Je regrette également le retard avec lequel cette proposition de nomination est formulée ; chacun savait pourtant à quelle date le mandat de Mme Hazan s'achèverait. Il n'est pas acceptable que la France soit restée plusieurs mois sans Contrôleur général des lieux de privation de liberté et cela me paraît d'autant plus grave que les circonstances sanitaires compliquent considérablement la vie des détenus.
Institué par la loi du 30 octobre 2007, le Contrôleur général des lieux de privation de liberté, autorité indépendante, « est chargé de contrôler les conditions de prise en charge et de transfèrement des personnes privées de liberté, afin de s'assurer du respect de leurs droits fondamentaux ». Ses missions et ses prérogatives ont été complétées et renforcées par la loi du 26 mai 2014 qui prévoit, entre autres, qu'« il exerce […] le contrôle de l'exécution par l'administration des mesures d'éloignement prononcées à l'encontre d'étrangers jusqu'à leur remise aux autorités de l'État de destination ». Dans un pays condamné dix-sept fois par la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) en raison de conditions d'incarcération contraires à la dignité humaine, la fonction de Contrôleur général est indispensable pour faire progresser la garantie des droits fondamentaux des personnes détenues.
Le garde des Sceaux l'a rappelé la semaine dernière encore : l'état d'une démocratie se mesure aussi à l'état de ses prisons. Il a annoncé que, pour donner suite à la récente décision du Conseil constitutionnel qui impose la prise en compte des conditions de détention avec une échéance au 1er mars 2021, il avait demandé à ses services de travailler activement à la rédaction d'une nouvelle loi à ce sujet. Si vous êtes nommée aux fonctions de Contrôleur général des lieux de privation de liberté, madame, vous arriverez donc à un moment charnière pour notre système carcéral. Vous aurez bien sûr un rôle important à jouer dans ce cadre : le Contrôleur général et ses équipes peuvent demander tout élément d'information et, surtout, se rendre dans les lieux de privation de liberté à tout moment pour des visites planifiées ou inopinées qui ne peuvent être refusées que pour des motifs graves et impérieux précisés par la loi. Depuis 2008, 1 367 établissements ont été contrôlés lors de 1 691 visites, pour un total de 5 205 lieux de privation de liberté en France. Ce travail, qui devra bien sûr être poursuivi, enrichira utilement les travaux législatifs à venir.
Les attentes sont grandes en matière d'amélioration des conditions de vie carcérales mais les lieux de privation de liberté autres que les prisons ne doivent pas être négligés, qu'il s'agisse des locaux de garde à vue, des dépôts et des geôles des tribunaux, des centres éducatifs fermés, des centres de rétention administrative, des établissements de soins psychiatriques sans consentement... C'est ce travail complet, essentiel, que devra poursuivre la personne désignée pour succéder à Mme Adeline Hazan. Tout en reconnaissant des progrès dus à un travail fécond, celle-ci regrettait, lors de sa dernière audition par notre commission, que certaines de ses alertes soient ignorées et que, parfois, les réponses du ministre à une recommandation formulée par le Contrôleur général n'arrive pas à temps, ou pas du tout. L'incarnation du contrôle des lieux de privation de liberté qu'est le Contrôleur général rend cette fonction fondamentale ; la proposition de votre nomination est donc un moment important.