Intervention de Philippe Gosselin

Réunion du lundi 14 décembre 2020 à 16h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPhilippe Gosselin, vice-président, co-rapporteur :

En ce qui concerne les ordonnances, nous sommes en effet soumis au cadre constitutionnel. Sans doute aurions-nous pu élaborer une doctrine juridique spécifique, mais il y a le possible, le souhaitable et le réalisable. Il est certes toujours possible de renvoyer aux calendes grecques une révision constitutionnelle des articles 16, 24, 38, 41 et 45, dont je ne suis pas sûr que le caractère très technique mobiliserait nos concitoyens, mais le réalisme impose de raisonner à cadre constant. J'entends et je partage toutes les préventions qui se sont exprimées à ce propos et je travaillerai, avec le président Ferrand et l'ensemble des parlementaires qui le souhaitent, à la modification du règlement de l'Assemblée nationale pour que nous puissions aller le plus loin possible dans le cadre de la logique constitutionnelle actuelle.

Il en est de même en ce qui concerne la recevabilité des amendements. J'entends bien les propos de la présidente, mais une question ne s'en pose pas moins compte tenu du système institutionnel de la Ve République – dont je ne propose d'ailleurs pas une remise à plat intégrale. Dans le cadre d'un état d'urgence, les amendements que nous pourrions déposer risquent d'être déclarés irrecevables au titre de l'article 41, car ne relevant pas du domaine de la loi : quasiment aucun amendement ne pourra être déposé, et encore moins soutenu !

Bien des questions se posent à propos du Conseil scientifique, dont le rôle doit être clarifié. Je ne fais pas de mauvais procès à son président, Jean-François Delfraissy, ou à ses membres, mais la question se pose de son indépendance et de sa légitimité. C'est d'ailleurs pourquoi, au-delà de la nécessaire coordination entre les travaux de l'Assemblée nationale et du Conseil scientifique, les avis de ce dernier pourraient être transmis au Parlement, singulièrement à l'OPECST, qui serait en quelque sorte notre propre Conseil scientifique.

Madame Karamanli, je ne crois pas au risque d'une inscription pérenne de l'état d'urgence dans le droit commun. Nous souhaitons, en revanche, pérenniser un cadre légal qui laisse la possibilité de son instauration. Je rappelle que ce n'est pas la loi qui, en tant que telle, instaure l'état d'urgence, mais un décret, qui relève donc du pouvoir exécutif. En l'occurrence, le décret devra répondre à un certain nombre de critères. Toute la question est de savoir comment objectiver le déclenchement de l'état d'urgence sanitaire – nous n'y répondons d'ailleurs pas complètement.

En résumé, le cadre général « non activé » repose sur la loi qui sera éventuellement débattue et votée en début d'année prochaine ; l'activation repose sur le décret ; la prorogation, enfin, ne peut être autorisée que par le Parlement.

À l'origine, j'étais plutôt favorable à une prorogation de la loi du 23 mars 2020 afin que nous nous donnions le temps de mieux tirer les enseignements de la situation. Aujourd'hui, je crains qu'il n'y ait pas de fenêtre de tir au-delà du premier semestre puisque nous entrerons dans une période pré-électorale, propice aux malentendus et aux sous-entendus. De surcroît, même si personne ne le souhaite, il est possible qu'une loi d'état d'urgence soit nécessaire après le 31 mars et que la simple prorogation soit, elle aussi, un peu compliquée.

J'espère que nos travaux, même s'ils peuvent certes être améliorés, offriront un cadre de réflexion utile. Certaines propositions sont très élaborées, d'autres sont des pistes dont l'exploration aurait nécessité un peu plus de temps. Quoi qu'il en soit, nous examinerons avec la plus grande attention le texte qui sera présenté en conseil des ministres prochainement, qui devra respecter un certain nombre de principes. Si le débat ne permet pas de garantir les droits du Parlement, de renforcer les pouvoirs des autorités indépendantes et ne donne pas une place suffisante aux citoyens, bref, si tout cela est de la « poudre aux yeux », je serai encore plus déterminé à tirer les conclusions qui s'imposeront du non-respect de nos préconisations.

Outre que l'acceptabilité du texte ne repose pas uniquement sur la pérennisation éventuelle de l'état d'urgence, les travaux concernant la réforme du Règlement devront également aboutir. Bref, c'est un ensemble, qui peut être tricoté, détricoté et largement amélioré grâce à vos contributions.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.