays, à savoir la familialisation de l'impôt sur le revenu.
Je ne rappellerai pas tous les inconvénients qu'ont signalés nos collègues : nous écopons, monsieur le ministre, jour après jour, amendement après amendement – et ceux de M. Le Fur sont nombreux – , pour essayer de boucher les voies d'eau créées par cette réforme inutile. Chaque fois que nous abordons un problème – revenus exceptionnels, niches fiscales, familialisation – , nous sommes confrontés à des difficultés, à des contradictions, conséquences du fait que la réforme de vos prédécesseurs, que vous assumez, repose sur une aporie : l'idée qu'on peut fixer a priori le montant d'un impôt sur un revenu alors que la législation fiscale nous impose de le fixer a posteriori sur la base de l'ensemble des revenus bénéficiant à un foyer fiscal, et qu'il est en l'occurrence très différent du premier. Deux et deux ne peuvent pas faire six !
Monsieur le ministre, vous êtes dans une situation contradictoire. Je sais que vous le savez. Vous avez assumé, nous devrions nous en sortir vivants. Mais, malgré cette réforme fiscale, je soutiendrai votre projet de loi de finances rectificative, car, point essentiel, vous respectez la trajectoire : la limite des 3 % du PIB et le désendettement. Mais c'est dur ! Pour y arriver, vous nous avez fait souffrir ! Vous avez fait souffrir l'armée – ce qui a conduit à de fameux événements – ou les entreprises, avec cette taxe bizarre que vous avez été obligé d'instituer. Grâce au ciel, vous avez été aidé par la conjoncture qui vous porte.
Exclamations sur les bancs du groupe LR.
M. Darmanin est comme Bonaparte : un général qui a de la chance. Je trouve que c'est bien d'en avoir. Vous avez de la chance, monsieur le ministre, et je m'en réjouis. Il faut soutenir votre effort, vous tenez le cap s'agissant de l'obligation de respecter la trajectoire à la baisse.
Mais, quand on considère les obligations qui sont les nôtres en termes européens, on voit que ce ne sont plus celles d'hier : les 3 % ont cessé d'être le tabou qu'ils étaient sur la base du traité de Maastricht et du pacte de stabilité. Depuis le traité sur la gouvernance, signé par le Président Sarkozy et ratifié à la demande du Président Hollande, …
… les 3 % sont devenus un simple objectif d'étape. Nous sommes sur la voie d'un rétablissement ordonné des finances publiques, sachant que le traité sur la gouvernance fait pour la première fois appel à des notions que les keynésiens devraient approuver, telles que le déficit structurel, et fait donc appel à la réflexion sur les cycles. Mais cela vous oblige. Les 3 % ne sont pas un tabou : vous les respectez cette année, mais ce qui comptera, ce sur quoi on vous attendra, monsieur le ministre, c'est la trajectoire. Nous voulons que vous engagiez une véritable politique de maîtrise et de réduction des dépenses publiques – nous sommes à cet égard inquiets au vu de la loi de finances pour 2018 – , une politique dont nous comprenions la cohérence dans la durée.
Oui, notre groupe votera ce projet de loi de finances rectificative, car vous faites l'effort nécessaire pour tenir les 3 %, mais vous n'en êtes pas quitte pour autant : nous vous attendons avec espoir, avec gourmandise même, sur les efforts justes que vous saurez proposer à la nation. En tout cas, le groupe MODEM, même ses éléments les plus irrévérencieux, comme moi, votera votre texte.
Applaudissements sur les bancs du groupe MODEM.
Sourires.
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, ce deuxième projet de loi de finances rectificative pour 2017 nous rappelle tout d'abord l'insincérité originelle de la loi de finances initiale de 2017, ce qui conduit ce nouveau gouvernement à rattraper les erreurs du précédent et complique d'autant les efforts de réduction du déficit et la mise en oeuvre des réformes au fil des découvertes des sous-budgétisations et des erreurs manifestes. Mon rappel n'a pas pour objet de dénoncer les responsables d'hier. Bien au contraire, il doit être un avertissement pour que plus jamais un exercice budgétaire ne soit entaché d'oublis et d'insincérité, faisant porter toutes les conséquences sur nos concitoyens et sur nos entreprises.
Le scénario macroéconomique du Gouvernement associé à ce deuxième PLFR pour 2017 reste inchangé par rapport à celui du PLF pour 2018 : la prévision de croissance est maintenue à 1,7 % et le déficit public toujours attendu à 2,9 % du PIB en 2017. Pour autant, il est à noter que le déficit en 2018, initialement prévu à 2,6 %, sera finalement de 2,8 %. Cette aggravation s'explique en grande partie par les 5 milliards d'euros que l'État va devoir prendre à sa charge dans le cadre du contentieux lié à la taxe de 3 % sur les dividendes. Comme il est impossible de dissocier les deux PLFR 2017, je tenais à vous redire, monsieur le ministre, que le groupe UDI, Agir et indépendants reste convaincu que faire porter le poids de l'annulation de la taxe sur les dividendes sur le seul exercice 2017 nous aurait permis de ne pas handicaper le budget 2018 et de ne pas prendre le risque de manquer l'objectif d'un déficit sous les 3 % du PIB l'année prochaine.
À cela s'ajoute une conjoncture favorable qui dope les recettes de l'État, en hausse de 2,1 milliards d'euros par rapport aux prévisions du premier PLFR, notamment grâce aux recettes de la TVA et de la TICPE – la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques – , et à la baisse de 1,5 milliard d'euros du prélèvement sur recettes au profit de l'Union européenne.
En revanche, les dépenses publiques auront augmenté de 1,9 % en 2017. Des efforts d'économies restent donc encore à fournir, d'autant plus au vu de l'actuelle conjoncture économique et des indicateurs au vert, afin de résorber un déficit s'établissant à 74,1 milliards d'euros, soit 7 % de plus qu'en 2016. Monsieur le ministre, même si nous ne sommes pas toujours d'accord sur la méthode, nous vous accompagnerons toujours sur le chemin du redressement de nos finances publiques.
J'en viens au budget 2017. En plus des décrets d'avance de cet été, vous ouvrez 3 milliards d'euros de crédits, dont 840 millions d'euros pour la prime d'activité, 1 milliard pour les apurements communautaires concernant l'agriculture, 370 millions pour l'allocation aux adultes handicapés, 135 millions pour l'hébergement d'urgence ou encore 188 millions pour financer les contrats aidés. Le surcoût des OPEX et de l'opération Sentinelle sera financé par les autres ministères au nom de l'effort national de défense et, pour compenser ces dépenses, 850 millions de crédits non réellement engagés seront annulés.
Voilà les seules mesures relatives au budget pour 2017 inscrites dans ce texte dont l'essence même est bien de rectifier la loi de finances initiale de l'année en cours en fonction des consommations de crédits ou des nécessaires ajustements de recettes. Nous regrettons le choix de ce véhicule pour la création de nouvelles taxes qui n'entreront en application qu'en 2018, voire en 2019, alors même que nous sommes en même temps en plein examen du PLF pour 2018. Le projet de loi de finances initiale doit demeurer l'outil par excellence pour de telles décisions. Partageant votre volonté de rendre les budgets sincères et de redonner tout leur sens aux différents textes budgétaires, notre groupe espère que les prochaines lois de finances retrouveront leur sens initial.
Ne pouvant passer en revue tous les articles de ce projet de loi de finances rectificative pour 2017, je débuterai par l'article 9 : dans la mesure où vous nous avez indiqué, monsieur le ministre, que cette réforme ne préfigurait pas une fusion de l'impôt sur le revenu et de la CSG, notre groupe n'est pas hostile au prélèvement à la source.
Nous souhaitons en revanche, tout comme nos collègues, vous alerter sur plusieurs points qui nous inquiètent. Premièrement, de nombreux chefs de petites entreprises, comme de nombreux artisans, s'inquiètent des coûts de mise à jour des logiciels concernés, ainsi que du temps requis pour mettre en place ce nouveau dispositif, alors même qu'un grand nombre d'entre eux considèrent que la déclaration sociale nominative – la DSN – reste encore trop complexe.
Par ailleurs, nombreux sont ceux qui auraient préféré que ce prélèvement se fasse par le biais des banques. Pouvez-vous nous expliquer, monsieur le ministre, pourquoi vous avez choisi les entreprises plutôt que les banques comme collecteurs ?
Envisagez-vous, avant d'y adosser ce prélèvement à la source, de faire évoluer la DSN pour la simplifier réellement ?
Nous vous alertons également, monsieur le ministre, sur ce qui nous semble être un angle mort de cette réforme : comment procède-t-on pour les revenus d'activité et de remplacement de source étrangère ?
L'évaluation préalable du même article 9 contenue dans le bleu budgétaire précise : « Ces adaptations complexes ne peuvent pas être réalisées dans les délais impartis qui ne permettent pas d'envisager avec une raisonnable assurance la mise en place en 2019 d'un prélèvement à la source des prélèvements sociaux sur les revenus d'activité de remplacement de source étrangère. » Pourriez-vous nous éclairer sur ce problème de la territorialité du prélèvement à la source ?
Finalement, l'une des difficultés soulevées par ce même prélèvement – qui serait parfaitement adapté à un impôt proportionnel, universel et individuel – réside dans le modèle français d'impôt sur le revenu.
Nous tenons cependant à saluer la phase de test prévue pour la fin de l'année 2018 : elle permettra aux entreprises comme aux salariés de se familiariser avec ces nouvelles données.
S'agissant de l'article 13 qui instaure un dispositif de soutien fiscal spécifique dans les bassins urbains à redynamiser, il comporte – comme il se doit – des critères objectifs : le bassin minier du Nord compte par exemple 1,1 million d'habitants, le taux de chômage y est de 19,7 %, soit 10 points au-dessus de la moyenne nationale, et 19 % de la population y vit sous le seuil de pauvreté.
Il s'agit à l'évidence d'une bonne mesure, car le rôle de l'État est d'accompagner les territoires les plus en difficulté.
Cependant, afin de rendre l'aide de l'État réellement efficiente dans l'ensemble des territoires en grande difficulté économique et d'éviter de néfastes effets de bord, ne devrait-on pas envisager la refonte des cinq autres dispositifs similaires ?
Les articles 21 et 22 nous semblent contradictoires avec votre volonté de simplifier la fiscalité, de diminuer les taxes pesant sur les entreprises et de promouvoir la transition énergétique par une politique écologique volontariste et incitative.
La taxe instaurée par l'article 21 constitue en outre, pour les industriels du secteur des hydrocarbures, une double peine : alors que leur activité devra, comme cela vient d'être voté en nouvelle lecture par notre assemblée, prendre fin en 2014, elle réduira leurs marges d'investissement dans le cadre de la reconversion de leur activité.
L'affectation du produit de cette taxe aux départements n'a pas davantage de sens : puisqu'il s'agit de sites industriels privés, il serait préférable de les accompagner plutôt que de les taxer.
Quant à la taxe – prévue à l'article 22 – sur l'exploration des gîtes géothermiques, elle va à l'encontre d'une politique de développement durable qui supposerait le développement de la géothermie.
Nous ne pouvons que nous interroger sur la cohérence du discours du Gouvernement sur ces deux articles : il me semble que nous aurions tous intérêt – vous, monsieur le ministre, comme nous – à éviter la création de nouvelles taxes à faible rendement. Travaillons plutôt ensemble à supprimer des taxes et des niches fiscales afin de simplifier notre fiscalité.
Par ailleurs, nous soutenons totalement l'article 24 qui va dans le bon sens en réduisant de moitié le taux des intérêts de retard dus par le contribuable ainsi que le taux des intérêts moratoires dus par l'État.
Enfin, l'article 27 simplifie la fiscalité douanière. Nous saluons et partageons, monsieur le ministre, votre volonté de lutter contre la fraude, notamment en matière de TVA. Vous savez, cependant, que, en raison de la complexité et des contraintes imposées en ce domaine, de nombreuses entreprises renoncent à exporter vers certains de nos voisins européens.
Nous comptons donc sur vous, monsieur le ministre, comme sur le Gouvernement, pour harmoniser et simplifier les démarches au niveau européen afin d'accompagner nos entreprises dans leurs exportations.
Applaudissements sur les bancs du groupe UAI.
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, chers collègues, le deuxième projet de loi de finances rectificative pour 2017 se caractérise, avant toute chose, par ce qu'il ne contient pas.
Comme le projet de loi de finances pour 2018, il ne contient pas la traduction des engagements pris par le Président de la République en faveur de la banlieue et de nos communes de la politique de la ville qui ont tant besoin de moyens financiers et humains, de services publics de proximité, de mixité sociale et de logements rénovés.
Sur la question des moyens financiers et des dotations de l'État en particulier, si nous avons salué l'arrêt de la baisse de celles-ci, nous avons alerté le Gouvernement, ainsi que la majorité, sur les conséquences de la stagnation de la péréquation.
En effet, en raison de la baisse des compensations d'exonérations d'impôts locaux et de l'intégration des fonds départementaux de péréquation de la taxe professionnelle – les FDTP – et de la dotation de compensation de la réforme de la taxe professionnelle – la DCRTP – dans les variables d'ajustement, la très faible progression de la péréquation ne compensera pas les pertes des communes les plus pauvres.
Le Gouvernement et la majorité ont tenté de nous persuader du contraire, mais nous attendons toujours les simulations promises qui permettraient de trancher la question.
Nous avions déposé des amendements qui, grâce à une progression un peu plus importante de la péréquation, garantissaient à ces communes qu'elles bénéficieraient d'un solde positif et qui permettaient ainsi de respecter les déclarations que le Président de la Républiques a faites à Tourcoing et réitérées au Congrès des maires. Or ces amendements ont été balayés par le Gouvernement et la majorité. Nous en déposerons d'autres sur ces sujets.
D'un engagement présidentiel à l'autre, Emmanuel Macron a également fait de la politique du logement et du nécessaire choc d'offre une priorité de son quinquennat.
Or, à ce jour, le seul choc expérimenté par le monde du logement social a été la découverte de l'article 52 du projet de loi de finances pour 2018 qui prévoit, avec toutes les conséquences que nous avons dénoncées ces dernières semaines, de faire supporter une baisse des aides personnalisées au logement – APL – de 1,7 milliard d'euros par les bailleurs sociaux.
Nous proposerons donc deux amendements afin de produire ce choc d'offre tant annoncé, mais qui n'a toujours pas reçu de traduction concrète : le premier porte sur la prorogation de deux années supplémentaires – jusqu'à la fin de 2020 – de l'exonération de plus-values immobilières pour la cession de terrains à un organisme de logement social, et le second assurerait, au moyen d'un abattement exceptionnel sur les plus-values immobilières sur la cession de terrains en vue de construire du logement neuf en zone tendue, la mise en oeuvre de l'engagement du Président de la République.
Cet abattement serait fixé à 100 % pour le logement social, à 85 % pour le logement intermédiaire et à 70 % pour le logement libre, sous condition de densification. Nous ne doutons pas que la majorité parlementaire accueillera favorablement ces mesures, qui font partie de la stratégie du gouvernement en matière de logement.
Sur le logement toujours, nous vous soumettrons à nouveau des contre-propositions au fameux dispositif de réduction du loyer de solidarité – prévu à l'article 52 du projet de loi de finances pour 2018 – : je pense notamment au relèvement de 5,5 % à 10 % du taux réduit de TVA appliqué au logement social.
S'agissant des autres mesures figurant dans ce projet de loi, l'article 9 acte la mise en oeuvre du prélèvement à la source à compter de 2019 : notre groupe s'en réjouit, puisqu'il s'agit d'une mesure dont nous avions pris l'initiative à la fin de la précédente législature.
Je rejoins ce qui a été dit à ce sujet par Jean-Louis Bourlanges et Marc Le Fur : certaines dispositions transitoires, s'agissant notamment des charges déductibles, pourraient néanmoins être encore améliorées.
Notre groupe défendra donc un amendement adopté en commission des finances et visant à éviter que le dispositif de déductibilité des travaux réalisés sur les monuments historiques n'entraîne un report de ces travaux à l'horizon 2020, , alors même que le Président de la République a fait de la préservation et de la valorisation de notre patrimoine un axe important de son quinquennat.
S'agissant des collectivités territoriales, nous avons travaillé au sein de la commission des finances à un amendement collectif sur la taxe de séjour : je remercie le rapporteur général du travail qu'il a accompli sur ce sujet, car il me semble que nous sommes parvenus à un consensus favorable à l'ensemble du secteur concerné.
Nous proposerons également un amendement à l'article 36 qui prévoit de restreindre l'attribution de l'aide du fonds d'amorçage pour les activités périscolaires aux seules communes ayant conservé la semaine de quatre jours et demi.
En effet, certains communes ont arrêté ce dispositif, mais les dépenses courent toujours en 2017, y compris au quatrième trimestre : nous proposerons donc que ce fonds d'amorçage cesse de fonctionner en 2018.
Par ailleurs, je défendrai à titre personnel, avec mes collègues députés de Corse, une série d'amendements relatifs à la Corse, et notamment à la future collectivité unique. Monsieur le ministre, vous vous étiez en effet engagé à ce que ce projet de loi de finances rectificative pour 2017 contienne des avancées significatives pour l'évolution des recettes de cette même collectivité. Il n'en est rien, et nous vous solliciterons donc à nouveau pour savoir dans quelles conditions cette nouvelle collectivité unique pourra disposer des moyens nécessaires à la mise en oeuvre des compétences qui sont les siennes. Nous attendons du Gouvernement qu'il mette à profit le débat pour apporter des réponses à nos questions, notamment sur le logement et sur les collectivités territoriales.
Monsieur le ministre, comme je l'ai dit tout à l'heure, nous ne pouvons que contester le fait que trente amendements gouvernementaux aient pu être déposés juste avant l'ouverture de cette séance. Certains sont d'ailleurs encore en cours d'examen : nous n'en connaissons donc pas encore tout à fait le contenu.
Nous considérons donc que, dans le cadre de l'élaboration d'un texte budgétaire aussi important, de telles pratiques ne sont pas révélatrices d'un fonctionnement harmonieux. Pour toutes ces raisons, nous ne voterons pas le projet de loi de finances rectificative pour 2017.
Applaudissements sur les bancs du groupe NG.
Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, il m'a semblé tout à l'heure, lors de l'examen des motions de rejet préalable et de renvoi en commission, que la seule contradiction apportée en définitive au Gouvernement portait sur la question du prélèvement à la source.
Il s'agit certes d'une question sur laquelle nous nous opposons au Gouvernement, mais vous allez voir, à la lumière de mon intervention, que ce n'est pas la seule, puisque nous avons, pour notre part, bien d'autres raisons de refuser ce second projet de loi de finances rectificative pour 2017 – examiné très peu de temps après le premier, qui nous a vu creuser le déficit de l'État de 5 milliards d'euros qu'il doit rembourser aux détenteurs de revenus du capital.
Je commencerai cependant en évoquant quelques points positifs : tout d'abord, la division par deux, pour l'État comme pour les particuliers, des intérêts moratoires. Si l'on peut cependant regretter qu'il ait finalement fallu attendre l'affaire de la taxe à 3 % pour réagir de la sorte, mieux vaut tard que jamais. Nous avions proposé cette même mesure, et il est évident que nous n'allons pas la remettre en cause.
Il est un autre point intéressant, en tout cas s'agissant de la formulation : il semblerait que, grâce à diverses améliorations de dispositifs existants, le Gouvernement affiche son intention de renforcer la lutte contre la fraude et l'optimisation fiscales.
Rassurez-vous : j'atténuerai rapidement cette appréciation positive en affirmant que vous ne semblez pas, monsieur le ministre,avoirpris conscience de la gravité de la fraude fiscale dans notre pays, alors qu'elle a pourtant été révélée par les affaires successives Luxleaks, Panama papers et Paradise papers. On sait que les montants en question atteignent, pour la France, entre 60 milliards d'euros et 80 milliards d'euros, sans parler des 20 milliards d'euros – qu'a révélés le journal Le Monde dans son commentaire relatif aux Paradise papers – d'optimisation fiscale plus ou moins légale.
Dernier point : même si la volonté du Gouvernement d'instaurer une taxation sur l'exploitation des hydrocarbures ainsi que sur l'exploration géothermique nous semble intéressante, nous regrettons, là encore, que les moyens ne soient pas en adéquation avec l'objectif de sortir des énergies carbonées d'ici à 2040 comme le prévoit le projet de loi mettant fin à la recherche et à l'exploitation des hydrocarbures que nous avons récemment adopté en nouvelle lecture.
Passons maintenant aux sujets sur lesquels nous sommes en franc désaccord. Le premier a trait à la mise en place du prélèvement à la source de l'impôt sur le revenu, auquel nous sommes opposés pour au moins quatre raisons.
La première tient à sa complexité : elles est liée à la très forte personnalisation de l'impôt sur le revenu en France, ainsi qu'à la prévalence de la notion de foyer fiscal sur celle d'individu, mais aussi aux multiples enjeux et formalités supplémentaires induits par l'année de transition.
En tout état de cause, les citoyens ne verront pas leurs obligations déclaratives allégées : bien au contraire, ils seront toujours tenus de déposer une déclaration annuelle et seront, en sus, tenus de vérifier que les prélèvements effectués pas leur employeur correspondent bien, à l'euro près, au montant exigible.
La deuxième – qui est plus grave – tient à son inutilité : en effet, pourquoi défaire ce qui fonctionne ? La France dispose aujourd'hui en matière d'impôt sur le revenu, notamment grâce à son administration fiscale, d'un excellent taux de recouvrement : je rappelle qu'il s'élève, en année N+1, à 99,4 %.
En outre, s'agissant des déclarations pré-remplies, du prélèvement mensualisé automatique comme des procédures et du paiement en ligne, notre pays est en pointe, à la grande satisfaction de la quasi-totalité des usagers.
Troisième raison de s'opposer à ce prélèvement à la source : nous considérons qu'il est, au regard du respect de la confidentialité des données de nos concitoyens, dangereux. Nous proposerons par conséquent de la garantir par un amendement renforçant les sanctions en cas d'utilisation de ces mêmes données.
Le prélèvement à la source représente en effet une rupture de la logique française en matière de confidentialité des revenus privés : même si, peut-être, peu de contribuables s'en rendent aujourd'hui compte, la réforme envisagée pourra impliquer qu'ils fournissent à leur employeur leur situation familiale ou leurs revenus patrimoniaux.
La quatrième raison de notre opposition au prélèvement à la source tient au fait qu'il s'agit d'un dispositif coûteux, et d'abord pour les finances publiques. Partout où il a été appliqué, il a en effet entraîné, par rapport à un prélèvement classique de l'impôt, une augmentation du coût de collecte.
Pour l'administration, les coûts induits seront lourds : elle sera tenue non seulement d'adapter son organisation comme ses logiciels de déclaration et de paiement, mais aussi de lancer d'importantes campagnes de sensibilisation et d'information destinées à de multiples publics.
Pour les entreprises également, le dispositif s'avérera coûteux : ces dernières vont devoir supporter une partie de la complexité liée à la personnalisation et à la progressivité de l'impôt, à moins que l'on veuille, à terme, remettre en question cette progressivité – ce qui serait bien dans la logique de ce texte. L'adaptation de leur organisation et de leurs logiciels de paye va également être, pour ces mêmes entreprises, lourdement coûteuse, comme le révèle le rapport d'information du Sénat « Le prélèvement à la source : un choc de complexité » déposé en novembre 2016.
Surtout, cela entraînera des frais de gestion non négligeables, qui frapperont au premier chef les petites et moyennes entreprises françaises, fortement créatrices de croissance et d'emplois, mais déjà fragilisées.
En résumé, cette réforme est complexe, inutile, coûteuse, dangereuse, peu transparente. Elle fragilisera le consentement à l'impôt, qui est au fondement de l'impôt républicain. Nous avons beau chercher, nous ne trouvons aucun avantage à ce système. Les seuls bénéficiaires en seront les prestataires externes qui seront chargés de sa préparation et de sa mise en oeuvre, avec, à la clef, des contrats de plusieurs dizaines de millions d'euros trébuchants. En outre, ce dispositif risque, à terme, de fragiliser l'administration fiscale.
L'autre grand enjeu dont vous ne prenez pas la mesure est celui de la lutte contre l'optimisation et la fraude fiscales. Au nom du droit européen, vous allez vers le régime des fusions, qui modifie les conditions d'accès au régime dérogatoire en matière d'imposition des plus-values, en cas de fusion. Auparavant, les sociétés voulant bénéficier de ce régime spécial devaient obtenir un agrément ministériel. Désormais, elles n'en auront plus besoin et ne seront soumises qu'à une amende dérisoire en cas de non-déclaration d'accession au régime spécial. Nous proposerons, par voie d'amendement, d'augmenter cette amende, car c'est la porte ouverte à toujours plus d'optimisation fiscale pour les sociétés, qui useront de ce régime pour échapper à l'imposition de leurs plus-values en cas de fusion.
Je n'ai pas le temps de détailler toutes les dispositions que vous prenez et qui ne servent à rien ou qui freinent la lutte contre la fraude et l'optimisation fiscales. Aucune n'est à la hauteur des enjeux – à moins que vous ne considériez que les dispositions existantes le sont. Par exemple, la banque HSBC a récemment été frappée d'une pénalité de 300 millions d'euros alors qu'elle venait de frauder à hauteur de 1,6 milliard d'euros. Cela revient à dire à un pilleur de banque qu'il va être taxé de 20 % de son butin, mais qu'il pourra garder le reste et continuer à exercer tranquillement son activité ! Je rappelle au passage que HSBC avait été condamnée en 2012 à une amende de 1,9 milliard aux États-Unis – où, manifestement, on est moins coulant avec le blanchiment d'argent.
Les choses ne sont donc pas comme elles devraient être, et c'est pourquoi nous proposerons plusieurs amendements, notamment un amendement relatif au délit d'incitation à la fraude fiscale et un autre, que nous proposons de nouveau car c'est une mesure qui nous semble nécessaire, visant à la suppression du verrou de Bercy, cette juridiction spéciale qui permet à de nombreux délinquants fiscaux d'échapper à la justice. Certes, une mission a été créée sur le sujet – j'en fais partie – , mais les questionnaires montrent que la manière de traiter le problème n'est pas la bonne.
S'agissant de l'impératif écologique, nous sommes favorables au principe du pollueur-payeur, mais si l'objectif affiché du Gouvernement, tel qu'il est affirmé dans le projet de loi relatif aux hydrocarbures, est bien de sortir des énergies carbonées en 2040, il faudra grandement accélérer le processus si l'on veut qu'il soit atteint.
Dernier point : les 1,5 milliard d'euros mis de côté pour l'organisation des Jeux olympiques. Non seulement nous ne comprenons pas pourquoi les sociétés et les organisateurs des Jeux olympiques bénéficieraient d'exonérations fiscales avant même que l'on sache si elles feront des bénéfices, mais l'article 33 prévoit une garantie de 1,2 milliard d'euros dans le cas où les Jeux olympiques n'auraient pas lieu ou qu'ils auraient lieu de manière « partielle ». Nous aimerions savoir ce que signifie ce terme. Il me semble que, si l'État venait à garantir une perte financière pour les Jeux olympiques, cela ouvrirait la porte à quelque chose d'extrêmement dangereux. Je rappelle en effet que, depuis plusieurs décennies, les Jeux olympiques sont tous déficitaires.
Tout cela nous amène à dire que le présent projet de loi de finances rectificative, qui n'améliore en rien un projet de loi de finances que nous avions dénoncé comme particulièrement austère et inégalitaire, contient des mesures qui ne sont pas uniquement techniques, mais qui sont structurelles, et qui ne vont pas dans le bon sens. C'est pourquoi, à moins que nos amendements ne soient adoptés, nous voterons contre.
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, c'est demain que les ministres européens des finances feront connaître – enfin ! – la fameuse liste noire officielle des paradis fiscaux, dévoilant du même coup la véritable ambition de l'Europe à lutter contre l'évasion fiscale. Après des années d'attente, il était temps que ce projet se concrétise. En la matière, les attentes de nos concitoyens sont immenses – à la hauteur de l'indignation soulevée par les scandales à répétition.
Pas plus tard que vendredi dernier, nous apprenions qu'Airbnb, géant numérique mais nain fiscal, offrait à ses clients la possibilité de bénéficier d'une carte bancaire aux couleurs de l'enseigne ; et il ne s'agissait pas de n'importe quelle carte bancaire, mais d'une carte émise à Gibraltar, qui permet aux clients bien informés de dissimuler les revenus perçus et d'échapper aux radars du fisc français.
Énième ficelle fiscale, une nouvelle fois mise au jour par l'action et le courage des journalistes et des lanceurs d'alerte !
Permettez-moi de vous raconter l'expérience que j'ai vécue ce week-end. J'ai fait, sur internet, une recherche sur les mots « Gibraltar Paradis fiscal ». Le premier résultat que donne Google, c'est : « Gibraltat, fiscalité idéale pour société et particulier ». En dessous, une annonce pour le site « SFM-Offshore. com ». Sur ce site, on peut commander une entreprise en deux minutes. J'ai tenté l'expérience, monsieur le ministre ! J'ai créé mon entreprise offshore, ce week-end, en deux minutes.
Il était précisé : « Toutes les informations saisies dans ce formulaire seront conservées de façon strictement confidentielle. »
« Votre transaction sera sécurisée à l'aide du cryptage SSL » – n'était-ce pas plutôt XXL ?
Sourires.
Sourires.
J'ai donc créé mon entreprise en deux minutes et quelques clics.
Il m'a été indiqué que, suivant le lieu où étaient déclarés les profits, le taux d'imposition serait de 10 % ou de 0 %. Pour l'enregistrement de ma société, on m'a demandé de choisir entre les vingt-trois paradis fiscaux que propose le site : : la Suisse, les Bahamas, Hong Kong, Singapour, Gibraltar, le Delaware, etc. – si l'Europe cherche où sont les paradis fiscaux, il suffit de visiter ce site ! J'ai choisi Gibraltar.
Ensuite, il a fallu donner un nom à la société.
Rires.
Étape suivante : nommer un directeur et un actionnaire principal. On vous donne le choix entre deux options : soit on le fait pour vous, mais cela coûte plus cher, soit vous le faites vous-même. J'ai donc nommé, au poste de directeur, M. Gérald Darmanin
Exclamations et rires
et, comme actionnaire principal, détenteur de 51 % des parts de l'entreprise, …
Sourires.
Mêmes mouvements.
Deux personnalités tout à fait respectables et dont le parcours justifie qu'elles prennent ces responsabilités.
Sourires.
C'est un gage de confiance !
Cette société, avec ces responsables, a donc été créée en quelques clics – enfin, rassurez-vous : le processus n'a pas abouti, puisque je n'ai pas payé !
Pour terminer, on peut choisir une carte bancaire, avec l'option suivante : « Le nom du titulaire n'apparaît pas sur la carte et n'est enregistré ni sur la bande magnétique ni sur la puce. » Avec cette carte, on peut retirer jusqu'à 720 000 dollars par an et 30 000 dollars en une transaction.
Voilà l'exemple concret d'un scandale fiscal accessible en deux clics à n'importe quelle entreprise ou n'importe quel contribuable français ! Je vous invite à faire l'expérience.
Sourires.
Quand va-t-on véritablement s'attaquer à cette délinquance en col blanc ? L'évasion fiscale fait des trous dans nos finances publiques, de même que la pollution atmosphérique fait des trous dans la couche d'ozone. Dans un monde civilisé, c'est un scandale !
Monsieur Darmanin, vous qui aimez les citations, j'en ai préparé une pour vous. Henry Morgenthau, le ministre des finances de Roosevelt, …
… a dit en 1937 : « Les impôts sont le prix à payer pour une société civilisée. » C'est bien ce que je pense !
Il suffit de consulter les données comptables d'Airbnb pour mesurer l'ampleur du chemin qu'il nous reste à parcourir. En 2016, l'entreprise ne déclarait que 5 millions d'euros de chiffre d'affaires et ne réglait – tenez-vous bien – que 92 944 euros au titre de l'impôt sur les sociétés. De tels chiffres conviendraient mieux à une entreprise familiale qu'à un mastodonte numérique !
Le schéma est archiconnu : les postes de dépenses sont localisées en France, alors que les revenus et les bénéfices sont grassement logés en Irlande. L'Irlande fera-t-elle partie de la liste des paradis fiscaux que j'évoquais en introduction ? C'est pour nous une urgence démocratique.
Certes, ce projet de loi de finances rectificative comporte des avancées, notamment avec l'article 25. Toutefois, vous prévoyez une amende de 200 euros pour un contribuable et de 1 500 euros pour une banque ou une institution financière qui pratiqueraient l'évasion fiscale : c'est bien peu, surtout en regard de l'année d'emprisonnement et des 15 000 euros d'amende prévus, à l'article 9, relatif au prélèvement à la source, contre toute entreprise qui contreviendrait au secret fiscal !
Quand va-t-on s'attaquer à ce sujet ? Vous prévoyez d'étendre les missions de l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution, mais sans lui donner plus de moyens. Quand mettrez-vous en place une brigade, un bataillon, que dis-je, une armée de fiscalistes qui feront la chasse à ceux qui proposent des schémas d'optimisation fiscale et à ceux qui pratiquent l'évasion fiscale ? La France doit prendre toute sa place dans ce combat !
Vous connaissez l'expression : « Pas de bras, pas de chocolat ! » Moi, je dis : « Pas d'impôts, pas de cadeaux ! » C'est à ce niveau-là qu'il faut mener le combat !
Rires.
Au plan fiscal, le présent projet de loi de finances rectificatif apporte de nouveaux ajustements en vue de l'entrée en vigueur du prélèvement à la source, prévu pour le 1er janvier 2019. On ne peut qu'être dubitatif face à l'article 9 qui prouve, une fois encore, que cette réforme est une vaste usine à gaz, qui semble susciter des difficultés du côté de Bercy. Surtout, la mesure devrait s'accompagner de plusieurs milliers de suppressions d'emplois dans la fonction publique.
Nous avons combattu cette réforme et nous la combattrons de nouveau dans l'hémicycle, tant cette transformation radicale du prélèvement de l'impôt met en cause l'impôt lui-même. Je ne reprendrai pas les arguments qui ont été longuement développés par Éric Coquerel.
Enfin, il y a dans ce projet de loi de finances rectificatif une question scrutée par la population de tout un bassin de vie : celle du bassin minier et, plus généralement, du Nord-Pas-de-Calais. Il s'agit de l'article 13, qui crée un dispositif d'exonérations fiscales pour les entreprises s'installant dans les bassins urbains à dynamiser.
Pour tout vous dire, ma formation politique n'est pas une fan des zones franches. Nous préférerions une politique nationale qui relancerait notre industrie et soutiendrait les petites et moyennes entreprises dans tout le territoire ; mais la mesure a été annoncée par le précédent gouvernement et elle est attendue localement.
Le bassin minier, dont je suis l'un des élus, tout le monde en connaît le passé et la charge symbolique. Il est urgent d'agir ! Ce territoire a été vidé de sa substance par la fermeture des mines, déstabilisé par la crise de la sidérurgie et de la métallurgie. Depuis des années, il cumule les indices alarmants : taux de chômage, taux de pauvreté, etc. Il compte 1,2 million d'habitants, soit autant que les départements des Pyrénées-Orientales, de l'Eure-et-Loir et de la Dordogne réunis. La densité de la population y est plus de cinq fois supérieure à la moyenne française.
Un plan avait été proposé en mars dernier par le précédent gouvernement ; il comportait un certain nombre de mesures, dont celle, très attendue, prévue par l'article 13. Nous avons proposé de flécher les emplois créés dans les entreprises concernées. Notre amendement a été retenu par la commission, et j'en remercie les collègues.
Mais nous attendons d'autres mesures, telles que les 100 millions d'euros prévus pour réhabiliter les 23 000 logements miniers, les 75 millions d'euros dévolus à l'Agence nationale de l'habitat, la contribution de l'Agence nationale pour la rénovation urbaine, à hauteur de 150 millions d'euros, pour accélérer le renouvellement urbain et la construction annoncée d'un centre hospitalier à Lens, pour lequel l'État a promis d'investir 280 millions d'euros.
Telles sont les actions que les habitants du bassin minier sont en droit d'attendre de votre part, monsieur le ministre – et je conclus sur ce point, monsieur le président, puisqu'il est l'heure d'aller dîner.
Sourires.
Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :
Suite de la discussion du projet de loi de finances rectificative pour 2017.
La séance est levée.
La séance est levée à vingt heures.
La Directrice du service du compte rendu de la séance
de l'Assemblée nationale
Catherine Joly