Intervention de Marc Le Fur

Séance en hémicycle du lundi 4 décembre 2017 à 16h00
Projet de loi de finances rectificative pour 2017 — Motion de rejet préalable

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarc Le Fur :

Cela aussi, c'est la vraie vie, comme la prime de Noël.

Par ailleurs, l'année blanche, l'année de transition, est pleine d'incertitudes. Elle arrive très vite, dans quelques semaines, au 1erjanvier 2018. Il faudra malgré tout, au cours de cette année, déclarer ses revenus. Cette année ne sera pas imposée, de fait, sauf les revenus jugés exceptionnels. Nous devrons débattre de la nature exceptionnelle des revenus, sur la base d'un adjectif que les Français ne tarderont pas à découvrir : surérogatoire ! Une prime jugée surérogatoire sera imposée tandis qu'une prime normale ne le sera pas. Vous imaginez à l'avance les difficultés que cette distinction posera aux entreprises, aux salariés.

Il n'est pas illégitime que ces revenus exceptionnels soient imposés, à condition qu'ils résultent des décisions du seul salarié. S'ils résultent des décisions de son employeur, je ne vois pas très bien pourquoi ils seraient particulièrement imposés. Durant cette année de transition, nous serons en pleine insécurité juridique.

Il est par ailleurs temps d'éclairer nos compatriotes sur quelques situations très inquiétantes. Je pense tout d'abord à l'épargne-retraite. Un million de Français cotisent à la Préfon, au PERP, au PERCO, au Madelin, et une déduction en découle. Mais ce ne sera pas le cas en 2018, année blanche. Plus personne n'aura intérêt à cotiser, ce qui posera un réel problème à ces régimes de retraite. J'espère, monsieur le ministre, que nous trouverons une solution. La seule solution, serait de payer au titre de l'année 2019, les avantages de 2019 et les avantages de 2018.

La solution qui semble envisagée serait pire que le mal : déduire la moitié sur 2018 et la moitié sur 2019. Plus personne n'aura alors intérêt, ni en 2018 ni en 2019, à verser au titre de ces régimes d'épargne-retraite.

La question de l'épargne-retraite n'est pas traitée, ni l'ensemble des questions liées à des réductions de base d'imposition. Vous savez à peu près régler les problèmes de crédits d'impôt, de déduction d'impôts, mais pas les problèmes de réduction de base.

Une difficulté se posera également dans le domaine immobilier. Prenons le cas concret d'un retraité de l'agriculture qui loue une petite maison dont il est propriétaire – un propriétaire bailleur. Cette location lui rapporte 5 000 euros par an et il envisage de faire réaliser des travaux pour la même somme. Ce qui serait judicieux en année normale – 5 000 euros de recettes, 5 000 euros de travaux, pas d'impôts puisque ses revenus seront alors nuls – ne présentera plus le moindre intérêt en 2018, puisqu'il ne sera pas imposé sur les revenus de l'année 2018. Le secteur du bâtiment risque d'en pâtir cruellement, d'autant que vous leur avez déjà infligé des mesures particulièrement funestes, en plus de ce prélèvement à la source – la baisse des APL, les nouvelles dispositions relatives au Pinel, au prêt à taux zéro. La seule solution serait d'appliquer en 2019 les avantages fiscaux de 2018.

Prenons l'exemple du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi, le CICE, qui est très comparable. La subvention est calculée sur les charges salariales des entreprises subventionnées, versée en N+1. On la remplace par une baisse des charges qui s'applique sur l'année en cours. Durant l'année de transition, qui sera l'année 2019, le Gouvernement a pris le parti de payer deux fois – le CICE, calculé en 2018, et la baisse des charges sur 2019.

Pourquoi ne pas faire pour les salariés ce que vous faites pour les entreprises ? C'est vrai, cette mesure représente un coût pour l'État, mais ce serait la seule solution.

On le constate, de multiples difficultés émergent à tous les niveaux, mes chers collègues. Ne laissons pas nos concitoyens imaginer qu'il s'agit là d'une réforme mineure et technique, de pure simplification. Au contraire, leur vie s'en trouvera compliquée. Ils devront verser leurs impôts en deux temps : l'année N et l'année N+1, du fait des éventuels remboursements. Ils ne s'y retrouveront plus, et la lisibilité de l'impôt s'en trouvera très sensiblement réduite.

Derrière cette réforme, une menace pèse sur l'individualisation de l'impôt et la sortie de la familialisation de l'impôt, mais aussi sur la confidentialité, du fait du prélèvement à la source.

Rejetez le prélèvement à la source. L'année de transition sera ingérable.

Je vous invite donc, mes chers collègues, à rejeter ce projet de loi de finances rectificative, à rejeter le prélèvement à la source, à épargner à nos concitoyens contribuables une réforme funeste. Adoptez cette motion de renvoi, ou, au moins, les quatre-vingt-dix amendements que j'aurai le privilège de défendre devant vous.

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