Intervention de Jean-René Cazeneuve

Réunion du vendredi 26 février 2021 à 9h30
Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-René Cazeneuve, rapporteur général :

Je vous remercie tous pour ces interventions passionnantes, sous-tendues par une expertise qui fait de vous des sources d'informations et d'analyse appréciées. Le projet de loi va dans le bon sens, vous ai-je entendu dire, mais il ne vous satisfait pas complètement. Soyez persuadé que nous sommes à votre écoute – tel est l'objectif de ces auditions – pour améliorer ce texte, et que c'est ce que nous ferons.

Ce texte s'insère dans un dispositif d'ensemble. Notre majorité considérant la transition écologique comme une priorité, cinq lois, au cours de la présente législature, ont déjà porté une ambition écologique. Il s'agit de la loi pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et une alimentation saine et durable, dite loi « EGALIM » ; de la loi portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique, dite loi « ELAN » ; de la loi d'orientation des mobilités (LOM) qui, en créant le forfait mobilités durables, a amplifié la politique en faveur du vélo ; de la loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire ; enfin, de la loi dite « Énergie et climat ».

Á cela s'ajoute que 30 des 100 milliards d'euros affectés au plan France relance sont consacrés à la transition écologique. Certes, il ne s'agit pas toujours de crédits budgétaires, mais jamais l'environnement n'a disposé d'autant de moyens budgétaires en France, ni les opérateurs, tels que l'Agence française pour la transition écologique, d'autant de capacités pour agir. Jamais une majorité n'a autant fait pour lutter contre le réchauffement climatique en aussi peu de temps. Aussi, même s'il a un puissant caractère symbolique parce qu'il découle des travaux de la Convention citoyenne pour le climat, le projet de loi dont nous débattons doit s'apprécier dans ce continuum. Nous avons pour objectif la décarbonation à l'horizon 2050 avec un point de passage en 2030 et ce texte marque une étape importante. Nous voulons tous respecter notre trajectoire de réduction des émissions de gaz à effet de serre et nous cherchons ensemble le meilleur moyen d'y parvenir.

On ne peut reprocher au projet de loi de ne pas intégrer toutes les propositions de la Convention citoyenne pour le climat, ne serait-ce que parce que les mesures fiscales ressortissent exclusivement des lois budgétaires. Le projet de loi de finances pour 2021 comprenait de nombreuses mesures en ce sens, et d'autres lois budgétaires intégreront les mesures dont nous allons discuter. L'engagement de la Convention citoyenne pour le climat a été d'une honnêteté intellectuelle absolue, que je salue. Nous, parlementaires, avons l'obligation d'y prêter attention mais nous n'avons pas l'obligation de la suivre : de multiples acteurs territoriaux, économiques et sociaux ont aussi leur mot à dire, notamment sur la faisabilité des dispositions qui nous sont soumises. De nombreuses propositions de la Convention citoyenne ont été prises en compte dans le plan de relance et dans les lois que j'ai mentionnées ; d'autres dépendent des fruits de notre action au sein de l'Union européenne – et vous pouvez compter sur nous à ce sujet –, d'autres encore, d'ordre réglementaire, sont déjà mises en œuvre.

Le projet de loi ne manque pas d'ambition. Au contraire, il concerne une multitude de sujets importants et prévoit un dispositif de décentralisation par lequel l'État reconnaît le rôle crucial des collectivités territoriales dans la transition écologique. Ce texte tient aussi compte d'un facteur fondamental : la capacité de notre société à intégrer le changement qui lui est demandé. Vous reprochez au projet de loi de laisser trop de place à l'expérimentation, de différer certaines mesures et de se limiter souvent à des dispositifs incitatifs. Mais cette approche souple n'est-elle pas nécessaire pour que tous les acteurs politiques, économiques et sociaux s'approprient la transition écologique, d'autant que certaines solutions sont locales ? J'ajoute que la loi ne fait pas tout : si les Français veulent prendre le train plutôt que l'avion pour des trajets d'une durée inférieure à quatre heures, ils peuvent le faire et je souhaite qu'ils le fassent. Contraindre et interdire, c'est une chose, mais il faut aussi s'attacher à convaincre.

Enfin, l'économie française traverse une crise profonde due à la pandémie. Évidemment, on ne peut arguer de la conjoncture comme d'un prétexte pour ne pas lutter contre le réchauffement climatique. Cette lutte est en soi l'une des solutions permettant de sortir de la crise, mais elle exige que les entreprises investissent quand, dans de nombreux secteurs, les trésoreries sont exsangues. Dans ce contexte, faut-il accélérer le démarrage de certaines mesures comme vous le souhaitez ? Les mesures d'accompagnement que vous suggérez se traduisent en centaines de milliards d'euros d'accompagnement, pour la rénovation thermique des logements en particulier. Á mon sens, il faut réparer notre économie pour générer les marges de manœuvre dont nous avons absolument besoin.

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