Intervention de Philippe Gosselin

Réunion du lundi 14 décembre 2020 à 16h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPhilippe Gosselin, vice-président, co-rapporteur :

Comme vous le voyez, les conclusions de la mission vont plutôt dans le sens d'un texte pérennisant l'état d'urgence sanitaire et, en parallèle, d'une structuration de l'article L. 3131‑1 du code de la santé publique, ce qui ne peut se faire qu'à plusieurs conditions. Il faut impérativement que le Parlement soit au cœur du dispositif, pour contrebalancer les pouvoirs – légitimes – de l'exécutif et ne pas être désarmé à un moment où la voix des citoyens a besoin de se faire entendre. Cela suppose aussi le renforcement d'autres contre‑pouvoirs et la prise en compte des compétences des acteurs locaux.

Le Parlement n'est pas resté inerte durant toute cette période, bien sûr, mais nous avons en tête les difficultés à nous réunir pendant le premier confinement et nos tâtonnements. Qui plus est, l'adoption de la dernière loi autorisant la prorogation de l'état d'urgence sanitaire nous mène, dans un long tunnel, jusqu'au 1er avril 2021, alors que nous étions nombreux à souhaiter une clause de revoyure.

Le Parlement a d'autant plus intérêt à être présent que nous voyons se multiplier les habilitations du Gouvernement à légiférer par ordonnance, phénomène dont de nombreux juristes et parlementaires se sont inquiétés. Plus de soixante‑dix ordonnances ont été publiées ces derniers mois, concernant des pans entiers de notre droit : fiscalité, droit du travail, de la santé, organisation de la justice. Cela est encore plus inquiétant dans la mesure où le Conseil constitutionnel, à la suite d'une question prioritaire de constitutionnalité (QPC), a considéré le 28 mai qu'une fois passé le délai d'habilitation, les textes avaient la qualité de dispositions législatives, ce qui est assez fâcheux.

Outre le développement des ordonnances, le pouvoir réglementaire dispose d'importantes prérogatives pour encadrer les libertés. Or notre capacité d'amendement est entravée par l'article 41 de la Constitution, puisque nous ne pouvons pas déposer d'amendements qui empièteraient sur le pouvoir réglementaire, dont relèvent les décrets relatifs à l'état d'urgence. C'est pourquoi nous avons formulé des propositions pour faire du Parlement un acteur incontournable de l'état d'urgence qu'il doit être selon nous.

Nous proposons, tout d'abord, une clause de revoyure tous les trois mois, pour discuter de l'état d'urgence sanitaire, si ce n'est le renégocier. C'est évidemment une contrainte loin d'être négligeable pour l'exécutif. Mais on rappellera qu'au mois de mars, en quelques jours, la navette parlementaire s'est déroulée sans difficulté. Le Parlement a démontré qu'il pouvait travailler vite et bien, non sans une émotion particulière : nous nous en souvenons encore, alors que l'hémicycle était quasiment vide et les couloirs silencieux.

Un autre point me tient à cœur, que ne partage pas complètement Sacha Houlié : le renforcement des conditions de majorité au fur et à mesure des prorogations de l'état d'urgence. À la majorité simple de la première prorogation succéderait une majorité qualifiée, obligeant ainsi la majorité du moment à tendre la main à l'opposition pour s'entendre davantage sur les termes de la prorogation. Ce serait un bon signal, tout comme la possibilité d'organiser un débat à chaque rupture dans la connaissance scientifique. Nous aurons ainsi un débat mercredi sur la vaccination, mais nous aurions pu en avoir sur d'autres thématiques ces derniers mois.

Enfin, il conviendrait de mieux associer le Parlement aux missions du Conseil scientifique, en y prévoyant la présence de deux députés et de deux sénateurs. Rappelons tout de même que nous disposons de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST), qui pourrait être pour nous ce que le Conseil scientifique est pour l'exécutif. Nous devrions mettre davantage à profit ses compétences. Il pourrait faire des analyses, des propositions et assurer un suivi scientifique.

Il faudrait, enfin, ajouter à ces mesures la « boîte à outils » sur laquelle ont travaillé le président Richard Ferrand et le vice-président Sylvain Waserman, au sein du groupe de travail chargé d'anticiper le mode de fonctionnement des travaux parlementaires en période de crise. Le règlement de l'Assemblée nationale sera modifié en ce sens dans les mois qui viennent. C'est le deuxième étage de la fusée – nous n'allions pas réinventer la poudre à canon.

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