Je vous retrouve ce soir, de façon un peu imprévue, pour l'examen du projet de loi en faveur de l'activité professionnelle indépendante. J'espère poursuivre le travail que vous avez initié avec Alain Griset et mener, avec vous, ce texte à bon port.
Ce projet de loi est la pierre angulaire du plan en faveur des travailleurs indépendants annoncé par le Président de la République le 16 septembre dernier, destiné aux 3 millions d'indépendants de notre pays – entrepreneurs, artisans, commerçants, professionnels libéraux, travailleurs collaborant avec des plateformes et dirigeants de société. Il est complété par plusieurs mesures fiscales et sociales que vous avez adoptées lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2022 et du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2022.
Quiconque se retourne sur l'action menée depuis le début du quinquennat constate que ce gouvernement et cette majorité ont pris de nombreuses mesures en faveur des indépendants : suppression du régime social des indépendants (RSI), unification des déclarations sociales et fiscales, exonération dégressive des cotisations d'assurance maladie. Demeurait toutefois l'ambition d'aller plus loin, pour répondre à une demande forte des indépendants, qui souhaitent être mieux protégés face aux accidents de la vie et mieux accompagnés, de la création de leur entreprise à son éventuelle transmission, tout en bénéficiant d'un accès simplifié à l'information et aux démarches.
Ce besoin impérieux de protection et d'accompagnement découle du fait qu'être entrepreneur, c'est prendre un risque économique en décidant de se lancer dans un projet dont on ignore s'il va réussir, même si on l'espère. Je veux voir dans les chiffres de l'année 2020, pourtant si atypique, l'expression de la dynamique créatrice du pays : nous avons dénombré 840 000 créations d'entreprises, soit 4 % de plus qu'en 2019.
La crise sanitaire a exacerbé plusieurs risques pesant sur les entrepreneurs, ainsi que les difficultés qu'ils peuvent rencontrer tout au long de leur parcours. Nous ne pouvons nous satisfaire de cette situation, pour des raisons d'équité et de valeur. Il s'agit de gens qui se lèvent tôt et se couchent tard, pour lesquels le mérite, le travail, la prise de risque et la volonté de transmettre ont du sens. Nous avons donc décidé, par le biais de ce projet de loi, d'accompagner chaque Français, de la création de son entreprise à son éventuelle cession, en passant par la formation et le rebond.
Nous accompagnons les débuts de l'entreprise grâce à la création d'un statut unique protecteur du patrimoine personnel. L'article 1er dispose que seuls les éléments utiles à l'activité professionnelle de l'entrepreneur individuel pourront être appréhendés en cas de défaillance. Cette protection supprime les risques pesant sur le patrimoine personnel de l'entrepreneur individuel en cas de difficultés professionnelles.
Vous vous interrogez en nombre sur le choix du mot « utile ». Nous aurions pu en effet évoquer des éléments « indispensables » ou « nécessaires ». Aux termes d'échanges avec le Conseil d'État, nous avons retenu le mot le plus simple d'emploi et le plus sécurisant juridiquement. Par ailleurs, le projet de loi permettra de faciliter le passage d'une entreprise individuelle en société. Quant au régime de l'entrepreneur individuel à responsabilité limitée (EIRL), il sera mis en extinction progressive, dès lors que ses principaux avantages sont repris dans le nouveau statut.
L'accompagnement du rebond des entrepreneurs est assuré par l'article 9, qui leur permet de devenir éligibles à l'allocation des travailleurs indépendants (ATI) si leur activité est devenue économiquement non viable. Un décret complétera la réforme de l'ATI par l'assouplissement du critère de revenus de 10 000 euros, qui ne sera désormais exigé que sur la meilleure des deux années précédant la cessation d'activité. J'ai bien noté que plusieurs d'entre vous, notamment M. Dominique Da Silva, souhaitent obtenir des précisions sur les bénéficiaires de l'ATI. J'en donnerai lors de l'examen de l'article 9. En tout état de cause, il s'agit d'une mesure d'assouplissement majeure, qui permettra aux indépendants de préparer leur projet de reconversion tout en percevant un revenu de remplacement de 800 euros mensuels pendant six mois. Le rebond des indépendants sera également facilité par les dispositions permettant que les dettes de cotisations et de contributions sociales des gérants majoritaires de société à responsabilité limitée (SARL) soient effacées dans le cadre d'une procédure de surendettement des particuliers.
Le second volet du texte vise à simplifier l'environnement juridique des indépendants et à améliorer l'accès à l'information. L'objectif est de leur faciliter la vie de ce point de vue.
Mieux mobiliser la formation fait partie des enjeux. En 2019, 16 % seulement des indépendants ont bénéficié d'une action de formation, financée par un fonds d'assurance formation (FAF). C'est dire si nous avons des marges de progrès ! Pour faciliter l'accès des artisans à la formation, le projet de loi prévoit la fusion du fonds d'assurance formation des chefs d'entreprise artisanale (FAFCEA) avec le Conseil de la formation (CDF). Grâce à cette réforme, un organisme unique sera chargé de la gestion de la contribution des chefs d'entreprise artisanale à la formation.
Nous simplifions l'environnement juridique des indépendants par le biais de quatre mesures essentielles.
La première, introduite à l'article 6 supprimé par le Sénat, consiste à habiliter le Gouvernement à légiférer par ordonnance pour clarifier les règles communes aux professions libérales réglementées. Cette réforme se fonde sur un rapport de l'inspection générale des finances et a fait l'objet de concertations avec les professionnels. Compte tenu de la diversité de ces professions, ces concertations se poursuivent pour ajuster les réformes au mieux des attentes et des besoins de chaque profession. Nous proposerons le rétablissement de l'article 6 lors de l'examen du texte en séance publique. Les simplifications prévues sont demandées depuis de longues années par les professions libérales réglementées.
La deuxième mesure est introduite à l'article 11, dans lequel le Gouvernement tire les conséquences de plusieurs décisions du Conseil constitutionnel en matière de régime disciplinaire des experts-comptables. Il s'agit d'augmenter le nombre de magistrats œuvrant au fonctionnement des instances disciplinaires.
La troisième mesure vise à protéger et à simplifier l'activité des artisans. Comme certains d'entre vous, notamment M. Philippe Huppé, le savent, les dispositions relatives à l'artisanat sont éparpillées entre le code de l'artisanat et une douzaine de textes législatifs et réglementaires. Il s'agit, par le biais d'une habilitation à légiférer par ordonnance, de recodifier l'ensemble à droit constant, pour clarifier et sécuriser l'environnement juridique des artisans.
La dernière mesure de simplification, qui figure à l'article 12, tire les conséquences de la loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises, dite loi « Pacte », pour les personnels des chambres de commerce et d'industrie (CCI).