Intervention de Stéphane Peu

Réunion du mercredi 17 mars 2021 à 9h30
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaStéphane Peu :

La niche parlementaire du groupe UDI et indépendants contient des choses intéressantes. Toutefois, je ne comprends pas pourquoi l'UDI-I vient au secours du soldat Retailleau – à moins que cela ne soit la manifestation du syndrome centriste de faire la balance dans ses textes législatifs – pour sauver une loi inefficace et liberticide, qui a d'ailleurs été, à juste titre, retoquée par le Conseil constitutionnel à la suite de la saisine des trois groupes parlementaires de gauche de l'Assemblée nationale et du Président de la République lui-même.

Les premières victimes des violences dans les manifestations sont, bien sûr, ceux qui en subissent les dégâts, mais aussi les manifestants eux-mêmes qui se voient entravés dans leur liberté de manifester et d'exprimer ainsi leur désaccord. Je sais de quoi je parle, contrairement à M. Retailleau, qui est sans doute plus coutumier des processions que des manifestations, à part en 1984 ….

J'avais déposé une proposition de résolution visant à la création d'une commission d'enquête sur les stratégies de maintien de l'ordre, mais cette proposition n'a malheureusement pas été retenue. Agnès Thill a dit que nous sommes victimes d'une stratégie de maintien de l'ordre qui, depuis Malik Oussekine, refuserait le contact. Je suis désolé, c'est l'inverse qui s'est produit lors des manifestations des gilets jaunes : les forces de police allaient au contact des manifestants. Il y a donc bien eu une rupture dans la stratégie de maintien de l'ordre, dont on n'a pas encore fait le bilan. Ce bilan me paraît d'autant plus nécessaire que, selon les syndicats, les policiers n'ont pas été formés pour cela, ce qui explique les blessés et les dérapages constatés.

Aujourd´hui, l'interdiction de manifester est une peine complémentaire décidée par un juge judiciaire. Elle ne repose pas sur la simple suspicion d'un préfet. On ne peut que s'en féliciter quand on voit le préfet de police de Paris, Didier Lallement, s'adresser à une manifestante gilet jaune pacifiste de 60 ans en lui disant : « Madame, nous ne sommes pas dans le même camp ». Comment oser donner un tel pouvoir à un préfet qui a une conception aussi faible de la République ?

Cette proposition de loi instaure un régime d'exception qui, en plus d'être attentatoire aux libertés, est totalement inefficace. Je connais le problème des black blocs ; j'ai proposé ici des résolutions pour lutter efficacement contre eux. Que l'on arrête la mansuétude à l'égard de ces groupes et les stratégies de maintien de l'ordre qui favorisent leurs exactions. Je pourrais vous en donner plusieurs exemples, mais je me contenterai de celui de la manifestation du 1er mai 2018 : des policiers fouillant les poussettes des mamans et les cabas des mamies alors qu´ils laissaient 1 000 black blocs se regrouper en toute liberté sur le pont d'Austerlitz, sans intervenir. Et au milieu de tout ça, Benalla !

Ayons un recul sur la stratégie du maintien de l'ordre et soyons efficaces pour lutter contre ces groupes et pour garantir le droit de manifester, mais, surtout, prenons garde à ne pas bafouer le droit sacro-saint de manifester et de s'exprimer librement.

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