Je veux à mon tour saluer notre rapporteur pour la qualité de son travail et son implication.
Depuis trente ans, les rapports consacrés à la forêt française s'accumulent et tous dressent le même constat, celui d'une sous-exploitation chronique de nos bois et de difficultés liées à leur gestion. Est en cause l'important morcellement de la forêt privée française : les parcelles d'un à vingt-cinq hectares couvrent cinq millions d'hectares, soit près d'un tiers de nos forêts. Ces petites surfaces sont difficiles à valoriser. Les volumes de bois qui y sont exploités sont trop limités pour intéresser les industriels. En outre, la taille des chantiers est insuffisante et ne permet pas aux exploitants de réaliser les travaux de sylviculture et de voirie forestière nécessaires à l'exploitation et in fine d'atteindre leur seuil de rentabilité.
La multiplicité des interlocuteurs, qui changent au gré des successions, est aussi un frein. Elle empêche de définir une programmation et un bon étalement des coupes. Au-delà des effets économiques, je m'inquiète des conséquences de la parcellisation des bois pour l'environnement. L'écosystème de la forêt subit durement les évolutions climatiques et les épidémies. Alors que les bois représentent un atout majeur dans la lutte contre le changement climatique et dispensent de nombreux services environnementaux, une gestion globale et à grande échelle de cette ressource s'impose. La loi d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt du 13 octobre 2014 s'inscrivait dans cette logique. Elle a permis de renforcer la lutte contre le morcellement en créant de nouveaux droits de préférence et de présomption. Une habilitation temporaire de trois ans, prévue à son article 94, visait à permettre aux experts forestiers d'accéder sans limitation du nombre de demandes aux informations cadastrales situées dans le périmètre géographique d'exercice de leur mission.
Grâce à ce dispositif, les experts forestiers, les organisations de producteurs du secteur forestier, les gestionnaires forestiers professionnels ont pu identifier plus facilement les propriétaires de petites et moyennes parcelles, ce qui leur a permis de les informer correctement des possibilités de valorisation économique de leurs bois et forêts, dans la perspective d'une bonne gestion de la forêt. C'est pourquoi je suis favorable à cette proposition de loi qui vise à pérenniser l'expérimentation.
Elle ne saurait cependant suffire pour combler les lacunes des politiques publiques relatives à la forêt et au bois. Notre groupe est en effet convaincu que le renouveau de la forêt passera par une territorialisation accrue de la stratégie forestière française. Nous regrettons que cette proposition revienne tardivement sur la table, exposant les experts forestiers à une période de latence au cours de laquelle ils n'auront pas accès aux matrices cadastrales, ce qui aurait pu être évité si le Gouvernement s'était montré plus prévoyant et n'en avait pas fait un cavalier législatif lors de l'examen du projet de loi d'accélération et de simplification de l'action publique, l'exposant ainsi à la censure du Conseil constitutionnel.