Il y a un an, au salon international de l'agriculture, le Président de la République rappelait : « Nous avons un devoir de protection vis-à-vis de toutes celles et ceux qui nous nourrissent. C'est aujourd'hui leur engagement qui garantit notre souveraineté alimentaire ». Nous avons encore pu le mesurer lors de la crise sanitaire qui a contraint notre pays à se réorganiser entièrement.
Dans ce temps suspendu, notre agriculture, déjà fragile, a été particulièrement affectée, mais elle a su aussi s'adapter pour permettre aux consommateurs de se fournir directement dans les fermes, pour faire face au manque de main-d'œuvre saisonnière, pour s'ajuster à la reconfiguration du marché. Il faut saluer l'entraide intelligente des acteurs du monde agricole face à la crise. Les chambres d'agriculture, les syndicats, les abattoirs et les transformateurs, les filières, les associations, les commerces de proximité, les services de l'État, les agriculteurs, tous se sont mobilisés et soutenus. C'est un bel exemple de solidarité à la française. J'observe également l'intérêt prononcé des citoyens pour les produits locaux, qui est un signe de leur attachement à leur territoire, mais aussi de leur souci de bien-être en privilégiant les circuits courts.
Nous vivons un moment unique pour relancer notre agriculture et remédier à certains de ses handicaps.
Protéger nos agriculteurs, c'est un objectif que nous partageons tous ici et qui est au cœur de notre engagement depuis 2017. Cette année, nous pouvons nous féliciter d'avancées notables : le maintien à hauteur de 62,4 milliards d'euros du budget de la politique agricole commune (PAC), pour lequel notre ministre s'est battu ; l'affectation de 1,2 milliard d'euros au volet « Transition agricole » du plan de relance pour renforcer la souveraineté alimentaire, accélérer la transition agroécologique et adapter l'agriculture et la forêt au changement climatique.
Cette année, avec 2,9 milliards d'euros en AE et en CP, la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » du projet de loi de finances (PLF) pour 2021 affiche sa constance au service d'une agriculture durable économiquement et respectueuse de l'environnement. Il se caractérise par trois objectifs : soutenir le revenu des agriculteurs et la transformation de l'agriculture vers l'agroécologie, y compris grâce aux contreparties nationales aux aides de la PAC ; assurer la sécurité de nos aliments par le maintien de niveaux élevés de surveillance, de prévention et de notre capacité à gérer efficacement les crises ; préparer l'avenir par l'innovation et la formation de nos jeunes.
Le programme 149 « Compétitivité et durabilité de l'agriculture, de l'agroalimentaire, de la forêt, de la pêche et de l'aquaculture » soutient financièrement les filières. Il intervient en synergie avec les fonds européens pour favoriser la compétitivité des exploitations et des entreprises. Après une hausse de 8,8 % l'an dernier, les AE de ce programme diminuent de 4,8 % en 2021. Cela est lié au triplement des crédits accordés aux mesures agroenvironnementales et climatiques (MAEC), qui demeurent à un niveau élevé.
Quelques évolutions notables sont à noter.
Les crédits du fonds pour les industries agroalimentaires sont en augmentation, afin de financer un programme d'accompagnement de petites et moyennes entreprises (PME).
Le fonds Avenir Bio est stable, à 8 millions d'euros ; l'objectif est d'atteindre 15 % de la surface convertie en agriculture biologique d'ici à 2022. Le budget de ce fonds a doublé depuis 2018.
Le montant alloué aux stages à l'installation est revalorisé de 600 000 euros pour inciter au renouvellement des générations.
Le budget de l'action n° 25 « Protection sociale » est en hausse de 10 millions d'euros, grâce à l'exonération des charges patronales pour l'emploi de travailleurs occasionnels et de demandeurs d'emploi (TO-DE), prolongée jusqu'au 1er janvier 2023.
L'action n° 26 « Gestion durable de la forêt et développement de la filière bois », affectée au financement du programme national la forêt et du bois, du Centre national de la propriété forestière, de la restauration des terrains de montagne et des missions d'intérêt général confiées à l'Office national des forêts, est en hausse de 3,5 % en AE et de 2,2 % en CP.
L'action n° 27 « Moyens de mise en œuvre des politiques publiques et gestion des interventions » augmente de 3,6 % pour la mise en œuvre des politiques nationales et communautaires en faveur des entreprises agroalimentaires et agricoles, la provision pour aléas qui couvre majoritairement les potentiels refus d'apurement communautaire, et les aides éventuelles pour faire face à des crises climatiques ou économiques au niveau communautaire.
Le programme 206 « Sécurité et qualité sanitaires de l'alimentation », en hausse de 30 millions d'euros, affiche 599,3 millions d'euros en AE et 598,1 millions d'euros en CP. Cette augmentation de 5 % porte sur les crédits affectés à la gestion des maladies animales, en lien avec la tuberculose bovine, et à la refonte de la base de données nationale de l'identification pour une meilleure traçabilité des animaux vivants ; les contrôles officiels des conditions sanitaires de production, d'importation et de commercialisation des aliments d'origine animale bénéficient d'une augmentation de 2 millions d'euros en réponse aux besoins constatés sur le terrain ; 500 000 euros sont affectés au lancement d'une plateforme internet destinée à la centralisation statistique des données sur les produits durables et de qualité en restauration collective, nécessaire pour satisfaire aux obligations introduites par la loi n° 2018-938 du 30 octobre 2018 pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous (ÉGALIM).
Le programme 215 « Conduite et pilotage des politiques de l'agriculture », consacré à la mise en œuvre déconcentrée des politiques soutenues par le ministère et aux moyens de fonctionnement de l'administration centrale, est en hausse.
Le compte d'affectation spéciale « Développement agricole et rural » (CASDAR) est alimenté par le produit de la taxe sur le chiffre d'affaires des exploitants agricoles. En l'état actuel, le montant des engagements est ajusté tout au long de l'année à due concurrence des recettes réellement encaissées. Mais la baisse du plafond des crédits s'établit à 126 millions d'euros, contre 136 millions d'euros l'an dernier. À l'heure où l'innovation et la technique doivent être encouragées pour favoriser de meilleures performances économiques et environnementales, je propose de rehausser le plafond des recettes estimatives du CASDAR afin qu'un éventuel dépassement de ces 126 millions d'euros, comme estimé par les chambres d'agriculture, ne constitue pas un frein. Je vous proposerai un amendement sur ce sujet.
Le développement et la demande croissante d'une agriculture de proximité, notamment pendant la crise – drive à la ferme, marchés, associations pour le maintien d'une agriculture paysanne (AMAP) –, m'ont poussé à étudier le phénomène de l'agriculture urbaine, qui prend de l'ampleur dans les villes. Effet de mode ou projets prometteurs ? Élu d'une circonscription rurale, je pense que ces projets sont aussi bien transposables dans des petites villes. Du reste, la ville tendant à s'étaler, cette forme de production n'a-t-elle pas une vocation naturelle à suivre demain le même mouvement ?
L'agriculture urbaine est définie par l'Agence de la transition écologique (ADEME) comme « tout acte maîtrisant le cycle végétal ou animal dans un but de production alimentaire ayant lieu en zone urbaine ». Elle peut s'établir sur des surfaces bien différentes – friches, sols, toits, murs, sous-sol – et être soutenue par des acteurs aussi divers que des bailleurs sociaux, la SNCF, des municipalités, etc. C'est un phénomène qui remonte au XIXe siècle ; en 1845, on comptait 1 800 maraîchers autour de Paris. L'Association française d'agriculture urbaine professionnelle recense 600 sites exploités sur une surface de 80 hectares répartis en micro-sites. On manque de données au niveau national.
L'agriculture urbaine est intéressante en ce qu'elle exacerbe les multifonctionnalités de l'agriculture. Sa fonction nourricière est réelle. Les productions peuvent être très diverses : maraîchage sur les murs, en milieu fermé pour les champignons ou les endives, sur les toits pour les ruches, les légumes et les fruits.
Sa fonction environnementale est forte. Des études ont montré les effets de ce type d'agriculture sur la régulation thermique des villes. Elle contribue à la réhabilitation des sols pollués par des projets hors-sol ou de dépollution des sols, à la reconstruction de la biodiversité, à la lutte contre la pollution atmosphérique et contre la pollution sonore par la végétalisation, à une gestion améliorée de l'eau par la rétention de l'eau de pluie, et au recyclage des déchets.
Elle peut être aussi un facteur de cohésion sociale. Dans des quartiers délaissés, l'activité d'agriculture urbaine permet de reconnecter les habitants entre eux, de proposer des chantiers d'insertion, d'attirer des nouveaux publics et de favoriser le mélange des générations et des classes sociales.
Elle aide à la reconnexion des gens avec la nature et répond à un besoin social de verdissement, à la végétalisation et l'embellissement urbain. Elle constitue une solution pour réhabiliter des friches urbaines et leur redonner un usage.
De surcroît, elle a aussi une fonction pédagogique. Grâce à l'établissement de partenariats avec les écoles, elle favorise l'éveil des jeunes aux techniques agricoles.
L'agriculture urbaine est inégalement répartie dans les territoires, car elle dépend des initiatives prises au niveau local par les agglomérations, les collectivités, les chambres d'agriculture, l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU), la Caisse des dépôts et consignations (CDC). Les collectivités territoriales jouent un vrai rôle dans l'accompagnement des projets, notamment lorsqu'elles maîtrisent du foncier et qu'elles acceptent de devenir le support de cette activité.
Les porteurs de projets dans cette agriculture d'un nouveau type ont besoin d'être soutenus sur trois aspects : l'accession aux sites ; l'adaptation juridique à l'activité agricole exercée en cœur de ville, notamment au regard du bail et de la flexibilité du droit ; la clarification et la généralisation des aides. Dans le plan de relance, 30 millions d'euros sont affectés en AE et 15 millions d'euros en CP pour favoriser le développement de jardins partagés.
Nous découvrons sans cesse des caractéristiques nouvelles de l'agriculture, profondément utiles à l'environnement. Le développement des pratiques agro-écologiques et les budgets qui lui sont alloués capitalisent sur ces atouts. L'agriculture a de l'avenir, partout au bénéfice de tous – l'agriculture urbaine en est un exemple éloquent. Il faut croire en son potentiel, en l'accompagnant vers l'amélioration de ses pratiques et en lui donnant tous les outils pour un avenir jeune, innovant, ambitieux. Les défis sont nombreux, du changement climatique aux menaces des espèces invasives qui nous imposent parfois de faire des choix difficiles alors que nous devons modifier nos pratiques pour lutter contre les dégâts qu'elles occasionnent.
Plus modeste que celui de l'an dernier, qui avait connu une hausse significative, le PLF 2021 s'inscrit pourtant dans la continuité des efforts de la majorité pour accompagner notre agriculture, l'aider à faire face aux imprévus, mais aussi prendre le tournant d'une production toujours plus vertueuse et adaptée aux nouvelles demandes des consommateurs. Ce budget est aussi marqué par sa parfaite adéquation avec les autres soutiens financiers européens et le plan de relance.