Intervention de Jean-Luc Lagleize

Réunion du mercredi 7 avril 2021 à 11h15
Commission des affaires économiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Luc Lagleize, rapporteur :

La création du CNES en 1961 répondait à la volonté de doter la France d'un outil d'excellence au service de l'autonomie stratégique de la Nation, « dans un siècle de fusées et d'avions », pour reprendre les mots du général De Gaulle en 1960.

En ce début de XXIe siècle, l'empreinte européenne de la politique spatiale s'est renforcée, et de nouvelles technologies, notamment celles liées au numérique, irriguent le secteur. Pour autant, les enjeux de souveraineté et d'innovation sont les mêmes qu'il y a soixante ans : c'est la raison pour laquelle le choix de celui qui incarne la politique spatiale française fait partie des décisions essentielles pour notre pays.

À cette fin, nous recevons donc aujourd'hui M. Philippe Baptiste, dont la nomination à la tête de l'établissement, en remplacement de M. Jean-Yves Le Gall, en poste depuis 2013 et que toute notre commission remercie, est envisagée par le Président de la République.

Monsieur Baptiste, votre parcours professionnel témoigne d'une solide expérience dans les domaines de l'informatique et du numérique, qu'il s'agisse de vos débuts au centre de recherche d'IBM, de vos activités de recherche au laboratoire d'informatique de l'École Polytechnique (LIX), commun avec le Centre national de la recherche scientifique (CNRS), ou de vos fonctions actuelles au Boston Consulting Group, où vous dirigez un département spécialisé dans l'intelligence artificielle. Je le dis sans ambages : votre profil, atypique au regard des acteurs traditionnels de la filière spatiale, me paraît être un atout pour porter l'esprit de conquête et de renouvellement dont le CNES a toujours fait preuve.

Les défis sont immenses, comme vous l'avez souligné dans les réponses, complètes et directes, que vous avez bien voulu apporter au questionnaire que je vous ai transmis en fin de semaine dernière.

Le premier de ces défis sera de maintenir au profit de l'Europe une capacité autonome et compétitive d'accès à l'espace, ce qui suppose l'achèvement du projet de lanceur Ariane 6.

Sur ce point, nous n'avons pu que déplorer les dégâts immenses provoqués par la crise sanitaire, qui a durement affecté le chantier du pas de tir en Guyane. Le retard pris intervient alors que l'économie de l'espace est en pleine recomposition, avec l'affirmation de nouveaux acteurs privés, tels que SpaceX, et la montée en puissance de segments de marché à haute valeur ajoutée, avec les constellations de satellites en orbite basse ou encore les applications spatiales.

Le deuxième de ces défis consistera, précisément, à mettre le CNES au service de cette nouvelle économie de l'espace, le new space, comme on le dit en anglais. À cet égard, je note avec satisfaction que le soutien à l'innovation et le renforcement des partenariats avec les start-up du numérique feront partie des priorités de votre action au nom de l'établissement.

Le troisième défi est, cette fois, d'ordre militaire : l'espace est devenu un terrain où l'on se bat au sens premier du terme, même si un tel combat n'est pas toujours visible du grand public.

Dès lors, l'installation au Centre spatial de Toulouse (CST) du commandement de l'espace (CDE) va indéniablement dans le bon sens. Les infrastructures techniques du CST doivent désormais être en mesure de répondre aux impératifs opérationnels d'une chaîne de commandement militaire, ce qui implique une plus grande synergie entre les équipes du CNES et celles du ministère des armées. Là encore, votre contribution écrite montre que vous êtes parfaitement conscient de l'importance du sujet.

Dans votre esprit, la marche à suivre pour accompagner le CNES dans la voie d'une transition réussie est clairement définie. Encore faut-il que l'établissement ait les moyens de ses ambitions et c'est sur ce sujet que je souhaiterais obtenir de votre part des précisions complémentaires à vos réponses écrites.

Tout d'abord, vous le savez, la dimension européenne de la politique spatiale a pris une telle ampleur que la réussite de tout projet suppose l'appui de l'ensemble de nos partenaires, en particulier de l'Allemagne et de l'Italie. À l'heure de l'intensification de la compétition économique dans le secteur spatial, quel rôle le CNES peut-il jouer dans le maintien de l'unité stratégique européenne ?

Par ailleurs, il importe que le CNES bénéficie de la part de l'État d'un soutien financier à la hauteur des objectifs poursuivis. Si, comme vous l'avez indiqué dans votre contribution, ce soutien paraît acquis pour l'achèvement du programme de lanceurs, pensez-vous que le budget du CNES lui permettra de mettre en œuvre les autres priorités que vous affichez ?

Mes chers collègues, la décennie qui vient de s'ouvrir est une période de bouleversements, pleine de menaces mais aussi riche en opportunités pour le CNES, et j'espère que celui-ci sera en mesure d'en tirer profit au service des intérêts de notre pays.

Quoi qu'il en soit, je vous remercie, une fois encore, monsieur Baptiste, pour la clarté et la qualité de vos réponses écrites, qui ont été transmises très rapidement en dépit des délais contraints.

En tant que rapporteur, mais aussi en tant que député de Toulouse et coprésident du groupe d'études « Secteur aéronautique et spatial » de l'Assemblée nationale, j'ai le plaisir d'exprimer un avis favorable à votre nomination en qualité de président du CNES.

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