Intervention de Anne-Laure Cattelot

Réunion du jeudi 22 octobre 2020 à 15h00
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAnne-Laure Cattelot, rapporteure spéciale :

Nous avons mené nos travaux de contrôle et d'évaluation sur deux programmes de la mission Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales, ainsi que sur le compte d'affectation spéciale Développement agricole et rural (CAS-DAR).

L'année 2020 a été particulièrement marquée par la crise sanitaire liée au covid-19. Celle-ci a eu des conséquences sur les modes de consommation alimentaire hors domicile, qui ont fragilisé certaines productions. L'évolution des ventes de bois a également réduit les recettes de l'Office national des forêts (ONF) et des communes forestières. Il importe, par ailleurs, de souligner des bouleversements climatiques, avec des records de température et de sécheresse, notamment dans des régions jusqu'alors épargnées. Parce que les activités dont nous parlons sont fondées sur le vivant, la terre, la mer, les conséquences sont graves : les moyens prévus pour 2021 doivent permettre de préparer l'avenir et de soutenir les filières en difficulté.

Plusieurs points positifs méritent d'être relevés : enfin un véritable plan pour le développement des protéines végétales, tant attendu pour notre souveraineté agricole, doté de 100 millions d'euros ; enfin une véritable aide positive pour la filière de l'élevage et le bien-être animal, avec le plan de modernisation des abattoirs de 130 millions d'euros ; enfin des subventions faciles à utiliser pour que nos agriculteurs se protègent mieux face aux aléas climatiques.

Un fonds pour l'avenir de nos forêts, avec 200 millions d'euros, va aussi être créé – j'y ai particulièrement contribué à travers mon rapport sur l'avenir de la forêt et de la filière du bois. Nous apporterons ainsi une réponse au dépérissement massif des forêts. Je tiens également, à ce propos, à remercier M. Pellois et Mme Cariou, ancienne rapporteure spéciale, dont je salue la pugnacité et qui avaient demandé à la Cour des comptes une enquête très pertinente sur la filière de la forêt et du bois.

Je tiens à mettre également l'accent sur les investissements en matière de transition agroécologique : plus de 126 millions d'euros sont prévus pour les mesures d'aide à la conversion vers l'agriculture biologique et pour le fonds « avenir bio », dont les crédits ont doublé depuis 2018 et seront consolidés en 2021. Grâce à lui, nous n'avons jamais eu autant d'hectares en bio – près de 11 % de la surface agricole utile.

Il y a toutefois un point négatif : alors que M. Denormandie, ministre de l'agriculture et de l'alimentation, a sacralisé le budget de son ministère, et même obtenu plus de 1 milliard d'euros dédiés à l'investissement pour la transition agricole, l'alimentation et la forêt dans le cadre du plan de relance, les moyens humains pour la mise en œuvre de ces mesures diminuent de façon significative. En effet, le programme 215, doté de 631 millions d'euros – affectés à près de 90 % à des dépenses de personnel – affiche une baisse de 415 postes en 2021.

Nous nous interrogeons sur la pertinence de telles économies de bouts de chandelle, alors que la charge de travail va s'accroître au sein des services centraux et déconcentrés et des opérateurs. Je suis particulièrement inquiète de la baisse de 95 équivalents temps plein travaillé (ETPT) pour l'ONF en 2021 : cet établissement public a déjà été affecté par des suppressions de postes, devenues insoutenables sur le terrain eu égard à la complexité croissante des métiers. Nous vous proposerons donc, dès le stade de l'examen en commission, un amendement pour corriger cette suppression d'emplois. Un autre amendement visera à rétablir des moyens pour la recherche et l'innovation au sein du compte d'affectation spéciale Développement agricole et rural.

Le budget est ambitieux, mais la clef de la réussite résidera dans notre capacité à nous assurer de la qualité d'exécution des millions d'euros mis sur la table pour les filières agricoles et alimentaires et pour la forêt. Nous l'avons vu, notre territoire se transforme, les parasites prospèrent sur la base de nouvelles donnes météorologiques. Ce que chacun pensait connaître chez lui est complètement bouleversé. En termes d'investissements, le budget est tout à fait approprié aux défis climatiques et sanitaires auxquels les professionnels de l'agriculture, de l'alimentation, de la forêt et de la pêche doivent faire face. L'enjeu principal sera de bien dépenser cette manne financière pour permettre aux agriculteurs et aux forestiers de s'adapter et d'anticiper les évolutions subies ou désirées de leurs métiers.

Ce budget est vital, mes chers collègues, de l'ordre de ceux que l'on ne peut simplement pas laisser passer. La crise sanitaire a démontré, s'il le fallait, les enjeux liés à notre souveraineté, à notre autonomie en produits alimentaires et en matières premières telles que le bois, et la richesse incroyable de biodiversité que constituent nos paysages agricoles et forestiers, façonnés par la main de l'homme.

Pour terminer par une pointe de lyrisme, je citerai Aldo Leopold : « On court deux dangers spirituels à ne pas posséder une ferme. Le premier est de croire que la nourriture pousse dans les épiceries. Le second, de penser que la chaleur provient de la chaudière. » Ces observations faites, je vous propose de voter ce budget.

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