On assiste à une forme de banalisation de l'état d'urgence. Personne ne conteste l'aggravation de l'épidémie, ni le nombre de patients en réanimation, ni la nécessité d'agir en instaurant au besoin un couvre-feu localisé et des mesures évidemment proportionnées. Mais l'état d'urgence est tout de même un droit d'exception : c'est la négation du droit commun et des normes habituelles, du droit fondamental d'aller et de venir, de la liberté du commerce et de l'industrie. Pourquoi faut-il que la mesure phare vendue ces derniers temps de façon à peu près unanime, celle du couvre-feu, soit adossée à l'état d'urgence ?
La loi du 9 juillet 2020 organisant la sortie de l'état d'urgence sanitaire permet déjà de limiter les déplacements et de fermer des établissements. L'exposé des motifs du projet de loi se contente de dire que cette loi est insuffisante, sans apporter d'arguments solides. J'aimerais savoir pourquoi elle ne peut pas s'appliquer – et ma question vaut aussi pour le texte que nous avons examiné le 1er octobre et dont il n'est plus question.
Enfin quid de cette durée ? Donner des moyens, c'est une chose, mais sur une base juridique solide et pour une durée limitée ! Une fois de plus, le Parlement se voit privé d'une partie de ses moyens d'action avec ce quasi-blanc-seing jusqu'au 1er avril. Qui plus est, cette période excessivement longue englobera les élections régionales et départementales. Mais l'essentiel n'est pas là : le plus grave, c'est que pendant six mois, le Parlement sera pour ainsi dire dans l'impossibilité de contrôler l'action du Gouvernement. Or, nous fonctionnons déjà de façon dégradée : tout le monde ne peut pas assister aux séances publiques ni aux réunions de commission, ce qui pose un vrai problème démocratique.