Je souscris aux nombreuses critiques qui ont été formulées concernant les délais et nos conditions de travail. Malgré la situation, il n'y avait rien d'inéluctable en la matière.
Pour prévenir des débats qui n'ont pas lieu d'être, je précise que notre groupe estime que le vaccin est effectivement la planche de salut pour notre pays et notre peuple face à cette pandémie – j'ai d'ailleurs le sentiment que cette position est partagée assez largement ici. Vous nous trouverez donc toujours du côté du vaccin. Nous avons nous aussi en mémoire l'histoire de notre pays et l'apport des vaccins dans la lutte contre certaines maladies. Nous nous souvenons encore collectivement que le vaccin contre la poliomyélite a été rendu obligatoire en 1964, ce qui a permis d'éradiquer cette maladie en dix ans dans notre pays. Autrement dit, nous appartenons à cette famille de pensée, rationaliste, qui considère que le vaccin constitue une protection collective et un outil de liberté pour retrouver une vie normale.
Cela étant dit, nous nous interrogeons sur la communication du Gouvernement et sur de nombreux aspects de ce projet de loi, à commencer par la façon dont le Président de la République l'a présenté. Si l'on veut fabriquer du consensus politique et de l'unité nationale autour de la vaccination contre le covid, il ne faut pas évoquer, dans une même intervention médiatique, la pandémie et le vaccin et, en même temps – si je puis dire –, la réforme des retraites. D'un côte, on veut rassembler ; de l'autre, on divise les Français, dont la majorité est hostile, on le sait, à la réforme des retraites. Une communication aussi erratique ne facilite guère la progression de la vaccination. En tout cas, ce n'est pas ainsi que l'on fabrique de l'unité nationale.
Je viens du département le plus contaminé et, jusqu'à ce jour, le moins vacciné de France. Or la carte de la vaccination recoupe celle des inégalités sociales. La Seine-Saint-Denis compte 15 % de vaccinés en moins que les Hauts-de-Seine, pour prendre un département comparable par le degré d'urbanisation et le nombre d'habitants. Et la raison de la différence entre ces deux départements voisins est à rechercher non pas dans la puissance des antivax, mais dans des inégalités sociales qui se cumulent : la distance d'une partie de la population à l'égard de l'information et des institutions ; l'affaiblissement des services publics, plus marqué en Seine-Saint-Denis qu'ailleurs.
Dès lors, il faut mettre le paquet sur la conviction. Plutôt que de contraindre la population, il faut la convaincre. Et il ne faut surtout pas montrer du doigt. De nombreuses personnes sont prêtes à se faire vacciner mais ignorent que c'est gratuit, notamment parce qu'ils n'ont pas de médecin traitant – c'est le cas 30 % des habitants de mon département.
Autre exemple de communication catastrophique : les propos tenus par le porte-parole du Gouvernement au lendemain des manifestations de dimanche dernier. Au-delà de toutes les outrances, que nous avons les uns et les autres condamnées, un certain nombre de personnes se posent des questions légitimes. Or le porte-parole du Gouvernement a opposé une France laborieuse qui se vaccine et une France qui n'aurait pas envie de travailler et se complairait dans le chaos ! Croyez-vous que c'est ainsi que l'on va fabriquer l'unité nationale ? D'autant que la France laborieuse, qui se lève tôt et qui travaille durement, est précisément celle qui est le moins vaccinée et a été le plus exposée lors de la première vague.
Alors, de grâce, plutôt que de toujours poser des interdits, de vouloir qu'une partie de la population contrôle l'autre, de diviser le pays, ayons des propos et des propositions qui visent à rassembler et à convaincre – effet que n'aura pas du tout le passe sanitaire, à mon avis. Je suis pour la généralisation vaccinale avec une obligation de moyens, afin d'aller au plus près des populations pour les convaincre de se faire vacciner, ce qui est loin d'être le cas.
De la même façon qu'il faut une couverture maximale dans notre pays pour nous protéger de l'épidémie, il faut une couverture vaccinale dans le monde entier pour nous protéger d'une pandémie mondiale. Quand 48 % des Européens mais seulement 2 % des Africains ont reçu une première injection, il est scandaleux qu'à l'Organisation mondiale du commerce (OMC), la France et l'Union européenne continuent de combattre les propositions de l'Afrique du Sud et de l'Inde pour lever les brevets. Cela est complètement contradictoire avec les objectifs qu'énonce le préambule de la Constitution de 1946.