Je suis très honoré, chère madame Kintzler, de vous voir après vous avoir souvent lue.
Vous venez d'employer une expression que je ne connaissais pas, mais qui me semble illustrer magistralement l'enjeu intellectuel et culturel de ce projet de loi, qui demeure bien plus aride que vos propos et que nous sommes en train d'examiner. Je fais allusion à l'expression « respiration laïque ».
Je vais faire un raccourci pour rester dans le format de nos interventions. Vous avez, en mars 2018, publié aux côtés de cent intellectuels français un manifeste contre le séparatisme islamiste, qui est l'exact opposé de la respiration démocratique. Vous y dénonciez notamment, pour citer le texte de l'appel, « un nouveau totalitarisme qui avance, masqué, cherchant à passer pour une victime de l'intolérance, alors qu'il est en réalité l'arme de la conquête politique et culturelle d'un islam qui rejette les autres, y compris les musulmans ou les personnes se reconnaissant dans la confession musulmane et qui ne partageraient pas ses vues ».
Pensez-vous que ce projet de loi, sur lequel vous avez commencé à indiquer votre sentiment, permet de raffermir la République ? Comment, selon vous, faire de nouveau respirer par la laïcité ne serait-ce que partiellement ?
Je souhaite vous interroger sur deux points particuliers.
Le premier est d'ordre général. De partout émerge un discours culpabilisant, dans une dimension que vous avez vous-même qualifiée d'expiatoire, qui prône l'antiracisme, mais au nom d'un autre séparatisme que celui de l'islamisme politique. Face à cette tenaille identitaire, le contexte dans lequel s'inscrit cette loi est d'une grande complexité. Quel regard portez-vous sur ces deux blocs qui s'opposent, avec d'une part des républicains, qui se veulent émancipateurs et respirateurs à travers la laïcité, et d'autre part un émiettement de la société qui revendique à tout va ses particularismes au nom de la liberté d'expression ? Cette loi peut-elle, ne serait-ce que modestement, contribuer à faire en sorte que la respiration l'emporte sur l'étouffement et l'émiettement ?
Ma seconde question porte sur l'instruction en famille, notamment sur l'article 21 du présent projet de loi. Vous avez déclaré avoir toujours été défavorable à la scolarisation obligatoire, lui préférant l'obligation d'instruction régie par les programmes nationaux et par des diplômes nationaux. L'un de vos principaux arguments tient, de manière un peu paradoxale, au risque que la scolarisation obligatoire devienne un puissant outil entre les mains de l'Éducation nationale pour étendre l'emprise d'une idéologie officielle. Je devine la source de vos inquiétudes. Pour autant, nous sommes nombreux à croire que l'école républicaine doit être précisément le lieu d'émancipation, le creuset de la respiration, de la socialisation. Quel regard portez-vous sur l'article 21 qui, précisément, exprime deux choses : la prééminence de l'école et la nécessité de ne pas utiliser une liberté qui existe – celle de l'instruction en famille – pour des projets totalement séparatistes, portant d'ailleurs atteinte à la protection de l'enfance.