Intervention de Patrick Mignola

Réunion du mercredi 27 octobre 2021 à 14h00
Mission d'information visant à identifier les ressorts de l'abstention et les mesures permettant de renforcer la participation électorale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPatrick Mignola, président du groupe Mouvement démocrate (MODEM) et démocrates apparentés à l'Assemblée nationale :

Je vous prie d'excuser l'absence du président Bayrou, que je représente avec Isabelle Florennes, porte-parole de notre groupe. Je vous ai fait distribuer un document présentant le travail réalisé par le Mouvement démocrate sur la lutte contre l'abstention électorale.

Si, comme l'ont très bien dit les deux orateurs précédents, les causes de l'abstention sont multiples, on peut répondre au phénomène – en dehors de la nécessaire réflexion politique qu'il doit susciter sur notre action, ses résultats et la manière de mieux faire vivre notre démocratie – par des propositions pratiques ou techniques. Je rappellerai donc en quelques mots les plus emblématiques des vingt propositions concrètes formulées par le Mouvement démocrate il y a quelques mois, en leur en ajoutant quelques autres qui émanent de notre groupe parlementaire.

Le premier objectif est de faciliter l'inscription sur les listes électorales. À cette fin, nous proposons d'améliorer la procédure de modification de l'inscription – 9 à 10 millions de Français sont mal ou non inscrits.

De ce point de vue, l'automatisation des inscriptions, dans le respect du règlement général sur la protection des données (RGPD), et la notification des modifications à nos concitoyens permettraient de mieux gérer les listes.

De même, au sein des collectivités locales, de l'encadrement des procédures et de la régularité des nettoyages. Peut-être pourrait-on également – à plus court terme, en vue des prochaines échéances – raccourcir le délai maximal entre l'inscription et l'élection, en le ramenant à un mois, ce qui ne nuirait pas à la sincérité du scrutin et permettrait probablement à un plus grand nombre d'électeurs d'y participer.

Nous proposons aussi la création d'un émargement numérique national.

Enfin, parce qu'il s'agit d'un sujet important – de ceux, cités par Stanislas Guerini, dont on parle dans les deux jours qui suivent le vote pour les oublier ensuite –, il faut former et valoriser les présidents et assesseurs des bureaux de vote, qui pourraient être désignés par les élus locaux pour une période donnée plutôt que pour un unique scrutin, ce qui est toujours plus difficile.

Deuxième objectif : la modernisation du vote par des outils répondant aux attentes de nos concitoyens, en tout cas leur permettant de participer davantage au scrutin.

À cette fin, notre première proposition est d'introduire le vote par correspondance, que toutes les grandes démocraties du monde utilisent sans qu'il nuise à la sincérité du scrutin. Cette avancée majeure fait malheureusement partie des objectifs que la majorité à laquelle nous appartenons n'a pas pu atteindre au cours de la législature. Ne ratons plus l'occasion ; il serait difficile de modifier les règles du scrutin d'ici à l'élection présidentielle et aux élections législatives, mais ce devra être fait pendant la prochaine législature.

Quant au vote par internet – dans notre société, nous faisons désormais tant de choses par internet ! –, il devrait être au moins expérimenté, puisque nous n'avons pas le même recul que sur le vote par correspondance s'agissant du risque de fraude. Il est en tout cas absolument incompréhensible, notamment pour les plus jeunes générations, que nous n'ayons pas recours à cette manière d'exprimer notre choix.

Nous proposons ensuite la généralisation des machines à voter pour les communes qui le souhaitent et le peuvent, éventuellement accompagnées par l'État. Certaines communes attendent que le ministère de l'Intérieur émette enfin un avis définitif à la suite d'une expérimentation vieille de douze ans, dont nous devons tirer les conséquences. Cet outil est lui aussi utilisé dans de très nombreuses grandes démocraties.

Enfin, le portage de procuration devrait être ouvert aux citoyens d'un même département et non plus seulement d'une même commune. Cela faciliterait la vie du citoyen électeur.

Pour garantir le pluralisme – troisième objectif –, parce que c'est le fait de se sentir représenté qui donne envie d'aller voter, nous proposons de manière répétée et depuis longtemps – nous n'abandonnerons jamais ce combat – l'introduction d'un nouveau mode de scrutin, plus représentatif : la proportionnelle, dans toutes ses variations possibles, dont la plus juste, la plus équilibrée et celle qui permet de dégager des majorités est le scrutin proportionnel intégral incluant un seuil d'éligibilité à 5 %.

Nous devrons également, sans figer notre position à l'avance, débattre, peut-être à l'occasion de l'élection présidentielle, du vote blanc et du vote obligatoire. La prise en compte du vote blanc pourrait par exemple être expérimenté lors de scrutins locaux au cours de la prochaine législature.

Dans le même esprit, il faut instaurer une banque de la démocratie – l'un des grands engagements du Mouvement démocrate –, car certains partis politiques ou candidats ont du mal à accéder à des moyens bancaires leur permettant de promouvoir leurs idées, alors qu'il n'est pas concevable que ce soit une difficulté d'ordre financier qui empêche de défendre des convictions.

Enfin, il faut réfléchir à l'application de la parité dans les plus petites communes. D'ici aux prochains scrutins, en 2026, il ne devrait plus y avoir de différence à cet égard selon que l'on réside dans une commune de plus ou de moins de 1 000 habitants.

Notre quatrième objectif est de développer l'esprit citoyen, en autorisant la publicité politique dans la presse et sur les réseaux sociaux jusqu'à une date plus proche du scrutin qu'aujourd'hui, en incitant les distributeurs de services audiovisuels, notamment les chaînes de télévision régionales et les radios locales, à diffuser des émissions consacrées à la vie publique et électorale, en généralisant les conseils municipaux de jeunes et les simulations de vote dans les établissements scolaires, enfin en créant une application électorale qui renseignerait chacun sur sa situation de citoyen, son inscription sur les listes électorales et la date des prochaines élections.

Le dernier objectif est d'assurer la participation des plus fragiles, d'abord en introduisant des référentiels de l'accessibilité électorale, celle des bureaux de vote, des bulletins, des capacités, des isoloirs. Car il n'existe pas de référentiel qui s'appliquerait en tout point du territoire pour nos concitoyens en situation de handicap. De même, nous pourrions rendre obligatoire la présence sur les bulletins de vote de la photographie du candidat ou de la tête de liste et d'un code-barres matriciel, que ce soit pour nos concitoyens qui ont des difficultés à lire ou pour ceux qui sont atteints de déficience visuelle. Enfin, il semble absolument indispensable de créer en vue des prochains scrutins un service public de transport vers les bureaux de vote pour les personnes ayant des difficultés à se déplacer ou ne le pouvant pas du tout.

À ces propositions, j'ajouterai quelques réflexions supplémentaires. S'agissant de l'école, il faut que l'instruction civique soit beaucoup plus régulière. Il ne s'agit pas d'en faire une discipline parmi les autres, évoquée une ou deux fois au cours du premier cycle, puis du second cycle, et plus jamais ensuite. Nombre de nos concitoyens ne connaissent pas la différence entre un conseil départemental et un conseil régional, ni même les règles d'organisation de la vie publique.

Enfin, essayons d'être modernes. Comment peut-on imaginer diffuser les professions de foi sans utiliser les outils de médiatisation de toute la société ?

Il faut se soucier dès maintenant de la façon dont elles seront distribuées en mai et juin 2022, compte tenu des dernières expériences malheureuses en la matière. Je le dis ici afin que cela soit inscrit au compte rendu : le ministère de l'Intérieur doit décider soit de mieux choisir ses prestataires délégataires, soit de revenir à la situation antérieure. Nous avons des souvenirs cuisants de professions de foi non ou sous distribuées – parfois, celles de la moitié des candidats seulement sont arrivées à destination.

Quoi qu'il en soit, il est possible de diffuser les professions de foi sur les réseaux sociaux et dans les médias propres à chaque classe d'âge.

Nous aurons aussi besoin d'une application de suivi des politiques publiques, sur le modèle de celle qu'a lancée le Gouvernement, mais à l'échelle locale, pour connaître les effets des mesures prises. La meilleure façon d'être incité à voter, c'est de savoir à quoi cela sert. Or, dans notre société tellement informée qu'elle l'est mal, on a toutes les peines du monde à saisir les effets sur son propre quotidien d'une décision prise il y a six mois.

À cet égard, nous aurons à travailler dans d'autres champs – l'équilibre des pouvoirs, la participation citoyenne, l'extension du recours aux référendums, nationaux et locaux, la simplification du millefeuille territorial. Mais il s'agira d'autres réflexions ; j'ai voulu me limiter pour le moment à des propositions techniques et pratiques.

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