Intervention de Stéphane Mazars

Réunion du jeudi 6 mai 2021 à 14h30
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaStéphane Mazars, rapporteur :

Aujourd'hui, le « stock » d'affaires devant les cours d'assises est de treize mois, le délai d'audiencement de quarante mois et les durées de détention provisoires sont trop importantes, alors que les victimes, maltraitées dans le système actuel dans un certain nombre de cas, attendent justice.

Que fait-on ? Alors que nous étions déjà aux responsabilités, il a été proposé en 2019, dans le cadre du projet de loi de programmation pour la justice, d'expérimenter des cours criminelles départementales. Étant viscéralement attaché à la cour d'assises dont j'ai toujours dit que je ne serai pas le fossoyeur, je ne suis pas certain que j'aurais voté cette disposition si elle n'avait pas pris la forme d'une expérimentation, que nous avons évaluée, avec Antoine Savignat, et qui l'a également été par d'autres, comme M. Jean-Pierre Getti, ainsi que par les services du ministère.

Tous, nous concluons tous que ce système fonctionne, avec des critères que vous pouvez trouver un peu expéditifs ou partiels, comme le font ceux qui ne proposent aucune alternative. Les praticiens, notamment les juges et les avocats, nous disent qu'il fonctionne plutôt bien et que la justice rendue est de qualité : elle doit donc être pérennisée.

Deux choses à propos du caractère inabouti de l'évaluation de cette expérimentation : tout d'abord, si nous considérons qu'elle est positive, se pose alors la question de sa pérennisation. Or nous savons que nous n'aurons pas d'autre véhicule législatif d'ici la fin de la législature. Ensuite, deux façons de juger les mêmes crimes passibles de vingt ans de réclusion criminelle cohabitent, or il ne faut pas que se prolonge une situation qui pose un vrai problème d'égalité de traitement des affaires criminelles.

C'est la raison pour laquelle il était légitime que nous lancions, au travers de ce texte, le débat sur la pérennisation de la cour criminelle départementale. On nous dit que ce serait la mort annoncée de la cour d'assises. C'est faux : elle va perdurer et continuer à juger les crimes les plus importants, c'est-à-dire tous ceux commis en récidive, ceux passibles d'une peine supérieure à vingt ans de réclusion criminelle, ainsi que tous ceux faisant l'objet d'un appel.

Notre volonté n'est donc pas de remplacer la cour d'assises par la cour criminelle départementale, mais de faire cohabiter, de manière rationnelle, deux systèmes juridictionnels qui ont vocation à juger les crimes. La modification des règles de majorité prévue à l'article 6 montre que nous voulons affirmer plus encore ce qu'est la cour d'assises dans notre système judiciaire, c'est-à-dire l'expression de la souveraineté populaire et de la démocratie participant à l'action de justice.

Il est vrai qu'afin d'assurer une justice de qualité, il faut inscrire, peut-être dans la loi, les bonnes pratiques de la cour criminelle départementale que nous avons, avec Antoine Savignat, relevées dans notre rapport.

Nous avons, comme M. Jean-Pierre Getti et sa commission, identifiée qu'elle préservait l'oralité des débats, à laquelle nous tenons particulièrement et dont vous verrez que nous gravons dans le marbre la nécessité d'en conserver le principe. Ce qui la garantit est la qualité de la présidence de la cour départementale : nous vous proposerons un amendement pour que le président de la cour départementale soit obligatoirement celui de la cour d'assises, puisque nous voulons créer un véritable pôle criminel.

L'efficacité est très subjective, selon qu'elle est appréciée par l'accusation, par la défense ou par la partie civile. Du point de vue de l'accusé, le taux d'appel est un indicateur assez précieux. Si je ne sais pas s'il faut l'appeler « indicateur de satisfaction », je le considère comme un véritable critère d'acceptabilité de la décision rendue marquant également, en matière judiciaire, la qualité, la sincérité et la confiance envers l'institution amenée à juger avec sévérité contre lui.

Voilà les raisons qui à mon sens militent en faveur de la cour criminelle départementale. M. Bernalicis y est opposé parce que, à l'avenir, moins de citoyens seraient amenés à connaître des affaires criminelles. Je ne crois pas que ce soit le cas, puisqu'il y aura toujours de nombreux crimes devant la cour d'assises compte tenu des stocks existants.

Nous avons voté au cours des derniers mois des textes qui vont encore alimenter les audiences criminelles, c'est-à-dire que de plus en plus d'affaires seront portées devant les juridictions criminelles. Le système permettra de juger tous ces crimes dans des délais beaucoup plus raisonnables et de manière beaucoup plus rationnelle et satisfaisante.

Voilà l'ensemble des motifs pour lesquels je m'oppose bien évidemment aux amendements de suppression. Je vous demande encore une fois de vous inscrire dans une dynamique positive concernant cette juridiction qui continuera à faire ses preuves si nous lui apportons les garanties présentées dans ce texte.

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