COMMISSION SPÉCIALE CHARGÉE D'EXAMINER LE PROJET DE LOI RELATIF À LA BIOÉTHIQUE
Jeudi 2 juillet 2020
La réunion est ouverte à quatorze heures trente.
(Présidence de Mme Agnès Firmin Le Bodo, présidente)
La commission spéciale poursuit l'examen, en deuxième lecture, du projet de loi, modifié par le Sénat, relatif à la bioéthique (n° 2658) (M. Philippe Berta, Mme Coralie Dubost, M. Jean-François Eliaou, Mme Laetitia Romeiro Dias, M. Hervé Saulignac et M. Jean-Louis Touraine, rapporteurs).
Article 14 (suite) Différenciation des régimes juridiques d'autorisation s'appliquant à l'embryon et aux cellules souches embryonnaires
Nous reprenons nos travaux avec l'amendement n° 1100 de Mme Emmanuelle Ménard à l'article 14.
La commission est saisie de l'amendement n° 1100 de Mme Emmanuelle Ménard.
L'article L. 2141-8 du code de la santé publique dispose : « Un embryon humain ne peut être conçu ni utilisé à des fins commerciales ou industrielles. » Il me paraît bon de le rappeler à l'alinéa 12 de l'article 14, qui réécrit l'article L. 2151-5 du même code, lequel précise les modalités d'autorisation de la recherche sur l'embryon.
L'article L. 2141-8, auquel vous vous référez, fait partie des dispositions relatives à l'AMP, alors que l'article L. 2151-5 vise les recherches sur les embryons qui, justement, ne sont pas destinés à naître. Les enjeux ne sont donc pas les mêmes. Avis défavorable.
La commission rejette l'amendement n° 1100.
Suivant l'avis défavorable du rapporteur, elle rejette successivement les amendements n° 217 et n° 216 de M. Thibault Bazin et les amendements identiques n° 218 de M. Thibault Bazin, n° 662 de M. Xavier Breton et n° 715 de M. Patrick Hetzel.
La commission est saisie des amendements identiques n° 215 de M. Thibault Bazin, n° 663 de M. Xavier Breton, n° 714 de M. Patrick Hetzel et n° 1102 de Mme Emmanuelle Ménard.
L'amendement n° 1102 a pour objet d'insérer, après l'alinéa 12, un alinéa ainsi libellé : « La recherche envisagée ne présente aucun risque pour l'intégrité physique de l'embryon humain. »
En ajoutant ce critère, on interdirait toute recherche sur l'embryon. En effet, il est mis fin au développement de l'embryon dans les quatorze jours suivant sa constitution. Avis défavorable.
La commission rejette les amendements n° 215, n° 663, n° 714 et n° 1102.
Elle examine, en discussion commune, les amendements n° 1106 de Mme Emmanuelle Ménard et n° 219 de M. Thibault Bazin, ainsi que les amendements identiques n° 220 de M. Thibault Bazin, n° 339 de M. Xavier Breton et n° 420 de M. Patrick Hetzel.
Dans la même philosophie, je propose une nouvelle rédaction de l'alinéa 13 : « L'embryon possède en lui-même sa dignité propre et est protégé de la même manière que les personnes ». Un projet parental ne doit pas conditionner la dignité de l'embryon : comme je l'expliquais ce matin, celui-ci possède une dignité propre. Ce n'est pas le projet parental qui crée le sujet ou qui en fait un objet.
L'alinéa 13 me semble effectivement devoir être réécrit : il faut préciser que le fait que l'embryon humain fasse ou non l'objet d'un projet parental ne conditionne pas le respect dû à sa dignité et à son intégrité physique. C'est une question de considération éthique, qui ne doit pas dépendre d'un projet.
L'amendement n° 220 vise quant à lui à maintenir et à faire respecter le consentement libre et éclairé du couple géniteur, notion qui fait partie de nos principes éthiques et se trouve consacrée par les articles 16 à 16-8 du code civil. Chaque protocole de recherche sur l'embryon ou sur les cellules souches embryonnaires doit le respecter.
J'ajoute que le Conseil constitutionnel, dans une décision du 1er août 2013, a considéré que figurent notamment au nombre des principes éthiques visés à l'article L. 2151-5 du code de la santé publique celui en vertu duquel la recherche « ne peut être menée qu'à partir d'embryons conçus in vitro dans le cadre d'une assistance médicale à la procréation et qui ne font plus l'objet d'un projet parental », et après qu'a été obtenu « le consentement écrit préalable », mais aussi libre et éclairé du couple géniteur dont est issu l'embryon.
Nous proposons en effet une nouvelle rédaction de l'alinéa 13 car, tel qu'il est rédigé, il prévoit de supprimer le consentement exprès écrit et préalable du couple géniteur, ainsi que l'information qui doit lui être fournie. Autrement dit, il vise à supprimer l'obligation pour l'Agence de la biomédecine de vérifier que le couple géniteur a effectivement consenti à ce que son embryon soit donné à la recherche et qu'il a été dûment informé des autres possibilités qui s'offraient à lui – en l'occurrence l'arrêt de la conservation ou le don à un autre couple. Nous souhaitons que ce formalisme soit maintenu.
S'agissant de l'amendement n° 1106 de Mme Ménard, je rappelle que les embryons ne sont pas dotés de la personnalité morale, mais qu'ils n'en sont pas moins appréhendés comme des personnes humaines potentielles, à qui le respect est dû.
En ce qui concerne l'amendement n° 219 de M. Bazin, l'intention est satisfaite par la rédaction de l'alinéa 11, qui formule les principes éthiques applicables à l'embryon et les finalités interdites. Quant à l'intégrité physique à laquelle il est fait référence, elle est incompatible avec le fait que l'arrêt du développement est fixé au quatorzième jour.
S'agissant des amendements identiques, le contrôle exercé par l'Agence de la biomédecine est déjà prévu par le II de la nouvelle rédaction de l'article L. 2151-5. Par ailleurs, nous aurons l'occasion de discuter de nouveau des enjeux de consentement à l'article 16.
Avis défavorable sur tous ces amendements.
La commission rejette successivement les amendements n° 1106 et n° 219, ainsi que les amendements identiques n° 220, n° 339 et n° 420.
Elle est saisie de l'amendement n° 1104 de Mme Emmanuelle Ménard.
Un embryon conçu in vitro dans le cadre d'une AMP est la forme la plus jeune d'un enfant à naître, qu'il y ait pour lui un projet parental ou non. Or, avec cet article, l'embryon est donné à la recherche dès que les parents n'ont plus de projet parental pour lui. Cela crée de facto une inégalité et même une discrimination entre les embryons : ils changent de statut selon qu'il y a ou non un projet parental. Cela ne me paraît pas souhaitable.
Nous avons déjà eu ce débat. Je rappelle que l'embryon n'est pas donné dès qu'il n'y a plus de projet parental : le don est bien sûr soumis au consentement des parents. Avis défavorable.
La commission rejette l'amendement n° 1104.
Elle est saisie de l'amendement n° 1108 de Mme Emmanuelle Ménard.
Il s'agit d'un amendement de précision : le fait de proposer un embryon à la recherche doit faire l'objet d'une acceptation de la part des deux membres du couple.
La demande est satisfaite par l'article 16, qui réécrit globalement l'article L. 2141-4 du code de la santé publique.
La commission rejette l'amendement n° 1108.
Elle est saisie des amendements identiques n° 665 de M. Xavier Breton et n° 717 de M. Patrick Hetzel.
Il s'agit de protéger la liberté de choix des individus au sein du couple et d'éviter que l'un de ses membres ne s'exprime à la place de l'autre si, par exemple, celui-ci est absent ou indécis. Nous proposons donc de compléter l'alinéa 13 par la phrase suivante : « Aucune autorisation ne peut être donnée si l'un des deux membres du couple ne donne pas son consentement exprès. »
Une fois encore, nous sommes attachés à un certain formalisme permettant d'éviter toute ambiguïté, sur des sujets extrêmement sensibles.
La commission rejette les amendements n° 665 et n° 717.
Elle est saisie des amendements identiques n° 221 de M. Thibault Bazin, n° 664 de M. Xavier Breton et n° 716 de M. Patrick Hetzel.
Il s'agit de préciser que les membres du couple « sont informés de la nature des recherches projetées afin de leur permettre de donner un consentement libre et éclairé ».
La fin du projet parental modifie la destination de l'embryon ; celle-ci concerne non plus les couples, le membre survivant ou la femme seule, mais le chercheur. Or il peut s'écouler un long moment entre le don de l'embryon à la recherche et le début des travaux – étant entendu, par ailleurs, comme nous l'avons précisé ce matin, que la quasi-totalité des embryons ne fera jamais l'objet d'une recherche. Dans ces conditions, il est difficile de donner des indications quant à la nature des recherches et de recontacter les personnes. Qui plus est, la rédaction proposée est inopérante, car elle ne prévoit pas le cas de figure que j'évoquais à l'instant, et qui est majoritaire, à savoir celui où les embryons ne font l'objet d'aucune recherche. Avis défavorable sur ces trois amendements.
La commission rejette les amendements n° 221, n° 664 et n° 716.
Elle examine l'amendement n° 1110 de Mme Emmanuelle Ménard.
J'ai déjà avancé l'idée tout à l'heure : il me paraîtrait intéressant que la décision de l'Agence de la biomédecine, en plus de l'avis de son conseil d'orientation, soit motivée. Il convient de démontrer la pertinence de la recherche envisagée sur l'embryon.
Le contrôle est déjà extrêmement poussé. Il faut faire un peu confiance à l'Agence de la biomédecine. Outre le fait qu'elle doit vérifier que les critères fixés à l'article L. 2151-5 sont respectés, elle s'assure de la faisabilité du protocole et de la pérennité de l'organisme et de l'équipe de recherche. Elle prend en considération les titres, diplômes, expérience et travaux scientifiques du responsable de la recherche et de tous les membres de l'équipe. Elle tient compte également des locaux, des matériels, des équipements ainsi que des procédés et techniques mis en œuvre par le demandeur. Enfin, elle évalue les moyens et dispositifs garantissant la sécurité, la qualité et la traçabilité des embryons et des cellules souches embryonnaires. Avis défavorable.
La commission rejette l'amendement n° 1110.
Elle examine, en discussion commune, les amendements identiques n° 222 de M. Thibault Bazin, n° 666 de M. Xavier Breton et n° 718 de M. Patrick Hetzel, ainsi que l'amendement n° 1137 de Mme Emmanuelle Ménard.
En cas de violation de la loi, l'autorisation de recherche doit être annulée immédiatement, et non pas seulement suspendue.
Il est important de s'assurer que la volonté de respecter les principes éthiques est suffisamment forte, et, en cas de violation, il faut sanctionner. Or l'alinéa 17 est ainsi rédigé : « En cas de violation des prescriptions législatives et réglementaires ou de celles fixées par l'autorisation, l'agence suspend l'autorisation de la recherche ou la retire. » Nous vous proposons de prévoir non pas la simple suspension, mais bien le retrait sans délai de l'autorisation de recherche.
Ces amendements rejoignent une discussion que nous avons déjà entamée ce matin. Le projet de loi prévoit de rendre possible un certain nombre de travaux de recherche par déclaration et non plus par autorisation, ce qui revient à opérer un glissement. Par ailleurs, lorsqu'une équipe de recherche transgresse un certain nombre de règles, il faut prévoir des dispositions dissuasives : les violations doivent avoir des incidences sur l'équipe. À cet égard, la suspension des travaux n'est pas suffisante : il faut retirer l'autorisation. En effet, si tel n'est pas le cas, le parallélisme est rompu : quand on libéralise d'un côté, il faut, de l'autre, poser des garde-fous.
L'amendement n° 1137 vise lui aussi à poser un garde-fou, à fournir une garantie supplémentaire dans cette matière si sensible qu'est la bioéthique. Si l'Agence de la biomédecine découvre des violations de prescriptions législatives ou réglementaires ou de celles qui sont fixées par l'autorisation, elle doit immédiatement retirer l'autorisation de recherche.
De mémoire, nous avions déjà eu cette discussion en première lecture. Vous envisagez de ne conserver que le retrait de l'autorisation : la suspension serait supprimée. Or celle-ci peut s'avérer nécessaire, en particulier si l'on veut diligenter de façon sérieuse des inspections et vérifier le respect du droit tout en garantissant le principe de l'examen contradictoire. Avis défavorable.
La commission rejette successivement les amendements identiques n° 222, n° 666 et n° 718, puis l'amendement n° 1137.
Elle est saisie de l'amendement n° 1142 de Mme Emmanuelle Ménard.
L'Agence de la biomédecine autorise et encadre les recherches sur l'embryon. Elle peut effectuer des inspections auprès de laboratoires pour vérifier que ces recherches respectent le cadre légal. Ces inspections doivent pouvoir être sollicitées par tout organisme qui suspecte des comportements illégaux.
La commission rejette l'amendement n° 1142.
Elle est saisie de l'amendement n° 1317 de M. Thibault Bazin.
Depuis que la France a rendu possible la recherche sur les embryons, il est d'usage de ne pas les conserver au-delà du septième jour de leur développement. Jusqu'à très récemment, cette limite correspondait à la faisabilité technique. En 2016, deux équipes, l'une aux États-Unis, l'autre au Royaume-Uni, ont réussi à maintenir en vie des embryons jusqu'à leur quatorzième jour de développement. C'est donc techniquement possible. La question que nous devons nous poser est la suivante : est-ce acceptable sur le plan éthique ? Les équipes que j'évoquais n'étaient pas tenues de respecter la convention d'Oviedo, contrairement aux chercheurs installés en France, car notre pays a ratifié le texte en 2011, à travers la dernière loi de bioéthique. Certains scientifiques étrangers proposent déjà d'opter pour une extension jusqu'au vingt-huitième jour. Or, si l'on en croit les spécialistes, la limite de quatorze jours correspond à un événement majeur du développement embryonnaire, à savoir la gastrulation, qui marque l'apparition des premières ébauches du système nerveux central. Au dix-septième jour, le système cardiaque s'ébauche. Il nous paraît essentiel de maintenir la limite actuelle. Or l'alinéa 18 autorise la conservation des embryons in vitro jusqu'au vingt et unième jour après leur constitution. Le Sénat a un peu dérivé, sur le plan éthique, en abaissant cette barrière ; d'ailleurs, M. le rapporteur lui-même défendra un amendement visant à revenir sur la mesure, preuve que l'alinéa pose problème.
Nous avons l'intention d'autoriser la culture jusqu'au quatorzième jour, alors que le Sénat propose d'aller jusqu'au vingt et unième. Le quatorzième jour marque effectivement la fin de la gastrulation, qui va conduire à l'apparition des feuillets – l'ectoderme, l'endoderme et le mésoderme. On est donc très loin de la mise en place de quelque organe que ce soit. Par ailleurs, en supprimant la première phrase de l'alinéa 18, vous briseriez un interdit : quand des recherches ont eu lieu sur un embryon conçu in vitro, il ne peut être transféré à des fins de gestation. Les recherches sur l'embryon in utero relèvent du régime des recherches impliquant la personne humaine. Avis défavorable.
La commission rejette l'amendement n° 1317.
Elle adopte l'amendement rédactionnel n° 1509 du rapporteur.
Elle est saisie des amendements identiques n° 267 de M. Thibault Bazin, n° 344 de M. Xavier Breton et n° 425 de M. Patrick Hetzel.
À l'occasion de la défense de l'amendement n° 425, je voudrais revenir sur un autre sujet. Du fait de la règle de l'entonnoir, certains de nos amendements ont été déclarés irrecevables. C'est le cas notamment de ceux qui visaient à modifier des éléments concernant l'utérus artificiel, question sur laquelle le professeur Testart insiste régulièrement : selon lui, il est extrêmement dangereux d'aller dans cette direction. L'un de nos amendements avait donc pour objet de préciser que l'expérimentation d'un utérus artificiel devait être interdite. Il serait bon que cela figure explicitement dans la loi, même si je me souviens, monsieur le rapporteur, que vous nous avez dit, en première lecture, que vous ne saviez pas ce qu'était un utérus artificiel, que le concept n'était pas définitivement formalisé. Certains professionnels semblent pourtant savoir de quoi il s'agit.
Le « professeur » Testart n'est que docteur, monsieur Hetzel : il faut rendre à César ce qui est à César.
S'agissant des raisons pour lesquelles nous voulons passer à quatorze jours, je ne m'y attarde pas : nous avons considéré que cette limite constituait un point d'équilibre, correspondant à la mise en place des trois feuillets, mais pas plus. Avis défavorable.
La commission rejette les amendements n° 267, n° 344 et n° 425.
Elle examine, en discussion commune, les amendements identiques n° 223 de M. Thibault Bazin et n° 1146 de Mme Emmanuelle Ménard, ainsi que l'amendement n° 849 de M. Hervé Saulignac.
Je ne sais plus qui est docteur et qui est professeur. Peu importe, d'ailleurs : nous sommes tous des concitoyens qui recherchent ce qui est souhaitable pour le monde de demain.
Jusqu'à présent, notre législation avait fixé la limite à sept jours ; dans le projet de loi, vous passez à quatorze. J'imagine qu'entre les deux, il se passe des choses. En quoi ces choses modifient-elles la considération éthique qui avait poussé à fixer la limite à sept jours ? Est-ce parce que la technique permet de conserver en vie l'embryon in vitro jusqu'à quatorze jours qu'on veut permettre la recherche jusqu'à ce stade, ou bien parce qu'on estime que ce qui se passe entre sept et quatorze jours n'emporte aucune considération éthique ?
L'amendement n° 1146 va dans le même sens que ce que disaient Thibault Bazin et Patrick Hetzel – lequel est lui aussi docteur, mais pas en médecine…
La différence entre « docteur » et « professeur » est importante s'agissant de la fécondation in vitro : je n'ai pas dit cela par hasard !
La limite de sept jours, on l'a rappelé, correspond à la fin du stade préimplantatoire, c'est-à-dire le moment où l'embryon acquiert la capacité à s'implanter dans l'utérus. L'article 14 autorise la manipulation sur l'embryon humain jusqu'au quatorzième jour après la fécondation. Si on avait fixé la limite à sept jours, ce n'était pas de façon hasardeuse ou innocente : elle semble correspondre, dans l'esprit des scientifiques qui se sont penchés sur le sujet, à une sorte d'autonomie de l'embryon. L'allongement de la durée de culture des embryons in vitro, quant à lui, paraît fondé – vous me direz si je me trompe – sur la seule faisabilité technique : depuis peu, les scientifiques savent conserver l'embryon in vitro en vie jusqu'à son quatorzième jour de développement. Aucune considération éthique n'entre en ligne de compte. En l'absence de cette garantie éthique – qui me semble pourtant, dans une loi de bioéthique, être le minimum –, la limite des quatorze jours doit être supprimée : il faut en rester à sept jours.
Je ne comprends pas pourquoi notre amendement n° 849 est situé à cette place : il arrive dans la discussion en amont de l'amendement n° 1508 de M. le rapporteur, qui vise à supprimer l'allongement du délai prévu par le Sénat, alors que nous voulions, au contraire, conforter la proposition des sénateurs, voire revenir sur la suppression envisagée.
Pour tout dire, cela m'arrange bien. (Sourires.) On voit bien à quel point la durée de quatorze jours est une position d'équilibre entre sept jours et vingt et un jours. Il est désormais possible de créer des milieux de culture permettant de pousser le développement embryonnaire bien au-delà même du vingt et unième jour. Le quatorzième jour est un moment clé où, après morula et gastrula, on en arrive à la différenciation des trois feuillets, qui vont donner le système nerveux, les muscles et le cœur, l'épiderme, etc. Ce sont des moments clés qu'il faut réussir à comprendre, en particulier autour des questions liées aux tératomes – dans le domaine de la cancérologie. Je considère que quatorze jours sont suffisants ; c'est d'ores et déjà une avancée. Avis défavorable.
Je voudrais simplement rebondir sur le terme que vient d'employer M. le rapporteur. La connotation du mot « avancée » est évidente : on voit bien qu'il s'agit d'un pas, qui en appellera d'autres, dans la direction de ce qui serait le « progrès » – sept jours, puis quatorze ; un jour ce sera vingt et un, voire plus.
La commission rejette successivement les amendements n° 223 et n° 1146, ainsi que l'amendement n° 849.
Elle est saisie des amendements identiques n° 1508 du rapporteur, n° 224 de M. Thibault Bazin, n° 340 de M. Xavier Breton, n° 421 de M. Patrick Hetzel, n° 1149 de Mme Emmanuelle Ménard et n° 1310 de M. Marc Delatte.
L'amendement n° 1508 vise à supprimer l'avant-dernière phase de l'alinéa 18, afin d'en revenir à la durée de quatorze jours, au lieu des vingt et un jours prévus par le Sénat.
Nous allons donc en revenir à la rédaction initiale ; c'est une bonne chose. En revanche, monsieur le rapporteur, vous avez dit que la durée de quatorze jours constituait une avancée. L'enjeu du débat et de la réflexion est de savoir pour qui et à quelle fin. Ce qui me trouble beaucoup, c'est que les revendications concernant l'augmentation de la durée du développement de l'embryon sont directement liées à l'amélioration des techniques de la procréation médicalement assistée. Entre le sixième jour et le septième jour après la fécondation, intervient ce qu'on appelle l'implantation de l'embryon dans l'endomètre. Étant donné le taux d'échec important des fécondations in vitro, toute l'industrie, tout le business de la procréation a un intérêt à l'allongement du délai. Je voudrais vous alerter sur le fait que la question présente deux faces : l'une est celle de la recherche, dont on nous indique que la finalité est thérapeutique ; l'autre, dont on parle un peu moins, est celle du monde économique, où un certain nombre de personnes essaient de faire du profit. Il convient donc de se demander qui pousse vraiment à ce que l'on passe de sept à quatorze jours. En l'occurrence, je note que ce ne sont pas uniquement des chercheurs : un certain nombre d'intérêts économiques très importants sont également en jeu.
Je partage l'avis du rapporteur, car il est unanimement reconnu que le quatorzième jour est une limite à ne pas dépasser, puisqu'il correspond au stade de la gastrulation. Il n'en demeure pas moins que, même au quatorzième jour, la tâche des chercheurs est délicate car, entre la fécondation et ce moment, l'embryon en est vraiment à ses tout premiers stades.
La commission adopte les amendements n° 1508, n° 224, n° 340, n° 421, n° 1149 et n° 1310.
Elle est saisie des amendements identiques n° 668 de M. Xavier Breton et n° 720 de M. Patrick Hetzel.
Il s'agit d'insérer, après l'alinéa 8, un alinéa ainsi libellé : « À titre exceptionnel, des études sur les embryons humains visant notamment à développer les soins au bénéfice de l'embryon et à améliorer les techniques d'assistance médicale à la procréation ne portant pas atteinte à l'embryon humain peuvent être conduites avant et après leur transfert à des fins de gestation si le couple y consent, dans les conditions fixées au IV. » L'objectif est de placer cette disposition à un autre endroit du code de la santé publique.
Avis défavorable : ces amendements sont déjà satisfaits par le premier alinéa du présent article.
La commission rejette les amendements n° 668 et n° 720.
Elle examine, en discussion commune, les amendements n° 1510 du rapporteur et n° 920 de Mme Annie Genevard.
L'amendement n° 1510 vise à participer à la compréhension des causes de l'infertilité – lesquelles, je le rappelais ce matin, sont très nombreuses. Pour ce faire, je propose de rétablir la rédaction adoptée par notre assemblée en première lecture. Celle-ci précise que les recherches conduites sur les embryons ont aussi comme objectif de comprendre et d'étudier les causes de l'infertilité.
J'ai cosigné l'amendement n° 920 avec Annie Genevard, qui ne peut être parmi nous car elle préside la séance publique en ce moment même ; elle vous prie de bien vouloir l'excuser.
Je suis un peu étonné : ces deux amendements font l'objet d'une discussion commune alors qu'ils ne disent pas du tout la même chose. Nous sommes tous favorables, me semble-t-il, à ce que des recherches aient lieu sur l'infertilité, qui a des causes environnementales, comportementales, mais aussi médicales. Toutefois, la fin ne justifie pas les moyens. Peut-être faudrait-il donc préciser que l'on souhaite que des recherches soient menées sur les causes d'infertilité, mais qu'elles se fassent dans le respect de ce que préconisait Jean-François Mattei, autrement dit en évitant de faire des « essais d'homme », lesquels sont contraires au principe de dignité et à l'interdiction de créer des embryons destinés à la recherche, posée par la convention d'Oviedo.
Nous proposons donc de rédiger ainsi l'alinéa 19 : « Aucune recherche ne peut être menée dans le cadre de l'assistance médicale à la procréation sur des gamètes destinés à constituer un embryon ou sur l'embryon avant ou après son transfert à des fins de gestation. » Cette limite éthique est à mon avis essentielle, y compris dans la recherche sur l'infertilité.
Le principe de la discussion commune est d'examiner des amendements qui ne sont pas identiques, monsieur Bazin… L'amendement n° 920 a été placé au bon endroit.
Certes, madame la présidente, mais, dans certaines discussions communes, les amendements, quoique différents, vont dans le même sens, ce qui n'est pas le cas ici ; je voulais simplement le faire observer.
Vous vous référiez, pour le coup, au « professeur » Mattei, monsieur Bazin. (Sourires.) Si vous donnez des titres, il faut le faire pour tout le monde…
Ces amendements sont effectivement en discussion commune parce qu'ils sont parfaitement incompatibles. Je suis favorable au mien, ce qui ne vous surprendra pas, et j'émets un avis défavorable sur le vôtre.
La commission adopte l'amendement n° 1510.
En conséquence, l'amendement n° 920 tombe.
Suivant l'avis défavorable du rapporteur, la commission rejette l'amendement n° 226 de M. Thibault Bazin.
Elle est saisie des amendements n° 1153 et n° 1167 de Mme Emmanuelle Ménard.
L'amendement n° 1153 a pour objet de supprimer les alinéas 21 à 29, et l'amendement n° 1167 d'en proposer une autre rédaction. Les alinéas visés organisent la recherche sur les cellules souches embryonnaires humaines (CSEH). Or il existe une solution alternative – je sais que nous ne serons pas forcément d'accord sur ce point –, qui ne pose pas le même problème éthique de la manipulation de la plus jeune forme de l'être humain : la recherche sur les cellules souches pluripotentes induites (iPS), définies à l'article 15. Il me semble préférable d'utiliser les iPS en lieu et place des CSEH puisqu'elles sont équivalentes, aussi bien dans le domaine de la thérapie cellulaire que dans le cadre des recherches menées par l'industrie pharmaceutique. D'ailleurs, le Conseil d'État, en 2014, a considéré, s'agissant d'une autorisation de recherche sur des CSEH ayant pour finalité la modélisation de la dystrophie musculaire facio-scapulo-humérale, que les travaux concernant les cellules iPS étaient « suffisamment avancés pour apprécier la possibilité de poursuivre sur ce type de cellules, avec une efficacité comparable ».
Je l'ai déjà dit : bien sûr, comme vous, j'aimerais que l'on puisse se passer des cellules souches embryonnaires. Toutefois, un certain nombre de spécialistes du domaine, que je croise assez fréquemment dans mon université, considèrent que, pour l'instant, malheureusement, on n'en est pas encore là, que ce soit sur le plan technique ou sur le plan scientifique. Il faut donc mener en parallèle des études dans ces deux directions ; de là mon avis défavorable sur vos amendements.
La commission rejette successivement les amendements n° 1153 et n° 1167.
La commission est saisie des amendements identiques n° 611 de Mme Agnès Thill et n° 1331 de M. Thibault Bazin.
Cet amendement vise à supprimer l'alinéa 22, qui soumet l'importation des cellules souches embryonnaires aux fins de recherche à une simple déclaration auprès de l'Agence de la biomédecine, au lieu d'une autorisation. Le régime de l'autorisation est indispensable pour s'assurer que la recherche sur les cellules souches embryonnaires ne s'affranchit pas des principes fondamentaux établis par les articles 16 à 16‑8 du code civil.
Nous avons déjà débattu du régime de la déclaration et de l'autorisation. Avis défavorable.
La commission rejette les amendements n° 611 et n° 1331.
Elle est saisie des amendements identiques n° 670 de M. Xavier Breton, n° 706 de M. Patrick Hetzel et n° 1322 de M. Thibault Bazin.
L'alinéa 22 prévoit que les cellules souches embryonnaires sont soumises à déclaration auprès de l'Agence de la biomédecine. Cet amendement vise à leur appliquer un régime d'autorisation, qui permettra une meilleure protection de nos principes éthiques.
La commission rejette les amendements n° 670, n° 706 et n° 1322.
Suivant l'avis défavorable du rapporteur, la commission rejette l'amendement n° 1318 de M. Thibault Bazin.
Elle est saisie de l'amendement n° 614 de Mme Agnès Thill.
Cet amendement de repli vise à s'assurer que l'importation des cellules souches embryonnaires aux fins de recherche ne s'affranchit pas des principes fondamentaux établis par les articles 16 à 16-8 du code civil.
Cet amendement est satisfait par l'alinéa 26, qui définit le rôle de l'Agence de la biomédecine quant au contrôle des protocoles de recherche sur les cellules souches embryonnaires humaines. Avis défavorable.
L'amendement n° 614 est retiré.
Suivant l'avis défavorable du rapporteur, la commission rejette les amendements identiques n° 268 de M. Thibault Bazin, n° 346 de M. Xavier Breton et n° 427 de M. Patrick Hetzel.
Elle examine, en discussion commune, les amendements identiques n° 671 de M. Xavier Breton et n° 703 de M. Patrick Hetzel, ainsi que de l'amendement n° 1329 de M. Thibault Bazin.
L'un des problèmes éthiques que soulève la recherche sur les cellules souches embryonnaires humaines est la destruction de l'embryon dont elles sont extraites. Un certain nombre de lignées sont utilisées, mais des chercheurs souhaiteraient aller plus loin. Ce problème peut être partiellement résolu par la limitation de la recherche aux lignées de cellules souches déjà existantes, qui sont disponibles en grande quantité.
Monsieur le rapporteur, vous avez affirmé qu'il serait nécessaire d'avoir de nouvelles lignées mais le Conseil d'État, dans son avis, comme l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST) et la mission d'information parlementaire, dans leurs rapports, ne semblaient pas aller dans votre sens. Qu'est-ce qui a fait évoluer les choses ?
On emploie à l'heure actuelle des techniques de biologie à haut débit, dites « OMIQUES », qui permettent de comparer à tout moment une cellule embryonnaire dite « fraîche », une lignée établie au long cours et amenée à se multiplier au fil des années et une cellule iPS. Pour l'instant, nous ne maîtrisons pas les conditions de culture permettant de garantir que la cellule iPS ou la lignée prolongée pendant plusieurs années en culture et multipliée gardera son format d'origine, c'est-à-dire l'expression des gènes. Voilà pourquoi il est nécessaire, aujourd'hui encore, d'employer les trois outils. S'agissant des cellules iPS, il faut espérer qu'on parviendra, à un moment donné, à obtenir les caractéristiques attendues. Avis défavorable.
La commission rejette successivement les amendements identiques n° 671 et n° 703, et l'amendement n° 1329.
Elle est saisie des amendements identiques n° 672 de M. Xavier Breton et n° 722 de M. Patrick Hetzel.
On peut nourrir quelques réserves quant à la manière dont se développent les recherches sur les cellules souches embryonnaires à partir de lignées préexistantes. Il importe d'instituer des garde-fous pour encadrer la création de lignées nouvelles. Or, le texte ne les définit pas de manière assez précise et claire.
Avis défavorable. J'ai déjà affirmé la nécessité d'avoir une « cellule étalon », à laquelle on peut se référer.
La commission rejette les amendements n° 672 et n° 722.
Elle examine, en discussion commune, les amendements identiques n° 788 de M. Xavier Breton et n° 789 de M. Patrick Hetzel, ainsi que l'amendement n° 1407 de M. Thibault Bazin.
Sur ce sujet, deux positions sont en présence – celle du rapporteur et la nôtre – qui sont difficilement conciliables.
La commission rejette successivement les amendements identiques n° 788 et n° 789, et l'amendement n° 1407.
Elle est saisie des amendements identiques n° 673 de M. Xavier Breton et n° 704 de M. Patrick Hetzel.
Dès lors que les cellules souches embryonnaires sont issues d'un embryon humain, il convient de soumettre leur conservation au régime commun de sept jours. On sait que la technique permet d'aller à quatorze jours – et même vingt et un jours, comme on le lit dans la littérature. Où s'arrêtera-t-on ? Pour freiner cette course prométhéenne, il faut établir des garde-fous.
Avis défavorable. Il n'est pas question de confondre embryon et cellules. Ces amendements sont donc inutiles.
La commission rejette les amendements n° 673 et n° 704.
Suivant l'avis défavorable du rapporteur, elle rejette l'amendement n° 1332 de M. Thibault Bazin.
La commission est saisie des amendements identiques n° 1511 du rapporteur et n° 1319 de M. Thibault Bazin.
Par cohérence avec mon amendement n° 1506, à l'alinéa 10, je vous propose de supprimer les termes « ou ne vise pas à améliorer la connaissance de la biologie humaine », à l'alinéa 26. C'est une précision maladroite, qui n'enrichit pas le texte.
À chaque fois que vous promouvrez le mieux-disant éthique, monsieur le rapporteur, nous serons à vos côtés. En franchissant cette barrière, nos collègues sénateurs ont fait preuve d'une certaine permissivité.
Nous considérons en effet que le Sénat a franchi une ligne rouge et qu'il faut revenir sur cette décision.
La commission adopte les amendements n° 1511 et n° 1319.
Elle examine les amendements identiques n° 519 de M. Thibault Bazin, n° 520 de M. Xavier Breton et n° 521 de M. Patrick Hetzel.
L'alinéa 26 prévoit que le directeur général de l'Agence de la biomédecine doit s'opposer, dans des cas énumérés, à la réalisation du protocole de recherche. Nous proposons qu'il le fasse également « si, en l'état des connaissances scientifiques, cette recherche ne peut être menée sans recourir à des embryons ».
Nous considérons que les chercheurs doivent systématiquement se poser cette question. Monsieur Berta, vous avez raison de dire qu'un certain nombre d'entre eux ont parfaitement conscience de cette limite. Mais, entre l'inscrire dans la loi, donc le rendre obligatoire, et faire confiance aux chercheurs, il y a une différence. Si la très grande majorité des chercheurs ne transgresseront pas la règle, il demeure toujours un risque. Il vaut parfois mieux dire les choses. Si nous voulons un mieux-disant éthique, il faut clairement l'inscrire dans la loi.
Le critère que vous proposez est inopérant dès lors que deux régimes juridiques de recherche coexistent : l'un relatif aux embryons, l'autre concernant les cellules souches. Avis défavorable.
La commission rejette les amendements n° 519, n° 520 et n° 521.
Elle examine les amendements identiques n° 674 de M. Xavier Breton, n° 707 de M. Patrick Hetzel et n° 1333 de M. Thibault Bazin.
Parmi les cas, énumérés à l'alinéa 26, dans lesquels le directeur général de l'Agence de la biomédecine doit s'opposer au protocole de recherche sur les cellules souches embryonnaires humaines, figurent trois des quatre motifs d'interdiction de la recherche sur l'embryon : « si la recherche fondamentale ou appliquée ne s'inscrit pas dans une finalité médicale ou ne vise pas à améliorer la connaissance de la biologie humaine, si la pertinence scientifique de la recherche n'est pas établie, si le protocole ou ses conditions de mise en œuvre ne respectent pas les principes fondamentaux ». Or, il existe une quatrième condition, tenant à l'absence d'alternative. Cet amendement vous propose de réparer cet oubli, dont je ne sais s'il est volontaire.
Ces amendements s'inscrivent dans la même logique. Monsieur le rapporteur, vous avez affirmé qu'il était nécessaire de disposer de nouvelles lignées de cellules souches embryonnaires. Or, il faut rappeler qu'il n'y a pas de cellules souches embryonnaires sans destruction d'embryon humain. Vous minimisez ces conséquences, et mettez en avant l'existence de deux régimes juridiques distincts. Cela tient au fait que les recherches sur les cellules souches embryonnaires ne nécessiteront plus qu'une déclaration, alors qu'elles sont, à l'heure actuelle, soumises à autorisation. Ce texte crée donc des difficultés.
Les embryons à partir desquels on établit, éventuellement – je répète que c'est très rare – des cellules souches embryonnaires sont destinés à la destruction. Je rappelle aussi que les études comparatives sur les embryons, les cellules souches embryonnaires et les cellules iPS ont fait apparaître la nécessité de poursuivre des études complémentaires, car on ne peut, encore aujourd'hui, passer de l'un à l'autre. J'espère que ce ne sera plus le cas demain, si on trouve, par exemple, des gènes miracles à injecter ou si les conditions de culture permettent d'utiliser les cellules iPS. Par ailleurs, des enjeux différents s'attachent à l'embryon et aux cellules souches. Les cellules souches dont nous parlons sont exclusivement pluripotentes et n'ont aucune capacité à donner un embryon. Elles ne peuvent donc pas être comparées à ce dernier. Avis défavorable.
J'apprécie les distinctions que vous établissez, monsieur le rapporteur, sur ces sujets qui sont complexes mais qui renvoient à des réalités. Une cellule souche n'est en effet pas égale à un embryon, qui, lui-même, n'est pas égal à un être humain. C'est toute la différence entre la personne et ce que j'appelle « l'ordre de la personne ». Il faut aussi prendre soin de ce qui relève de l'ordre de la personne – je sais que cela fait partie de vos préoccupations, chers collègues – car ce n'est pas anodin. Il faut donc arbitrer. La recherche sur l'ordre de la personne doit être autorisée si elle répond à de bonnes raisons, si elle permet à la science de progresser, dans le respect de la dignité humaine. Je suis enclin à soutenir la position de notre rapporteur sur ce sujet qui constitue un des nœuds du débat. Sans vouloir adresser de reproche à quiconque, il faut éviter d'avoir des positions déconnectées des réalités de la recherche. Pour prendre les bonnes décisions, nous avons besoin que les chercheurs se posent les bonnes questions.
La découverte des iPS avait fait naître de grandes espérances. On pensait qu'elles nous permettraient de résoudre les problèmes éthiques que soulèvent nos débats. Or, cela n'a pas été le cas. Les cellules souches sont dérivées de la masse cellulaire de l'embryon. Certaines lignées de cellules souches ont plus de vingt ans. Les cellules iPS ne sont pas la solution espérée, car ce sont des copies de cellules souches : elles peuvent difficilement se substituer à ces dernières, présentent une efficacité moindre en termes de différenciation et laissent subsister une incertitude quant à leur innocuité. Lorsqu'on produit des cellules thérapeutiques susceptibles de réparer des tissus lésés, il faut être sûr du matériel utilisé. On ne peut pas non plus établir de comparaison avec des cellules souches issues du cordon ombilical, car elles ne sont pas pluripotentes. La problématique réside dans la pluripotence.
La technique évolue. Si les cellules iPS répondent, dans quelques années, aux espérances que l'on plaçait en elles, sera-t-on prêts à réexaminer la loi ? Par ailleurs, l'embryon n'est, en effet, pas exactement comparable aux cellules souches embryonnaires. S'il faut choisir entre la recherche sur l'embryon et celle portant sur les cellules souches embryonnaires provenant d'un embryon qui était destiné à la destruction, mieux vaut la seconde solution. Cela étant, la question centrale est de savoir si on produit de nouvelles cellules souches embryonnaires humaines, de nouvelles lignées, en détruisant des embryons. Je n'ai pas l'impression que le texte encadre précisément cette possibilité.
La commission rejette les amendements n° 674, n° 707 et n° 1333.
Elle adopte l'amendement rédactionnel n° 1512 du rapporteur.
Suivant l'avis défavorable du rapporteur, elle rejette l'amendement n° 1334 de M. Thibault Bazin.
La commission est saisie de l'amendement n° 1335 de M. Thibault Bazin.
L'alinéa 27 me pose un problème, car il revient à autoriser la création de gamètes artificiels à partir de cellules souches embryonnaires humaines. Jusqu'à présent, la création de gamètes artificiels n'a jamais été autorisée en France, et pour cause : ses conséquences pourraient être vertigineuses. À partir du moment où on le permettrait, certains chercheurs, peut-être même une minorité substantielle d'entre eux, pourraient être tentés de les féconder. On suit une pente dangereuse. Au Japon, des embryons ont été créés pour la recherche à partir de gamètes artificiels. Je vous propose donc de supprimer l'alinéa.
Je ne fais pas du tout la même lecture de cette disposition. À l'heure actuelle, rien n'empêche d'effectuer quelque recherche que ce soit sur les cellules souches, qu'elles soient embryonnaires ou iPS, y compris en vue de la constitution de gamètes. Demain, grâce à la présente loi, l'Agence de la biomédecine disposera d'une faculté d'opposition pour mieux encadrer ces recherches. Par ailleurs, cela ne change rien au principe d'interdiction de la création d'embryon pour la recherche, quel qu'en soit le moyen. Avis défavorable.
La commission rejette l'amendement n° 1335.
Elle examine l'amendement n° 1513 du rapporteur.
Cet amendement vise à rétablir la rédaction de la première phrase de l'alinéa 27, telle qu'elle avait été votée par notre assemblée en première lecture. Estimant que les travaux portant sur l'adjonction de cellules humaines à un embryon animal constituaient une ligne rouge à ne pas franchir, la commission du Sénat a souhaité, sur proposition de sa rapporteure, interdire ces expérimentations. En modifiant également l'article 15 et en supprimant l'article 17, cette modification de l'article 14 déséquilibre complètement l'architecture du projet de loi et entraîne un retour au droit en vigueur. Or, en maintenant l'état actuel du droit, le texte adopté par le Sénat n'interdit pas formellement les recherches impliquant les chimères animal-homme. Pis, en retirant celles-ci du champ du contrôle renforcé applicable aux recherches sensibles, le texte supprime tout mécanisme de régulation. Cette rédaction est donc, à mes yeux, totalement contreproductive. Par ailleurs, j'estime que les travaux portant sur l'adjonction de cellules humaines à un embryon animal présentent un intérêt particulier pour la recherche fondamentale.
Nous nous opposons fortement à votre amendement. On a constaté, lors des débats en première lecture, que certaines dispositions relevaient, en la matière, du code de la recherche, tandis que d'autres étaient contenues dans le code de la santé publique, ce qui pouvait entraîner une forme de confusion. La question de fond est de savoir si on veut autoriser des chimères animal-homme. Il ne s'agit pas de décider s'il faut les réguler : il convient, à nos yeux, de les interdire. Vous proposez d'insérer les mots : « l'agrégation de ces cellules avec des cellules précurseures de tissus extra-embryonnaires ou leur insertion dans un embryon animal dans le but de son transfert chez la femelle ». On insérerait donc des cellules souches embryonnaires humaines dans un embryon animal, qu'on transférerait chez la femelle. On est en train de franchir une barrière éthique relative à la séparation entre l'homme et l'animal. On a eu un certain nombre d'alertes à ce sujet. Vous proposez d'insérer votre amendement à l'article 14, qui comporte une référence à l'AMP, tandis que l'article 17 revient sur l'interdiction de base des embryons transgéniques, chimériques. Le monde d'après présente, sous ce rapport, un visage extrêmement inquiétant. Je suis profondément opposé aux chimères animal-homme.
La logique de l'alinéa 27 consiste à autoriser la création sans condition, à partir de cellules souches embryonnaires humaines, de gamètes artificiels. Cela revient à autoriser la création, à partir de ces cellules, de modèles embryonnaires. Ces derniers sont désignés comme étant des agrégats de cellules souches embryonnaires avec des « cellules précurseures de tissus extra-embryonnaires ». Encore une fois, ces manipulations contournent l'interdit de la création d'embryons pour la recherche. Vouloir franchir cette nouvelle étape révèle une tentation démiurgique. On discerne des évolutions en ce sens à l'étranger. La question de fond est de savoir si la dignité qui doit s'imposer, en présence de travaux de recherche menés sur des cellules, est encore respectée.
Cette disposition a pour objet de permettre la mise en contact de cellules souches embryonnaires humaines et de cellules extra-embryonnaires animales. C'est tout simplement le seul moyen à notre disposition pour tester l'état de ces cellules humaines, utilisées à des fins de recherche et, demain, dans un objectif thérapeutique. C'est pour cela qu'on réalise ce mélange de cellules animales et humaines, et pour rien d'autre.
La commission adopte l'amendement n° 1513.
Elle examine les amendements identiques n° 677 de M. Xavier Breton, n° 723 de M. Patrick Hetzel et n° 1336 de M. Thibault Bazin.
L'alinéa 27 revient à autoriser la création sans conditions, à partir de cellules souches embryonnaires humaines, de gamètes artificiels. La tentation existera de les fusionner et de créer des embryons à partir des cellules artificielles. Il y a là un contournement de l'interdiction de créer des embryons pour la recherche. C'est pourquoi nous vous proposons une nouvelle rédaction de la fin de l'alinéa 27.
Nous sommes confrontés à un possible bouleversement. Pour éviter les dérives, il faut s'efforcer d'encadrer ces mécanismes. C'est pourquoi nous proposons d'écrire qu'un tel protocole ne peut être réalisé sans l'autorisation préalable de l'Agence de la biomédecine. Les chercheurs devront démontrer, dans le dossier qu'ils transmettront à l'agence, la pertinence scientifique de la recherche, à charge pour ses experts de l'évaluer. Qu'elle soit fondamentale ou appliquée, la recherche doit s'inscrire dans une finalité médicale – vous avez employé les termes « objectif thérapeutique », monsieur Berta. Cela doit être explicité. Enfin, en l'état des connaissances scientifiques, les chercheurs devront montrer que la recherche ne peut être menée sans recourir à des cellules souches embryonnaires humaines, qu'il n'y a pas d'autres moyens de faire. Je suis prêt à entendre que les iPS ne permettent pas de tout faire, même s'il est regrettable que la France ait pris du retard en la matière.
Je comprends, monsieur le rapporteur, votre volonté de trouver des remèdes, de faire avancer la recherche à des fins thérapeutiques. Mais, dans une réflexion bioéthique, on doit aussi prendre en compte les risques. Pour reprendre l'analyse du Conseil d'État, il existe, s'agissant des chimères animal-homme, un risque de transgression des frontières entre l'espèce humaine et l'espèce animale. Ne risque-t-on pas de favoriser l'apparition d'une nouvelle zoonose, de représentations humaines, notamment de la conscience humaine, chez l'animal ? Ces questions nous dépassent. Il faut respecter les limites propres à chaque espèce. Par l'alinéa 27, on franchit des lignes rouges. Vous allez me dire que cela existe déjà, mais ce n'est pas une raison de l'autoriser si on estime qu'en termes éthiques, ce n'est pas souhaitable. C'est un vrai sujet de fond.
Avis défavorable. Monsieur Hetzel, je ne peux pas laisser dire que nos chercheurs ne sont pas totalement impliqués dans la recherche sur les cellules iPS. Les quelques équipes travaillant sur ces thématiques s'y consacrent toutes, même si elles ne peuvent, il est vrai, y dédier tout leur temps.
La commission rejette les amendements n° 677, n° 723 et n° 1336.
Suivant l'avis défavorable du rapporteur, elle rejette les amendements identiques n° 676 de M. Xavier Breton, n° 708 de M. Patrick Hetzel et n° 1337 de M. Thibault Bazin.
Elle est saisie de l'amendement n° 1514 du rapporteur.
En séance publique, le Sénat a adopté l'amendement n° 135 quater de M. de Legge visant à préciser que les gamètes dérivés de cellules souches embryonnaires ne peuvent servir à féconder un autre gamète, issu du même procédé ou obtenu par don. Cette précision est redondante puisque le droit actuel pose déjà une interdiction de principe – j'y insiste à nouveau – de toute création d'embryon à des fins de recherche.
La commission adopte l'amendement n° 1514.
Elle est saisie de l'amendement n° 1166 de Mme Emmanuelle Ménard.
Je suis favorable au clonage pour éviter les allers-retours entre l'hémicycle et la commission.
La différenciation des cellules souches en gamètes permet de créer des gamètes artificiels. Quant à l'agrégation de ces cellules avec des cellules précurseures de tissus extra-embryonnaires, qu'on peut aussi nommer « modèles embryonnaires à usage scientifique » (MEUS), elle permet la création d'un ensemble qui s'apparente à un embryon. Implanter ces gamètes synthétiques ou ces embryons synthétiques représente, me semble-t-il, un grave danger.
Cela me semble scientifiquement un peu confus et mériterait une bien longue discussion. Nous discutons de protocoles de recherche, qui se situent en dehors du champ de la PMA. Ces recherches ne peuvent pas viser à implanter un embryon synthétique comme vous semblez le suggérer dans vos propos, qui s'apparentent à de la mauvaise science-fiction. Avis défavorable.
La commission rejette l'amendement n° 1166.
Elle examine l'amendement n° 1320 de M. Thibault Bazin.
L'alinéa 31 prévoit que l'Agence de la biomédecine autorise l'importation de lignées de cellules souches embryonnaires au vu d'une attestation produite par le demandeur. On a le sentiment que le contrôle de l'Agence est, en ce domaine, allégé, alors qu'elle dispose par ailleurs, de pouvoirs de vérification étendus. Cela me semble entrer en contradiction avec l'exigence éthique. Il faut vérifier que les lignées de cellules souches ont été obtenues dans le respect des engagements internationaux que nous avons souscrits.
Vous vous méprenez sur la portée de l'évolution introduite par l'alinéa 31, qui modifie le régime de contrôle des importations de cellules souches embryonnaires. Le principe de l'autorisation par l'Agence de la biomédecine demeure. Elle pourra exiger un document attestant que les cellules souches ont été obtenues dans le respect des principes fondamentaux du code civil. L'Agence disposera ainsi d'une pièce opposable, qui lui permettra d'améliorer sa capacité de contrôle. Je vous suggère de retirer votre amendement.
Je vérifierai, d'ici à la séance, que les capacités de contrôle de l'Agence sont renforcées. Je le retire.
L'amendement n° 1320 est retiré.
La commission examine, en discussion commune, l'amendement n° 613 de Mme Agnès Thill, les amendements identiques n° 679 de M. Xavier Breton, n° 710 de M. Patrick Hetzel et n° 1321 de M. Thibault Bazin , ainsi que l'amendement n° 612 de Mme Agnès Thill.
Le régime d'autorisation pour l'importation et l'exportation des cellules souches embryonnaires est indispensable pour s'assurer que la recherche ne s'affranchit pas des principes fondamentaux établis par les articles 16 et 16‑8 du code civil. Les amendements n° 613 et n° 612 visent à le maintenir.
Il s'agit de préciser que l'importation de cellules souches embryonnaires ne peut être autorisée que lorsque ces cellules souches ont été obtenues dans un pays signataire de la convention d'Oviedo. En effet, on ne peut que s'étonner du fait que des lignées de cellules souches proviennent de pays aux législations beaucoup moins protectrices en termes d'éthique, s'agissant notamment de l'embryon. De telles importations peuvent constituer un contournement de la législation, nous proposons donc de les interdire.
Les conditions dans lesquelles les cellules souches ont été obtenues peuvent être de nature différente en fonction du pays d'origine. Or ces lignées proviennent majoritairement de pays qui n'ont pas signé la convention d'Oviedo ; il est impossible de vérifier comment les laboratoires ont travaillé. On peut considérer que le fait d'importer de telles cellules, qui seraient interdites sur le sol français, est un contournement de la loi.
L'exposé des motifs de l'amendement n° 613 ne correspond pas à son texte, qui vise à modifier les règles relatives à l'importation de cellules souches embryonnaires. Avis défavorable.
Un pays peut être signataire de la convention d'Oviedo et ne pas produire des cellules souches dans le respect des principes éthiques du droit français, un pays non signataire peut respecter ces mêmes principes. La rédaction du projet de loi est plus appropriée car elle fixe des critères bien identifiés. Je vous demande de retirer vos amendements, à défaut de quoi j'émettrai un avis défavorable.
Enfin, l'amendement no 612 ne tient aucun compte des progrès accomplis, puisqu'il s'agit de revenir aux dispositions du code civil qui encadraient l'importation des cellules souches avant la loi de 2011. Avis défavorable.
La commission rejette successivement l'amendement n° 613, les amendements identiques n° 679, n° 710 et n° 1321 , ainsi que l'amendement n° 612.
Elle examine les amendements n° 1194 et n° 1184 de Mme Emmanuelle Ménard.
Les alinéas 34 et suivants permettent aux cliniques chargées de l'AMP de conserver des embryons humains donnés à la recherche. Elles ne sont pourtant pas titulaires d'une autorisation délivrée par l'Agence de la biomédecine et n'ont pas vocation à conserver des embryons voués à la destruction dans le cadre de protocoles de recherche. À défaut de supprimer le régime desdites recherches, il convient de rappeler le rôle de ces cliniques.
La France pourrait s'inspirer de la prudence de l'Allemagne, où la production d'embryons surnuméraires n'est pas autorisée et où les embryons conçus en vue d'une AMP ne sont pas congelés, ce qui évite un stockage problématique.
Enfin, monsieur le rapporteur, il y a, parmi les médecins, des exceptions qui justifient l'existence d'un conseil de l'ordre. Il en va de même pour les chercheurs : certains ne sont pas à l'abri d'une dérive et peuvent avoir « une éthique différente », pour reprendre les termes de M. Touraine. De la même manière qu'il existe un code pénal qui s'applique à l'ensemble des citoyens, le législateur ne peut partir du principe que tous les chercheurs s'autolimitent et qu'ils ne sont jamais tentés de franchir les lignes. Ce n'est pas les insulter que de le dire.
L'alinéa 34 vise à régulariser la situation des laboratoires de biologie médicale qui conservent des embryons proposés à la recherche sans encore avoir été inclus dans un protocole de recherche. En effet, aux termes de l'article L. 2142-1 du code de la santé publique, l'autorisation porte seulement sur la conservation des embryons dans le cadre des activités de PMA. Avis défavorable.
La commission rejette successivement les amendements n° 1194 et n° 1184.
Suivant l'avis défavorable du rapporteur, elle rejette l'amendement n° 1338 de M. Thibault Bazin.
La commission examine, en discussion commune, les amendements n° 618, n° 616 et n° 617 de Mme Agnès Thill.
Tout organisme qui souhaite conserver, à des fins de recherche, des cellules souches embryonnaires doit obtenir une autorisation préalable de l'Agence de la biomédecine, et non effectuer une simple déclaration. La recherche sur les cellules souches embryonnaires ne peut pas s'affranchir des principes fondamentaux établis par les articles 16 et 16‑8 du code civil.
Suivant l'avis défavorable du rapporteur, la commission rejette successivement les amendements n° 618, n° 616 et n° 617.
Suivant l'avis défavorable du rapporteur, elle rejette ensuite l'amendement n° 619 de Mme Agnès Thill
Elle est saisie des amendements identiques n° 530 de M. Xavier Breton et n° 532 de M. Patrick Hetzel.
Il convient de préciser que l'interdiction porte sur les modifications génétiques qui ont pour but, mais aussi pour effet, de modifier la descendance d'une personne. Il faut sur ce point être très clair vis-à-vis des générations futures.
On connaît les risques, une dérive vers le bébé zéro défaut. Bien sûr, les recherches ont toujours une visée thérapeutique mais des glissements, qui peuvent mener à l'eugénisme, sont possibles.
Les thérapies géniques, qui font la preuve de leur efficacité, ne portent que sur les cellules somatiques ; elles sont rigoureusement interdites sur les cellules germinales. L'adoption de vos amendements interdirait toute recherche et toute application dans ce domaine, ce qui serait fort regrettable compte tenu des succès actuels et à venir. Avis défavorable.
La commission rejette les amendements n° 530 et n° 532.
Elle est saisie de l'amendement n° 1196 de Mme Emmanuelle Ménard.
Le fait de conserver ou de céder des embryons ou des cellules souches embryonnaires sans avoir respecté le cadre légal doit être plus sévèrement puni que le fait d'utiliser illégalement des cellules iPS, dont l'obtention n'entraîne pas de destruction embryonnaire.
La recherche sur l'embryon et celle sur les iPS ne comportent pas les mêmes enjeux éthiques : la première conduit à détruire la forme la plus élémentaire de l'être humain ; alors que les cellules iPS, qui ne sont pas issues de la rencontre de deux gamètes, s'obtiennent par reprogrammation génétique de cellules somatiques adultes différenciées, par exemple des cellules de peau.
La commission rejette l'amendement n° 1196.
Suivant l'avis défavorable du rapporteur, elle rejette successivement les amendements n° 1328 et n° 1292 de M. Thibault Bazin .
La commission adopte l'article 14 modifié.
(La réunion, suspendue à seize heures, est reprise à seize heures quinze.)
Article 15 Régulation, en recherche fondamentale, de certaines utilisations des cellules souches pluripotentes induites
La commission examine l'amendement n° 1339 de M. Thibault Bazin.
L'utilisation des cellules iPS pourra peut-être un jour représenter une alternative éthique et efficace à l'utilisation de cellules souches embryonnaires humaines, mais ce n'est pas le cas aujourd'hui. Pourquoi alors y consacrer un article ?
De surcroît, l'article 15 concerne les recherches qui ont pour objet de créer des gamètes. C'est une manipulation fort peu éthique, dont on ne sait jusqu'où elle peut nous entraîner : des personnes pourraient devenir parents sans le savoir. En outre, l'objet de ces recherches doit être mis en parallèle avec l'extension de l'accès à l'AMP. Ces recherches seraient-elles entreprises pour pallier une éventuelle pénurie de gamètes ? Ce n'est pas dans ce but qu'il faut utiliser les iPS !
Je ne reviens pas sur la définition des cellules souches pluripotentes induites, prometteuses pour l'avenir. Aucun texte n'encadre les recherches conduites dans ce domaine alors qu'elles sont aussi susceptibles, à terme, de poser des problèmes éthiques.
C'est pour cette raison que l'article propose d'appliquer un régime de déclaration auprès de l'Agence de la biomédecine, semblable à celui que nous avons voté pour les cellules souches embryonnaires. Ainsi, si des protocoles hautement sensibles étaient mis en œuvre, ils seraient encadrés. Avis défavorable.
La commission rejette l'amendement n° 1339.
Elle est saisie de l'amendement n° 724 de M. Patrick Hetzel.
Il est regrettable que l'utilisation des cellules iPS soit envisagée dans le projet de loi uniquement pour la création de gamètes artificiels, une manipulation fort peu éthique.
Les iPS constituent cependant une alternative éthique efficace aux cellules souches embryonnaires humaines. Même si nous ne partageons pas les valeurs éthiques du Japon, puisque des travaux de recherche y sont menés sur l'embryon, nous notons que des programmes de recherche publique sur les iPS sont développés. Il est regrettable que ce domaine fasse l'objet d'une attention moindre en France.
Ce que nous souhaitons, c'est un encadrement juridique de l'utilisation des iPS. Avis défavorable.
Mes interrogations sont les suivantes : faut-il avoir la même considération éthique à l'égard des cellules iPS et des cellules souches embryonnaires humaines ? Lesquelles privilégier pour quel type de recherche ? Ce n'est pas l'encadrement juridique de l'utilisation des iPS qui me pose problème – au contraire –, c'est que cette utilisation conduise à créer des gamètes. Cela m'interpelle.
La commission rejette l'amendement n° 724.
Elle est saisie des amendements n° 1206 et n° 1207 de Mme Emmanuelle Ménard.
L'article 15 me pose deux problèmes. D'abord, le régime, volontairement souple n'est que déclaratif : il n'y a pas de contrôle par l'Agence de la biomédecine ni de publication au Journal officiel.
Ensuite, les protocoles de recherche portent sur la création de gamètes, comme ceux prévus à l'article 14 à partir de cellules souches embryonnaires. Vous avez vanté la plus grande efficacité des cellules souches embryonnaires en termes de recherche. Or l'article 15 met les cellules iPS sur le même plan.
Si l'on regarde à l'étranger, on s'aperçoit qu'il y a autant de protocoles de recherche travaillant à partir des cellules iPS qu'à partir des cellules souches. S'il ne s'agit que d'une question de maîtrise de la technique, demandons conseil aux Japonais, eux qui n'utilisent que des cellules iPS ! Le problème, en France, c'est que nous ne développons pas ces recherches car nous travaillons majoritairement sur les cellules souches embryonnaires.
Nous voulons, compte tenu de la similitude des enjeux éthiques, soumettre les cellules iPS au même régime que les cellules souches embryonnaires. Avis défavorable.
Il est illusoire de vouloir remplacer les cellules souches embryonnaires par les iPS. Les unes et les autres présentent des intérêts, mais elles ne sont pas du tout similaires.
Si nous accusons un retard en matière de recherche sur les iPS, c'est que la France, qui faisait figure de précurseur il y a des décennies, a interdit pendant de longues années la recherche sur les cellules souches embryonnaires. Or la recherche sur les iPS n'a pu se développer que comparativement à la recherche menée sur les cellules souches embryonnaires.
Sur le plan éthique, ne pensez pas que les unes résoudront les problèmes posés par les autres. Je partage vos craintes concernant les débouchés procréatifs : de ce point de vue, les cellules iPS sont plus dangereuses car elles peuvent très rapidement reproduire des gamètes, ce qui aboutirait à un clonage reproductif humain.
Je bois du petit-lait ! Il est presque dommage que n'ayons pas bénéficié de ces explications à l'article précédent…
… lorsque l'on nous a indiqué que les cellules iPS n'étaient pas dignes d'intérêt. On nous explique à présent le contraire, tout en relevant leur dangerosité en matière de procréation. Il faut mesurer ce risque, et à l'aune de ce risque, se prononcer sur cet article.
La commission rejette successivement les amendements n° 1206 et n° 1207.
Elle adopte l'amendement rédactionnel n° 1515 du rapporteur.
La commission examine, en discussion commune, les amendements identiques n° 681 de M. Xavier Breton et n° 711 de M. Patrick Hetzel, ainsi que l'amendement n° 227 de M. Thibault Bazin.
La recherche pharmacologique consiste notamment à cribler des molécules, à modéliser des pathologies et à tester la toxicité des médicaments. Le fait que, dans ce domaine, les cellules souches embryonnaires humaines peuvent être remplacées par des cellules iPS, quoi que plus coûteuses, fait consensus. Dans ce cas, pourquoi ne pas les privilégier ?
La commission rejette successivement les amendements identiques n° 681 et n° 711, et l'amendement n° 227.
Elle examine les amendements identiques n° 661 de M. Xavier Breton et n° 728 de M. Patrick Hetzel.
Il est possible de créer des gamètes artificiels à partir de cellules iPS, des cellules adultes somatiques. Or la méiose naturelle est un phénomène lent et complexe. Une méiose induite pourrait introduire des remaniements génétiques anormaux, difficiles à anticiper et impossibles à vérifier si le gamète doit être utilisé en fécondation.
Il est donc essentiel de préciser qu'en aucune façon les gamètes dérivés de cellules iPS ne peuvent être fécondés ou fécondables. Notre collègue Jean-Louis Touraine vient d'ailleurs d'indiquer les perspectives sont plus importantes encore avec les iPS qu'avec les cellules souches embryonnaires humaines.
Je rappelle que la création d'embryons à des fins de recherche est interdite, y compris à partir de gamètes artificiels, que le transfert à des fins de gestation l'est également, et que nous avons fixé tout à l'heure la limite de développement de l'embryon à quatorze jours. Ces amendements me paraissent donc totalement satisfaits. Avis défavorable.
La commission rejette les amendements n° 661 et n° 728.
Elle est saisie des amendements identiques n° 686 de M. Xavier Breton et n° 727 de M. Patrick Hetzel.
Pour éviter les dérives, l'amendement vise, après l'alinéa 3, à insérer l'alinéa suivant : « I bis. – La dérivation de cellules somatiques en gamètes est interdite. »
Suivant l'avis défavorable du rapporteur, la commission rejette les amendements n° 686 et n° 727.
Elle examine les amendements identiques n° 228 de M. Thibault Bazin, n° 685 de M. Xavier Breton, n° 726 de M. Patrick Hetzel et n° 1211 de Mme Emmanuelle Ménard.
Les exemples japonais dont nous parlions tout à l'heure en témoignent, les conséquences de la production de gamètes artificiels sont vertigineuses puisqu'elle permet de créer des embryons pour la recherche, ce qui n'a jamais été autorisé en France. C'est pourquoi l'amendement n° 1211 vise à supprimer les alinéas 4 à 6.
L'adoption de ces amendements conduirait à supprimer l'encadrement des recherches sur les cellules iPS, donc à vider l'article 15 de sa substance. Avis défavorable.
La commission rejette les amendements n° 228, n° 685, n° 726 et n° 1211.
Elle examine, en discussion commune, les amendements n° 754 de M. Jean-Louis Touraine et n° 1212 de Mme Emmanuelle Ménard.
Le texte voté par le Sénat introduit des limites très strictes concernant les recherches menées sur des embryons chimériques obtenus par adjonction de cellules souches pluripotentes humaines à des embryons animaux, notamment en interdisant la naissance d'animaux chimériques et en fixant une limite au nombre de cellules humaines pouvant être introduites dans un embryon animal.
Or de telles limites brideront fortement la recherche française dans un champ innovant et particulièrement prometteur pour la thérapeutique future de maladies encore incurables. Si ces recherches doivent bien sûr être strictement encadrées, les critères fixés ne sont pas pertinents.
L'amendement n° 754 vise donc à revenir au texte voté par l'Assemblée nationale en première lecture qui prévoyait déjà d'encadrer le transfert chez la femelle d'un embryon animal auquel des cellules-souches humaines auraient été ajoutées en le soumettant à déclaration.
Cette disposition reprenait exactement la recommandation du CCNE sur ce sujet. Dans ce cadre, l'Agence de la biomédecine devrait s'opposer au protocole de recherche déclaré notamment s'il méconnaît les principes éthiques énoncés aux articles 16 à 16‑8 du code civil et au titre Ier du livre II de la première partie du code de la santé publique, parmi lesquels figure, entre autres, l'interdiction de porter atteinte à l'intégrité de l'espèce humaine.
Cette garantie est sans doute plus effective que celle renvoyant à la définition d'un degré de chimérisme à ne pas dépasser.
L'amendement n° 1212 vise à substituer aux alinéas 4 à 7 l'alinéa suivant : « II. – Les protocoles ayant pour objet la différentiation des cellules-souches pluripotentes induites en gamètes et l'agrégation de cellules-souches pluripotentes induites avec des cellules précurseures de tissus extra-embryonnaires sont interdits. »
L'amendement n° 754 étant satisfait par les amendements visant à rétablir les alinéas de l'article, j'en suggère le retrait.
S'agissant de l'amendement n° 1212, je répète qu'il est impossible d'envisager un régime juridique distinct pour les cellules souches embryonnaires et les iPS. Avis défavorable.
L'amendement n° 754 est retiré.
La commission rejette l'amendement n° 1212.
La commission examine, en discussion commune, les amendements identiques n° 683 de M. Xavier Breton et n° 712 de M. Patrick Hetzel, les amendements n° 230 de M. Thibault Bazin et n° 1209 de Mme Emmanuelle Ménard, ainsi que les amendements identiques n° 231 de M. Thibault Bazin, n° 684 de M. Xavier Breton et n° 713 de M. Patrick Hetzel.
L'alinéa 4 revient à autoriser la création de gamètes artificiels à partir de cellules iPS. Ces manipulations contournent l'interdit de créer des embryons pour la recherche. Elles doivent donc être soumises à une procédure d'autorisation, identique à celle prévue au I de l'article L. 2151‑5 du code de la santé publique.
Si j'ai bien compris les propos du rapporteur et de Jean-Louis Touraine sur le caractère dangereux des iPS et de la nécessité d'un encadrement juridique de la recherche, un régime d'autorisation serait beaucoup plus adapté qu'un régime simplement déclaratif.
Le régime déclaratif, s'il autorise une certaine souplesse, n'offre pas en termes d'éthique et de bioéthique la meilleure solution, d'autant plus que la décision n'est pas publiée au Journal officiel.
Monsieur Touraine, vous avez indiqué que l'encadrement des chimères par le Sénat briderait la recherche française dans un secteur particulièrement prometteur. C'est le même discours qui a été tenu pour nous imposer la recherche sur l'embryon. La recherche ne peut se faire à n'importe quel prix et à n'importe quel risque, surtout lorsque l'on touche à la vie humaine.
Le caractère pluripotent de ces cellules peut soulever des questions éthiques délicates, en particulier lorsque les recherches conduisent à différencier ces cellules en gamètes, à les agréger avec des cellules précurseures de tissus extra-embryonnaires de manière à constituer des organismes dont la structure se rapproche de celle d'un embryon ou à les insérer dans un embryon. Un régime d'autorisation traduirait une plus grande vigilance vis-à-vis du respect de nos principes éthiques.
La rhétorique de la majorité vise à nous rassurer : tout cela serait sous contrôle. Or chaque fois que nous questionnons le déplacement du régime d'autorisation au régime de déclaration, les arguments qui nous sont opposés sont de l'ordre de la technique, jamais de l'éthique. Disposons-nous des bons garde-fous pour éviter les dérives ? Quelles garanties pouvez-vous nous donner pour nous convaincre que nous ne penchons pas vers un moins-disant éthique et que l'équilibre des lois de bioéthique ne sera pas bouleversé par ce texte ?
Vous souhaitez que les recherches sur les iPS soient désormais soumises à un régime d'autorisation, différent de celui adopté pour les recherches sur les cellules souches embryonnaires humaines. Cela signifierait leur mort. Avis défavorable.
Si nous révisons tous les cinq ans les lois de bioéthique, c'est précisément pour éviter de donner un blanc-seing aux recherches. Il convient de les encadrer, tout en leur permettant de poursuivre dans un sens bienfaisant et dans le respect des invariants éthiques, un état d'esprit qui anime les équipes.
L'article 15 tend à encadrer la recherche sur les iPS, domaine où les incertitudes sont encore grandes. Le caractère pluripotent de ces cellules, leur différenciation possible en cellules germinales, induisent une réflexion éthique, compte tenu des dérives eugéniques ou transhumanistes constatées à Hong-Kong, notamment.
Les premières lois de bioéthique ont mis de l'ordre dans un système qui, s'il n'était pas véritablement transgressif, reposait sur la confiance accordée à l'ensemble des professionnels, notamment aux médecins et aux chercheurs.
Cependant, les progrès ont mis en exergue certains risques. Les premières lois de bioéthique ont donc interdit à peu près tout dans le domaine des transplantations, de la recherche sur les cellules souches, de l'AMP. Depuis, chacune des révisions donne l'occasion de rouvrir quelques portes.
S'agissant de la recherche sur les cellules souches embryonnaires ou sur les iPS, je ne connais pas de pays qui soit soumis à un cadre aussi strict et qui offre de meilleures garanties en matière d'éthique que le nôtre.
Rappelons cependant qu'en matière de recherche, on ne sait jamais au départ ce que l'on va trouver. Il est juste impossible de tout soumettre à des autorisations et à un encadrement car le résultat ne peut être prévu à l'avance. Il convient simplement de s'assurer que les moyens utilisés soient éthiques, dans un cadre soumis à un contrôle.
La commission rejette successivement les amendements identiques n° 683 et n° 712, les amendements n° 230 et n° 1209, et les amendements identiques n° 231, n° 684 et n° 713.
Elle examine l'amendement n° 1214 de Mme Emmanuelle Ménard.
L'agrégation de cellules souches avec des cellules précurseures de tissus extra-embryonnaires permet la création d'un ensemble qui ressemble à un embryon. Puisqu'un embryon humain ne peut être utilisé à des fins commerciales ou industrielles en application de l'article L. 2141‑8 du code de la santé publique, il devrait en être de même pour ces cellules souches. Il convient donc de faire référence à cette interdiction à l'alinéa 19.
Les chercheurs sont désormais capables de développer des organoïdes, également appelés gastruloïdes – morceaux d'intestins, de poumons, etc. – qui semblent prometteurs pour comprendre les dysfonctionnements qui entraînent des mutations dans les pathologies génétiques. Ces gastruloïdes pourraient constituer un outil précieux en pharmacologie – je sais que le terme heurte vos oreilles –, et permettre un développement harmonieux des organes dans le futur.
La création d'embryons pour la recherche est interdite, mais les gastruloïdes ne sont pas des embryons. Mon avis sera donc défavorable.
La commission rejette l'amendement n° 1214.
Elle est saisie des amendements identiques n° 799 de M. Xavier Breton et n° 800 de M. Patrick Hetzel.
Il s'agit de modifier la rédaction des alinéas 5 et 6 en précisant, d'une part, que la pertinence scientifique de la recherche doit être établie et, d'autre part, que la recherche, fondamentale ou appliquée, doit s'inscrire dans une finalité médicale. C'est d'ailleurs ce que vous indiquiez il y a quelques instants, monsieur le rapporteur.
Suivant l'avis défavorable du rapporteur, la commission rejette les amendements n° 799 et n° 800.
Suivant l'avis défavorable du rapporteur, elle rejette l'amendement n° 1213 de Mme Emmanuelle Ménard.
La commission est saisie de l'amendement n° 1516 du rapporteur.
En séance publique, le Sénat a adopté un amendement visant à préciser que les gamètes dérivés de cellules iPS ne peuvent servir à féconder un autre gamète, issu du même procédé ou obtenu par don. Cette précision est redondante puisqu'en l'état actuel du droit, la création d'embryon à des fins de recherche est déjà interdite.
La commission adopte l'amendement n° 1516.
Elle examine l'amendement n° 1517 du rapporteur.
En cohérence avec mon amendement n° 1513 à l'article 14 qui procédait au même rétablissement pour les recherches sur les cellules souches embryonnaires, cet amendement vise à rétablir l'alinéa 7 afin que les protocoles de recherche conduits sur des cellules iPS ayant pour objet leur insertion dans un embryon animal avant son transfert chez la femelle soient soumis à déclaration auprès de l'Agence de la biomédecine.
Le Sénat, qui estime que les travaux portant sur l'adjonction de cellules humaines dans un embryon animal constituent une ligne rouge à ne pas franchir, a supprimé cet alinéa ; pour la même raison, il a modifié l'article 14 et supprimé l'article 17.
De telles modifications conduisent à déséquilibrer l'architecture du projet de loi et reviennent à maintenir l'état actuel du droit. Ce faisant, le texte adopté par le Sénat n'interdit pas formellement les recherches impliquant les chimères animal-homme. Pire, en retirant celles-ci du dispositif de contrôle renforcé applicable aux recherches sensibles, le texte fait l'impasse sur tout mécanisme de régulation. Cette rédaction est donc totalement contre-productive.
En outre, les travaux portant sur l'adjonction de cellules humaines dans un embryon animal présentent un intérêt particulier pour la recherche fondamentale. C'est pourquoi je souhaite rétablir l'alinéa 7 dans sa rédaction adoptée par notre assemblée en première lecture.
Nous sommes en total désaccord sur ce point. Nous l'avons déjà exprimé à l'article 14, et nous l'évoquerons à l'article 17. Votre amendement prévoit un régime encadrant les protocoles de recherche conduits sur les cellules iPS – cellules humaines – ayant pour objet « leur insertion dans un embryon animal dans le but de son transfert chez la femelle ». Vous parlez d'architecture équilibrée. Je comprends la stratégie en termes de recherche, mais j'ai du mal à saisir à quoi cela correspond en termes de réflexion éthique !
On ne peut que souscrire à l'encadrement de l'utilisation des cellules iPS ! Mais pour quelles finalités ? Avec quels moyens ? À l'alinéa 5, vous prévoyez la différenciation de cellules iPS en gamètes : on est dans le transgénique. Je ne suis pas sûr que ce soit une bonne chose. À l'alinéa 7, vous autorisez leur insertion dans un embryon animal dans le but de son transfert chez la femelle : on est dans le chimérique. Certes, cela peut être intéressant pour la recherche, mais est-ce éthique ? N'y a-t-il pas plus de risques que d'avantages ? On peut réguler l'utilisation des iPS selon les finalités tout en interdisant ce qui ne semble pas éthique. Or l'alinéa 7, que vous rétablissez, n'est pas éthique.
Vos propos, monsieur le rapporteur, sont paradoxaux. Vous avez commencé par souligner que le Sénat estimait que la création de toute forme de chimères est une ligne rouge qu'il ne faut pas franchir, puis vous avez ajouté que vous considériez qu'il fallait pouvoir franchir cette ligne rouge du fait de l'intérêt pour la recherche. Votre rédaction est donc un moins-disant éthique : vous autorisez l'insertion de cellules humaines dans des cellules animales, puis l'implantation de ces cellules dans la femelle. Il s'agit de chimères !
Pourquoi acceptez-vous que cette ligne rouge soit franchie ? Vous évoquez des potentialités importantes, mais ce n'est pas suffisant !
Selon vous, dans certains cas, ce serait « le seul moyen ». Mais, peu importe, nous ne voulons pas de ce mélange de cellules humaines et animales ! Les Français aspirent à plus d'écologie – ils l'ont exprimé ce week-end dans les urnes – et rejettent ce type de projets.
En l'espèce, les Français ne savent rien de nos débats. Mais s'ils mangent bio et cherchent à s'habiller avec du coton respectueux de l'environnement, il est inutile de préciser qu'ils ne veulent pas de ces bricolages et de ces mélanges entre humains et animaux !
Tout le monde connaît le diabète de type 1 et les dégâts qu'il entraîne s'il n'est pas équilibré. Ce type de modèles expérimentaux – je le répète, il s'agit de modèles expérimentaux – permet de reconstituer un pancréas humain chez la souris, pour étudier les défauts de ce pancréas et les complications qu'ils peuvent entraîner. Il ne s'agit donc pas de satisfaire des intérêts privés, mais d'un enjeu médical. Je pourrais multiplier les exemples, mais je n'ai pas le temps.
La commission adopte l'amendement n° 1517.
Elle est saisie des amendements identiques n° 682 de M. Xavier Breton et n° 725 de M. Patrick Hetzel.
En se concentrant sur la recherche sur l'embryon et les cellules souches embryonnaires, la France a pris un gros retard en matière de recherche sur les cellules iPS. Plusieurs essais cliniques sont en cours dans le monde sur la dégénérescence maculaire liée à l'âge (DMLA), la maladie de Parkinson, les lésions de moelle épinière, la maladie d'Alzheimer etc. Nous proposons que l'Agence de la biomédecine remette un rapport annuel au Parlement sur l'avancée des travaux français sur les cellules iPS. Cela permettra de faire le point sur les recherches et d'évaluer les efforts à consentir pour rattraper notre retard.
Votre intention est louable mais elle est déjà satisfaite par l'article L. 1418-1 du code de la santé publique, qui dispose que l'Agence de la biomédecine assure « une information permanente du Parlement et du Gouvernement sur le développement des connaissances et des techniques pour les activités relevant de sa compétence et (…) leur propose les orientations et mesures qu'elles appellent ».
La commission rejette les amendements n° 682 et n° 725.
Elle examine, en discussion commune, les amendements n° 1518 du rapporteur et n° 1216 de Mme Emmanuelle Ménard.
L'amendement n° 1518 vise à rétablir le texte adopté par l'Assemblée nationale en première lecture à l'alinéa 15 concernant les peines d'emprisonnement et les amendes encourues. Déjà très lourdes, elles ont encore été aggravées par le Sénat.
À l'opposé du rapporteur, je propose de passer de quatre ans d'emprisonnement et 60 000 euros d'amende à sept ans et 10 000 euros.
Si je le pouvais, je sous-amenderais l'amendement de Mme Ménard pour passer à 100 000 euros ! Mais je ne veux pas ennuyer les services qui ont déjà fort à faire. Nos conditions de travail sont déplorables – ils n'y sont pour rien.
Je ne comprends pas pourquoi vous voulez fixer les sanctions à deux ans d'emprisonnement et 30 000 euros d'amende. On parle tout de même de punir le non-respect de l'interdiction de recherche sur des cellules souches embryonnaires !
Je préférerais aussi que nous en restions à la rédaction du Sénat. Monsieur le rapporteur, nous nous rejoignons sur un point : vous avez parfaitement conscience de l'importance de la coercition lorsque des lignes rouges sont franchies. Il est donc surprenant que vous ne repreniez pas les mêmes arguments quand nous faisons des remarques similaires concernant les déclarations simples et les autorisations. Le système ne se régule jamais seul ; c'est le rôle du législateur de l'encadrer.
J'en ai discuté avec les scientifiques, deux ans de prison sont suffisamment dissuasifs. Je ne vous ferai pas l'injure de vous rappeler l'étude que nous avons menée sur le sujet, mais 30 000 euros d'amende peuvent représenter un an de salaire !
La commission adopte l'amendement n° 1518.
En conséquence, l'amendement n° 1216 tombe.
Suivant l'avis défavorable du rapporteur, la commission rejette l'amendement n° 232 de M. Thibault Bazin.
Elle adopte ensuite l'article 15 modifié.
Article 16 Limite de conservation des embryons proposés à la recherche et non inclus dans un protocole après cinq ans
La commission examine les amendements n° 233 de M. Thibault Bazin, n° 688 de M. Xavier Breton et n° 729 de M. Patrick Hetzel.
Cet amendement de suppression vise à mettre fin à la conservation des embryons humains qui ne font plus l'objet d'un projet parental et sont proposés par les couples concernés à la recherche.
Comme pour les précédents, je me permets de présenter brièvement l'article 16.
Il vise d'abord à modifier l'article L. 2141-4 du code de la santé publique qui régit les conditions de conservation des embryons surnuméraires conçus en vue d'une PMA : il tire les conséquences de l'extension de l'AMP aux couples de femmes et aux femmes seules ; il précise les conditions dans lesquelles le consentement à la poursuite du projet parental est recueilli avec une consultation annuelle, ainsi que les conditions dans lesquelles d'autres finalités peuvent être assignées aux embryons lorsqu'il n'y a plus de projet parental – accueil par un autre couple ou une autre femme, don à la recherche ou fin de la conservation ; il ajoute qu'il est mis fin à l'arrêt de la conservation des embryons confiés à la recherche sans avoir été inclus dans un protocole au bout de dix ans, sur proposition de la rapporteure au Sénat, alors que le texte issu de la première lecture à l'Assemblée nationale prévoyait cinq ans. Ces dispositions s'appliquent aux embryons confiés à la recherche avant et après la promulgation de la loi.
L'article 16 est donc l'une des pierres de l'édifice général de la loi et de l'extension de l'AMP. En outre, il fait l'objet d'un consensus entre les deux chambres. Je propose d'adopter la version votée par le Sénat en première lecture sans modification. J'émettrai donc un avis défavorable aux amendements de suppression et de déconstruction de cet article.
La commission rejette les amendements n° 233, n° 688 et n° 729.
Elle est saisie des amendements identiques n° 931 de M. Xavier Breton et n° 934 de M. Patrick Hetzel.
En cohérence avec notre hostilité à la PMA sans père, l'amendement n° 934 vise à supprimer les mots qui y font référence.
La commission rejette les amendements n° 931 et n° 934.
La commission est saisie de l'amendement n° 1340 de M. Thibault Bazin.
Comment s'articulent les différents dispositifs prévus dans le projet de loi ? L'article 1er élargit les possibilités de recours à l'AMP. On peut donc en déduire qu'à l'avenir, les procréations médicalement assistées vont augmenter, entraînant une hausse du stock d'embryons surnuméraires. Certes, la maîtrise est possible, avec la vitrification par exemple, mais cette solution n'a pas vraiment été retenue.
Vous allez me dire que c'est de la fiction, mais cela peut arriver en séance : si nous n'adoptions pas l'article 1er ni l'article 2 – notamment la levée de l'anonymat –, aurait-on encore besoin de l'article 16 ? Je crains la réification de l'embryon.
Actuellement, le champ des recherches est limité à celles prévues par l'article L. 2151-5 pour l'embryon et aux recherches impliquant la personne pour les cellules dérivées de l'embryon lorsqu'elles entrent dans la préparation d'une thérapie cellulaire à des fins exclusivement thérapeutiques.
Les recherches pourront désormais également concerner les médicaments de thérapie innovante. Cette extension participe de la mise en conformité de notre droit avec la réglementation européenne relative aux médicaments de thérapie innovante (MTI). En l'espèce, lorsqu'elles subissent des manipulations dites substantielles, les cellules souches dérivées des embryons ne doivent pas relever du régime des préparations.
Les recherches ne concerneront donc pas l'embryon, qui sera implanté directement, mais la préparation de médicaments. Je suis défavorable à l'amendement.
La commission rejette l'amendement n° 1340.
Elle est saisie des amendements identiques n° 689 de M. Xavier Breton et n° 730 de M. Patrick Hetzel.
L'alinéa 5 prévoit que, lorsqu'il n'y a plus de projet parental, les embryons peuvent être donnés à la recherche. Le couple accepte alors que son embryon soit détruit pour la recherche, dans le cadre d'un protocole autorisé. Mais ce même alinéa prévoit également que l'embryon humain peut être utilisé dans le cadre de recherches biomédicales en AMP. Or ce régime de recherche prévoit la manipulation des gamètes ou de l'embryon humain, avant ou après son transfert à des fins de gestation. Le transfert de l'embryon est la finalité de ce régime de recherche. Dans ce cadre, il ne peut y avoir de destruction d'embryon humain. Il y a là une contradiction majeure. S'il y a abandon du projet parental, il ne peut y avoir de recherche biomédicale en AMP sur l'embryon humain concerné puisqu'il n'est pas voué à être implanté.
La problématique est la même que celle de l'amendement précédent. Mon avis reste défavorable.
La commission rejette les amendements n° 689 et n° 730.
Elle examine l'amendement n° 234 de M. Thibault Bazin.
L'amendement vise à compléter l'alinéa 5 par les mots : « et sans utilisation à des fins commerciales ». Il convient d'être prudent et d'éviter les dérives qui pourraient avoir lieu et ont déjà eu lieu dans d'autres pays ne respectant pas les mêmes principes qui font l'honneur de la France.
Votre intention est satisfaite. Ces principes sont prévus par le code civil et rappelés par le code de la santé publique. Avis défavorable.
Quels sont ces principes, monsieur le rapporteur, afin que nous soyons totalement rassurés ?
La commission rejette l'amendement n° 234.
Elle est saisie des amendements identiques n° 235 de M. Thibault Bazin, n° 690 de M. Xavier Breton et n° 731 de M. Patrick Hetzel.
Il est important que l'Agence de la biomédecine soit assurée que le couple géniteur a bien reçu l'information nécessaire et a donné son consentement libre et éclairé, avant destruction de leur embryon. L'amendement n° 235 vise donc à compléter l'alinéa 5 par la phrase suivante : « le consentement est joint au protocole de recherche autorisé par l'Agence de la biomédecine ».
Je souhaiterais que le rapporteur puisse nous répondre, et nous rassurer, sur les principes interdisant une utilisation à des fins commerciales. Nous aurons l'occasion d'y revenir en séance.
Les conditions ont déjà été fixées par l'article 14 que notre commission a adopté. Pour rappel, la vérification opérée par l'Agence de la biomédecine, aujourd'hui circonscrite à la validité du protocole de recherche au regard des critères scientifiques et éthiques, est étendue aux conditions dans lesquelles l'embryon est transféré à la recherche.
Cette précision, portée à l'article 14, vise à clarifier les responsabilités respectives des centres d'AMP et de l'Agence de la biomédecine. La responsabilité de la vérification effective des consentements incombe en effet aux premiers. Lors de l'autorisation de la recherche, l'Agence doit par contre s'assurer des conditions dans lesquelles les consentements sont ou seront obtenus – notamment au travers de formulaires types.
La commission rejette les amendements n° 235, n° 690 et n° 731.
Elle examine, en discussion commune, l'amendement n° 813 de M. Thibault Bazin et les amendements identiques n° 443 de M. Xavier Breton et n° 459 de M. Patrick Hetzel.
Je vous rassure, madame la présidente, il s'agit simplement de préciser que le consentement doit être recueilli par écrit.
Je suis favorable à l'amendement n° 813 de M. Bazin. Je vous remercie de bien vouloir retirer les deux autres.
La commission adopte l'amendement n° 813.
En conséquence, les amendements n° 443 et n° 459 tombent.
La commission est saisie des amendements identiques n° 236 de M. Thibault Bazin, n° 691 de M. Xavier Breton et n° 732 de M. Patrick Hetzel.
Nous complétons simplement l'alinéa 8 par deux phrases : « Si le consentement écrit et préalable du couple géniteur ne figure pas dans le protocole de recherche, celle-ci ne peut être menée. Il est alors mis fin à la conservation de ces embryons humains. » Il s'agit de s'assurer du bon déroulement de la procédure.
Monsieur Hetzel, je comprends que vous soyez jaloux de M. Bazin, mais la ficelle est un peu grosse… Avis défavorable.
La commission rejette les amendements n° 236, n° 691 et n° 732.
Elle est saisie des amendements identiques n° 444 de M. Xavier Breton et n° 460 de M. Patrick Hetzel.
Les alinéas 9 et 10 reviennent à rouvrir la voie à l'AMP post mortem, dangereuse. C'est pourquoi nous proposons leur suppression.
Le risque de développement de PMA post mortem n'est pas négligeable. Certains d'entre nous considèrent que faire naître un enfant alors que son père est décédé peut créer des problèmes.
Il ne s'agit pas de PMA post mortem. Ces alinéas prévoient que les deux membres d'un couple en procédure d'AMP envisagent ensemble le devenir de leurs embryons dans l'éventualité où l'un d'eux viendrait à décéder. C'est juste du bon sens.
La commission rejette les amendements n° 444 et n° 460.
Elle examine, en discussion commune, les amendements n° 623, n° 622, n° 621 et n° 620 de Mme Agnès Thill.
Je vais tenter l'argument rédactionnel : il s'agit de substituer aux mots « cinq ans », respectivement les mots « quatre ans », « trois ans », « deux ans » ou « un an », s'agissant du délai de conservation des embryons avant destruction.
Suivant l'avis défavorable du rapporteur, la commission rejette successivement les amendements n° 623, n° 622, n° 621 et n° 620.
Elle est saisie des amendements identiques n° 238 de M. Thibault Bazin, n° 692 de M. Xavier Breton et n° 733 de M. Patrick Hetzel.
Il s'agit de réaffirmer un objectif de diminution du nombre d'embryons humains conservés. Celui-ci n'a cessé d'augmenter depuis 2011 (+20 %) alors que le nombre d'enfants nés par AMP est demeuré stable. La loi de bioéthique de 2011 prévoyait pourtant de limiter le nombre d'embryons humains conservés, notamment grâce à la technique de congélation ultrarapide des ovocytes.
Je propose d'insérer après l'alinéa 14 un alinéa ainsi rédigé : « Chaque année, l'Agence de la biomédecine rend publics les actions qu'elle a entreprises et les résultats qu'elle a obtenus pour limiter le nombre des embryons humains conservés. »
Notre pays compte 230 000 embryons humains congelés. En Allemagne, ce chiffre est proche de zéro. Bien entendu, le procès de Nuremberg a influencé le cadre juridique allemand, avec l'interdiction formelle de procéder à des recherches sur l'embryon et la limitation drastique de la conservation d'embryons humains. Mais l'écart entre nos deux pays est abyssal. Pour des raisons éthiques et de respect de la vie, il serait souhaitable que nous progressions.
L'Agence de la biomédecine a déjà pour mission légale d'assurer le suivi de l'application de la loi et elle s'acquitte de cette mission dans le cadre d'un rapport annuel d'activité, ainsi que par l'intermédiaire de son rapport médical et scientifique qui établit tous les ans un état complet de l'activité d'AMP. Votre demande est donc satisfaite.
La commission rejette les amendements n° 238, n° 692 et n° 733.
Elle est saisie des amendements identiques n° 269 de M. Thibault Bazin, n° 445 de M. Xavier Breton et n° 461 de M. Patrick Hetzel.
Certes, l'agence fait un rapport, mais les résultats ne sont pas là. Nous n'avons ni limité la production d'embryons humains congelés ni diminué le stock, bien au contraire. La rédaction actuelle de la loi ayant montré ses insuffisances, nous proposons de compléter l'alinéa 16 par la phrase suivante : « Chaque année l'Agence de la biomédecine rend publics les actions qu'elle a entreprises et les résultats qu'elle a obtenus pour limiter le nombre des embryons conservés. »
La commission rejette les amendements n° 269, n° 445 et n° 461.
Elle examine l'amendement n° 237 de M. Thibault Bazin.
Cet amendement, que certains collègues ont accepté de cosigner, me tient à cœur. Il vise à préciser que le décret prévoit la mise en place d'une procédure commune pour la fin de la conservation des embryons, comme une incinération digne.
En fonction des centres, les pratiques sont très différentes. Or ce que nous brûlons n'est pas banal. Certaines bonnes pratiques, respectueuses, devraient être généralisées. Je suis prêt à retravailler l'amendement d'ici la séance.
Les praticiens qui manipulent les embryons sont formés et conscients du respect avec lequel il convient de traiter ce matériau humain particulier. Votre intention est d'ores et déjà satisfaite par la pratique ; une telle précision n'a pas sa place dans cet article.
Des dispositions doivent encadrer la fin de la conservation des embryons. Sans mettre en doute le savoir-faire ni la sensibilité des professionnels, des procédures communes au niveau national garantiraient un minimum de dignité.
Peut-être faut-il revoir la rédaction de cet amendement, mais le rapporteur ne peut se contenter de nous renvoyer à la pratique. Nous devons apporter des réponses aux personnes qui doivent assumer la destruction d'embryons surnuméraires.
Étant membre du Comité consultatif national d'éthique, je tiens à préciser que la notion de « potentiellement humain » a été élaborée en 1986. Elle a évolué depuis.
La commission rejette l'amendement n° 237.
Elle adopte l'article 16 modifié.
Chapitre II Favoriser une recherche responsable en lien avec la médecine génomique
Avant l'article 17
La commission est saisie des amendements identiques n° 869 de M. Xavier Breton et n° 892 de M. Patrick Hetzel.
Monsieur Delatte, la notion de « potentiellement humain » ne dépend pas des évolutions techniques, elle tient au regard que notre société porte sur l'embryon, qui n'a pas fondamentalement changé depuis 1986. On ne peut pas considérer qu'un avis rendu par le CCNE il y a trente-quatre ans est archaïque, alors qu'il porte sur un sujet qui intéresse l'humanité depuis des siècles, voire des millénaires.
Nous proposons la suppression du titre du chapitre II : « Favoriser une recherche responsable en lien avec la médecine génomique ». Qui peut imaginer favoriser une recherche irresponsable en lien avec la médecine génomique ? C'est évidemment absurde, il s'agit de marketing de la part du Gouvernement. Revenons à plus de modestie. Nos prédécesseurs ne se sont jamais aventurés à de telles pratiques, aux antipodes de nos principes éthiques.
Ce titre a convenu en première lecture, il a convenu au Sénat, et il me convient. Avis défavorable.
La commission rejette les amendements n° 869 et n° 892.
Article 17 (supprimé) Utilisation des outils de modification ciblée du génome en recherche fondamentale
La commission examine, en discussion commune, l'amendement n° 1519 du rapporteur, faisant l'objet du sous-amendement n° 1771 de M. Thibault Bazin, des sous-amendements identiques n° 1654 de M. Thibault Bazin, n° 1772 de M. Xavier Breton, n° 1783 de M. Patrick Hetzel et n° 1810 de Mme Emmanuelle Ménard, des sous-amendements identiques n° 1773 de M. Xavier Breton et n° 1784 de M. Patrick Hetzel, des sous-amendements identiques n° 1795 de M. Xavier Breton et n° 1796 de M. Patrick Hetzel, des sous-amendements n° 1655 de M. Thibault Bazin et n° 1809 de Mme Emmanuelle Ménard,, des sous-amendements identiques n° 1656 de M. Thibault Bazin, n° 1774 de M. Xavier Breton et n° 1785 de M. Patrick Hetzel, des sous-amendements identiques n° 1657 de M. Thibault Bazin, n° 1775 de M. Xavier Breton et n° 1786 de M. Patrick Hetzel, des sous-amendements identiques n° 1658 de M. Thibault Bazin, n° 1777 de M. Xavier Breton et n° 1788 de M. Patrick Hetzel, des sous-amendements identiques n° 1659 de M. Thibault Bazin, n° 1778 de M. Xavier Breton et n° 1789 de M. Patrick Hetzel, des sous-amendements identiques n° 1660 de M. Thibault Bazin, n° 1779 de M. Xavier Breton et n° 1790 de M. Patrick Hetzel, des sous-amendements identiques n° 1780 de M. Xavier Breton et n° 1791 de M. Patrick Hetzel, du sous-amendement n° 1808 de Mme Emmanuelle Ménard, des sous-amendements identiques n° 1661 de M. Thibault Bazin, n° 1776 de M. Xavier Breton et n° 1787 de M. Patrick Hetzel, des sous-amendements identiques n° 1662 de M. Thibault Bazin, n° 1781 de M. Xavier Breton, n° 1792 de M. Patrick Hetzel et n° 1807 de Mme Emmanuelle Ménard, du sous-amendement n° 1663 de M. Thibault Bazin, des sous-amendements identiques n° 1664 de M. Thibault Bazin, n° 1782 de M. Xavier Breton et n° 1793 de M. Patrick Hetzel et du sous-amendement n° 1665 de M. Thibault Bazin, ainsi que des amendements n° 1356, n° 1395, n° 1360 et n° 1345 de Mme Emmanuelle Ménard.
Le dispositif d'encadrement des recherches a été totalement déséquilibré par le Sénat, qui a supprimé l'article 17 en séance publique sans considérer les modifications apportées par sa commission spéciale.
Cette suppression remet en question la possibilité de recourir aux techniques de modification ciblée du génome des embryons humains faisant l'objet d'une recherche, par exemple CRISPR-Cas9.
S'agissant des chimères, la suppression de l'article maintient le flou entourant les recherches sur l'adjonction de cellules humaines à des embryons animaux, sans les interdire formellement. Ce flou est constaté par l'étude du Conseil d'État et le rapport de la mission d'information sur la révision de la loi relative à la bioéthique. L'article 17 prenait en compte ces conclusions convergentes et sécurisait les recherches portant sur l'embryon animal, tout en maintenant l'interdit portant sur les chimères humain-animal.
En maintenant l'état du droit, le Sénat n'interdit pas formellement les recherches impliquant les chimères animal-homme. Pire, en les excluant du dispositif de contrôle renforcé applicable aux recherches sensibles, le texte fait l'impasse sur tout mécanisme de régulation.
Enfin, la suppression de l'article 17 maintient les restrictions de finalités opposables aux recherches portant sur les maladies, alors que le projet de loi alignait la rédaction du quatrième alinéa de l'article 16-4 du code civil sur les stipulations de la convention d'Oviedo.
C'est pourquoi l'amendement n° 1519 rétablit l'article 17 dans la rédaction adoptée par l'Assemblée nationale.
Nous abordons une première série de sous-amendements à l'amendement no 1519, qui portent sur la création de chimères.
Oui, monsieur le rapporteur, il faut légiférer pour régler un imbroglio – le ministère de la recherche autorise des recherches prohibées par le code de la santé publique –, mais le statu quo proposé par le Sénat n'est pas satisfaisant.
Plutôt que de rétablir la version antérieure de l'article 17, je propose avec le sous-amendement n° 1771 de compléter l'article L. 2151-2 du code de la santé publique comme suit : « La création d'embryons génétiquement modifiés est interdite. La modification d'un embryon humain par adjonction de cellules provenant de l'espèce animale est interdite. La modification d'un embryon animal pour adjonction de cellules provenant de l'espèce humaine est interdite. »
L'alinéa 2 de l'article L. 2151-2 dispose : « La création d'embryons transgéniques ou chimériques est interdite. » La rédaction proposée par le rapporteur remplace cette phrase par : « La modification d'un embryon humain par adjonction de cellules provenant d'autres espèces est interdite. » Cette substitution signifie que les chercheurs pourront créer en laboratoire des embryons transgéniques et chimériques.
Pourquoi lever l'interdit fondateur de la bioéthique qui exclut la création d'embryons transgéniques ? Selon le Conseil d'État, l'interdiction de créer des embryons transgéniques se heurte désormais à l'évolution des techniques. Sommes-nous face à une dérive ? Le rapporteur nous apprend que la technique CRISPR-Cas9 est déjà frappée d'obsolescence, et que nous allons plus loin.
C'est pourquoi je propose, par le sous-amendement n° 1654, de supprimer la rédaction de l'alinéa 2 de l'article L. 2151-2 proposée par le rapporteur.
Le sous-amendement n° 1810 est identique. La rédaction proposée par le rapporteur permettrait de modifier un embryon animal par l'adjonction de cellules humaines, créant une chimère animal-homme. Cette manipulation brouille la frontière entre l'espèce humaine et l'espèce animale et pose la question de la manipulation du vivant, voire de l'apparition d'une conscience humaine chez l'animal. Vous souriez, chers collègues, mais ce risque a été identifié par le Conseil d'État dans le rapport rédigé à l'occasion de ce projet de loi de bioéthique.
Le remplacement de l'alinéa 2 de l'article L. 2151-2 fait disparaître l'interdiction de créer des embryons transgéniques. Je propose, par le sous-amendement n° 1784 identique, de compléter l'article, sans supprimer les dispositions existantes, afin qu'il s'applique aux embryons et chimériques et transgéniques.
Le sous-amendement n° 1795 propose d'ajouter un troisième alinéa à l'article L. 2151-2 : « La création d'embryons transgéniques ou chimériques est interdite. La modification d'un embryon humain par l'insertion de cellules provenant d'autres espèces ou par l'intégration dans des cellules venant d'autres espèces est strictement interdite. »
Le sous-amendement n° 1796 est identique. La rédaction proposée par le rapporteur exclut toute possibilité d'augmenter l'embryon humain de cellules animales, mais rien n'est prévu concernant l'augmentation de cellules animales par l'embryon humain. Aucune création de chimère ne doit être autorisée.
Reconnaissons-le, la rédaction de l'article 17 a le mérite de maintenir l'interdiction de l'adjonction de cellules animales dans l'embryon humain, donc la création de chimères homme-animal.
Mais il est difficile de mesurer les effets conjugués des articles 14, 15 et 17. Jusqu'où sera-t-il possible d'aller ? Les frontières entre espèces risquent-elles d'être franchies ?
Les contradictions existant entre les deux codes imposent de légiférer, mais quelles barrières devons-nous poser ? J'estime que celles qui sont proposées sont bonnes, mais doivent être complétées. C'est le sens du sous-amendement n° 1655.
Vous avez souri lors de ma précédente intervention ; que des animaux puissent naître avec des gènes humains n'a pourtant rien d'amusant. Une étude publiée dans la revue Science du 22 juin 2020 révèle qu'une équipe germano-japonaise a introduit un gène humain dans le cerveau de ouistitis, pour tenter de comprendre les évolutions distinctes des lignées de l'homme et du singe.
Trois évolutions majeures dans le développement cérébral des embryons de singes ont été constatées. Le cortex s'est étendu, avec des néocortex plus grands et plus repliés. Or le néocortex est une zone plus développée chez les humains que chez les primates, responsable des capacités cognitives complexes telles que le langage ou le raisonnement.
Les embryons n'ont pas été menés à terme. L'un des chercheurs allemands a déclaré qu'il aurait été totalement irresponsable de faire naître ces ouistitis, car nous ne connaissons pas les changements comportementaux induits par la modification du néocortex.
Ce type de manipulations soulève des inquiétudes, y compris dans le monde scientifique, et doit être envisagé avec la plus grande prudence. Nous souhaitons les interdire, c'est le sens du sous-amendement n° 1809.
Le sous-amendement n° 1774 est identique. L'article 17 interdit uniquement l'ajout de cellules d'autres espèces à un embryon humain. Un embryon chimérique pourrait être fabriqué par fécondation d'un gamète humain et d'un gamète animal. De même, des cellules iPS ou des cellules souches embryonnaires pourraient être introduites dans un ovocyte animal, ou ajoutées à un embryon animal.
Pour que ces adjonctions restent interdites, je propose de compléter l'alinéa 3 de l'article 17 par la phrase suivante : « De même, l'adjonction de cellules pluripotentes humaines d'origine embryonnaire ou de souches pluripotentes induites à un embryon animal et l'introduction de matériel génétique d'une cellule humaine, somatique ou embryonnaire dans un ovocyte animal sont interdites. »
Le sous-amendement n° 1785 est identique. La bioéthique suscite plus d'interrogations qu'elle n'offre de réponses, mais le rôle du législateur est d'arbitrer et de prendre des décisions.
Le franchissement des barrières entre les espèces, entre l'humain et l'animal, fait courir des risques. Lorsque nous débattons des organismes génétiquement modifiés dans le monde végétal, nous sommes extrêmement prudents. Nous devrions procéder de même s'agissant de l'humain. Car s'il est un domaine dans lequel le principe de précaution devrait s'appliquer, c'est bien celui-ci !
Le mutisme de la majorité m'inquiète, vous ne semblez pas souhaiter un vrai débat à ce sujet. Comment réagirait l'opinion publique si elle comprenait que nous allons faire avec l'homme ce dont nos concitoyens ne veulent pas pour le règne végétal ? C'est aussi au nom de la recherche, pour nourrir la planète, que certains proposent de créer des OGM.
La rédaction que je propose explicite que la modification d'un embryon humain par adjonction de cellules provenant d'autres espèces est interdite.
Les recherches sur l'adjonction de cellules humaines à des embryons d'animaux, quant à elles, existent partout dans le monde. En plus des publications citées par Jean-François Eliaou, prenons l'exemple du développement de cœurs humains dans des modèles porcins, pour compenser le manque de greffons. Nous y travaillons depuis des années.
Ces expérimentations, qui présentent un grand intérêt pour la recherche, sont menées dans un flou juridique rappelé par le Conseil d'État et la mission d'information sur la loi relative à la bioéthique. La rédaction de l'article 17 sécurise les recherches effectuées dans un cadre in vitro impliquant une modification du génome. L'édition du génome, c'est-à-dire les techniques permettant de modifier une lettre de notre génome à un endroit déterminé, présente un intérêt scientifique majeur. Un consensus international semble se dessiner afin d'interdire, en l'état actuel des connaissances scientifiques, toute édition du génome d'un embryon suivie de son transfert dans l'utérus. Si l'on peut regretter que des expérimentations malheureuses aient été tentées en Chine, leur auteur est maintenant en prison et a perdu son laboratoire.
Toutefois, l'édition du génome portant sur des embryons humains non implantables dans l'utérus, donc destinés à être détruits, présente un intérêt certain. Cette évolution permettrait aux chercheurs français de prendre part au développement de nouvelles thérapies qui font l'objet d'une forte concurrence mondiale. L'étude d'impact souligne qu'il est indispensable de revitaliser le domaine de la recherche en France, pour lequel il existe une forte compétence qui, malheureusement, est insuffisamment mise à contribution.
Il s'agit donc d'un domaine de recherches réglementé et soumis à autorisation. Il ne s'agit pas de faire évoluer l'espèce de manière artificielle – nous n'en sommes pas capables – mais de trouver des solutions thérapeutiques.
Avis défavorable.
Nous passons à une deuxième série de sous-amendements à l'amendement no 1519, qui portent sur des sujets assez variés.
Le sous-amendement n° 1775 est identique. Seul l'ajout de cellules animales à un embryon humain serait interdit par cet article 17. La création de chimères animal-homme par adjonction de cellules humaines pluripotentes dans un embryon animal – et leur naissance – serait possible.
Je propose donc de spécifier : « Toute implantation dans un utérus humain ou animal, en vue d'une gestation, d'un embryon obtenu par adjonction de cellules-souches pluripotentes humaines, d'origine embryonnaires ou cellules pluripotentes induites, ou obtenu par introduction de matériel génétique d'une cellule somatique ou embryonnaire humaine dans un ovocyte animal est interdite. »
Le sous-amendement n° 1786 est identique. Monsieur le rapporteur, comment concilier les évolutions prévues par ce texte en matière de génétique avec le principe de précaution, de valeur constitutionnelle ? Pensez-vous qu'il existe des risques de censure par le Conseil constitutionnel ? Estimez-vous que le principe de précaution s'applique à la génétique humaine ?
Le sous-amendement n° 1658 précise que la différenciation de cellules souches embryonnaires humaines ou de cellules souches pluripotentes induites en gamètes est interdite.
Le ministère de la recherche a autorisé des protocoles de recherche suscitant l'espoir – notre collègue Jean-François Eliaou nous en a parlé –, mais qui permettent la création de chimères. À l'inverse, le code de la santé publique interdit la création d'embryons transgéniques ou chimériques. Il y a donc un problème.
Si l'on demandait aux Français s'ils souhaitent la création de chimères, ils pourraient répondre. Vous apportez un éclairage scientifique, mais nous devons faire un choix éthique en évaluant les risques et les moyens employés. Il est possible d'employer des moyens contraires à nos principes éthiques en poursuivant une finalité louable.
Le sous-amendement n° 1789 est identique. Il précise que la fusion de gamètes obtenus à partir de cellules souches embryonnaires humaines ou de cellules souches pluripotentes induites est interdite.
Le sous-amendement n° 1780 interdit expressément la création d'embryons génétiquement modifiés.
Le sous-amendement n° 1791 est identique. De la même manière que le droit positif interdit les OGM, il ne faut pas permettre les « EGM » (« embryons génétiquement modifiés »).
Je précise que les OGM ne sont pas interdits, mais ils ne doivent pas constituer plus de 0,9 % de nos aliments.
S'agissant de l'interdiction de la dérivation de cellules souches embryonnaires ou de cellules iPS, ma réponse est la même qu'à l'article 14. Ces sous-amendements poseraient des problèmes dans les recherches sur la gamétogenèse et nuiraient à la compréhension des mécanismes qui peuvent bloquer la fertilité. Un couple sur dix est concerné, nous devons régler ces problèmes pour ne plus avoir besoin de recourir à la PMA. Il ne faudrait pas bloquer la possibilité de mener in vitro les principales étapes de la spermatogenèse et de l'ovogenèse, pour comprendre l'infertilité.
Cela soulève des questions éthiques, c'est pourquoi la différenciation en gamètes des cellules souches embryonnaires et des cellules iPS fait l'objet d'un régime d'encadrement spécifique, qui prévoit une déclaration obligatoire à l'Agence de la biomédecine et un système de contrôle, notamment par l'avis public du conseil d'orientation de l'Agence. Seule une poignée d'équipes mène ce type de recherche, et les chercheurs se plaignent de l'extrême degré de contrôle de la recherche en France. Lors de la mission préparatoire à la loi de programmation de la recherche, leur principale demande était de ne plus être contraints de rédiger en permanence des rapports. Les chercheurs consacrent plus de temps à ces rapports et au contrôle de leurs activités qu'à la recherche proprement dite.
Quant à l'agrégation de cellules souches embryonnaires avec des cellules précurseures de tissus extra-embryonnaires, elle permet la constitution de gastruloïdes, obtenus par agrégation de cellules pluripotentes avec des cellules du trophoblaste, qui sont les précurseures des annexes embryonnaires. Ce ne sont même pas des pseudo-embryons et les problèmes éthiques ne sont donc pas les mêmes.
Ces recherches sur les gastruloïdes permettent de nouvelles connaissances sur les principes d'organisation de l'embryon au stade de la gastrulation, et fournissent des outils exceptionnels sur la compréhension de la mise en place des organes, et donc des pathologies qui peuvent en résulter.
De l'avis de nombreux scientifiques, c'est dans ce domaine que se jouent les progrès scientifiques et médicaux des années à venir.
Avis défavorable.
Nous en venons à la dernière série de sous-amendements à l'amendement no 1519, qui proposent des modifications du code civil.
L'article 16-4 du code civil interdit les pratiques eugéniques tendant à l'organisation de la sélection des personnes. Le sous-amendement identique n° 1776 y ajoute l'interdiction de la modification des caractéristiques génétiques.
Le sous-amendement n° 1787 est identique. L'injection de cellules humaines dès le début du développement embryonnaire d'un animal soulève des questions auxquelles les scientifiques ne peuvent pas répondre. Comment garantir que les cellules humaines ne cannibalisent pas l'embryon animal, produisant une descendance plus humaine qu'animale ? Comment empêcher la migration ou le développement au-delà des seuils admis de cellules humaines dans le cerveau animal ? Quelles mutations de l'espèce humaine pourraient résulter de la xénotransplantation ? Ces interrogations imposent un encadrement plus strict de la recherche que ne le prévoit ce projet de loi.
Le sous-amendement n° 1662 vise à supprimer la rédaction de l'article 16-4 du code civil proposée par le rapporteur. Dans six ans, lors de la prochaine révision des lois de bioéthique, est-ce que les expérimentations impliquant le transfert d'embryons d'animaux génétiquement modifiés seront inutiles parce que les recherches auront abouti, ou faudra-t-il franchir une étape supplémentaire ? S'agit-il d'autoriser temporairement des moyens aux limites des principes éthiques, avant d'en revenir au respect des frontières entre les espèces ? Ou au contraire, irons-nous encore plus loin ?
Le sous-amendement n° 1781 est identique. Le rapporteur tente de nous assurer que les scientifiques ne franchiront pas certaines limites, et nous sommes disposés à le croire. Mais le contexte de concurrence internationale dans la recherche entraîne des surenchères et incite à dépasser les lignes rouges. Est-ce que les révisions de nos lois de bioéthique ne viennent qu'avaliser ces transgressions ?
Le sous-amendement n° 1793 est identique. Cet article ouvre la possibilité d'une transformation des caractères génétiques d'une personne, dans la mesure où cela n'a pas pour but de modifier la descendance. Or, une telle modification pouvant être une conséquence non voulue, il convient de le préciser.
S'agissant des sous-amendements n° 1661 et identiques, je rappelle d'abord que l'alinéa 2 de l'article 16-4 du code civil dispose que « Toute pratique eugénique tendant à l'organisation de la sélection des personnes est interdite. »
Par ailleurs, la thérapie génique s'intéresse uniquement aux cellules somatiques de l'individu. Il est rigoureusement interdit de toucher aux cellules germinales, transmissibles, et il est donc impossible de modifier la descendance. Adopter ces sous-amendements reviendrait à interdire cette thérapie, ce qui serait tout simplement catastrophique.
Les sous-amendements n° 1662 et identiques tendent à supprimer les modifications apportées à l'article 16-4 du code civil.
La première modification permet d'étendre le champ des recherches consacrées à l'édition génique en y incluant la finalité diagnostique, conformément à la convention d'Oviedo. Aujourd'hui, le code civil ne cible pas les recherches à visée diagnostique et n'ouvre l'autorisation qu'à celles portant sur les maladies génétiques quand la convention autorise les interventions, y compris celles ayant une raison diagnostique, ayant pour effet de modifier les caractères génétiques quelle que soit la nature de la maladie ou de l'affection.
La seconde modification permet d'ouvrir les recherches aux maladies autres que génétiques. La suppression du terme « génétiques » répond à une volonté d'harmonisation avec la convention d'Oviedo. L'expression « maladies génétiques » est communément employée pour désigner les maladies génétiques d'origine constitutionnelle. Or les recherches concernées peuvent également porter sur d'éventuels facteurs génétiques de résistance à des pathologies non héréditaires. Par exemple, ceux conférant une résistance aux maladies liées au métabolisme – diabète, pancréatite aiguë – ou aux maladies du vieillissement – cancers non héréditaires, maladie d'Alzheimer, etc.
Les propositions de rédaction de l'article 16-4 formulées par les sous-amendements n° 1663 et suivants nous semblent un peu alambiquées. Cet article dispose que « sans préjudice des recherches tendant à la prévention et au traitement des maladies génétiques, aucune transformation ne peut être apportée aux caractères génétiques dans le but de modifier la descendance de la personne ». Je propose d'en rester à cette rédaction, sachant que plusieurs de vos demandes sont satisfaites par l'article L. 2151-2 du code de la santé publique.
Avis défavorable.
Comment garantir que les cellules humaines ne cannibalisent pas l'embryon animal et n'entraînent ainsi une descendance plus humaine qu'animale ? Quid de la migration ou du développement, au-delà des seuils admis par les scientifiques, des cellules humaines dans le cerveau de l'animal ?
Le covid-19 montre combien nos inquiétudes sont justifiées puisqu'il a fait le tour de la planète vraisemblablement à partir d'un virus animal. Le mélange mal maîtrisé des cellules humaines et animales ne peut que nous inquiéter. Si les espèces sont mélangées, le prochain virus n'aura plus de barrière à franchir.
Notre société, en complète mutation, ouvre le champ des possibles, crée parfois de fols espoirs et suscite l'intranquillité. On connaissait déjà les ciseaux ADN CRISPR‑Cas9 ; les chercheurs ont mis au point des ciseaux CRISPR‑Cas13, qui permettront d'atteindre l'ARN et la protéine qui en découle sans modifier le génome. Cette avancée significative permettra de corriger, espérons-le, de nombreuses maladies génétiques causées par une mutation ponctuelle. Il sera ainsi possible à la fois de corriger une pathologie héréditaire incurable et… de favoriser le transhumanisme.
L'article 13 de la convention d'Oviedo et l'article 16-4 du code civil interdisent les dérives eugéniques. Il est des invariants éthiques inconditionnels.
La création de chimères animales est très encadrée par les comités d'éthique de l'INSERM, du CNRS, de l'INRA et de l'ensemble des instituts de recherche publique. Par ailleurs, et c'est fondamental, le respect du bien-être animal est encadré, ce qui conduit les chercheurs à passer beaucoup de temps à remplir des papiers et à être inspectés. Jamais un cerveau animal ne pourra devenir humain.
Enfin, l'intérêt de ces recherches est très largement médical. Qu'est-ce qu'une « souris humanisée » ? C'est une souris chez laquelle on a tenté de remplacer le système immunitaire par celui de l'homme, afin d'étudier in vivo le fonctionnement de notre système immunitaire face à des tumeurs. Cela nous permet de disposer aujourd'hui de médicaments d'immunothérapie aux résultats spectaculaires.
En France, trois millions de personnes souffrent de maladies génétiques, dont plus de 80 % sont des enfants. Aujourd'hui, nous avons enfin des solutions ! Ainsi, une injection permet désormais de guérir l'amyotrophie spinale ; il y a encore un an, l'enfant était destiné à devenir tétraplégique et à mourir entre 15 et 18 ans. Les avancées sont considérables et je n'ai pas envie que nos gamins ne puissent pas en profiter.
La commission rejette l'ensemble des sous-amendements (n° 1771, 1654, 1772, 1783, 1810, 1773, 1784, 1795, 1796, 1655, 1809, 1656, 1774, 1785, 1657, 1775, 1786, 1658, 1777, 1788, 1659, 1778, 1789, 1660, 1779, 1790, 1780, 1791, 1808, 1661, 1776, 1787, 1662, 1781, 1792, 1807, 1663, 1664, 1782, 1793 et 1665).
Elle adopte l'amendement n° 1519.
En conséquence, l'article 17 est ainsi rétabli et les amendements n° 1356, 1395, 1360 et 1345 tombent.
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(La réunion, suspendue à dix-huit heures quinze, est reprise à dix-huit heures vingt-cinq)
Article 18 Développement des « passerelles soin/recherches » par l'utilisation facilitée d'échantillons conservés à d'autres fins
La commission est saisie de l'amendement n° 1227 de Mme Emmanuelle Ménard.
Il ne devrait y avoir d'examen de caractéristiques génétiques à des fins de recherche scientifique qu'avec le consentement libre et éclairé d'une personne. Or cet article, qu'il convient de supprimer, inverse les choses : sauf opposition de la personne concernée, cet examen est pratiqué.
Si le consentement est présumé, un devoir d'information est prévu par ce dispositif équilibré afin d'exercer un droit d'opposition. Cette évolution est rendue nécessaire notamment parce que nombre de projets de recherche ont besoin de réunir et de traiter une grande quantité de données pour explorer des questions scientifiques et médicales. Un « ciselage » du consentement qui resterait assorti à une finalité limitée – une seule maladie – ne peut répondre à cette exigence, alors même que notre pays s'est engagé dans le plan France Médecine génomique 2025. Avis défavorable.
La commission rejette l'amendement n° 1227.
Elle est saisie de l'amendement n° 239 de M. Thibault Bazin.
L'article 18 vise à faciliter la recherche nécessitant des examens de génétique sur des collections d'échantillons biologiques conservés à des fins médicales. Mais il modifie l'expression du consentement puisqu'il prévoit que la personne doit exprimer son opposition après avoir été informée du programme de recherche.
Pour donner une plus grande valeur au consentement, la personne doit pouvoir exprimer son « autorisation expresse », laquelle doit pouvoir être retirée « tant qu'il n'y a pas eu d'intervention sur l'élément concerné dans le cadre de la recherche autre que celle permettant la conservation de cet élément. »
Prévoir un consentement écrit remettrait en question l'économie du dispositif, dont j'ai souligné l'importance au regard des recherches menées. Je rappelle que le consentement est présumé mais réversible dans le cadre d'un droit d'opposition. Avis défavorable.
La commission rejette l'amendement n° 239.
Elle est saisie de l'amendement n° 1520 du rapporteur.
Les précisions apportées par le Sénat ne sont pas utiles dans la mesure où les dispositions du Règlement général sur la protection des données (RGPD) s'appliquent déjà, y compris aux chercheurs. Vouloir décliner ces obligations dans chaque texte affaiblirait leur portée pratique. Introduire le droit d'opposition à l'utilisation des données pourrait laisser penser que, lorsque la précision n'est pas apportée, le RGPD ne s'applique pas.
La commission adopte l'amendement n° 1520.
Elle est saisie de l'amendement n° 240 de M. Thibault Bazin.
Il s'agit, à l'alinéa 3, après la référence « I », d'insérer les mots : « et à l'utilisation des données obtenues ». Selon les préconisations de la CNIL lors de son audition devant la commission spéciale à l'Assemblée nationale, il convient de prévoir aussi le droit à l'opposition à l'utilisation des données pour respecter le RGPD.
Le RGPD s'applique, y compris dans le cadre du dispositif de l'article 18. Tout le monde doit s'y conformer, y compris les chercheurs. J'ai déjà eu l'occasion de le dire au cours de nos débats et je viens de le répéter en présentant mon amendement n° 1520.
La commission rejette l'amendement n° 240.
Elle examine, en discussion commune, les amendements n° 734 de M. Patrick Hetzel et les amendements nos 241 et 242 de M. Thibault Bazin.
À la fin de l'alinéa 3, substituer aux mots : « sans forme tant qu'il n'y a pas eu d'intervention » les mots « par tout moyen, sous un délai d'un mois, tant qu'il n'y a pas eu ledit examen ». En utilisant l'expression plus juridique « par tout moyen » plutôt que « sans forme », la rédaction est plus claire.
Il importe de préciser une durée après laquelle le responsable de la recherche peut estimer que la personne ne s'est pas opposée. Dans le domaine de la protection des données, la CNIL préconise un mois.
Le mot « intervention » peut être quant à lui sujet à plusieurs interprétations. Si le simple fait de conserver l'échantillon est une intervention, le droit d'opposition est réduit à néant. Il est préférable de se référer à « l'examen prévu ».
Le consentement au programme de recherche peut être flou et évoluer. L'amendement n° 241 prévoit donc, à l'alinéa 3, de substituer aux mots : « sans forme tant qu'il n'y a pas eu d' » les mots : « avant chaque nouvelle ».
Par ailleurs, il convient de prévoir un délai minimum pour que la personne concernée puisse exprimer son opposition avant l'intervention éventuelle. C'est pourquoi l'amendement n° 242 propose le délai d'un mois préconisé par la CNIL.
Plusieurs interventions successives sur un même échantillon peuvent être nécessaires dans le cadre du même projet de recherche. La rédaction proposée par l'amendement n° 241 pourrait alors avoir pour conséquence de remettre en cause des travaux engagés de longue date si l'opposition intervenait en fin de recherche.
Le dispositif proposé par l'article 18 me semble nettement plus équilibré : il permet l'information des personnes au sujet des programmes de recherche ainsi que leur opposition, à tout moment, tant qu'il n'y a pas eu d'intervention sur l'échantillon à des fins de recherche.
Outre que les amendements n° 734 et n° 242 relèveraient du décret, il me semble que ces propositions de rédaction conduiraient finalement à restreindre le droit à l'expression d'une opposition à un délai unique d'un mois. Il me semble que c'est contraire avec la protection du droit d'opposition consacré par cet article. Avis défavorable.
La commission rejette successivement l'amendement n° 734 et les amendements n° 241 et 242.
Suivant l'avis défavorable du rapporteur, elle rejette l'amendement n° 243 de M. Thibault Bazin.
La commission est saisie de l'amendement n° 244 de M. Thibault Bazin.
Cet amendement important, cosigné par de nombreux collègues, propose de reprendre une préconisation du CCNE en insérant après le mot « décédée », à la première phrase de l'alinéa 9, les mots «, à moins qu'un refus n'ait été exprimé de son vivant, ».
Cette précision est d'autant plus inutile que l'alinéa 9 prévoit qu'il appartient au comité de protection des personnes d'appréhender la situation considérée : si un refus a été exprimé, il sera bien évidemment pris en compte dans l'analyse du comité. Avis défavorable.
La commission rejette l'amendement n° 244.
Elle est saisie de l'amendement n° 245 de M. Thibault Bazin.
Suivant l'avis défavorable du rapporteur, la commission rejette l'amendement n° 245.
Elle est saisie de l'amendement n° 246 de M. Thibault Bazin.
Le texte ne précise pas comment la personne sera « dûment informée » du programme de recherche. Par cet amendement, nous proposons qu'un décret précise la manière d'informer le patient par mail, par courrier, et comment s'assurer que cette information lui est bien parvenue.
La commission rejette l'amendement n° 246.
Elle est saisie de l'amendement n° 247 de M. Thibault Bazin.
Il convient de définir les interventions possibles effectuées à partir des caractéristiques génétiques d'une personne à des fins de recherche scientifique.
Ces précisions relèvent là encore du décret, notamment par le biais de l'exercice du droit d'opposition. Je pense que votre amendement est satisfait. Avis défavorable.
La commission rejette l'amendement n° 247.
Elle est saisie de l'amendement n° 735 de M. Patrick Hetzel.
Il s'agit de compléter l'alinéa 11 par la phrase suivante : « Il veille à l'utilisation de leurs échantillons et au traitement de leurs données à caractère personnel associé. »
Là encore, le RGPD s'applique ; vouloir décliner ses obligations dans chaque texte revient à affaiblir leur portée pratique.
La commission rejette l'amendement n° 735.
Elle est saisie de l'amendement n° 248 de M. Thibault Bazin.
Même si le « programme de recherche » se veut plus large que le « projet de recherche », il doit être suffisamment explicite afin d'assurer la meilleure information possible du patient qui consent.
La commission rejette l'amendement n° 248.
Elle adopte l'article 18 modifié.
Avant l'article 19
Suivant l'avis défavorable du rapporteur, la commission rejette successivement les amendements n° 893 et 894 de M. Patrick Hetzel.
Chapitre Ier Renforcer la qualité et la sécurité des pratiques
Article 19 Rénovation du régime du diagnostic prénatal permettant de reconnaître la médecine fœtale et de renforcer l'information de la femme enceinte et du couple et prévoyant des recommandations de bonnes pratiques
La commission est saisie de l'amendement n° 249 de M. Thibault Bazin.
Cet amendement prévoit qu'une information doit être donnée tout au long des différentes étapes du dépistage prénatal (DPN) afin que la femme enceinte y consente en toute connaissance de cause.
La commission rejette l'amendement n° 249.
Elle est saisie de l'amendement n° 1228 de Mme Emmanuelle Ménard.
Il est difficile de comprendre pourquoi la loi dispose que la mère choisit ou non d'informer l'autre membre du couple à la suite d'un diagnostic prénatal qui établirait que « l'embryon ou le fœtus présente une affection susceptible de modifier le déroulement ou le suivi de sa grossesse ». Si elle est en couple, c'est ce dernier qui est concerné.
Si elle le souhaite, elle pourra informer le conjoint mais, dans certains cas, nombreux, celui-ci n'est pas présent, ce qui paralyse la procédure de diagnostic prénatal.
La commission rejette l'amendement n° 1228.
Elle est saisie de l'amendement n° 1412 de Mme Emmanuelle Ménard.
L'autre membre du couple est lui aussi concerné. Ne peut-on imaginer une façon de l'informer, même si je comprends votre volonté de ne pas bloquer la procédure ?
Le problème n'est pas là. Les auditions ont montré que, bien souvent, l'homme est absent, sciemment. Inclure l'information du conjoint paralyserait le processus. Avis défavorable.
La commission rejette l'amendement n° 1412.
Elle est saisie de l'amendement n° 736 de M. Patrick Hetzel.
Amendement rédactionnel. À la deuxième phrase de l'alinéa 7, je propose de substituer au mot « suspectée » le mot « recherchée ».
Ce n'est pas un amendement rédactionnel : les mots ont une importance. Au stade du diagnostic, la pathologie est suspectée et non recherchée, à la différence, par exemple, du gène qui en serait la cause.
De surcroît, on parle en médecine de « suspicion de pathologie », le diagnostic étant par exemple posé par la biologie moléculaire. Je vous invite à retirer votre amendement, sinon, avis défavorable.
L'amendement n° 736 est retiré.
La commission est saisie de l'amendement n° 1420 du rapporteur.
À la fin de la dernière phrase de l'alinéa 7, je propose de substituer aux mots « remise par le médecin » le mot « proposée ». La première formulation est un peu autoritaire et suppose que le médecin remette en main propre la documentation alors qu'elle est disponible dans le cabinet ou le centre.
La commission adopte l'amendement n° 1420.
Elle est saisie de l'amendement n° 737 de M. Patrick Hetzel.
Il s'agit de compléter l'alinéa 7 par la phrase suivante : « Le médecin fournit à la femme, sauf si elle s'y oppose, une liste départementale des associations de parents, agréées et reconnues dans la prise en charge et l'accompagnement de la personne en situation de handicap. »
Je ne comprends pas l'articulation de votre amendement avec cet alinéa. La rédaction actuelle est à mon sens beaucoup plus précise et pertinente puisqu'elle évoque « les associations spécialisées et agréées dans l'accompagnement des patients atteints de l'affection suspectée ». De plus, ces associations ne sont pas présentes dans tous les départements. Enfin, tout ne se résume pas à la naissance d'enfants handicapés ; heureusement, la médecine fœtale a réalisé d'immenses progrès. Je suggère le retrait de cet amendement.
L'amendement n° 737 est retiré.
La commission est saisie de l'amendement n° 1230 de Mme Emmanuelle Ménard.
Il s'agit de compléter l'alinéa 7 par la phrase suivante : « Si l'association spécialisée et agréée a produit un guide d'accompagnement des parents, il est également proposé. » La suspicion d'un handicap est douloureuse et anxiogène pour des parents. Il convient de les entourer en leur proposant non seulement une liste d'associations, comme nous l'avons vu à l'instant, mais aussi les guides d'accompagnement qu'elles ont pu publier.
Si l'association agréée a produit un guide, c'est bien à elle de le remettre aux parents. Par ailleurs, ce n'est pas le rôle de la loi d'entrer dans ce genre de détail. Je suggère le retrait.
L'amendement n° 1230 est retiré.
La commission examine les amendements identiques n° 250 de M. Thibault Bazin et n° 738 de M. Patrick Hetzel.
Une famille qui va donner naissance à un enfant en situation de handicap doit avoir des réponses à ses interrogations et à ses inquiétudes.
Dans ma circonscription, Sonia Sammou, dont une fillette est atteinte d'une maladie génétique rare, a créé My Extra'box, une boîte contenant tous les éléments nécessaires pour faire face à ce type de situation. Sans doute un déploiement à grande échelle serait-il utile.
L'annonce que la grossesse puisse se terminer par la naissance d'un enfant en situation de handicap soulève de nombreuses questions chez les parents et suscite parfois une grande détresse car, bien souvent, ils ne savent pas comment faire face.
Pour qu'ils puissent envisager le handicap autrement que comme une « anomalie » pour l'enfant et un « poids » pour la famille, il faut leur permettre de disposer de moyens et de rencontrer des personnes susceptibles de répondre à leurs questions et de les aider au mieux à formuler un choix éclairé. Tel est l'objet de cet amendement complétant l'alinéa 7.
Je partage votre volonté de promouvoir une société inclusive mais la rédaction actuelle de l'article prévoit déjà que les parents sont informés du mieux possible. Sauf opposition de leur part, ils reçoivent des informations sur les caractéristiques de la maladie suspectée, sur les possibilités de prévention, de soins ou de prises en charge adaptées. Les associations prendront en charge les parents.
L'article 19 concerne la médecine fœtale et nous nous situons donc dans l'espérance d'un traitement, même si le handicap ou l'interruption médicale de grossesse peuvent être l'issue. Je n'ai pas envie d'un « mélange des genres » dans un article porteur d'espoir. Je vous demande donc de retirer ces amendements.
J'entends vos arguments, monsieur le rapporteur, mais ces amendements sont particulièrement intéressants. Monsieur Bazin, qui serait chargé de réaliser le « dossier-guide » remis à la femme concernée ?
Un travail important a été effectué avec les associations spécialisées. Grâce à des financements expérimentaux, la boîte est prête. Peut-être faudra-t-il en reparler avec le ministre de la santé en séance publique.
Il est possible d'inciter au déploiement de ces bonnes pratiques mais elles ne me semblent pas relever du domaine législatif, quel que soit le respect que j'éprouve à l'endroit d'une telle initiative.
Dans ma circonscription, l'association « Un chromosome d'amour en plus » a le même objectif mais, au bout du bout, un problème de financement et de distribution de la boîte se pose.
L'amendement n° 250 est retiré.
La commission rejette l'amendement n° 738.
La commission est saisie de l'amendement n° 739 de M. Patrick Hetzel.
L'alinéa 3 de l'article L. 1111-4 du code de la santé publique dispose notamment qu'aucun acte médical ni aucun traitement ne peut être pratiqué sans le consentement libre et éclairé de la personne. L'amendement prévoit qu'une information doit être donnée tout au long des différentes étapes du dépistage prénatal, afin que la femme enceinte y consente en toute connaissance de cause.
Demande de retrait, dans la mesure où votre demande est doublement satisfaite. Le II de l'article L. 2131-1 relatif au diagnostic prénatal, qui n'est pas modifié par ce projet de loi, dispose que la femme enceinte reçoit une « une information loyale, claire et adaptée à sa situation ». Par ailleurs, les principes généraux du consentement libre et éclairé figurent à l'article L. 1111-4 du code de la santé publique. Il n'est donc pas utile de les répéter.
La commission rejette l'amendement n° 739.
Elle examine, en discussion commune, les amendements n° 740 de M. Patrick Hetzel et n° 251 de M. Thibault Bazin.
L'amendement n° 740 vise à ajouter, après l'alinéa 10, l'alinéa suivant : « Après l'annonce des résultats de ces examens, la femme enceinte dispose d'un délai de réflexion d'une semaine avant de décider d'interrompre ou de poursuivre sa grossesse. » Nous sommes plusieurs à considérer qu'un temps de réflexion semble nécessaire pour éviter une trop grande précipitation.
Mon amendement n° 251 vise à proposer un délai supplémentaire à la femme enceinte – une nuance, qui en fait un amendement de repli.
Avis défavorable. Je souhaite aborder cette question à l'article 20, pour éviter toute confusion. La médecine fœtale a fait beaucoup de progrès et ne se résume pas à la possibilité de proposer ou non une interruption médicale de grossesse.
La commission rejette successivement les amendements n° 740 et n° 251.
Elle est saisie de l'amendement n° 1232 de Mme Emmanuelle Ménard.
Il s'agit de supprimer les alinéas 13 et 14, les modalités d'information de l'autre membre du couple n'ayant pas lieu d'être fixées par décret en Conseil d'État.
Suivant l'avis défavorable du rapporteur, la commission rejette l'amendement n° 1232.
Elle est saisie de l'amendement n° 1234 de Mme Emmanuelle Ménard.
L'amendement vise à supprimer les alinéas 15 à 19 qui permettraient au ministre chargé de la santé de déterminer par arrêté des recommandations supplémentaires de bonnes pratiques : « relatives au diagnostic préimplantatoire et les critères médicaux justifiant la communication à la femme enceinte des caractéristiques génétiques fœtales » ; « relatives aux modalités de prescription, de réalisation et de communication des résultats des examens de biologie médicale » et « relatives aux modalités de réalisation des examens d'imagerie concourant au diagnostic prénatal ».
Le fait que ces recommandations soient produites par arrêté écarte les parlementaires d'une question primordiale. Le diagnostic prénatal peut être l'occasion de soutenir des parents attendant un enfant atteint d'un handicap, mais il peut aussi être l'outil d'une politique eugénique. Pour l'éviter, il faut que le Parlement puisse s'exprimer.
Suivant l'avis défavorable du rapporteur, la commission rejette l'amendement n° 1234.
Suivant l'avis défavorable du rapporteur, elle rejette les amendements identiques n° 252 de M. Thibault Bazin et n° 741 de M. Patrick Hetzel.
La commission adopte l'article 19 modifié.
Article 19 bis A (supprimé) Abrogation du double diagnostic préimplantatoire (DPI-HLA) et demande de rapport sur le sang placentaire
La commission examine, en discussion commune, les amendements identiques n° 527 de M. Patrick Hetzel, n° 629 de Mme Agnès Thill, n° 1238 de M. Thibault Bazin et n° 1241 de Mme Emmanuelle Ménard, ainsi que les amendements n° 630 de Mme Agnès Thill, n° 1484 du rapporteur et n° 755 de M. Jean‑Louis Touraine.
Une fois n'est pas coutume, l'amendement n° 527 vise à rétablir l'article 19 bis A tel qu'adopté en première lecture par l'Assemblée nationale.
Mon amendement n° 1484 vise à rétablir l'article 19 bis A dans une rédaction un peu différente. Le DPI‑HLA concerne un nombre très faible de pathologies, pour lesquelles le seul traitement est la greffe de cellules souches hématopoïétiques, qui, pour des raisons de compatibilité, ne peuvent pas provenir d'un donneur non apparenté. La seule possibilité est d'utiliser le sang du cordon (côté placenta) de l'enfant qui va naître pour sauver son frère ou sa sœur. C'est pourquoi on propose à la famille de faire une fécondation in vitro et de trier les embryons selon deux critères : l'absence de mutation et la compatibilité tissulaire. En 2014, cette stratégie thérapeutique a été interrompue en France, parce que l'on ne pouvait pas faire autrement qu'implanter le stock d'embryons obtenus lors d'une première stimulation. Or la probabilité d'avoir des embryons compatibles est extrêmement faible. Les équipes françaises ont donc cessé de recourir à cette technique, qui revenait souvent à faire de fausses promesses aux patientes.
Je vous propose de rétablir le droit actuel, en créant une dérogation, pour que la femme puisse bénéficier d'une deuxième, voire d'une troisième stimulation, sous le contrôle de l'Agence de la biomédecine, dans l'espoir d'avoir un embryon compatible sans la tare génétique. Si nous supprimons le dispositif législatif permettant le recours à cette technique, la sécurité sociale ne pourra même pas prendre en charge les quelques cas français qui, n'ayant pas la possibilité de le faire en France, sont traités en Belgique.
Je suis tout à fait en phase avec le rapporteur pour rétablir le DPI‑HLA et ajouter ces dispositions, qui viennent répondre à des remarques du Conseil d'État, les fécondations in vitro permettant de sélectionner le bon embryon.
Avis défavorable aux amendements n° 527, n° 629, n° 1238, n° 1241 et n° 630. Demande de retrait de l'amendement n° 755, l'amendement du rapporteur étant plus précis.
J'ai une question éthique. En vous écoutant, on a envie d'être convaincus. Mais si le DPI‑HLA devait être autorisé, cela signifierait que le législateur s'arrogerait le droit de décider que tel enfant, potentiellement atteint d'une maladie, peut vivre et que tel autre, potentiellement atteint, ne peut pas vivre. Cela reviendrait à établir une norme génétique.
C'est l'un des débats les plus douloureux que nous ayons eus en première lecture. C'est en effet une situation quasiment impossible qui nous est présentée, entre la douleur des familles dont l'enfant ne peut être sauvé, et le fait qu'un autre enfant puisse naître et leur apporter les cellules souches dont elles ont besoin. Après y avoir à nouveau réfléchi, à la suite de la première lecture, je n'arrive pas à accepter que le législateur écrive dans la loi qu'on accepte qu'un enfant ne naisse que pour essayer d'en sauver un autre. Je n'y arrive pas. Je ne peux imaginer quel serait le destin d'un tel enfant. Je ne voterai pas l'amendement du rapporteur.
Pour obtenir ce « bébé médicament » – terme assurément réducteur –, il a probablement fallu créer une vingtaine d'embryons qu'il faudra détruire, parce qu'ils seront, en quelque sorte, considérés comme malades. Une charge extrêmement forte pèse sur l'enfant à naître, pas seulement parce que l'on pense qu'il doit apporter la survie à son frère ou à sa sœur, mais aussi parce que l'on fait porter sur lui le fait que de nombreux autres n'ont pas pu naître. D'un point de vue éthique, cela me semble problématique. En tant que législateur, je n'arrive pas à franchir cette ligne rouge.
Je voudrais dire à ceux qui craignent que cet enfant ne soit fait que pour soigner qu'il me semble qu'il est aussi fait pour beaucoup d'autres choses : pour être accueilli dans un foyer, avoir des frères et sœurs, développer une vie entière. Si j'ai bien entendu l'explication du rapporteur, ce qui permettra de sauver l'aîné se trouve dans le cordon ombilical. L'enfant mènera une vie parfaitement normalement au sein d'une famille qui, manifestement, tient à ses enfants et souhaite faire tout ce qui est possible pour leur sauver la vie et leur offrir des conditions de vie dignes.
Autre argument, qui vaut ce qu'il vaut : si nous l'interdisons en France, cette technique se pratiquera ailleurs et nous enverrons des familles françaises de l'autre côté de la frontière. Nous avons reçu des alertes de généticiens à ce propos. Je préfère que ce soit fait en France, avec l'éthique à la française. Je sais que nos généticiens sont très prudents. Nous ne pouvons pas envoyer un message de défiance à nos chercheurs et à nos scientifiques formés dans nos universités, selon nos lois et notre culture éthique. Je voterai l'amendement du rapporteur.
Le sujet est très sensible. Il n'y a rien de pire pour des parents que d'avoir des enfants malades. Il est vrai, monsieur le rapporteur, que pour quelques maladies, la seule possibilité de soin passe par le DPI‑HLA. Mais la finalité ne doit pas éclipser les moyens pour y arriver. Je crois profondément qu'un enfant doit être conçu pour lui‑même. Je ne voterai pas l'amendement du rapporteur.
Je rejoins les propos liminaires de Coralie Dubost. Les parents qui auraient recours à une telle méthode en seront reconnaissants à tout jamais. Il faut éviter à tout prix que ces parents soient obligés de partir à l'étranger, tout comme pour la PMA. Je voterai l'amendement du rapporteur.
Cette situation est un vrai dilemme. J'ai entendu les arguments de mes collègues. Notre décision a une très grande portée éthique. Jusqu'où aller ? Même si je vous comprends, madame Bergé, c'est bien à nous de prendre ces décisions et de les concrétiser dans la loi.
Je soutiendrai l'amendement du rapporteur. Comme mes collègues, je ferai preuve de beaucoup de modestie sur cette question et me garderai d'avoir la prétention de détenir la vérité absolue. Si le DPI‑HLA est le seul moyen de traiter certaines pathologies, il faut étudier la question et, autant que possible, autoriser les pratiques permettant de corriger la pathologie. S'agissant du « bébé médicament », même si je trouve que le terme est impropre, dans la vie d'un être humain, le « qui suis‑je ? » n'a de réponse que dans l'avenir, comme le disait Épictète. Le fait, pour un être humain, de savoir qu'il a traité la pathologie de l'un de ses proches n'est pas un handicap, au contraire.
Cette question nous rappelle combien la vie est complexe. Nous sommes au cœur d'une tension entre l'intime et le collectif, et sur la notion même de limite. La réflexion éthique s'accompagne toujours d'inquiétude et d'intranquillité. Ce qui me gêne éthiquement, c'est la notion de tri, même si je la comprends. Je voterai contre l'amendement du rapporteur.
Les familles confrontées à la maladie de leur enfant ont naturellement envie et besoin d'agrandir leur famille, pour donner une autre impulsion à leur enfant malade, lui apporter de la stabilité, de l'énergie. Cela se fait depuis toujours. Si, en plus, la science peut aider à sauver l'enfant malade depuis des semaines, en chambre stérile, je pense qu'il faut donner les moyens aux familles de trouver une solution en France.
Depuis la première lecture, j'ai beaucoup réfléchi à cette question et j'ai évolué. Il ne faut pas oublier la solidarité existant au sein d'une famille. Il y a vraisemblablement dans la tête des parents des temps différents : d'abord vouloir sauver l'enfant malade ; ensuite accueillir l'autre enfant et fonder une famille. Contrairement à la première lecture, je serai plutôt favorable à offrir cette possibilité aux parents, qui sont accompagnés par des professionnels auxquels il est bien de faire confiance.
Le sujet est complexe et humainement difficile. Je comprends les interrogations de mes collègues. Je soutiendrai l'amendement du rapporteur parce qu'il s'agit d'une possibilité ouverte à la famille, dans le cadre d'une réflexion forcément douloureuse. Il me semble important que le législateur rétablisse cette faculté, qui a été introduite par d'autres lois, en 2004. À cette époque, le législateur, qui se posait sûrement les mêmes questions que nous, avait fait ce choix. Revenir en arrière me semblerait contradictoire avec le principe des lois de bioéthique. Je partage les remarques de Coralie Dubost sur l'éthique à la française, la formation et l'accompagnement français. Enfin, dans des moments difficiles, il est bon d'avoir une fratrie.
Alors que nous avons beaucoup évoqué l'intérêt supérieur de l'enfant, il me semble que l'amendement du rapporteur le défend précisément.
Pour mémoire, cette technique est extrêmement encadrée. La loi prévoit qu'elle ne peut être mise en œuvre que dans des conditions très exceptionnelles : le couple demandeur doit avoir donné naissance à un enfant atteint de maladie génétique entraînant la mort dès les premières années et incurable ; toutes les autres possibilités thérapeutiques doivent avoir été épuisées ; le pronostic vital pourrait être significativement amélioré grâce à une greffe de cellule souche sans porter atteinte au corps de l'enfant donneur ; le diagnostic ne concerne que la maladie génétique en question.
En première lecture, la commission avait donné un avis favorable à l'amendement, qui avait ensuite reçu un avis défavorable pour des raisons sur lesquelles je ne souhaite pas revenir.
Pour avoir travaillé en hématologie pédiatrique, je sais que les parents qui ont un enfant dans cette situation font des bébés sous la couette, pour sauver cet enfant. J'ai parlé de tri, parce que j'ai voulu être honnête : il faut bien trier les embryons. Cette pratique est légale. Ce qui n'est pas possible, c'est de faire de nouvelles stimulations ovariennes pour aboutir au bon embryon.
C'est un cas très compliqué d'un point de vue éthique. En tout cas, si nous supprimons cette disposition, nous supprimons la possibilité de faire en France ce que des familles, qui en auront les moyens, feront en Belgique, dans de bonnes conditions sanitaires, certes, mais sans être prises en charge. Je vois là une inégalité sociale.
La commission rejette les amendements identiques n° 527, 629, 1238 et 1241, ainsi que l'amendement n° 630.
Elle adopte l'amendement n° 1484.
En conséquence, l'article 19 bis A est ainsi rétabli et l'amendement n° 755 tombe.
Article 19 bis (supprimé) État des lieux du diagnostic prénatal et du diagnostic préimplantatoire
La commission examine, en discussion commune, l'amendement n° 853 de M. Hervé Saulignac, les amendements identiques n° 1423 du rapporteur et n° 854 de M. Hervé Saulignac, ainsi que l'amendement n° 1240 de Mme Emmanuelle Ménard.
L'amendement n° 853 du groupe Socialistes et apparentés, originellement déposé par notre collègue rapporteur Philippe Berta, vise, à titre expérimental et pour une durée de trois ans, à étendre le champ du diagnostic préimplantatoire (DPI) à la numération des autosomes, c'est-à-dire des chromosomes non sexuels, afin d'éviter tout risque de dérive discriminatoire. Cet examen n'implique aucun acte supplémentaire dans le cadre du DPI, que la loi de bioéthique de 1994 a permis d'encadrer. Ce DPI particulier éviterait de nombreux échecs en fécondation in vitro. La science permet de savoir, par le biais d'une analyse chromosomique, si les embryons sont viables ou s'il y a un risque de fausse couche. Or, aujourd'hui, tous les embryons ont vocation à être implantés, alors que seul un sur dix est viable. Par ailleurs, l'enfant peut souffrir d'une pathologie génétique grave, ce qui ouvre la possibilité d'un avortement thérapeutique. Une telle mesure permettrait de diminuer les taux de fausses couches, de réduire les taux de grossesses gémellaires et d'améliorer les taux de réussite de la fécondation in vitro. Elle permettrait de diminuer l'inégalité aux soins.
L'amendement n° 1423 vise à rétablir l'article adopté en première lecture par l'Assemblée nationale.
Un état des lieux du diagnostic prénatal et du diagnostic préimplantatoire effectué par l'Agence de la biomédecine permettrait d'évaluer les conditions de mise en œuvre et de formuler des recommandations pertinentes sur l'information des femmes, la formation des professionnels, mais aussi sur l'harmonisation des procédures ou encore la concertation avec le monde du handicap.
L'amendement n° 1240 a également pour objet de rétablir l'article 19 bis en précisant que l'état des lieux établit le nombre de pathologies détectées et le nombre de celles qui font l'objet d'une interruption médicale de grossesse, de manière à disposer de données objectives qui permettront de prendre des décisions en toute connaissance de cause.
Bien que favorable sur le fond, je vous demande, madame Ménard, de retirer votre amendement au profit du mien et de celui de M. Saulignac, mieux rédigés.
Concernant l'amendement n° 853, nous avons longuement discuté du diagnostic préimplantatoire des aneuploïdies (DPI-A) en première lecture. L'introduction de cette technique par la voie expérimentale ne me paraît pas souhaitable pour deux raisons. La première est liée à l'âge de la population de femmes qui bénéficient d'un DPI. Elles appartiennent à des familles qui ont un enfant présentant une maladie génétique monogénique – comme la mucoviscidose ou la myopathie de Duchenne – et qui souhaitent avoir un deuxième enfant. Un DPI est donc réalisé pour détecter et écarter les embryons portant la tare génétique responsable de la maladie. À l'occasion de cette exploration, un comptage des chromosomes peut éventuellement être effectué. La population qui a la plus grande probabilité de présenter des anomalies chromosomiques est plutôt âgée.
La deuxième raison est soulevée par plusieurs articles récemment parus dans la littérature. Une étude clinique incluant 600 femmes a comparé les techniques morphologiques actuellement employées pour trier les embryons que l'on veut implanter selon leur aspect et leur nombre de cellules, et les techniques de recherche d'anomalies du nombre de chromosomes, ou aneuploïdies. Elle montre qu'il n'y a pas de différence entre les techniques actuelles et celles que l'on souhaiterait utiliser pour faire le DPI-A en termes de probabilité de grossesse, de grossesse à vingt semaines et de détection des anomalies chromosomiques susceptibles d'entraîner des fausses couches ou des avortements. La question est donc : peut-on améliorer la PMA en comptant par biologie moléculaire le nombre de chromosomes ?
Je suis défavorable également, car quatre équipes françaises ont obtenu de mener un programme hospitalier de recherche clinique (PHRC) portant sur ce sujet. Au moment de la première lecture, la demande était en cours et elles s'étaient heurtées à des blocages, que nous avons contribué à lever par le vote de l'article 14. Ces équipes conduiront donc un travail expérimental dans ce domaine. Pour l'anecdote, depuis trois mois qu'elles sont autour de la table, elles ne sont pas encore parvenues à établir un protocole méthodologique précis, tant le contexte clinique est compliqué.
Je suis donc défavorable aux amendements relatifs au DPI-A, car l'expérimentation doit être menée pendant trois à quatre ans, selon un protocole de recherche clinique spécifique dont j'espère que les équipes parviendront à l'établir.
En France, 200 à 300 couples consultent un conseil génétique pour une pathologie génétique, souvent associée à des problèmes de fertilité. Si cette pathologie peut faire l'objet d'un DPI, une fécondation in vitro est effectuée dans l'un des quatre centres habilités, puis une cellule est prélevée sur chacun des embryons produits pour voir si elle possède ou non, par exemple, la mutation mucoviscidose en deux copies. Cela n'endommage en rien l'embryon qui peut très bien se passer de cette cellule et se développera tout à fait normalement.
Le problème est qu'une fois sur deux, que la fécondation soit in vitro ou in utero, l'œuf formé n'a pas le bon nombre de chromosomes. Dans la plupart des cas, il s'ensuit une fausse couche très prématurée, et la conception n'est que remise à plus tard chez les couples normaux. En revanche, la situation est différente pour les couples qui ont engagé un processus compliqué, long et douloureux. J'avais donc avancé, en première lecture, l'idée que, quitte à prélever une cellule pour l'étudier par une technique de biologie moléculaire, on pouvait s'assurer également par technique observationnelle qu'elle possède bien le bon nombre de chromosomes, afin de pouvoir réimplanter un embryon ayant toutes les chances de développement et exempt de la mucoviscidose.
Cette suggestion a suscité deux observations. L'une, qui a été immédiatement retenue, alertait sur le risque d'aboutir au choix du sexe de l'enfant. C'est pourquoi il a été proposé de cibler la comptabilisation sur les autosomes, c'est-à-dire les chromosomes non sexuels.
L'autre observation portait sur la trisomie 21. J'insiste sur le fait que tout ce que je suis en train de décrire est soumis au consentement de la femme et du couple. Si le seul embryon non porteur de la mutation mucoviscidose présente une trisomie 21, une proposition de réimplantation est faite à la femme, car il s'agit quasiment de la seule forme d'aneuploïdie qui soit susceptible de provoquer la nidation.
Dans notre pays, avoir ou non un enfant trisomique est un choix qui est offert à tous les couples, puisque désormais le diagnostic peut être posé à partir d'un prélèvement de sang maternel. Certains parents font cette recherche, d'autres non – on est toujours dans le champ du consentement. Si une trisomie 21 est décelée, une échographie et un diagnostic plus complexe impliquant le prélèvement de cellules amniotiques sont proposés afin de confirmer le diagnostic – cet acte est encore conditionné au consentement. Selon les résultats, une interruption de grossesse peut être proposée à la femme – toujours sous son consentement.
M'accuser, comme je l'ai été, de vouloir éradiquer les trisomiques n'a pas de sens. Ce ne sont pas ces 300 familles qui vont éradiquer quoi que ce soit ! De toute façon, en France, avoir un enfant porteur d'une trisomie 21 est un choix : les parents le gardent, ou non. Ce que je veux éviter à ces 200 ou 300 couples, et surtout aux femmes, c'est d'avoir à vivre un calvaire en recommençant maintes fois une PMA avec DPI, avec au bout une trisomie 21, donc peut-être une IVG, pour tout reprendre de zéro. C'est un processus complètement fou ! La situation est la même qu'avec le DPI-HLA, et certains couples m'ont contacté pour me dire qu'ils allaient faire cette démarche à l'étranger.
Je tenais à m'expliquer sur ce point, car j'ai très mal vécu qu'on me prête la volonté d'éradiquer la trisomie 21. Ce n'est pas du tout mon objet. Je vis moi-même avec une enfant trisomique et, comme je l'ai dit, avoir un enfant trisomique relève en France du choix et du consentement.
Quel que soit l'angle sous lequel elle est étudiée, la question du DPI-A renvoie toujours à l'idée de tri : voulons-nous, ou non, aller dans cette direction ? La réponse à cette question relève de choix éminemment personnels – c'est ce qui fait, d'ailleurs, l'une des difficultés des textes de bioéthique. Pour ma part, l'idée même de tri me pose problème. Dès qu'elle arrive dans ma tête, je ne peux m'empêcher de penser au procès de Nuremberg. Ce procès a débouché sur une dizaine de critères décisifs établissant des lignes à ne pas franchir. Je considère qu'il s'agit là d'une ligne rouge à ne pas franchir.
Je m'étonne de l'amendement n° 853 de M. Saulignac, alors que lui-même m'a expliqué hier que l'on ne pouvait prévoir d'expérimentations dans le code de la santé publique. J'imagine que ce qui valait hier doit valoir aujourd'hui pour son propre amendement – sinon il faudrait revoir les miens !
Sur le fond, je ne suis pas favorable, même à titre expérimental, à une extension du DPI.
Monsieur le rapporteur, l'état des lieux que vous proposez, le Sénat l'a supprimé au motif que l'Agence de la biomédecine intègre, dans son rapport médical et scientifique, des rapports d'activité ciblés sur le DPI et le DPN qui comparent de nombreuses données. Si j'ai bien compris que votre souhait est de disposer de données qualitatives et non seulement de données chiffrées, l'amendement de Mme Ménard semble davantage y répondre.
Monsieur Berta, jamais je ne vous accuserai de vouloir éradiquer la trisomie, et jamais je ne porterai d'accusations de ce type contre ceux qui ne partagent pas mon souhait d'une société inclusive. Cependant, je reste mal à l'aise avec la notion de tri. Même à titre expérimental, je ne pourrai donc pas voter pour cet amendement.
Pendant les auditions, deux médecins venus de deux villes différentes nous ont rapporté des histoires comparables impliquant quatre familles. Ces familles avaient eu un premier enfant décédé dans ses toutes premières années de vie d'une maladie génétique effroyable. Lors d'une deuxième grossesse, après DPI, un embryon non porteur du trait génétique responsable de cette maladie avait été implanté. Or, à la naissance, l'enfant présentait l'une ou l'autre des formes de trisomie possibles – dans l'un des cas, une forme redoutable impliquant une mort très précoce. Ces familles l'ont évidemment reproché aux médecins : ils avaient les cellules embryonnaires sous les yeux, comment n'avaient-ils pas diagnostiqué la trisomie ? Effectivement, ce diagnostic était très simple à poser, mais il leur était interdit de le faire. Ils pouvaient regarder les gènes malades, mais pas le nombre de chromosomes. Cette situation est d'autant plus incompréhensible qu'il avait été demandé à ces mêmes familles, en cas de diagnostic positif de trisomie pendant la grossesse, si elles voulaient interrompre celle-ci. Les parents ont alors remarqué qu'une telle question était absurde alors que les médecins auraient pu implanter un embryon ne présentant pas cette anomalie.
La préoccupation dont vous faites part, si elle est importante, est incomprise des personnes concernées – parmi les équipes soignantes comme chez les femmes qui subissent ces travers. Il est temps d'inscrire dans la loi la possibilité, non pas d'attendre que le fœtus soit développé pour interrompre son développement par IVG, mais de prévenir cette IVG par la mise à l'écart de l'embryon porteur des anomalies.
La question éthique de savoir si l'on peut refuser un enfant trisomique a été tranchée au moment de l'instauration du diagnostic sanguin. La possibilité est donnée à toutes les femmes de choisir d'avoir ou pas un enfant trisomique.
Monsieur le rapporteur, votre argument portant sur l'âge de la population de femmes sur laquelle on effectue un DPI ne me semble pas tenir. Il est vrai que l'on détecte peu de trisomie chez les femmes jeunes, car le risque d'avoir un enfant trisomique augmente considérablement avec l'âge de la mère. Cependant, la possibilité du diagnostic sanguin est offerte à toutes les femmes quel que soit leur âge.
Par ailleurs, je suis sensible à l'argument avancé par M. Touraine. Pour une femme qui a connu la maladie d'un enfant, être confrontée à la fois à la joie d'avoir une grossesse suivie de la douleur extrême de devoir subir une IVG ou une IMG parce que l'enfant est trisomique, est tout simplement inhumain.
Je voterai l'amendement de M. Saulignac.
Je voterai également en faveur de cet amendement autorisant le DPI-A.
L'AMP est un parcours très éprouvant qui se solde plus souvent par des échecs que par des succès. À chaque échec, les chances d'aboutir diminuent. Aussi tous les moyens doivent-ils être mobilisés pour faire réussir un projet parental.
Quant à l'allusion au procès de Nuremberg par M. Hetzel, j'y répondrai en tant que petit-fils de juif pied noir déporté – heureusement militaire – pendant la Seconde guerre mondiale. On met souvent en avant les dérives eugéniques que pourrait entraîner la pratique du DPI-A. Or l'eugénisme reposait sur trois dynamiques : une logique coercitive impliquant l'absence de choix et l'usage de la force, la volonté de modifier l'espèce humaine en profondeur et l'absence de toute approche scientifique. Aucun de ces trois éléments n'entre dans le DPI-A. Les personnes qui souhaitent pouvoir y recourir ont la volonté de donner la vie. Il représente une liberté, un moyen, sans la moindre coercition, d'éviter la multiplication d'échecs ou d'IMG. Enfin, il n'est pas question d'effectuer un tri à partir de caractéristiques raciales, physiques, ou autres. L'objectif est de garantir une plus grande probabilité de succès dans la réussite d'un projet parental.
Philippe Berta n'a jamais parlé de tri. Cette notion s'est introduite confusément dans le débat. Il a rappelé, ainsi que M. Touraine, que la trisomie peut être détectée à la fin du premier trimestre de grossesse, et l'amendement qui nous est présenté tend à ouvrir la possibilité d'élargir le DPI.
À mon tour, je m'insurge contre les propos de notre collègue Hetzel et, prolongeant la démonstration de Guillaume Chiche, j'indique qu'il existe un quatrième paramètre dans l'eugénisme : l'expérimentation sur des êtres humains traités comme cobayes. Monsieur Hetzel, comparer le DPI-A aux expérimentations dénoncées au procès de Nuremberg me semble très hasardeux et inquiétant !
Je me réjouis que soient avancés dans ce débat des arguments permettant de peser le pour et le contre. Pour ma part, les interventions de M. Berta et de M. Touraine ont conforté mon intention de voter cet amendement en faveur du DPI-A.
Lorsque la science peut éviter une souffrance, tant aux enfants qu'à leurs parents, il est utile et nécessaire que la loi l'autorise, bien sûr avec des garanties. Le dispositif ici proposé présente celles qui sont nécessaires pour faire de cet amendement avant tout une mesure d'humanité.
Je soutiens l'amendement présenté par Michèle Victory, et je remercie nos collègues qui se sont exprimés avec sérénité sur une question difficile.
J'ai regretté que le DPI-A n'ait pas été retenu en première lecture, car cette pratique améliore le succès des PMA. Dans ce parcours douloureux et difficile pour les femmes, un diagnostic permettant d'éviter des fausses couches ou d'avoir recours à des IMG est essentiel.
Plusieurs praticiens nous avaient dit en audition, l'année dernière, combien il était important que le texte permette d'éviter le recours à des embryons congelés, et augmente les possibilités d'implanter des embryons à haut potentiel. Non pas pour chaque tentative d'AMP, mais dans des cas difficiles – en fonction de l'âge ou du passé de la femme –, cela devait pouvoir être proposé.
L'expérience du DPI montre que nous savons su éviter les dérives. Nous savons encadrer un dispositif de façon éthique. Pour cette raison, je pense que cet amendement va dans le bon sens.
Si l'on ne veut pas de tri, il faut arrêter le DPI. Un autre objectif du dispositif proposé est de diminuer le nombre d'embryons surnuméraires.
Il est regrettable que nous n'ayons pas la position du Gouvernement sur cette question. Permettez-moi de citer quelle avait été celle de Mme Buzyn en première lecture :
« Comment faire pour que cette technique ne soit pas proposée à tous les couples en démarche de fécondation in vitro ? On passe de 250 couples qui font le DPI chaque année à 150 000 PMA. Si l'on autorise cette technique pour les couples dans le cadre d'une recherche de maladies génétiques, mais aussi avec l'argument selon lequel cela éviterait des fausses couches, immédiatement la demande qui est derrière – et c'est déjà celle des professionnels du secteur – est de dire qu'il faut faire une recherche d'aneuploïdie dans toutes les démarches de FIV, indépendamment d'une maladie génétique antérieure du couple.
« On aboutit quelque part progressivement au mythe de “l'enfant sain” parce que le glissement naturel est d'aller chercher d'autres maladies génétiques fréquentes. Pourquoi en effet s'arrêter là ? Combien de temps serons-nous capables de résister progressivement à un glissement vers la recherche d'aneuploïdie pour toutes les FIV et à l'extension de la recherche d'anomalies ou de mutations sur d'autres maladies, parce qu'il est trop facile d'aller chercher d'autres anomalies sur l'ADN ? »
Je remercie tous les collègues qui ont apporté un point de vue médical et scientifique sur cette question. La bioéthique étant au croisement de la science et du droit, je voudrais, pour ma part, apporter quelques éléments juridiques, nécessaires à la cohérence globale du texte.
À propos du DPI-A, nombreux sont ceux qui se braquent sur la notion de tri. Je ne comprends pas pourquoi cela choque pour le DPI-A et pas pour d'autres sujets. À l'article 1er a été voté un amendement rendant possible l'appariement sur des caractéristiques phénotypiques. Il s'agissait bien d'un tri ne reposant pas seulement sur des motifs sanitaires, et l'amendement a pourtant été adopté. J'avais d'ailleurs exprimé une inquiétude à ce sujet, et mon avis défavorable.
Existe aussi déjà dans la loi le DPN, que le texte ne remet pas en cause. En quoi une IMG résultant d'un DPN révélant une trisomie serait moins un tri que le DPI-A ? Il s'agit aussi d'un tri effectué entre enfants à naître. Pardon si ces mots vous paraissent brutaux, mais ce sont des choix déjà actés par notre société et que l'on n'entend pas remettre en cause, que je sache.
Si l'on raisonne logiquement, en quoi le choix de la femme serait-il plus éclairé pour décider d'une IMG à l'issue d'un DPN que d'un DPI-A ? Le DPI-A abolit-il plus les facultés de discernement du couple ou de la femme enceinte que le DPN ? Au contraire, d'un point de vue de juriste, ce choix me semble plus éclairé et libre au moment du DPI-A, car la femme n'est pas sous la contrainte physique et psychologique d'avoir à envisager une IMG. Loin de contraindre à un tri, le DPI-A me paraît favoriser un choix plus éclairé impliquant moins de souffrance. Elle déplace aussi le choix, de la seule femme qui le porterait dans son corps, sur le couple, accompagné par un médecin.
Il me semble plus juste, équitable et cohérent avec le reste de notre appareil juridique d'autoriser le DPI-À, de façon strictement encadrée et à titre expérimental. Dans un souci de cohérence globale, il ne me semble pas normal de parler de « choix » s'agissant du DPN et de « tri » s'agissant du DPI-A.
Nous avions fait le choix en première lecture de ne pas ouvrir la voie au DPI-A, suivant en cela l'avis du Gouvernement et du rapporteur. Pour plusieurs raisons, je ne peux toujours pas voter pour le DPI-A et soutiendrai donc la position du rapporteur.
L'amendement parle d'expérimentation. Or, en la matière, on sait qu'il n'existe pas d'expérimentation. À partir du moment où la possibilité du DPI-A sera ouverte, cette pratique sera définitivement autorisée, sans retour en arrière possible. C'était, je crois, ce que la ministre nous avait longuement expliqué à l'époque.
Le DPI-A et l'IMG relèvent de situations très différentes. Dans le cas d'une IMG, la femme est enceinte. Le choix à faire est très différent, puisqu'il implique de décider d'aller ou non au terme de la grossesse.
Je ne hiérarchise pas les souffrances, qui sont propres à chaque femme en fonction de sa vie personnelle. Évitons ce genre de jugement.
La question qui se pose à nous est de savoir si ce choix doit être fait au stade préimplantatoire. Dans ce cas, on sait que, dans 100 % des situations, le choix sera fait d'aller vers ce que nous considérons comme sain. Or il ne nous revient pas à nous, législateurs, de déterminer ce qui est sain et ce qui ne l'est pas, ni quelles sont les pathologies acceptables ou pas acceptables dans notre société. Le DPI-A revient à donner aux parents le choix d'implanter ou non un embryon pour aboutir à une grossesse. Or à partir du moment où ce choix sera donné à un stade préimplantatoire, la décision sera quasi-systématique. La situation est très différente lorsque la grossesse est en cours.
Il y a là un risque de glissement important vers l'extension progressive de la recherche à d'autres types de pathologies dont on considérerait qu'elles ne devraient pas se retrouver dans une grossesse. Nous sommes toujours en recherche d'équilibre sur ce texte. En la matière, nous avions eu une position équilibrée en première lecture, en commission comme en séance publique, qu'il me semble important de maintenir.
Étant un homme, j'ai eu des enfants par femme interposée. J'ai mené une petite enquête : de nombreux professionnels ont relevé une différence de réaction selon que l'annonce d'une anomalie sur un embryon est faite avant l'implantation ou en cours de grossesse. Je confirme donc le point de vue de Mme Bergé, si l'on se met à la place des gens à qui l'on dit que leur embryon ne sera pas tout à fait normal, on dit non. Mais ce n'est pas l'argument majeur en défaveur de l'amendement.
D'abord, celui-ci propose une expérimentation qui existe déjà. Un PHRC a été lancé, financé par l'argent public, et qui va durer trois à quatre ans.
Ensuite, au cours du débat, un mélange des indications s'est produit, car cet outil peut être utilisé dans plusieurs situations cliniques. L'idée initiale est d'ouvrir la possibilité du DPI-A pour des familles ayant une mutation génétique, pour laquelle on recherche une anomalie chromosomique précise. Puis on évolue vers une utilisation du DPI-A pour des raisons d'avortements à répétition, de fausses couches ou d'échecs de FIV. Ce sont là des contextes complètement différents. J'avais souligné ce point dans l'hémicycle lors des débats de première lecture. Nous ne savons pas ce que nous voulons ! Le Gouvernement avait d'ailleurs émis un avis défavorable en commission et en séance publique, à l'Assemblée nationale comme au Sénat.
Sur le plan expérimental, l'amendement est satisfait. Attendons les résultats de l'étude, faisons confiance aux professionnels – qui sont exactement les mêmes d'ailleurs que ceux qui sont proposés dans l'amendement. Si nous votons celui-ci, le PHRC n'a plus de raison d'être !
Nous sommes des humains. Je ne m'oppose pas à l'indication citée par M. Berta. Cependant, à partir du moment où l'on ouvre la possibilité du DPI-A à plusieurs indications, on risque d'aboutir à une inégalité des chances. Certaines femmes souhaiteront, à juste titre, effectuer un DPI avec recherche d'anomalie chromosomique parce qu'elles auront avorté à plusieurs reprises, ou fait des fausses couches, ou subi plusieurs échecs de FIV.
Pour toutes ces raisons, je suis défavorable à cet amendement n° 853.
La commission adopte l'amendement n° 853.
En conséquence, l'article 19 bis est ainsi rétabli et les amendements n° 1423, n° 854 et n° 1240 tombent.
La réunion s'achève à vingt heures vingt.
Membres présents ou excusés
Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi relatif à la bioéthique
Réunion du jeudi 2 juillet 2020 à 14 h 30
Présents. – Mme Marie-Noëlle Battistel, M. Thibault Bazin, Mme Aurore Bergé, M. Philippe Berta, M. Xavier Breton, M. Guillaume Chiche, M. Pierre Dharréville, Mme Coralie Dubost, Mme Nicole Dubré-Chirat, M. Jean-François Eliaou, Mme Nathalie Elimas, Mme Elsa Faucillon, Mme Agnès Firmin Le Bodo, Mme Emmanuelle Fontaine-Domeizel, Mme Camille Galliard-Minier, M. Patrick Hetzel, M. Bastien Lachaud, Mme Anne-Christine Lang, Mme Marie Lebec, Mme Monique Limon, Mme Brigitte Liso, Mme Sereine Mauborgne, M. Jean François Mbaye, Mme Emmanuelle Ménard, M. Maxime Minot, Mme Bénédicte Pételle, Mme Sylvia Pinel, Mme Claire Pitollat, Mme Natalia Pouzyreff, Mme Laëtitia Romeiro Dias, M. Hervé Saulignac, M. Jean-Louis Touraine, Mme Laurence Vanceunebrock, Mme Michèle de Vaucouleurs, M. Guillaume Vuilletet
Excusés. – M. Olivier Becht, Mme Annie Genevard, M. Jacques Marilossian, Mme Marie-Pierre Rixain
Assistaient également à la réunion. – Mme Agnès Thill, Mme Michèle Victory