Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, chers collègues, nous sommes réunis pour examiner le second projet de loi de finances rectificative pour 2017. Allons droit au but : tel qu'il a été rédigé, ce texte ne tient pas la route.
Pour le démontrer, je développerai trois points : premièrement, la situation du déficit structurel et l'analyse de la Commission européenne ; deuxièmement, le prélèvement à la source de l'impôt sur le revenu – une mesure essentielle de ce PLFR, comme l'a très bien indiqué Marc Le Fur – et ses différentes conséquences ; troisièmement, le dispositif de soutien fiscal au seul bassin minier du Nord-Pas-de-Calais, oubliant les autres bassins miniers.
On ne peut aborder ce second PLFR de l'année sans analyser le PLF pour 2018, dès lors que, s'agissant du solde structurel, le lien entre les deux est étroit. C'est si évident que la Commission européenne n'a pas attendu pour nous mettre en garde au sujet de la maîtrise budgétaire : dès le 22 novembre dernier, les risques de non-conformité du budget pour 2018 avec les normes européennes étaient pointés du doigt.
Pour relancer la croissance, le Président de la République souhaite réduire les déficits et, ainsi, la dette elle-même. Pourtant, au vu de l'article liminaire du PLFR qui nous est soumis, c'est avec un déficit public de 2,9 % du PIB que la France devrait clôturer l'année 2017.
Certains retiendront que la règle européenne des 3 % est respectée. Mais c'est compter sans un éventuel désaccord sur la comptabilisation du sauvetage financier d'Areva, qui pèserait 0,1 point de plus, et sans l'analyse d'Eurostat sur la comptabilisation de l'étalement des 10 milliards d'euros de remboursement de la taxe sur les dividendes, qui pourrait alourdir de 0,2 point le ratio du déficit sur le PIB.
En attendant le verdict de la Commission européenne, ce qu'il faut retenir ici, c'est que, de toute l'Europe, seules la France et l'Espagne, que nous n'hésitons pas à mettre au banc des accusés, atteignent des niveaux aussi élevés. Est-il nécessaire de vous rappeler que la France fait l'objet de la part de Bruxelles d'une procédure de déficit excessif ? Pourquoi ne pas entendre les propos de M. Pierre Moscovici, commissaire européen, qui indiquait il y a quelques jours que notre marge de manoeuvre était extrêmement faible ? Et comment expliquer que nous marchions si près du gouffre quand la moyenne des autres pays de l'Union oscille autour de 1,1 % de déficit public ?
La Commission européenne le dit elle-même, il existe un écart important entre le budget présenté et la trajectoire d'ajustement requise pour réduire le déficit et la dette publics. S'il n'y avait qu'une seule approche de ce problème, nous devrions retenir celle du déficit structurel. Car c'est bien à partir du déficit structurel que nous pouvons apprécier les efforts accomplis sur les dépenses de fonctionnement de l'État.
S'il veut satisfaire les règles européennes, l'État devrait consentir un effort structurel de 0,1 point de PIB. C'est ce qui est prévu pour 2018, me direz-vous ; mais, à en croire la Commission européenne, l'État n'a pas suffisamment anticipé les risques, particulièrement le risque de relâchement budgétaire qui viendrait plomber cet effort en le faisant tomber à moins 0,4%.
Qu'attendons-nous pour réduire ce déficit structurel alors que la conjoncture est bonne ? L'épisode peu glorieux de l'an 2000 n'a-t-il pas suffi ? À l'époque, la croissance au sein de l'Union européenne était forte et les recettes dynamiques, ce qui aurait permis une diminution des déficits publics. Mais le gouvernement Jospin, en se focalisant sur son seul déficit effectif, n'avait pas anticipé le ralentissement de la croissance et la nouvelle hausse des déficits. Le taux de déficit public est alors repassé au-dessus du seuil de 3 % du PIB. Cette hausse aurait pu être pondérée par une réduction des déficits structurels ; l'équilibre budgétaire aurait été au moins préservé.
Aujourd'hui, je le répète, la conjoncture est bonne, la croissance solide – probablement 1,8 % pour 2017, comme vous l'avez dit, monsieur le ministre, même si, par prudence, vous n'avez pas anticipé ce que nous espérons tous – , les taux d'intérêt sont faibles et le prix du baril reste bas ; mais les réformes et les économies engagées ne sont pas suffisantes.
En fait, vous avez probablement peur d'entreprendre une réduction plus rapide du déficit public, en raison du risque de réduction de la croissance. Pourtant, face à une croissance solide, ce ralentissement ne serait de toute façon que temporaire. Dans ces conditions, est-ce un trop grand risque à prendre pour réduire l'endettement ? Je ne le pense pas. La France a trop souvent reporté le redressement de ses finances publiques au motif que la conjoncture n'était pas suffisamment favorable.
Le Président de la République souhaite replacer la France au centre du jeu européen. Il a raison, et c'est de très bon augure. Mais il faudrait peut-être commencer par ne pas enfreindre le pacte de stabilité et respecter les règles budgétaires européennes de réduction d'au moins 0,5 point de PIB par an. J'ai beau éplucher encore et encore nos projets de loi de finances, je n'y vois aucun objectif de réduction de 0,5 point.
Le Haut conseil des finances publiques relève les limites du budget, en notant que le solde structurel des dépenses publiques sera de 0,2 point de PIB pour 2017 et de seulement 0,1 point de PIB pour 2018. Avec un niveau élevé de déficit structurel et une faible prévision de réduction pour 2018, ce même Haut conseil met en garde l'État quant au respect des objectifs de maîtrise de la dépense – c'est bien là que le bât blesse. Cette programmation budgétaire manque tellement d'ambition que, même pour 2022 – date de la fin de ce quinquennat – , le déficit public vise seulement 0,4 point de PIB, et cela sans l'atteindre totalement. Face à ce manque d'ambition et à une certaine hypocrisie, nous ne pouvons que nous opposer à une telle programmation budgétaire.
L'hypocrisie, cependant, ne s'arrête pas là ! Le Gouvernement masque son manque d'ambitions, en se projetant dans des réformes qu'il ne maîtrise pas, et reporte la charge de travail sur les entreprises. Vous l'aurez compris, j'aborde ici la problématique de la réforme du prélèvement à la source prévue à l'article 9 du projet de loi de finances rectificative pour 2017 – et quelle problématique ! Notre collègue Marc Le Fur l'a déjà évoquée, mais plusieurs autres points méritent d'être soulignés. Déjà reportées d'un an, les mesures promises n'en demeurent pas moins toujours aussi insuffisantes et périlleuses. Le travail est colossal – nous ne pouvons le nier – et c'est précisément pourquoi il ne doit pas être fait trop hâtivement.
L'idée d'un prélèvement de l'impôt sur le revenu contemporain pourrait être bonne. Toutefois, la réforme proposée n'est absolument pas pertinente. Le système d'imposition en place est particulier à la France, et le prélèvement à la source n'est pas la bonne méthode. L'impôt sur le revenu est calculé aujourd'hui selon un grand nombre de paramètres et de nombreuses variables, tels que les tranches et les quotients. Disons-le clairement : le mécanisme d'imposition sur le revenu est complexe et ne se prête pas, à l'heure actuelle, à un tel changement. Aujourd'hui, nous estimons que cette réforme est inapplicable et nous proposons de l'abandonner telle qu'elle est envisagée.