Près de 3 millions de personnes exercent en France une activité professionnelle indépendante en leur nom propre. Artisans, commerçants, agriculteurs, libéraux, se lancent dans l'aventure entrepreneuriale, souvent sans filet de sécurité, en prenant le risque de voir disparaître une partie de leur patrimoine personnel en cas d'échec.
Nous nous réjouissons de ce texte, qui s'ajoute aux deux mesures qui figuraient dans le projet de loi de finances et le projet de loi de financement de la sécurité sociale, mais si nous sommes favorables au principe de séparation du patrimoine personnel et du patrimoine professionnel, sa traduction en droit pose problème et hante nos débats depuis près de trente-cinq ans. La création de l'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL) et de l'exploitation agricole à responsabilité limitée (EARL) en 1985, de la société d'exercice libéral (SEL) en 1990, de la société par actions simplifiée unipersonnelle (SASU) en 1999 et de l'entreprise individuelle à responsabilité limitée (EIRL) en 2010, montrent qu'en réalité, on proposait aux indépendants de se constituer en société, sous diverses formes, que l'on a tenté de simplifier.
On dit de ce texte qu'il est révolutionnaire, mais c'est loin d'être le cas ! Le problème central sera de définir le critère par lequel les deux patrimoines seront séparés. La distinction, introduite par le Sénat, entre les biens immeubles présumés appartenir au patrimoine personnel et les biens meubles présumés appartenir au patrimoine professionnel est simpliste et ne résistera pas à une analyse approfondie. Quant au retour du critère de l'utilité, défendu par le Gouvernement, il reste flou.
Je redoute également que les effets de cette réforme sur la protection des biens personnels des entrepreneurs individuels ne soient pas ceux espérés. Rappelons l'échec de l'EIRL ! Les créanciers les plus importants, en particulier les banques, continueront à exiger des sûretés spéciales sur certains biens, voire une renonciation pure et simple au bénéfice de la séparation des patrimoines. C'est ce problème que nous rencontrons depuis des années, sans parler de celui des créances sociales et fiscales auxquelles on ne peut opposer le principe de la séparation des patrimoines.
Nous avons adopté plusieurs mesures dans le projet de loi de finances, mais il aurait été beaucoup plus simple de créer une réserve spéciale d'autofinancement, taxée à 15 %.
Sous ces quelques réserves, nous aborderons ce texte avec bienveillance.