Intervention de Philippe Gosselin

Réunion du lundi 14 décembre 2020 à 16h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPhilippe Gosselin, vice-président, co-rapporteur :

Je tiens également à souligner la bonne entente qui a régné au sein de cette mission. Nous avons travaillé très rapidement, en cinq semaines, dans des conditions qui ont néanmoins permis d'aboutir à un travail de qualité – en tout cas, je l'espère.

Nous estimons qu'en l'absence de cadre mieux adapté, nous devons – l'État, le Gouvernement et l'ensemble de la société – nous appuyer sur un texte relatif à l'état d'urgence sanitaire, qui doit donc être conforté. Contrairement à ce que l'on pourrait penser, ce régime n'est pas en soi une atteinte à l'État de droit, même s'il s'agit évidemment d'un état d'exception, exorbitant du droit commun, qui permet, sous certaines conditions, d'assurer la stabilité des institutions et de protéger nos concitoyens, ce qui est l'essence même de l'État et d'une société organisée.

Je rappelle les raisons qui ont justifié le régime instauré par la loi du 23 mars 2020 : l'ampleur de la crise – si elle avait été localisée, on aurait peut-être pu éviter de recourir à l'état d'urgence ; le caractère extrêmement limité et provisoire des outils juridiques utilisés dans un premier temps – les juristes sont notamment revenus sur l'arrêt Heyriès de 1918, qui concerne les « circonstances exceptionnelles », et sur le fameux article L. 3131-1 du code de la santé publique, qui souffre de faiblesses structurelles ; enfin, l'inadaptation de régimes proches, comme la loi de 1955 relative à l'état d'urgence qu'on pourrait qualifier de sécuritaire.

Le régime de l'état d'urgence sanitaire est désormais appliqué depuis plusieurs mois. On aurait pu envisager de revenir au droit commun, mais il ne permet pas de résoudre certaines difficultés. C'est pourquoi nous devons légiférer. On aurait pu, aussi, s'engager dans la voie d'un changement de cadre constitutionnel. C'était tentant : on aurait, en effet, pu réfléchir à une réforme plus large permettant de définir un régime commun de l'état d'urgence qui serait composé d'un volet sécuritaire et d'un autre de nature sanitaire. Néanmoins, les chances de faire aboutir une réforme constitutionnelle sont apparues plus que minces. Les conditions politiques et temporelles ne sont en effet pas réunies.

Nous sommes arrivés à la conclusion, qui sera sans doute partagée largement, que la spécificité de l'état d'urgence sanitaire doit être préservée, dans le cadre d'un texte particulier.

La question qui se pose ensuite est de savoir s'il faut adopter un nouveau texte maintenant ou un peu plus tard. Dans l'idéal, il serait sans doute préférable d'attendre un peu et de proroger la loi du 23 mars 2020, car nous sommes encore au cœur de la crise – cela permettrait d'avoir un peu plus de recul. Cela étant, le débat sur la prorogation de la loi actuelle peut être un peu compliqué. La fenêtre de tir pour un débat serein, apaisé, dégagé de la pression sanitaire est aléatoire. Si l'on attend la période estivale, on risque d'entrer dans une période pré-présidentielle, plus compliquée encore, et cela ne sera pas mieux à l'automne. Il nous semble préférable de faire des propositions en nous plaçant dans la perspective du texte qui sera examiné à la rentrée par notre commission, en vue d'aboutir à un résultat satisfaisant et équilibré.

Au-delà de ce projet de loi, qui nous paraît nécessaire, il nous semble également opportun de toiletter l'article L. 3131-1 du code de la santé publique pour le renforcer, pour améliorer les protections entourant les mesures qui peuvent en découler et pour construire un dispositif susceptible de permettre, en amont, d'éviter d'entrer précipitamment dans l'état d'urgence et, en aval, d'en sortir plus aisément, sans passer, comme c'est le cas aujourd'hui, par un état d'urgence qui ne dit plus son nom, un état d'urgence dégradé mais qui reste un état d'urgence.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.