Je présenterai d'abord les principaux éléments pour l'exécution 2020 relatifs aux régimes de retraite financés en tout ou partie par l'État. Je ferai ensuite part des conclusions du travail d'évaluation que j'ai mené s'agissant des pensions de réversion dans les régimes spéciaux de retraite et le régime de retraite de la fonction publique d'État.
Les dépenses de la mission Régimes sociaux et de retraite atteignent 6,24 milliards d'euros en CP, légèrement plus qu'en prévision. Cet écart traduit principalement les conséquences de la crise sanitaire. Cette sur-exécution est le fait des régimes de retraite du transport terrestre, notamment celui de la SNCF : les dépenses allouées à ce régime dépassent de 1,2 % la prévision, d'environ 40 millions d'euros. Plusieurs raisons la justifient. Le recours au chômage partiel par les régimes de la SNCF et de la RATP, exonéré de cotisations sociales, a diminué les ressources des caisses. Pour la SNCF, le manque à gagner atteint presque 84 millions d'euros. Par conséquent, leur besoin de financement par l'État a augmenté. Les effets du chômage partiel sur les ressources de la RATP n'ont toutefois pas de conséquences sur la subvention de l'État à ce régime. En effet, la programmation initiale dépassait en réalité les besoins, rendant indolores les 18,8 millions d'euros de moindres recettes tirées des cotisations sociales.
Le régime de retraite des marins a, quant à lui, pleinement respecté l'enveloppe allouée en loi de finances initiale. Les moindres recettes ont été compensées par des moindres versements de pensions.
Enfin, les besoins des régimes de retraite fermés et en extinction rapide sont inférieurs à la prévision et en baisse, en raison de la pente démographique naturelle du régime.
Je renouvelle, cette année encore, deux recommandations concernant la maquette de la mission Régimes sociaux et de retraite. La mission ne retrace pas l'intégralité des subventions de l'État à des régimes de retraite. Les régimes de la Banque de France ou de l'Opéra de Paris, par exemple n'y figurent pas, ce qui altère la complétude de l'autorisation parlementaire. Une évolution de la maquette budgétaire, également recommandée par la Cour des comptes, est-elle à l'étude ?
Le congé de fin d'activité du transport routier, financé par la mission, n'est pas un régime de retraite mais un dispositif de soutien sectoriel. Son financement, très imprévisible, ne devrait donc pas être porté par la mission.
Les recettes et les dépenses du CAS Pensions, qui retrace principalement les flux liés au financement des retraites de la fonction publique d'État, s'avèrent très proches de la prévision. Les pensions versées par le CAS atteignent ainsi 59,55 milliards d'euros. Son solde est positif, à hauteur de 1,3 milliard d'euros, bien qu'un peu moins important qu'anticipé en loi de finances initiale. Il convient de noter que les soldes du CAS décroissent depuis 2017, traduisant l'évolution démographique du régime.
J'en viens à l'évaluation des pensions de réversion des régimes spéciaux et du régime de retraite de la fonction publique d'État.
La pension de réversion est la part de la pension du conjoint décédé reversée au conjoint survivant. Ce dispositif a été créé dans un contexte traditionnel, dans lequel l'épouse ne disposait pas de revenus et les trajectoires professionnelles et conjugales étaient très linéaires. En 2018, 4,4 millions de personnes étaient titulaires d'une pension de réversion, dont 88 % de femmes. Pour un quart des bénéficiaires de réversion, il s'agit de l'unique pension de retraite. Les pensions de réversion représentent 37 milliards d'euros, soit 11 % des prestations de retraite. Il s'agit donc d'un sujet majeur, qui concerne un grand nombre de nos concitoyens.
J'ai structuré mon analyse autour des différents objectifs de la réversion, que j'identifie au nombre de quatre. Le premier objectif vise à maintenir le niveau de vie du conjoint survivant à un niveau proportionnel à celui qu'il était avant le décès de son conjoint. Directement corrélé à cet objectif, un autre but de la réversion est de garantir que le total des droits à la retraite accumulés par le conjoint décédé sera transmis au conjoint survivant, dans une approche patrimoniale. Un troisième objectif, à visée plus distributive, consiste à assurer un revenu au survivant dépendant financièrement de son conjoint, pour le préserver d'une entrée dans la pauvreté.
La réversion remplit également des objectifs indirects, dont celui de compenser les inégalités de carrière entre les hommes et les femmes.
Les différents régimes de réversion répondent à des logiques différentes et reposent sur l'application de règles diverses et complexes. Il n'existe pas d'objectif prioritaire des systèmes de réversion en France. Ceux-ci fonctionnent tous selon des règles différentes, et cumulent parfois même plusieurs logiques. Les règles portant sur les conséquences du remariage et sur le bénéfice de la pension de réversion sont particulièrement complexes et variables selon les régimes, entraînant une forte dépendance des assurés à leur propre parcours conjugal et à celui de leur ex-conjoint. La grande diversité des règles entre leur régime et leur complexité entraîne plusieurs conséquences. Le système de réversion est peu lisible pour les assurés, qui sont également peu informés de leurs droits. Nous connaissons tous un couple convaincu à tort que son PACS permettra de bénéficier d'une pension de réversion.
Par ailleurs, les règles s'avèrent parfois peu protectrices. J'ai ainsi été interpellé par une norme, appliquée dans plusieurs régimes, qui consiste à suspendre ou à annuler le bénéfice de la réversion en cas de PACS et de vie en concubinage du conjoint survivant, quand bien même ces deux modes de vie n'étaient pas suffisants pour lui donner droit à une réversion du conjoint décédé.
Enfin, la diversité des règles entraîne une forte iniquité entre des personnes pourtant placées dans une même condition objective, celle du veuvage. Ces différences de traitement sont d'autant moins compréhensibles que les régimes étudiés sont tous financés en tout ou partie par la puissance publique.
Il existe un seul point commun à tous les régimes de réversion. Pour que le conjoint survivant bénéficie d'une pension de réversion, il doit avoir été marié ou être marié avec l'assuré au moment de son décès. Cette condition, universelle à tous les systèmes de réversion, s'éloigne pourtant progressivement de la réalité des Français. Quelques données permettent d'éclairer ce constat. En 2017, l'INSEE comptabilisait 194 000 PACS et 235 000 mariages en France métropolitaine, soit plus de quatre PACS pour cinq mariages. En 2011, 4 % des personnes résidant en couple en France métropolitaine étaient pacsées, contre 7 % en 2016, soit une hausse de trois points. Or pour la même période, la part des personnes mariées a diminué de trois points. L'union libre se développe également. Dans les années 1960, 3 % des personnes vivant en couple n'étaient pas mariées, tandis qu'en 2011, 24 % des couples cohabitant n'étaient pas mariés. Le PACS et la vie en concubinage représentent un mode de vie en pleine croissance. Nous ne disposons pas encore de suffisamment de recul pour savoir quelle part de ces couples convertira au fil du temps son PACS en mariage, mais nous devons nous rendre à l'évidence : les réversions, financées par les cotisations de tous les actifs, concerneront une part de moins en moins importante de la population. Ce constat doit nous amener à réfléchir pour l'avenir. À cet égard, ce travail d'évaluation de l'efficacité d'une politique publique est totalement indépendant des réflexions ayant pu être menées par le passé concernant les réformes des retraites.
À partir de mes conclusions, je propose quelques pistes d'améliorations, dont l'ouverture de la réversion aux couples pacsés, sous condition de durée de vie commune.