Intervention de Max Mathiasin

Réunion du mercredi 14 octobre 2020 à 9h30
Commission des affaires économiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMax Mathiasin, rapporteur pour avis :

La crise sanitaire frappe douloureusement les territoires ultramarins, déjà fragilisés par de profonds déséquilibres structurels : une balance des paiements déficitaire, une insularité et un éloignement géographique de l'Hexagone, qui favorisent la vie chère, des délais de paiement très allongés, un taux de chômage deux à trois fois plus élevé que celui de l'Hexagone. Les effets de la crise qui a fortement réduit le nombre de liaisons maritimes et aériennes avec l'Hexagone et le reste du monde, et par voie de conséquence les échanges extérieurs, pourraient donc y être encore plus dévastateurs.

Dans ce contexte, les crédits de la mission « Outre-mer » doivent plus que jamais être mobilisés au service du développement économique, social et environnemental du territoire ultramarin. D'après le ministère des Outre-mer, ces crédits représentent près de 12 % de l'effort budgétaire de l'État en faveur de l'Outre-mer. Ils sont en légère hausse dans le projet de loi de finances pour 2021 : les autorisations d'engagement progressent de 160 millions d'euros pour atteindre près de 2,679 milliards au total. Votre rapporteur pour avis prend acte de cette augmentation.

La structure de la mission, composée de deux programmes – « Emploi Outre-mer » et « Conditions de vie Outre-mer » –, demeure inchangée. Le programme 138 « Emploi Outre-mer » concentre l'essentiel des augmentations des crédits : +106,9 millions d'euros en autorisations d'engagement et +94,1 millions d'euros en crédits de paiement. Cette progression traduit un effort supplémentaire en faveur des entreprises ultramarines : pour la première fois depuis sa refonte en 2019, l'exonération de cotisations sociales patronales atteindra en 2021 son régime de croisière. Pour rappel, 93 % des crédits du programme 138 sont concentrés dans l'action n° 01 « Soutien aux entreprises », ce qui reflète la compensation des exonérations de charges. Le projet de loi de finances pour 2021 prévoit une augmentation de 6,6 % de ses crédits.

L'action n° 02 « Aide à l'insertion et à la qualification professionnelle » bénéficie également d'une hausse des autorisations d'engagement de 3,91 % par rapport à la loi de finances pour 2020. Ses crédits financent le service militaire adapté, dispositif d'insertion professionnelle destiné aux jeunes ultramarins les plus éloignés de l'emploi, ainsi que les actions de l'agence de l'Outre-mer pour la mobilité – LADOM –, dont les moyens sont consolidés.

S'agissant du programme 123 « Conditions de vie Outre-mer », les autorisations d'engagement sont en hausse de 7 %. L'action n° 01 « Logement » bénéficie de 18 millions d'euros supplémentaires en faveur des établissements publics fonciers d'aménagement de Guyane et de Mayotte. Dans le domaine de l'éducation, 14 millions d'euros supplémentaires sont destinés aux établissements du premier degré de Mayotte ; la rénovation du lycée de Wallis-et-Futuna fera l'objet d'un financement particulier, à hauteur de 17 millions d'euros.

Aucune mesure de périmètre n'est prévue dans le cadre du projet de loi de finances pour 2021. En revanche, plusieurs mesures de transfert affecteront le programme 123, pour des montants de crédits inférieurs à 50 millions d'euros. Un point de vigilance demeure : la sous-exécution chronique des crédits du programme 123, que la crise sanitaire risque d'accentuer, en dépit des efforts des responsables du programme pour en améliorer l'exécution en cours d'exercice.

Votre rapporteur pour avis prend acte de l'augmentation générale des moyens de la mission, mais regrette qu'elle soit modérée au regard de l'urgence économique dans les outremers.

Examinons à présent les conséquences de la crise sur l'activité des TPE-PME ultramarins, notamment dans un secteur essentiel pour nous, le tourisme. Le tissu économique ultramarin est composé à 95 % de très petites entreprises (TPE). Leurs taux de rentabilité sont faibles et leurs fonds propres limités, ce qui diminue leur résistance aux chocs conjoncturels.

Dans ce contexte de déséquilibre structurel permanent, le monde économique ultramarin est atteint par une profonde crise de confiance. À titre d'exemple, l'indicateur guadeloupéen du climat des affaires s'inscrit à douze points en dessous du niveau atteint lors de la crise de 2009…

Les effets de la crise se font particulièrement ressentir dans le secteur du tourisme, qui représente en moyenne 18 % du PIB des Outre-mer, donc de nombreux emplois directs et indirects. D'après une étude commandée par l'association des chambres de commerce et d'industrie des Outre-mer, le secteur touristique devrait perdre 60 % de son chiffre d'affaires en 2020, par rapport à celui réalisé en 2019, soit plus de 700 millions d'euros.

La saison dite estivale a permis, dans une certaine mesure, d'amortir le choc des pertes financières, mais le bilan est contrasté. À La Réunion, par exemple, le nombre de touristes accueillis au mois de juillet 2020 représentait seulement 11 % de celui du mois de juillet 2019 ; à Saint-Barthélemy, les chiffres de l'été sont relativement bons ; le taux d'occupation des résidences touristiques n'a chuté que de 20 % à 30 % par rapport à la même période l'an dernier. Alors que les conditions sanitaires continuent de se dégrader, les chances de reprise du secteur semblent d'ores et déjà compromises : traditionnellement, la haute saison touristique ultramarine commence à l'hiver.

Les acteurs économiques que nous avons auditionnés ont salué les mesures d'urgence mises en œuvre par le Gouvernement pendant le confinement. Toutefois, certains d'entre eux ont déploré de grandes difficultés d'accès à ces dispositifs. Ainsi, les TPE ont très peu bénéficié des prêts garantis par l'État (PGE). La multiplicité des interlocuteurs selon les aides demandées, la complexité des dossiers, les lourdeurs administratives et la fracture numérique ont été signalées comme autant de freins pour les TPE-PME. Qui plus est, l'association des chambres de commerce et d'industrie des Outre-mer estime qu'un tiers des entreprises de Guyane et de Mayotte ignorent l'existence des dispositifs instaurés par le Gouvernement au mois de mai, en raison d'un accès à internet limité dans ces territoires. Par ailleurs, les Outre-mer n'ont que faiblement bénéficié, cet été, de la promotion du tourisme local.

En conséquence, votre rapporteur plaide pour une réelle adaptation des dispositions d'urgence aux territoires ultramarins, ainsi que pour une prolongation des aides exceptionnelles jusqu'à la fin du premier semestre 2021. Il y va de la survie même des entreprises et des emplois.

Il plaide également pour une extension à tous les territoires ultramarins des règles relatives au Fonds de solidarité applicables en Guyane et à Mayotte depuis le 14 août 2020 : doublement de l'aide versée dans le cadre du premier volet du Fonds de solidarité, portée à 3 000 euros par mois du 1er juillet au 30 octobre 2020, et éligibilité aux aides pour les entreprises unipersonnelles. Votre rapporteur relaie enfin l'inquiétude croissante des acteurs économiques ultramarins au sujet de leur capacité à rembourser les PGE, et plaide en conséquence pour un allongement de leur durée d'amortissement, actuellement limitée à six ans.

En parallèle, votre rapporteur plaide pour un soutien clair du Gouvernement au profit de la destination Outre-mer : nécessité d'un abondement rapide, par le ministère des Outre-mer, des plans de promotion touristique automnaux et hivernaux des collectivités ultramarines ; renforcement progressif des vols aériens vers les Outre-mer au départ de Paris ; rationalisation des conditions d'accès aux tests PCR et la réduction du délai d'obtention des résultats.

À plus long terme, votre rapporteur pour avis défend la poursuite des efforts entrepris pour promouvoir un tourisme durable et de qualité Outre-mer, ce qui suppose un renforcement significatif des investissements dans les infrastructures touristiques, afin de faire de la destination Outre-mer une destination écoresponsable.

Compte tenu de ces observations, de l'effort global du Gouvernement et de tous ceux qu'il reste à accomplir, ainsi que des spécificités rappelées en introduction, j'émets un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Outre-mer ».

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.