Cette proposition de loi vise à rendre le dispositif Dutreil applicable, même en cas de triple interposition si une des sociétés interposées est détenue par des salariés de l'entreprise objet du pacte.
Il ne s'agit pas de modifier fondamentalement le dispositif Dutreil qui a constitué une avancée législative majeure en matière de transmission des entreprises mais simplement de tirer la conséquence des mesures prises dans le cadre de la loi relative à la croissance et la transformation des entreprises (PACTE). Outre diverses avancées pour le monde entrepreneurial, le législateur avait alors décidé de mettre un accent particulier sur tous les dispositifs permettant d'impliquer les salariés dans la vie des entreprises, au premier rang desquels l'actionnariat salarié.
Or, aujourd'hui, un certain nombre de transmissions d'entreprises peuvent se trouver entravées si une holding portant l'actionnariat salarié peut être considérée comme une interposition entre le détenteur des titres et l'entreprise objet du pacte Dutreil.
Le pacte Dutreil prévoit un engagement de conservation des parts dans l'entreprise, la plupart du temps portées par une holding ad hoc. Ce dispositif fonctionne très bien et s'applique sans avoir donné lieu à d'importants contentieux juridiques ou fiscaux, depuis sa création en 2003.
Au cours de cette législature, nous avons décidé de prendre en considération les phénomènes d'interposition supplémentaire, puisque lorsqu'une entreprise se rachète, on crée une holding et que lorsqu'elle se rachète une deuxième fois, ce qui arrive notamment en cas de transmission familiale pour permettre une détention familiale, il peut y avoir une deuxième interposition. Ce sont souvent les organismes bancaires qui souhaitent qu'une holding ad hoc soit organisée dès lors que l'on a recours à l'endettement pour racheter une entreprise.
Or lorsque des entreprises veulent mettre en place l'actionnariat salarié, elles ont la plupart du temps recours à une holding pour le nicher afin de simplifier l'organisation de la détention capitalistique. Cependant, cette interposition supplémentaire interdit de bénéficier du dispositif Dutreil puisque le législateur n'a pas autorisé d'aller au-delà de deux interpositions, le législateur ayant décidé que cela reviendrait à transgresser la règle de détention effective ou que cela pourrait rendre plus difficile les contrôles fiscaux.
D'après les fédérations professionnelles, quelques dizaines de transmissions sont actuellement entravées ou empêchées tous les ans. Mais la question pourrait devenir lancinante dans les années à venir alors que des centaines de milliers d'entreprises ont vocation à être transmises.
C'est le cas d'une entreprise familiale, indépendante, de 2 300 salariés de ma région, l'une des toutes premières dans son secteur d'activité, qui m'a interpellé. L'actuel propriétaire et dirigeant l'avait rachetée il y a trente ans. Imaginant la transmettre à ses cadres, il avait organisé une holding d'actionnariat salarié pour permettre aux cadres et aux non-cadres d'intervenir directement au capital. Il demeurait cependant actionnaire minoritaire puisqu'une minorité de blocage est nécessaire pour éviter un risque de déséquilibre du capital lors du retrait des salariés de l'entreprise.
Il se trouve que sa fille, elle-même cadre dans l'entreprise, où elle s'est imposée au fil du temps, a souhaité racheter l'entreprise, avec l'accord de l'ensemble des cadres et des salariés. Mais tandis que la banque lui demandait de créer une holding pour racheter une partie des actions détenues par son père, l'administration fiscale lui a indiqué qu'elle n'était dès lors pas éligible au pacte Dutreil.
Des entreprises ne peuvent donc pas bénéficier de ce dispositif parce qu'elles ont projeté une transmission aux salariés ou parce que, vertueuses, elles ont décidé, à un moment de leur histoire, pour accompagner, fidéliser et mieux rémunérer les salariés, d'organiser cette forme d'actionnariat. Or cela va totalement à l'encontre de l'esprit tant du pacte Dutreil, qui a pour objectif de faciliter la transmission et la pérennisation des entreprises, que de la loi PACTE, qui veille à favoriser tous les dispositifs d'actionnariat salarié.
Ce texte prévoit donc une modification extrêmement mineure de la loi. Il s'agit, non pas de révolutionner le dispositif, mais de tirer la conséquence des deux volontés d'intérêt général exprimées par le législateur, dans une décennie au cours de laquelle nous allons devoir faciliter et favoriser toutes les formes de transmission.
L'article 1er vise, en premier lieu, à maintenir l'exonération Dutreil en cas de troisième niveau d'interposition mais exclusivement si la première société interposée est détenue par des salariés de la société objet du pacte. Il définit cette possibilité au stade de la conclusion du pacte Dutreil.
En second lieu, l'article 1er prévoit la même possibilité dans les situations d'apport de titres pendant la durée de conservation, l'objectif étant de résoudre les difficultés concrètes qui auraient pu naître de l'existence d'une holding portant l'actionnariat salarié.
Cette avancée législative importante, qui va concerner de plus en plus de salariés au cours des années à venir, relève de la cohérence et non d'une dénaturation des dispositifs fiscaux. Il est utile qu'en fin de législature, les diverses dispositions que nous avons votées puissent être mises en cohérence.