Intervention de André Chassaigne

Réunion du mardi 8 juin 2021 à 17h00
Commission des affaires sociales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAndré Chassaigne, rapporteur :

D'abord, chère Jacqueline Dubois, cette proposition de loi n'a rien qui relève de la tactique politique. Un engagement avait été pris collectivement l'an dernier à l'issue du vote sur la revalorisation des pensions agricoles, partagé par tous les groupes, et j'avais annoncé une nouvelle proposition de loi qui nous permettrait d'avancer lors de la niche suivante du groupe de la Gauche démocrate et républicaine : nous y sommes. Le présent texte permet de remplir cet engagement. Certes, d'autres propositions de loi ont été déposées, au Sénat comme à l'Assemblée nationale, mais l'essentiel est que ce texte soit inscrit à l'ordre du jour afin que l'on puisse en débattre.

Ce n'est pas à prendre ou à laisser : nous sommes ouverts à une discussion permettant d'obtenir une réelle avancée. Le texte n'est pas bouclé, ce n'est pas une opération politicienne. Il faut faire prospérer cette belle proposition, obtenir une réparation nécessaire : tel est notre état d'esprit. Le texte qui sortira de la commission ne nous réunira vraisemblablement pas, mais j'espère que nous pourrons encore l'enrichir pour voter de façon unanime dans l'hémicycle, le 17 juin, des avancées concrètes pour des dizaines, voire des centaines de milliers de bénéficiaires.

Ayant bien sûr échangé avec le cabinet du ministre et avec le secrétaire d'État chargé des retraites, j'ai déjà obtenu des engagements. La rédaction de l'article 1er, c'est vrai, peut prêter à confusion : même si telle n'est pas notre intention, elle pourrait ne s'adresser qu'aux nouveaux retraités, sans englober les retraités actuels – ne parlons pas de « flux » et de « stock ». J'ai naturellement envisagé un amendement mais, en raison de l'article 40 de la Constitution, la clarification ne pourra se faire qu'en séance, avec l'accord du Gouvernement. Je sais déjà qu'il donnera son aval : ce point est donc réglé. Quant à l'amendement déposé par Mme Dubois et plusieurs de ses collègues, il ne lève pas l'incertitude sur la prise en compte des retraités actuels.

Concernant le financement, nous proposons d'augmenter le taux de la taxe sur les transactions financières, actuellement de 0,3 %. Le majorer de 0,1 point rapporterait environ 500 millions d'euros. Je sais que le Gouvernement ne veut pas de cette solution et, faute de trouver une recette, il faudra bien recourir à la solidarité nationale, comme cela avait été fait pour le texte de l'année dernière. Nous avions conscience en l'inscrivant dans la loi que cette disposition ne ferait pas l'unanimité ; et pourtant, qu'est-ce que 0,1 point d'augmentation ? Cela ne touchera pas les petits actionnaires. Je crois que c'est une position éminemment politique : on ne veut pas utiliser ce moyen pour aller chercher l'argent là où il est.

S'agissant des cotisations, chacun de nous peut constater qu'elles sont insuffisantes, ou n'ont pas été suffisantes par le passé. C'est pourquoi l'article 3 pose l'obligation, dans un délai de cinq ans, de sortir du statut de conjoint collaborateur pour choisir un statut plus protecteur – associé, chef d'exploitation, salarié. Cela impliquera une dépense supplémentaire, mais nous pensons qu'il faut l'imposer, comme cela a été fait pour les aides familiaux. Lors des auditions, toutes les organisations syndicales du monde agricole nous ont donné leur aval, affirmant qu'il fallait sortir de ce système de protection qui n'en est pas une, qui entraîne de très basses retraites. Certains vont même jusqu'à dire qu'il faut supprimer le statut de conjoint collaborateur. Je ne pense pas que l'on puisse le faire de façon brutale mais c'est sans doute une question qu'il faudra se poser, parce que ce statut ne permet pas, en l'état, d'avoir une retraite suffisante.

Tout est lié aux revenus : pour un couple d'éleveurs de montagne qui travaillent tous les deux sur l'exploitation et qui perçoivent 500 euros nets par mois de revenus, il est difficile de verser des cotisations sociales importantes ! Il faut donc accompagner cela d'une politique consistant à mieux rémunérer les producteurs de ce pays. Certes, il y a eu la loi « EGALIM » de 2018, et une nouvelle loi est annoncée, mais cela reste insuffisant : le combat n'est pas terminé. De même, la réforme de la politique agricole commune, avec la nouvelle orientation des aides, peut aggraver la situation dans certaines zones. On ne peut donc pas séparer le montant des cotisations du revenu des agriculteurs ; il faut tenir compte de cette réalité.

J'ai bien relu votre proposition de loi, madame Dubois. Son article 2 prévoit que le montant des pensions de retraite des professions agricoles non salariées ne peut être inférieur à celui de l'allocation de solidarité aux personnes âgées. Son article 3 dispose que les pensions des conjoints, des aides familiaux et des collaborateurs d'exploitation agricole ou d'entreprise agricole retraités sont revalorisées selon plusieurs mécanismes, dont un accès facilité au complément différentiel mentionné à l'article L. 732-63 du code rural et de la pêche maritime pour une carrière complète en tant que non-salarié agricole. Vous ne rejetiez donc pas la possibilité d'intervenir sur le complément différentiel.

La proposition de loi que je défends ne coûte pas plus cher que la vôtre. Elle n'est pas d'une ambition démesurée ; c'est d'ailleurs pourquoi je défendrai un amendement prévoyant son application progressive. On peut, en bonne intelligence, cranter son entrée en vigueur – ne pas chercher à atteindre 85 % du jour au lendemain, d'un coup de baguette magique, mais fixer un point vers lequel tendre, une étoile à laquelle accrocher la charrue, sachant que l'objectif est réalisable et tient compte de la réalité que vous avez décrite les uns et les autres.

Quant à la situation des indépendants et de leurs conjoints collaborateurs, elle est certes à traiter, mais dans les faits elle est moins grave que celles des conjoints collaborateurs agricoles – ce sont les chiffres qui le disent. Je ne veux pas opposer les uns aux autres mais ce n'est pas parce que ce n'est pas réglé d'un côté qu'il ne faut pas avancer de l'autre – et en faveur d'une catégorie sociale qui a tant donné à notre pays, nourrissant la population dans des conditions difficiles, avec de très bas revenus et des conditions de travail très rudes, en particulier pour les femmes.

Par ailleurs, il a été avancé pendant les auditions que certains cotiseraient à titre principal et d'autres à titre secondaire : je n'en sais pas plus pour l'instant, il faudra éclaircir ce point. Si nous le pouvons, nous compléterons le projet de rapport.

Enfin, la seconde partie de l'article 1er propose un alignement sur le régime général, de façon à faire sauter les verrous existants. Malheureusement, un amendement a été déposé qui supprimera cette disposition.

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