Depuis début 2020, la France et le monde font face à un virus qui ne cesse de surprendre, de muter et de tuer. Depuis dix-huit mois, les soignants sont mobilisés sans relâche, les Français font preuve d'une résilience et d'une solidarité remarquables et les pouvoirs publics – État et collectivités locales – agissent et protègent malgré l'urgence, l'incertitude et l'imprévisibilité inhérentes à l'épidémie de covid-19.
Les évidences et les solutions miracles n'existent pas, contrairement à ce que certains aimeraient faire croire. Alors que l'Australie reconfine, que le Portugal rétablit un couvre-feu et que la Catalogne referme ses discothèques, le Royaume-Uni, quant à lui, a célébré hier le Freedom Day alors que le nombre de contaminations quotidiennes y dépasse les 50 000. Toutefois, près de 70 % de ses habitants ont reçu au moins une dose de vaccin et 54 % des Britanniques sont complètement vaccinés. Malgré la réussite de la campagne de vaccination, qu'il convient de saluer, et l'élan provoqué par les annonces du Président de la République, la France n'a pas encore atteint ce niveau.
Si les perspectives d'une quatrième vague sont plus qu'inquiétantes, nous disposons désormais d'un avantage de taille par rapport aux sept projets de loi précédents : le vaccin. L'efficacité de la vaccination, y compris contre les différentes formes de variants, a été scientifiquement établie : une personne vaccinée a douze fois moins de chances d'attraper et de transmettre le virus. La vaccination n'est donc pas une lubie : elle sauve des vies et constitue une solution alternative crédible et préférable aux mesures sanitaires les plus difficiles, dont le confinement. Si nous ne faisons rien, la quatrième vague, déjà présente, pourrait frapper durement notre pays dès les prochaines semaines et le système hospitalier pourrait de nouveau subir une pression importante dès le mois d'août. Il est donc nécessaire d'agir tant qu'il en est encore temps, et cette action passe avant tout par le recours à l'outil le plus puissant contre le covid-19 : la vaccination.
Ajuster les outils sanitaires dont nous disposons pour maximiser l'efficacité de notre lutte collective contre la maladie et adapter les contraintes qu'elle impose à la population, telle est donc l'ambition de ce projet de loi.
L'article 1er adapte les outils de gestion de la crise sanitaire afin d'organiser la riposte face à la quatrième vague. Il proroge, tout d'abord, le régime de gestion de la crise sanitaire institué par la loi du 31 mai 2021 jusqu'au 31 décembre 2021, et l'état d'urgence sanitaire déclaré à La Réunion et en Martinique jusqu'au 30 septembre 2021. Ces prorogations me semblent nécessaires compte tenu de la situation sanitaire, adaptées car elles introduisent une gestion territoriale différenciée de l'épidémie et tout à fait proportionnées dans leur durée.
Ensuite, le projet de loi étend le périmètre du passe sanitaire. Je n'entrerai pas dans le détail des mesures et des évolutions bienvenues apportées par le Gouvernement dans le texte déposé à la suite de l'avis rendu par le Conseil d'État : nous aurons largement le temps d'y revenir. Je veux affirmer avec force que cette extension constitue avant toute chose un outil sanitaire indispensable pour renforcer la lutte contre la covid-19. En effet, même si le risque zéro n'existe pas, les chances de contamination ou de transmission de la maladie sont considérablement réduites lorsqu'une personne est vaccinée, rétablie ou qu'elle vient de réaliser un test de dépistage négatif. L'extension du passe sanitaire constitue l'outil adéquat pour poursuivre l'objectif de valeur constitutionnelle de protection de la santé, proclamé par le onzième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946, tout en permettant de maintenir les activités affectées par les mesures prises pour lutter contre la crise sanitaire.
Si ce dispositif constitue un outil d'incitation à la vaccination – 2,6 millions de rendez-vous pris dans les trois jours ayant suivi l'intervention du Président de la République, le 12 juillet 2021 ; près de 880 000 injections réalisées pour la seule journée du 16 juillet –, il ne saurait cependant être assimilé à une obligation vaccinale. En effet, le passe sanitaire rend possible la présentation du résultat d'un test de dépistage virologique, y compris antigénique, ces tests étant facilement accessibles sur l'ensemble du territoire. De plus, l'atteinte mesurée et justifiée aux droits et libertés fondamentaux des personnes non vaccinées n'empêchera pas ces dernières d'accéder aux biens et services publics, de première nécessité ou urgents. Le souhait de ces personnes de ne pas se faire vacciner, alors que la vaccination est gratuite, accessible et présente un rapport bénéfice-risque sanitaire très favorable, aura seulement pour conséquence de limiter, uniquement dans la sphère publique, leurs interactions sociales, dont on sait qu'elles favorisent la propagation du virus.
Par ailleurs, afin de poursuivre la stratégie de renforcement des mesures d'isolement pour contenir la circulation de l'épidémie, les articles 2 à 4 visent à renforcer son régime et à systématiser son application. Pour cela, l'article 2 supprime le critère géographique qui empêche de placer à l'isolement une personne déjà présente sur le territoire national. L'article 3 adapte les systèmes d'information instaurés par la loi du 11 mai 2020 afin de permettre le suivi et le contrôle du respect des mesures individuelles. Enfin, l'article 4 systématise l'application d'une mesure de placement et de maintien à l'isolement dès lors qu'une personne est diagnostiquée positive au virus.
Toutes ces mesures, nécessaires à la lutte contre l'épidémie, sont strictement encadrées et ont été pleinement validées par le Conseil d'État.
J'en viens au second volet du projet de loi. Une obligation vaccinale pour les professionnels au contact de personnes vulnérables – soignants, personnels des EHPAD, pompiers, transports sanitaires –, dont la méconnaissance empêche d'exercer son activité, peut conduire à des sanctions pénales et justifier une rupture de la relation de travail. Cela existe en droit depuis des décennies concernant l'hépatite B, la diphtérie, la poliomyélite et le tétanos : tous les professionnels des secteurs sanitaire et médico-social y sont soumis. Le dispositif proposé par le projet de loi s'inscrit donc dans une législation déjà bien éprouvée, et peut être vu comme étendant des obligations existantes à une maladie particulièrement contagieuse et dangereuse. Son champ, cohérent, vise les professionnels de santé, sanitaires et médico-sociaux au contact de personnes vulnérables et qui exposent ces dernières à un risque de contamination.
Les modalités de contrôle sont bienvenues : justificatif du statut vaccinal complet ou certificat de rétablissement, pour sa durée de validité, soit six mois au plus. Une période d'adaptation est prévue, un test négatif étant admis jusqu'à mi-septembre.
Les conséquences de la méconnaissance de l'obligation vaccinale sont une interdiction d'exercer, avec suspension de la rémunération. Si l'interdiction perdure, cela peut constituer un motif de licenciement, étant précisé que des étapes préalables sont prévues, tout étant fait pour que le professionnel puisse continuer à exercer. Le licenciement, qui n'interviendra qu'en dernier recours, est d'ores et déjà possible, comme l'a jugé la Cour de cassation. Des sanctions pénales sont également prévues. Là encore, rien d'inédit : je vous renvoie à l'article R. 3116-1 du code de la santé publique pour les obligations vaccinales existantes.
Le projet de loi propose dans son article 10 d'appliquer à cette nouvelle obligation vaccinale le régime d'indemnisation actuellement prévue au titre des obligations vaccinales en vigueur, soit une responsabilité sans faute et une indemnisation par l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM).
Enfin, l'une des dernières mesures du texte, tout à fait opportune, est un régime d'autorisation d'absence pour les salariés et agents publics pour se rendre aux rendez-vous liés à la vaccination contre la covid-19. L'objectif est de neutraliser les conséquences de telles absences, en s'inspirant de ce qui existe pour les rendez-vous médicaux pendant la grossesse.
Ce projet de loi ambitieux nous fournit donc des outils et prévoit des mesures nécessaires pour nous permettre de lutter le plus efficacement possible contre l'épidémie qui nous touche et qui continue malheureusement de progresser – plus de 18 000 nouveaux cas détectés ces dernières vingt-quatre heures. J'invite donc chacune et chacun à l'adopter.