En France, 200 à 300 couples consultent un conseil génétique pour une pathologie génétique, souvent associée à des problèmes de fertilité. Si cette pathologie peut faire l'objet d'un DPI, une fécondation in vitro est effectuée dans l'un des quatre centres habilités, puis une cellule est prélevée sur chacun des embryons produits pour voir si elle possède ou non, par exemple, la mutation mucoviscidose en deux copies. Cela n'endommage en rien l'embryon qui peut très bien se passer de cette cellule et se développera tout à fait normalement.
Le problème est qu'une fois sur deux, que la fécondation soit in vitro ou in utero, l'œuf formé n'a pas le bon nombre de chromosomes. Dans la plupart des cas, il s'ensuit une fausse couche très prématurée, et la conception n'est que remise à plus tard chez les couples normaux. En revanche, la situation est différente pour les couples qui ont engagé un processus compliqué, long et douloureux. J'avais donc avancé, en première lecture, l'idée que, quitte à prélever une cellule pour l'étudier par une technique de biologie moléculaire, on pouvait s'assurer également par technique observationnelle qu'elle possède bien le bon nombre de chromosomes, afin de pouvoir réimplanter un embryon ayant toutes les chances de développement et exempt de la mucoviscidose.
Cette suggestion a suscité deux observations. L'une, qui a été immédiatement retenue, alertait sur le risque d'aboutir au choix du sexe de l'enfant. C'est pourquoi il a été proposé de cibler la comptabilisation sur les autosomes, c'est-à-dire les chromosomes non sexuels.
L'autre observation portait sur la trisomie 21. J'insiste sur le fait que tout ce que je suis en train de décrire est soumis au consentement de la femme et du couple. Si le seul embryon non porteur de la mutation mucoviscidose présente une trisomie 21, une proposition de réimplantation est faite à la femme, car il s'agit quasiment de la seule forme d'aneuploïdie qui soit susceptible de provoquer la nidation.
Dans notre pays, avoir ou non un enfant trisomique est un choix qui est offert à tous les couples, puisque désormais le diagnostic peut être posé à partir d'un prélèvement de sang maternel. Certains parents font cette recherche, d'autres non – on est toujours dans le champ du consentement. Si une trisomie 21 est décelée, une échographie et un diagnostic plus complexe impliquant le prélèvement de cellules amniotiques sont proposés afin de confirmer le diagnostic – cet acte est encore conditionné au consentement. Selon les résultats, une interruption de grossesse peut être proposée à la femme – toujours sous son consentement.
M'accuser, comme je l'ai été, de vouloir éradiquer les trisomiques n'a pas de sens. Ce ne sont pas ces 300 familles qui vont éradiquer quoi que ce soit ! De toute façon, en France, avoir un enfant porteur d'une trisomie 21 est un choix : les parents le gardent, ou non. Ce que je veux éviter à ces 200 ou 300 couples, et surtout aux femmes, c'est d'avoir à vivre un calvaire en recommençant maintes fois une PMA avec DPI, avec au bout une trisomie 21, donc peut-être une IVG, pour tout reprendre de zéro. C'est un processus complètement fou ! La situation est la même qu'avec le DPI-HLA, et certains couples m'ont contacté pour me dire qu'ils allaient faire cette démarche à l'étranger.
Je tenais à m'expliquer sur ce point, car j'ai très mal vécu qu'on me prête la volonté d'éradiquer la trisomie 21. Ce n'est pas du tout mon objet. Je vis moi-même avec une enfant trisomique et, comme je l'ai dit, avoir un enfant trisomique relève en France du choix et du consentement.