Intervention de Philippe Gosselin

Réunion du lundi 15 juin 2020 à 15h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPhilippe Gosselin :

Je ne vous cache pas une forme de colère à l'égard de ce texte. Le groupe Les Républicains, qui a été en responsabilité pendant de longues années, n'a pas cherché à profiter de la délicate situation de crise sanitaire. À deux reprises, nous avons voté, tout en demandant bien légitimement des garanties, l'état d'urgence sanitaire, estimant que nous devions accompagner l'État et le Gouvernement dans cette crise sans précédent. Dans le cadre de la loi de prorogation du 11 mai, dite urgence 2, nous avions demandé à ce que les conditions de l'état d'urgence soient examinées au mois le mois : l'entrée progressive dans la fin de crise justifiait de ne pas prolonger l'état d'exception dans lequel nous vivons. Le texte prévoit bien, dans un alinéa qui est sans doute le seul intéressant, que l'état d'urgence prendra fin le 10 juillet, mais, juste après, par des dispositifs divers et variés, on revient à un état d'urgence qui ne dit pas son nom. Sous les apparences de la liberté, ce n'est pas la liberté ; c'est encore l'état d'urgence, voire pire puisqu'un certain nombre de dispositifs se retrouvent purement et simplement aux mains du Gouvernement.

L'État de droit était déjà malmené par les « émotions » du ministre de l'intérieur. Le Conseil d'État avait rappelé à juste titre que la liberté des cultes constitue un droit fondamental en France ; samedi dernier, il nous a également rappelé que la liberté de manifester ne peut pas être supprimée, même pendant la période d'état d'urgence sanitaire. Pourtant, la majorité déroule, depuis le conseil des ministres de mercredi dernier, un texte purement et simplement liberticide. Plutôt que d'organiser telle ou telle manifestation, on l'interdit ; plutôt que d'organiser les déplacements, on interdit d'aller et venir – les contraintes étaient beaucoup plus souples pendant la période de confinement. On nous propose ce régime jusqu'au 10 novembre prochain, excusez du peu ! En réalité, le Gouvernement est très mal intentionné et ses propositions sont très malvenues.

Pour la première fois dans l'histoire de sa jurisprudence, le Conseil constitutionnel avait considéré, le 11 mai, que les données personnelles, en particulier les données de santé, appelaient une « particulière vigilance ». L'article 2, en revenant sur la durée de leur conservation, nous propose tout simplement de nous asseoir sur un élément essentiel de l'accord obtenu en CMP, qui a permis la prorogation de l'état d'urgence sanitaire jusqu'au 10 juillet. Non seulement ce texte est inutile mais il arrive à contretemps ; surtout, il est dangereux. Nous essaierons de l'amender, mais, si vous deviez vous entêter, je ne vois pas comment nous pourrions le voter. Nous dénonçons avec beaucoup de force cette atteinte aux libertés, cet état d'urgence qui n'en est plus officiellement un mais qui, à certains égards, est encore plus rude et plus liberticide que ne l'était l'état d'urgence sanitaire.

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