COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES
Mardi 8 juin 2021
La séance est ouverte à dix-sept heures cinq.
La commission examine la proposition de loi visant à assurer la revalorisation des pensions de retraites agricoles les plus faibles (n° 4137) (M. André Chassaigne, rapporteur).
Je souhaite au préalable faire part d'une inquiétude. En automne dernier, à l'occasion de l'examen du projet de loi de finances, j'ai présenté l'amendement suivant : « Le Gouvernement remet au Parlement un rapport d'information, au plus tard le 1er juin 2021, sur les actions menées à destination des mineurs non accompagnés accueillis par la France dans le cadre du programme 304 et notamment l'action 17 Protection et accompagnement des enfants, des jeunes et des familles vulnérables recueillant leur nombre, leur âge, la charge assumée par l'État et les collectivités et la prise en charge dont ils bénéficient. »
La navette parlementaire a fait son œuvre et, chose rare, les sénateurs ont conservé cette demande de rapport. Il nous faut vraiment objectiver ce phénomène des mineurs non accompagnés. Depuis, des collègues ont remis un rapport sur le sujet, mais en s'attachant spécifiquement aux questions de sécurité, ce qui ne répond pas à notre commande.
Il y a quinze jours, un journal satirique a évoqué l'éventualité que des dispositions relatives aux mineurs non accompagnés figurent dans le projet de loi relatif à la protection de l'enfance qui devrait être examiné dans le courant du mois de juillet. Si tel est le cas, il faudrait que nous disposions de ces éléments en amont, afin de légiférer en nous fondant sur une base de discussion intéressante.
Madame la présidente, pourriez-vous intervenir auprès du Gouvernement pour que ce rapport nous soit remis ?
Chère collègue, je ferai remonter votre demande auprès du Gouvernement et vous tiendrai informée.
La commission examine la proposition de loi visant à assurer la revalorisation des pensions de retraites agricoles les plus faibles (n° 4137) (M. André Chassaigne, rapporteur).
Je vous remercie de m'accueillir de nouveau dans votre commission, après l'avoir déjà fait lors de l'examen de la proposition de loi que j'ai défendue l'année dernière en faveur de la revalorisation des pensions des exploitants agricoles.
Ce n'est qu'après un combat de plus de trois ans que cette première proposition de loi a été finalement adoptée : elle doit entrer en vigueur au 1er novembre prochain, sur la base d'un décret en voie d'être signé. Je souhaite évidemment que la proposition de loi que je vous présente connaisse un chemin moins sinueux, d'autant qu'elle répond à des besoins singulièrement pressants.
Nous en étions tous convenus, sur tous les bancs : la proposition de loi précédente, en portant le complément de retraite complémentaire obligatoire, voté en 2014, de 75 % à 85 % du SMIC, contenait un point aveugle, que les règles de recevabilité des amendements ne m'avaient pas permis de combler à l'époque : la situation des aides familiaux et des conjoints collaborateurs.
Les premiers sont les filles et fils, parfois frères sœurs ou même parents un peu plus éloignés qui viennent travailler dans l'exploitation, avant de devenir souvent à leur tour salarié ou exploitant agricole. C'est une voie d'entrée dans la carrière, limitée depuis 2006 à cinq années pour leur éviter de s'enfermer dans un statut social déficient.
Les seconds, et je devrais dire les secondes, sont les conjoints des exploitants, dont l'existence sociale n'a vraiment été reconnue qu'en 1999 ; les femmes représentent plus de 90 % de cette catégorie. Alors que ce statut était initialement protecteur, la situation des agricultrices a suffisamment évolué pour le considérer désormais comme une potentielle trappe à petites retraites : en basant les cotisations sur une assiette forfaitaire réduite, il ne peut déboucher que sur des pensions modestes.
307 euros. Je dis bien 307 euros ! Voilà le montant, dans le régime des non-salariés agricoles, d'une pension de conjoint collaborateur ou de conjointe collaboratrice. Un montant infime, dérisoire au regard du travail réellement accompli dans l'exploitation.
Certains se rassurent à bon compte en se disant qu'ils ou elles l'ont bien voulu, qu'il s'agit d'un choix consenti. Mais quel choix reste-t-il quand l'ouverture au tout‑marché, la recherche du prix le plus bas pour les produits agricoles, la contrainte d'une alimentation la moins coûteuse possible pour les budgets réduits ne permettent pas de rémunérer correctement ceux qui les produisent – a fortiori lorsqu'il y a deux personnes à rémunérer sur l'exploitation ? Heureusement, nombre de ces conjointes ont cotisé à d'autres régimes, mais nous ne pouvons pas nous satisfaire d'un système qui pousse des agricultrices à cumuler deux ou trois carrières pour bénéficier d'une retraite décente.
Des carrières plus heurtées, une moindre reconnaissance, voilà ce qui explique la situation des retraitées après une vie de conjointe collaboratrice. Et au sein même du statut de conjoint collaborateur, les retraitées bénéficient d'une pension mensuelle inférieure de 260 euros à celle de leurs équivalents masculins, et sont seulement 62 % à avoir eu une carrière complète au moment de la liquidation de leurs droits, contre 90 % pour les hommes.
Mais les chiffres ne parviennent pas à dire la détresse des hommes et surtout des femmes dont nous parlons. Le constat est sans appel : si les inégalités entre les femmes et les hommes à la retraite sont frappantes partout, elles sont plus criantes encore dans le monde agricole.
Pourquoi cette spécificité agricole ? Parce que les conjointes et les aides familiaux ont souvent été les oubliés de la protection sociale agricole. Quand on a créé, par la « loi Peiro » de 2002, un système de retraite complémentaire obligatoire (RCO), ce qui constituait évidemment un progrès majeur, on a oublié les conjointes et les aides. Quand on a créé un complément différentiel pour porter les pensions minimales à 75 % du SMIC, en 2014, on a oublié les conjointes et les aides.
Le système de protection sociale agricole s'est attaché, jusqu'à aujourd'hui, à créer des assurés de seconde zone. Moi-même, dans la proposition de loi adoptée l'année dernière, n'ai pas pu les intégrer, pour gravir une première marche. Je vous propose de remédier à cette carence aujourd'hui : avec le présent texte, nous pouvons mettre un terme à ce perpétuel retard et réduire ces inacceptables écarts.
On pourrait m'objecter qu'il s'agit d'une loi pour le passé car, en raison notamment de ces droits sociaux défaillants, les statuts d'aide familial et de conjoint collaborateur connaissent ces dernières années une érosion démographique rapide. On comptait près de 50 000 conjointes actives en 2009, et seulement 25 000 aujourd'hui. Les aides familiaux connaissent une évolution similaire : 6 500 en 2009, et moins de la moitié aujourd'hui.
C'est bien pour cela que mon ambition est d'englober autant les futurs retraités que les actuels – j'éviterai les termes peu flatteurs de « flux » et de « stock ». Les futurs retraités, même s'ils sont moins nombreux, ne doivent pas voir se répéter nos erreurs passées, qu'il est encore temps de réparer pour les retraités actuels. Certes, l'application aux seuls futurs retraités serait une avancée sociale, mais ce n'est pas notre ambition initiale.
Ce que nous voulons, c'est rétablir autant que possible l'égalité des droits entre tous les non-salariés agricoles. Pour cela, l'article 1er de ma proposition de loi supprime la distinction malvenue entre les pensions majorées de référence (PMR) des exploitants (PMR 1) et celles des conjoints et des aides familiaux (PMR 2).
Si j'en crois les amendements qui ont été déposés, nous sommes d'accord sur ce point. Mais l'article 1er aligne également, dans un souci de justice sociale, ce minimum contributif sur celui des salariés du régime général, en rapprochant les modalités de majoration et de cumul avec la pension de réversion. In fine, la première mesure, qui semble-t-il nous rassemble, pourrait se traduire par un gain mensuel moyen de 62 euros pour les bénéficiaires, et même de 75 euros pour les femmes, pour environ 175 000 pensionnés. La seconde mesure, sans qu'il y ait de cumul systématique entre les deux, pourrait conduire à une revalorisation de la pension de 163 euros pour environ 150 000 pensionnés. Au regard du montant des retraites dont nous parlons, ce n'est évidemment pas mince. Mais ce n'est surtout pas tout !
L'article 2, qui s'inscrit dans la droite ligne de ma précédente proposition de loi, ouvre simplement aux conjointes et aux aides familiaux les revalorisations de pension complémentaire que nous avons votées l'année dernière. Porter leur pension à 85 % du SMIC se traduirait par un gain moyen de 235 euros, pour plus de 300 000 pensionnés. Le montant de pension minimal attendrait 1 036 euros.
S'agit-il d'un montant excessif ? Est-il déraisonnable de garantir ce montant de pension après une vie de travail agricole ? Je ne le pense pas, mais je suis conscient du coût d'une telle mesure.
Soucieux que d'éventuelles différences d'appréciation n'empêchent pas d'avancer sur les différents instruments que comporte cette proposition de loi, je me tiens prêt à en discuter. Je reste néanmoins persuadé que c'est un objectif que nous devons garder à l'esprit pour faire cesser cette distinction, qui a de moins en moins de pertinence, entre les hommes exploitants et les femmes conjointes dans le monde agricole.
L'article 3, susceptible là encore de rencontrer un accord très large dans cette commission, limite le bénéfice du statut de conjoint collaborateur à une durée maximale de cinq ans, identique à celle des aides familiaux aujourd'hui.
Tout démontre en effet que les personnes qui disposent de ce statut doivent en changer suffisamment rapidement pour se constituer des droits sociaux dignes du travail qu'elles accomplissent. Je serai amené à vous présenter des amendements issus des auditions que j'ai menées pour limiter également dans le temps le cumul du statut d'aide familial et de conjoint collaborateur.
Les derniers articles correspondent, outre le gage, aux recettes dont on pourrait choisir de bénéficier pour financer les revalorisations que je vous propose. Comme pour ma première proposition de loi, ces dispositions seront sans doute amenées à évoluer au cours du débat parlementaire, notamment à l'initiative du Gouvernement.
J'ai d'autant plus confiance dans notre capacité collective à répondre à ces attentes sociales que je rejoins presque totalement la proposition de loi relative à la revalorisation des carrières des femmes dans l'agriculture de notre collègue Jacqueline Dubois, qui a été cosignée par cent vingt‑cinq députés de la majorité – ce qui n'est pas rien. Vous regrettez que les conjoints collaborateurs et les aides familiaux soient exclus de la loi du 3 juillet dernier, moi aussi. Vous proposez de limiter à cinq ans le statut de conjoint collaborateur, nous sommes d'accord. Vous voulez faciliter l'accès au complément différentiel, c'est l'objet de l'article 2 du texte que je vous présente.
Votre proposition de loi, rejoignant en cela les travaux récents de nos collègues Lionel Causse et Nicolas Turquois sur les petites pensions de retraite, va même au-delà de la mienne en entendant alignant la PMR sur le montant de l'allocation de solidarité aux personnes âgées (ASPA), soit 900 euros – mesure très ambitieuse financièrement et dont je partage naturellement l'objectif, vous l'imaginez bien. Ses signataires ne peuvent donc qu'être d'accord avec le premier pas, significatif, que représente l'article 1er. Nous sommes alignés jusqu'aux recettes que vous choisissez d'affecter à la revalorisation des pensions agricoles.
C'est vous dire ma surprise – mais elles pourront expliquer leur démarche dans un instant – de voir les mêmes personnes qui avaient signé il y a exactement deux mois une proposition de loi si ambitieuse déposer un amendement réduisant la portée de mon article 1er.
J'espère aussi que la question du coût ne sera pas le seul objet de nos discussions, alors que rien ne montre clairement que ma proposition de loi serait beaucoup plus coûteuse que la vôtre. Vous disiez vouloir concrétiser la démarche entreprise pour répondre à un impératif de justice sociale. Faisons avancer votre démarche avec des mesures concrètes que nous pouvons voter aujourd'hui ! Répondons sans délai, puisqu'il s'agit d'un impératif !
Le poète René Char m'a accompagné pendant le long cheminement de ma première proposition de loi, lui qui disait si bien « L'inaccompli bourdonne d'essentiel ». Je vous demanderai cette fois-ci, avec Paul Éluard, de ne pas marcher « sans but sans savoir que les hommes / Ont besoin d'être unis d'espérer de lutter / Pour expliquer le monde et pour le transformer ».
Vouloir assurer la revalorisation des pensions de retraite agricoles les plus faibles est un objectif louable, que nous partageons. Le groupe La République en Marche s'associe donc à cette intention afin de porter un progrès ensemble, pour le bien commun et loin des tactiques politiques.
Cela apparaît d'autant plus nécessaire que la proposition de loi adoptée l'an dernier ne concerne ni les aides familiaux ni les collaborateurs d'exploitation, alors que ceux-ci, ou plutôt celles-ci car 95 % sont des femmes, touchent les pensions les plus basses.
C'est pour y remédier qu'avec cent vingt parlementaires de la majorité, j'ai déposé en avril une proposition de loi relative à la revalorisation des carrières des femmes dans l'agriculture. Plus récemment, nos collègues Lionel Causse et Nicolas Turquois ont remis un rapport détaillé au Premier ministre en vue d'une réforme globale de l'ensemble des petites pensions.
Avant l'examen des articles de la proposition de loi présentée par le groupe de la Gauche démocrate et républicaine, je voudrais souligner que lors des auditions avec les syndicats agricoles et le ministère des solidarités et de la santé, il a été souligné que certaines dispositions, bien que très séduisantes, pourraient manquer la cible des pensionnés les plus modestes. Les mécanismes de transformation retenus à l'article 1er, en passant du code rural au code de la sécurité sociale, pourraient ne concerner que le flux et non le stock, et créer des effets de bord.
Afin de garantir que l'alignement du montant des pensions de majoration 1 et 2 concerne bien les retraités qui ont déjà fait valoir leurs droits, nous proposerons un amendement de réécriture de cet article 1er.
L'article 2 introduit l'accès au complément différentiel de points de retraite complémentaire obligatoire (CDRCO) sans corriger les pensions les plus faibles, et en créant une situation inéquitable entre les chefs d'exploitation qui ont beaucoup cotisé et les collaborateurs. M. le rapporteur en a convenu lors de ses auditions, outre son coût, cet article ne semble pas un véhicule approprié pour améliorer ces pensions les plus faibles.
L'article 3 propose de limiter le statut de conjoint collaborateur à cinq ans à compter du 1er janvier 2022, disposition que nous soutenons. Les autres articles, qui concernent le financement, ne paraissent pas adaptés : il nous faudra, avec le Gouvernement, trouver d'autres solutions.
Le groupe La République en Marche soutiendra donc ce texte ainsi amendé.
La présente proposition de loi ne peut être que très vivement soutenue et encouragée. L'an dernier, nous demandions que la revalorisation des pensions agricoles, devant passer de 75 % à 85 % du SMIC, intervienne dès le mois de janvier 2021 ; la majorité avait préféré reporter l'application de cette mesure à 2022. Nous avons aujourd'hui l'occasion de prolonger le débat en nous concentrant cette fois sur la situation des femmes, des conjoints collaborateurs et des aides familiaux.
Oui, il y a urgence à agir. Comment accepter que certaines agricultrices perçoivent moins de 500 euros par mois alors qu'elles ont travaillé toute leur vie ? Comment tolérer que les pensions de retraite de nos agriculteurs soient inférieures au minimum vieillesse ? Leur précarité est un sujet que nous devons traiter au plus vite.
Le statut des femmes, des conjoints collaborateurs – qui sont le plus souvent des conjointes collaboratrices – et des aides familiaux doit être revalorisé sans attendre. Oui, les femmes sont des actrices incontournables du monde agricole, c'est indéniable. Alors que l'on note une érosion du nombre de conjoints collaborateurs de 9 % par an, nous devons tout mettre en œuvre pour assurer la reconnaissance de leur travail et leur émancipation économique.
L'augmentation des rémunérations de retraite pour ces populations se ferait par l'intermédiaire de trois mesures : l'alignement des conditions d'accès à la pension majorée de référence sur celles du minimum contributif du régime général, l'élargissement de l'accès au complément différentiel de points de retraite complémentaire obligatoire, et la limitation à cinq ans du statut de conjoint collaborateur et d'aide familial. Le coût de cette mesure et la création d'une source de financement inspirent néanmoins quelques réserves : nous souhaiterions davantage de précisions.
Au-delà de ces interrogations, les dispositions proposées vont dans le bon sens et nous les soutenons. Les agriculteurs sont des personnes respectables qui travaillent et qui n'ont rien coûté à la société. Ils ont besoin d'une retraite convenable. La revalorisation des pensions de retraite agricoles les plus faibles constitue indéniablement une mesure essentielle de justice sociale et de reconnaissance de leur vie de labeur.
En tant qu'agriculteur et que corapporteur du projet de loi portant création d'un système universel de retraite, je porte une attention particulière aux petites retraites, qui concernent tout particulièrement les femmes du secteur agricole. Souvent conjointes ou aides familiales sur l'exploitation, elles se constituent, sans véritablement le savoir, des droits à la retraite beaucoup trop faibles. Hors réversion, leur retraite est en moyenne de 750 euros bruts par mois pour une carrière complète, contre 980 euros chez les hommes, là où la pension moyenne des salariés au régime général s'élève à 1 310 euros bruts par mois.
J'ai dénoncé cette injustice dans le rapport consacré aux petites retraites que j'ai remis au Gouvernement le mois dernier avec Lionel Causse. Nous avons proposé de limiter dans le temps le statut de conjoint collaborateur, comme c'est le cas aujourd'hui pour les aides familiaux. Vous reprenez ce point, monsieur le rapporteur, et nous souscrivons pleinement à votre démarche.
Nous avons également, dans notre rapport, évoqué la nécessité de rapprocher les règles du régime agricole de celles du régime général, par souci d'équité mais aussi de réalité, car nombreux sont les agriculteurs qui, à un moment de leur vie, passent par la case régime général. En ce sens, la fusion des PMR 1 et PMR 2 prévue à l'article 1er est sûrement un prélude à un alignement sur le minimum contributif, dit MICO, du régime général.
En revanche, l'article 2, qui prévoit l'attribution de points gratuits au titre du CDRCO, contrevient grandement au principe même de contributivité de notre système de retraites. J'y reviendrai plus largement lorsque nous l'examinerons. Vous omettez notamment de préciser si les conjoints et les aides devraient, en conséquence, augmenter leurs cotisations, ce qui serait dans la logique des choses. Et vous ne dites rien des conjoints des autres indépendants, comme les commerçants et artisans. Nous ne pouvons saupoudrer des mesures pour les uns sans faire quelque chose d'équivalent pour les autres.
Si le groupe Mouvement Démocrate (MoDem) et Démocrates apparentés est conscient de la nécessité d'avancer sur les sujets traités dans ce texte, il est convaincu qu'il faut le faire dans le respect des grands principes qui ont construit le système de retraites, et en particulier de celui de l'équité.
Je vous remercie de m'accueillir dans votre commission : les retraites d'agriculteurs me tiennent à cœur. Cette proposition de loi vise à remédier à une situation dont nous sommes tous bien conscients : la faiblesse des retraites des non-salariés agricoles.
Elle s'inscrit dans la continuité de la loi du 3 juillet 2020, adoptée à l'unanimité par notre assemblée, qui permettra de porter le montant des pensions des exploitants à 85 % du SMIC dès novembre prochain. Cette loi ne concerne toutefois pas les non-salariés agricoles, c'est-à-dire les conjoints collaborateurs et les aides familiaux, qui sont majoritairement des femmes et qui exercent des activités similaires à celles de leurs conjoints au sein de l'exploitation, subissant, de fait, une inégalité dans le calcul de leur pension de retraite.
C'est donc aussi un enjeu en matière d'égalité économique entre les femmes et les hommes. Pour le groupe Agir ensemble, l'élément principal de l'article 1er est d'aligner le montant de la PMR des conjoints collaborateurs sur celui des exploitants. Nous défendrons donc un amendement dans ce sens, rejoignant ainsi l'objectif de Jacqueline Dubois et de nombreux collègues de la majorité depuis plusieurs années.
L'article 3 propose de limiter à cinq ans le statut de conjoint collaborateur, ce qui est déjà le cas des aides familiaux, afin que les personnes souhaitant continuer à travailler sur l'exploitation puissent le faire avec un statut plus protecteur. Notre groupe soutiendra ces initiatives, qui permettront de lutter contre la précarité des agricultrices retraitées et de mieux reconnaître leur vie de labeur. Il est cependant plus réservé à l'égard de l'article 2, qui vise à étendre aux conjoints collaborateurs et aux aides familiaux le bénéfice du CDRCO, car cette mesure introduirait une inégalité entre bénéficiaires en attribuant le même complément à des personnes ayant cotisé différemment.
Vous l'aurez compris, le groupe Agir ensemble partage l'ambition de cette proposition de loi et se montrera constructif dans les débats, en vue d'aboutir à une rédaction équilibrée permettant d'assurer une retraite digne à celles et ceux qui nous nourrissent.
Comme les précédents porte-parole des groupes, j'accueille favorablement cette proposition de loi et entends tout mettre en œuvre pour qu'elle aboutisse.
Dans mon explication de vote, il y a un an, sur la proposition de loi d'André Chassaigne portant à 85 % du SMIC les petites retraites agricoles, j'ai cité ces fameux conjoints collaborateurs et aides familiaux, et soulevé, comme l'a fait Nicolas Turquois à l'instant, la problématique des conjoints de commerçants et d'artisans, bref des indépendants d'une manière générale.
Effectivement, monsieur le rapporteur, il ne s'agit pas de s'occuper de flux ou de stocks, mais tout simplement de traiter l'urgence : ces personnes vivent en 2021 avec une retraite de 400 ou 600 euros par mois, inférieure au seuil de pauvreté ou au minimum vieillesse – et on se demande bien comment elles font.
Tout le monde en est conscient dans cette salle, tout comme le sont le Président de la République et le Gouvernement. C'est bien pour cela que je souhaite que nous trouvions les voies et moyens de régler dans les meilleurs délais la question urgente des petites retraites, notamment agricoles. Cela nous honorerait collectivement et constituerait un motif de satisfaction de notre mandat de député à l'issue de cette législature.
Je me réjouis que le groupe de la Gauche démocrate et républicaine, par la voix de son président André Chassaigne, poursuive le travail qu'il avait engagé avec succès sur les retraites agricoles. Après la situation des chefs d'exploitation, qui verront à compter du 1er novembre leurs pensions portées à 85 % du SMIC, il est aujourd'hui utile de se pencher sur celle des conjoints collaborateurs et des aides familiaux, qui pâtissent de l'existence d'un système d'ouverture des droits complexe et générateur d'inégalités et de pensions très faibles.
Notre groupe souscrit à cette proposition de loi. Elle met en œuvre trois leviers complémentaires, qui sont une première étape en vue de réduire les inégalités de pension. L'article 1er est relatif aux conditions d'attribution de la PMR, qui sera alignée sur celle des chefs d'exploitation. L'article 2 revoit les conditions d'ouverture du complément différentiel de points de retraite complémentaire obligatoire afin de relever la pension minimum, comme nous l'avons fait précédemment pour les chefs d'exploitation. Lors des auditions, certains ont évoqué la nécessité d'une distinction entre ceux exerçant à titre principal et ceux exerçant à titre secondaire. Dans la mesure où certains, plus réactifs, sont salariés, ils bénéficient déjà du minimum contributif : qu'en pensez-vous, monsieur le rapporteur ?
Dernier levier, l'article 3 limite le statut de conjoint collaborateur à cinq ans, comme c'est le cas pour les aides familiaux : c'est une excellente mesure qui évitera de laisser certaines femmes sous un statut moins favorable.
D'une manière générale, il nous semble qu'il faudra mener une réflexion plus large, qui excède le secteur agricole, sur le statut des conjoints collaborateurs, afin de mieux reconnaître leur travail. Mais pour l'heure, le groupe Libertés et Territoires soutient pleinement la proposition de loi.
Merci de me donner l'occasion de m'exprimer devant votre belle commission. Je salue la cohérence, la détermination et l'opiniâtreté d'André Chassaigne sur ce sujet des retraites agricoles. Il rend ainsi justice aux hommes et aux femmes qui nourrissent notre pays.
Chez moi, en Normandie, on n'est pas des causeux, pas des diseux. On n'a pas pour habitude de se plaindre de sa condition – on est occupé à faire vivre l'exploitation, et c'est difficile. André Chassaigne a d'ailleurs rappelé que ce qui plongeait les aides familiaux et les conjointes de chefs d'exploitation agricole dans cette trappe à retraites de misère était souvent l'absence de prix rémunérateurs, qui perdure.
Sa proposition n'est pas rien : elle touche 129 000 pensionnés ayant le statut de conjoint, 204 000 ayant celui de membre de la famille et 394 000 veuves et veufs – c'est vous dire si son impact est déterminant. Mais la démarche d'André Chassaigne est comme toujours empreinte de beaucoup de pragmatisme. Sa proposition évite le « tout ou rien » et je vous invite à ne pas trop l'abîmer, car elle a fait l'objet d'une approche sérieuse, solide et compatible avec les moyens mobilisables.
En partant d'un constat partagé, celui de la complexité du régime des retraites des non-salariés, qui génère des pensions faibles, elle actionne plusieurs leviers : la révision des conditions d'attribution de la PMR, afin d'harmoniser et de rehausser le minimum des pensions, l'ouverture du dispositif de CDRCO aux personnes ayant eu la qualité d'aide ou de conjoint, et enfin la limitation dans le temps du statut de conjoint, qui semble faire consensus.
J'insiste, au nom du groupe communiste : sur ces sujets, la République qui prend soin, la République qui protège, la République qui n'oublie personne a vocation à produire des symboles et des actes de reconnaissance, de justice et de réparation des injustices qui ont frappé ces femmes et ces aides qui font fonctionner les fermes. Ce n'est pas parce que la présente proposition ne traite pas le cas des conjoints des autres indépendants qu'il faut refuser ce premier pas. J'espère que le débat qui s'engage nous permettra de faire prospérer cette belle et généreuse proposition du président du groupe communiste.
On reconnaîtra d'abord, évidemment, la constance d'André Chassaigne dans cette proposition de loi et dans sa bataille pour les retraites du monde agricole. Sur cette question importante, un premier geste a été fait par Parlement. S'il faut en souligner la portée, nous en avions également, les uns et les autres, souligné les insuffisances. Il faut donc construire un édifice qui permette de mieux répondre à l'ensemble des enjeux. Il est possible d'améliorer le droit à la retraite dans notre système solidaire, cette proposition de loi en est le témoignage. Le monde agricole n'a pas bénéficié des mêmes droits que d'autres, et les femmes y sont encore plus particulièrement victimes de faibles retraites. Une réparation est nécessaire, et j'espère que notre débat nous permettra d'avancer dans cette direction.
Les agriculteurs perçoivent des pensions faibles. Toute leur vie durant ils travaillent avec acharnement, et ils ne peuvent pas vivre décemment une fois retraités.
Le déséquilibre patent du système et le niveau insuffisant des retraites agricoles, largement inférieures au seuil de pauvreté pour de nombreux bénéficiaires, appellent une réforme urgente et ambitieuse. Oui, il faut un texte en faveur des pensions de retraite agricoles les plus faibles, ce qui concerne principalement les femmes, les conjoints et les aides familiaux.
Je m'interroge toutefois, monsieur le rapporteur, sur le financement de vos mesures, évaluées à plus de 700 millions d'euros : pouvez-vous décrire plus concrètement le mécanisme de la taxe additionnelle sur les transactions financières ? Disposez-vous d'estimations permettant d'anticiper les gains potentiels et les coûts engendrés ? Comment s'assurer que l'instauration d'une telle taxe ne reporte pas la charge de cette contribution sur les consommateurs ?
Avec le retour éventuel du projet de loi sur les retraites, avez-vous discuté avec le Gouvernement et avec la majorité afin de garantir les acquis de ce texte s'il venait à aboutir ? Que répondez-vous à ceux qui jugent vos propositions totalement injustes alors que la cotisation des conjoints est trois fois inférieure à celle des chefs d'exploitation ?
S'agissant de la situation des conjoints collaborateurs, qui sont majoritairement des femmes, oui, nous savons qu'un nombre important d'entre eux touche une retraite faible, y compris en cas de carrière continue. Que penser de la possibilité de limiter l'usage de ce statut dans le temps, par exemple à cinq ans, afin de concilier une installation progressive dans le domaine professionnel, allant de pair avec un niveau de cotisation plus limité, et la nécessité de ne pas affecter dans la durée la création de droits à la retraite ? Si, au terme d'une période suffisamment longue, l'activité globale ne permettait toujours pas de dégager suffisamment de revenus pour financer un minimum de cotisations vieillesse, il faudrait alors peut-être s'interroger sur la pertinence du projet. Merci, monsieur le rapporteur, pour votre engagement.
Alors que le monde agricole est en grande souffrance, nous attendons toujours la mise en application de la loi du 3 juillet 2020, votée à l'unanimité, qui doit faire passer les pensions de retraite agricoles des chefs d'exploitation à la carrière complète de 75 % à 85 % du SMIC.
La proposition de loi qui nous est présentée aujourd'hui est opportune en ce qu'elle inclut les femmes, les conjoints collaborateurs et les aides familiaux. Elle permet de prolonger les discussions sur la grande précarité des agriculteurs et de leurs familles. Comment accepter que la retraite des conjoints collaborateurs et des aides familiaux soit inférieure au minimum vieillesse ? 500 euros par mois environ, c'est la retraite d'un conjoint collaborateur, qui est le plus souvent une femme.
La place des femmes dans le monde agricole n'est pourtant plus à démontrer. Elles méritent aujourd'hui de voir leur travail reconnu et d'obtenir une réelle émancipation économique. C'est également un enjeu en matière d'égalité entre les hommes et les femmes.
Les trois mesures formulées dans la proposition de loi pour l'augmentation de ces retraites sont judicieuses. La limitation dans le temps du statut du conjoint collaborateur semble correspondre à l'évolution de ses effectifs, qui baissent de 9 % chaque année.
Je souhaite vivement que cette proposition aboutisse et me réjouis qu'André Chassaigne défende ce sujet qui me tient à cœur. Je lui apporte tout mon soutien, ainsi qu'aux 600 000 personnes concernées. Les agriculteurs sont des personnes respectables, qui travaillent sans relâche, qui nous nourrissent. Nous devons réparer rapidement cette injustice.
D'abord, chère Jacqueline Dubois, cette proposition de loi n'a rien qui relève de la tactique politique. Un engagement avait été pris collectivement l'an dernier à l'issue du vote sur la revalorisation des pensions agricoles, partagé par tous les groupes, et j'avais annoncé une nouvelle proposition de loi qui nous permettrait d'avancer lors de la niche suivante du groupe de la Gauche démocrate et républicaine : nous y sommes. Le présent texte permet de remplir cet engagement. Certes, d'autres propositions de loi ont été déposées, au Sénat comme à l'Assemblée nationale, mais l'essentiel est que ce texte soit inscrit à l'ordre du jour afin que l'on puisse en débattre.
Ce n'est pas à prendre ou à laisser : nous sommes ouverts à une discussion permettant d'obtenir une réelle avancée. Le texte n'est pas bouclé, ce n'est pas une opération politicienne. Il faut faire prospérer cette belle proposition, obtenir une réparation nécessaire : tel est notre état d'esprit. Le texte qui sortira de la commission ne nous réunira vraisemblablement pas, mais j'espère que nous pourrons encore l'enrichir pour voter de façon unanime dans l'hémicycle, le 17 juin, des avancées concrètes pour des dizaines, voire des centaines de milliers de bénéficiaires.
Ayant bien sûr échangé avec le cabinet du ministre et avec le secrétaire d'État chargé des retraites, j'ai déjà obtenu des engagements. La rédaction de l'article 1er, c'est vrai, peut prêter à confusion : même si telle n'est pas notre intention, elle pourrait ne s'adresser qu'aux nouveaux retraités, sans englober les retraités actuels – ne parlons pas de « flux » et de « stock ». J'ai naturellement envisagé un amendement mais, en raison de l'article 40 de la Constitution, la clarification ne pourra se faire qu'en séance, avec l'accord du Gouvernement. Je sais déjà qu'il donnera son aval : ce point est donc réglé. Quant à l'amendement déposé par Mme Dubois et plusieurs de ses collègues, il ne lève pas l'incertitude sur la prise en compte des retraités actuels.
Concernant le financement, nous proposons d'augmenter le taux de la taxe sur les transactions financières, actuellement de 0,3 %. Le majorer de 0,1 point rapporterait environ 500 millions d'euros. Je sais que le Gouvernement ne veut pas de cette solution et, faute de trouver une recette, il faudra bien recourir à la solidarité nationale, comme cela avait été fait pour le texte de l'année dernière. Nous avions conscience en l'inscrivant dans la loi que cette disposition ne ferait pas l'unanimité ; et pourtant, qu'est-ce que 0,1 point d'augmentation ? Cela ne touchera pas les petits actionnaires. Je crois que c'est une position éminemment politique : on ne veut pas utiliser ce moyen pour aller chercher l'argent là où il est.
S'agissant des cotisations, chacun de nous peut constater qu'elles sont insuffisantes, ou n'ont pas été suffisantes par le passé. C'est pourquoi l'article 3 pose l'obligation, dans un délai de cinq ans, de sortir du statut de conjoint collaborateur pour choisir un statut plus protecteur – associé, chef d'exploitation, salarié. Cela impliquera une dépense supplémentaire, mais nous pensons qu'il faut l'imposer, comme cela a été fait pour les aides familiaux. Lors des auditions, toutes les organisations syndicales du monde agricole nous ont donné leur aval, affirmant qu'il fallait sortir de ce système de protection qui n'en est pas une, qui entraîne de très basses retraites. Certains vont même jusqu'à dire qu'il faut supprimer le statut de conjoint collaborateur. Je ne pense pas que l'on puisse le faire de façon brutale mais c'est sans doute une question qu'il faudra se poser, parce que ce statut ne permet pas, en l'état, d'avoir une retraite suffisante.
Tout est lié aux revenus : pour un couple d'éleveurs de montagne qui travaillent tous les deux sur l'exploitation et qui perçoivent 500 euros nets par mois de revenus, il est difficile de verser des cotisations sociales importantes ! Il faut donc accompagner cela d'une politique consistant à mieux rémunérer les producteurs de ce pays. Certes, il y a eu la loi « EGALIM » de 2018, et une nouvelle loi est annoncée, mais cela reste insuffisant : le combat n'est pas terminé. De même, la réforme de la politique agricole commune, avec la nouvelle orientation des aides, peut aggraver la situation dans certaines zones. On ne peut donc pas séparer le montant des cotisations du revenu des agriculteurs ; il faut tenir compte de cette réalité.
J'ai bien relu votre proposition de loi, madame Dubois. Son article 2 prévoit que le montant des pensions de retraite des professions agricoles non salariées ne peut être inférieur à celui de l'allocation de solidarité aux personnes âgées. Son article 3 dispose que les pensions des conjoints, des aides familiaux et des collaborateurs d'exploitation agricole ou d'entreprise agricole retraités sont revalorisées selon plusieurs mécanismes, dont un accès facilité au complément différentiel mentionné à l'article L. 732-63 du code rural et de la pêche maritime pour une carrière complète en tant que non-salarié agricole. Vous ne rejetiez donc pas la possibilité d'intervenir sur le complément différentiel.
La proposition de loi que je défends ne coûte pas plus cher que la vôtre. Elle n'est pas d'une ambition démesurée ; c'est d'ailleurs pourquoi je défendrai un amendement prévoyant son application progressive. On peut, en bonne intelligence, cranter son entrée en vigueur – ne pas chercher à atteindre 85 % du jour au lendemain, d'un coup de baguette magique, mais fixer un point vers lequel tendre, une étoile à laquelle accrocher la charrue, sachant que l'objectif est réalisable et tient compte de la réalité que vous avez décrite les uns et les autres.
Quant à la situation des indépendants et de leurs conjoints collaborateurs, elle est certes à traiter, mais dans les faits elle est moins grave que celles des conjoints collaborateurs agricoles – ce sont les chiffres qui le disent. Je ne veux pas opposer les uns aux autres mais ce n'est pas parce que ce n'est pas réglé d'un côté qu'il ne faut pas avancer de l'autre – et en faveur d'une catégorie sociale qui a tant donné à notre pays, nourrissant la population dans des conditions difficiles, avec de très bas revenus et des conditions de travail très rudes, en particulier pour les femmes.
Par ailleurs, il a été avancé pendant les auditions que certains cotiseraient à titre principal et d'autres à titre secondaire : je n'en sais pas plus pour l'instant, il faudra éclaircir ce point. Si nous le pouvons, nous compléterons le projet de rapport.
Enfin, la seconde partie de l'article 1er propose un alignement sur le régime général, de façon à faire sauter les verrous existants. Malheureusement, un amendement a été déposé qui supprimera cette disposition.
La commission en vient à l'examen des articles de la proposition de loi.
Article 1er : Révision des conditions d'attribution de la pension majorée de référence
La commission est saisie des amendements identiques AS5 de Mme Jacqueline Dubois, AS7 de M. Luc Lamirault et AS9 de M. Nicolas Turquois.
Afin de revaloriser diligemment les plus petites pensions du régime des non-salariés agricoles, je propose d'aligner le montant de la PMR 2, celle des conjoints collaborateurs et aides familiaux, sur celui de la PMR 1, celle des chefs d'exploitation. La PMR serait ainsi de 696,29 euros pour l'ensemble des non-salariés agricoles. Cette amélioration de la pension de base des retraités agricoles permettrait un gain moyen de 62 euros, pouvant aller jusqu'à 143 euros selon les personnes ; en moyenne, il serait de 75 euros pour les femmes, ce qui n'est pas négligeable.
Cette modification de l'article L. 732-54-2 du code rural et de la pêche maritime supprimerait la distinction entre les deux PMR et permettrait de se rapprocher du minimum contributif du régime général. Facilement réalisable, elle devrait profiter en premier lieu aux conjoints collaborateurs et aides familiaux, qui sont essentiellement des femmes.
La PMR complète deux retraites agricoles : l'assurance vieillesse agricole et l'assurance vieillesse individuelle, ce qui fait déjà un système compliqué puisque l'une est forfaitaire et l'autre par points. Elle est différenciée selon qu'elle concerne les chefs d'exploitation ou leurs conjoints. On ne trouve pas l'équivalent dans le régime général, dans lequel une personne ayant cotisé à plein temps peut percevoir le MICO, de même qu'une personne ayant cotisé à temps partiel, sous réserve d'avoir cotisé autant. L'unification des deux sortes de PMR, quel que soit le statut, nous semble donc avoir du sens.
Vous inventez l'eau chaude ! La fusion entre la PMR 1 et la PMR 2 est déjà inscrite dans le texte. Le réel effet de cette réécriture de l'article est plutôt d'éviter la convergence de la PMR avec des règles favorables du MICO – c'est ainsi que je le comprends. Il existe des avantages acquis, des situations particulières qui sont prises en compte dans le cadre du plafonnement, et j'analyse vos amendements comme supprimant la partie de l'article qui y a trait. En tout cas, ils ne créent absolument pas la fusion, qui figure déjà dans la proposition de loi.
Monsieur le rapporteur, nous sommes en convergence avec votre proposition depuis le début, nous souhaitons aller dans le même sens. Mais votre article 1er mélange plusieurs dispositions et nous souhaitons le clarifier. Nous devons avancer pas à pas, en restant dans les dispositions du code rural et de la pêche maritime, que nous modifions à la marge, sans transposer les dispositions du code de la sécurité sociale.
Ces amendements attribuent la PMR 1 telle qu'elle existe à tout non-salarié agricole, quel que soit son statut ; la modification que nous proposons ne va pas au-delà. Si nous voulions aller dans la logique du MICO, il faudrait intégrer la retraite complémentaire, alors que la PMR est du niveau de base. Par ailleurs, les conditions particulières sur la réversion ne sont pas les mêmes dans le milieu agricole et dans le régime général.
La demande initiale de votre article était d'attribuer la même PMR aux chefs d'exploitation et à leurs conjoints ou aux aides familiaux : c'est ce que nous faisons en supprimant le critère de qualité de l'assuré fixé dans l'article L.732-54-2.
Voilà qui est plus clair ; les explications que vous aviez données laissaient entendre que c'était vos amendements qui créaient la fusion entre la PMR 1 et la PMR 2. Nous convergeons en effet sur cette fusion qui, par elle-même, entraînera une augmentation moyenne de 62 euros, 75 euros pour les femmes, et qui pourrait s'échelonner de 30 à 140 euros en fonction de la pension actuelle.
Vous n'êtes toutefois pas d'accord, et je le conçois, avec la seconde partie de l'article 1er, qui crée une convergence entre la PMR et les règles plus favorables du MICO. Vous réécrivez donc l'article en le diminuant de sa seconde partie. Pour cette raison, j'émets un avis défavorable.
La commission adopte les amendements et l'article est ainsi rédigé.
Article 1er bis (nouveau) : Annualisation de la transmission aux assurés d'une information sur leur droit à l'allocation de solidarité aux personnes âgées
La commission est saisie de l'amendement AS6 de Mme Jacqueline Dubois.
Il s'agit de faciliter l'information sur le recours à l'ASPA pour les personnes ayant les pensions les plus basses dans le régime des non-salariés agricoles. Au moment de leur cessation d'activité, elles ont souvent un potager et des poules, se chauffent au bois... Elles peuvent donc subvenir à leurs besoins. Mais au fil des ans, les besoins évoluent alors que la pension augmente peu. Je trouve pertinent de leur rappeler, chaque année, la possibilité de recourir à l'ASPA, pour bénéficier de la solidarité nationale, en complément de leur petite retraite, au moment où elles en auront vraiment besoin.
Avis favorable à cette amélioration de l'information sur l'ASPA.
Cela étant, j'appelle votre attention sur le caractère insatisfaisant de cette allocation dans sa configuration actuelle. Les retraités agricoles la rejettent d'ailleurs massivement, comme les auditions l'ont montré. De plus, les seuils de récupération restent beaucoup trop bas – mais même quand ils sont fixés à un niveau plus élevé, comme cela a été fait en outre‑mer, cela n'améliore pas le taux de recours à l'ASPA. Quoi qu'il en soit, il est bon d'informer sur la possibilité de faire ce choix.
Améliorer l'information peut être utile, mais le vrai problème de l'ASPA, c'est le recours sur succession. La raison pour laquelle de nombreux agriculteurs ne la demandent pas, c'est qu'ils ont peur que leurs enfants soient ensuite obligés de rembourser. Je sais que la situation a évolué et que certains départements considèrent que la valeur de l'exploitation agricole doit être exclue du remboursement, mais pas tous. Il faudra donc faire évoluer le montant de l'actif successoral net de façon que le système soit moins contraignant pour les agriculteurs. Le recours sur succession constitue un véritable barrage.
L'actif agricole professionnel est totalement exclu du montant de l'actif successoral, depuis plusieurs années ; même l'habitat principal, s'il est situé sur la ferme, en est exclu. Si certains départements l'appliquent, ils sont dans l'illégalité. Mais certains agriculteurs ont toujours le réflexe de se méfier de l'ASPA.
Par ailleurs, le plafond du recours sur succession est de 39 000 euros : c'est le montant exact de l'année 1984, 250 000 francs, converti en euros. Si, en 1984, 250 000 francs représentaient une belle succession, ce n'est plus du tout le cas de 39 000 euros en 2021 : compte tenu de l'inflation, le montant équivalent serait d'environ 85 000 euros aujourd'hui. Pour notre part, nous avons proposé dans notre rapport de fixer ce montant à 100 000 euros, comme en outre-mer. Mais cela ne change rien à la dimension psychologique de défiance.
Si je partage la philosophie de l'amendement présenté par Jacqueline Dubois, j'appelle votre attention sur une vraie difficulté : l'ASPA est attribuée en fonction des ressources de l'ensemble du foyer. Or les caisses de retraite n'ont connaissance que du montant de la retraite versée, et non des autres revenus du foyer : elles peuvent donc difficilement informer chacun de leurs ressortissants d'une possibilité de bénéficier de l'ASPA. Des expérimentations ont été menées par la Caisse nationale d'assurance vieillesse, qui ont mobilisé énormément de temps pour rassembler les diverses informations requises. Je m'abstiendrai donc sur cet amendement car je doute, en pratique, de la capacité des caisses de retraite à procéder à cette information.
La commission adopte l'amendement.
Article 2 : Extension aux conjoints collaborateurs et aux aides familiaux du bénéfice de la garantie d'un revenu minimal de 85 % du SMIC
La commission est saisie de l'amendement AS1 du rapporteur.
L'article 2 est incontournable pour atteindre une revalorisation à 85 % du SMIC. Si l'on en reste à l'article 1er, le montant sera très éloigné de l'objectif recherché : avec un gain moyen de 62 euros, on sera très loin du compte. Cela signifie que si l'article 2 est supprimé, on abandonne l'objectif des 85 % du SMIC.
J'ai conscience de ce que ces dispositions peuvent représenter en termes de dépenses. Lors de l'examen de la précédente proposition de loi, le chiffrage était très important : 1,7 milliard d'euros. Mais c'était avant l'écrêtement, qui a réduit d'environ un tiers le nombre des bénéficiaires. Ce mécanisme prend en effet en compte l'ensemble des pensions perçues pour déterminer si l'on atteint les 85 % du SMIC, ce qui limite le CDRCO. À la suite de cet écrêtement donc, et alors que cette catégorie sociale s'amenuise considérablement, année après année, le chiffrage s'établit à 860 millions d'euros. Je comprends, pour avoir échangé avec le Gouvernement, que c'est encore beaucoup. Mais si cet article n'était pas voté, cela remettrait en cause la totalité de l'objectif. Je me verrais alors dans l'obligation de déposer un amendement de repli afin de ne pas tout abandonner.
L'amendement AS1, quant à lui, vise à repousser l'application de la mesure au 1er janvier 2023 au plus tard. En effet, nous nous sommes rendu compte, lors des auditions, que sa mise en œuvre serait d'une grande complexité. De plus, nous devons tenir compte de la navette parlementaire. Je préfère donc retarder d'emblée la date d'entrée en vigueur.
J'entends la volonté du rapporteur et n'y vois aucune manœuvre politique, mais je connais les positions du Parti communiste, qui privilégie toujours le maintien d'un régime de retraite avec un effet contributif. Si nous adoptions l'article 2 en l'état, entre un couple d'agriculteurs dont l'un serait chef d'exploitation et l'autre conjoint, et un autre couple dont les deux seraient chefs d'exploitation, il y aurait un rapport de cotisations de 1 à 3 avec, in fine, le même montant de retraite. On ne peut pas cotiser trois fois plus pour obtenir la même pension : cela remettrait en cause tout notre système de retraite. La meilleure façon de remédier à la faiblesse des pensions agricoles des conjointes, c'est de devenir chef d'exploitation et de cotiser en conséquence. Le groupe Mouvement Démocrate (MoDem) et Démocrates apparentés s'exprimera donc contre l'article 2.
Je partage l'objectif d'une retraite identique pour les femmes et pour les hommes dans l'agriculture. Ce point est partagé par l'Association nationale des retraités agricoles de France. Mais il s'agit d'équité entre les hommes et les femmes : pour le reste, il ne serait pas équitable d'accorder exactement le même montant aux personnes ayant cotisé en tant que chefs d'exploitation et aux personnes n'ayant pas cotisé.
Par ailleurs, contrairement à ce que vous avez affirmé, monsieur le rapporteur, notre proposition de loi, désormais signée par cent trente députés de la majorité, ne coûterait pas autant que la vôtre car nous utilisons plusieurs leviers pour circonscrire les dépenses. Pour vous donner un exemple, nous proposons de faciliter l'accès au complément différentiel de retraite complémentaire obligatoire, mais sous deux conditions : avoir occupé un certain nombre d'années la fonction de chef d'exploitation, et avoir accompli une carrière complète dans le régime des non-salariés agricoles. Le nombre de personnes concernées serait donc considérablement réduit et le coût moins important.
La commission rejette l'amendement.
Puis elle rejette l'article 2.
Après l'article 2
La commission est saisie de l'amendement AS12 du rapporteur.
J'anticipais le rejet de l'article 2, qui porte un coup grave à l'objectif que je vise. Mais comme cet objectif me paraît, malgré tout, largement partagé, je vous propose, avec cet amendement, un échéancier.
L'extension du CDRCO représente un coût de 867 millions d'euros, qui va aller en diminuant compte tenu de l'érosion démographique des catégories professionnelles concernées. C'est une somme acceptable si l'on a la volonté politique d'y arriver, mais je vous propose quand même un échelonnement : il pourrait y avoir une première étape de 75 % du SMIC au 1er janvier 2023, soit le taux appliqué aux chefs d'exploitation au moment où ils ont bénéficié du complément de RCO en 2014, puis on monterait à 80 % en 2024, pour atteindre l'objectif de 85 % en 2026. Cette proposition me semble pragmatique. Elle tient compte des différentes interventions qui ont été faites sur le coût de la mesure. C'est aussi une manière de montrer que notre démarche n'est pas celle du « tout ou rien » : nous avons la volonté de travailler ensemble pour atteindre notre objectif commun.
Monsieur le rapporteur, il y a tout de même un paradoxe : l'année dernière, lors de l'examen du projet de loi portant création d'un système universel de retraite, vous vous étiez opposé au dispositif que nous proposions, un système homogène qui assurait aux personnes ayant eu des revenus très faibles une pension minimale de 1 000 euros et qui bénéficiait à tous ; et maintenant, vous défendez cette mesure qui va ajouter de la complexité.
Je vous invite à lire le rapport que j'ai présenté avec Lionel Causse s'agissant de la complexité du système de retraites agricoles. Dans ce système qu'on décrit souvent comme une fusée à étages, il y a beaucoup de subtilités, suivant la date, suivant le statut, selon qu'il y a ou non un régime complémentaire... C'est illisible ! Et cette illisibilité fait que les personnes concernées font les mauvais choix. Si l'on ajoute à cela le fait que de plus en plus d'agriculteurs ont, à un moment ou un autre de leur carrière, cotisé au régime général, et que leur conjointe, après avoir elle aussi cotisé au régime général, est revenue travailler sur l'exploitation, pour des questions de qualité de vie par exemple, on n'y comprend plus rien. D'après la Cour des comptes, de nombreuses retraites agricoles sont mal calculées parce que les agents des différentes caisses ne savent même plus par quel bout s'y prendre.
Je partage votre philosophie, mais l'outil que vous proposez est une usine à gaz. Travaillons sur l'ensemble des petites retraites, apportons des solutions aux conjoints d'agriculteurs, mais aussi aux conjoints de commerçants et de tous les indépendants. Votre proposition, je l'approuve sur le fond, mais pas sur la forme : elle est absolument irréalisable.
Les représentants de la Confédération paysanne nous ont expliqué qu'il fallait travailler sur la base de la fusée avant de s'intéresser à son dernier étage. La pension de base est constituée par une retraite forfaitaire et une retraite proportionnelle, à quoi peut s'ajouter la PMR. L'article 1er, que nous avons adopté, va déjà permettre de faire passer les pensions à 696 euros. Se pose ensuite la question de la retraite complémentaire obligatoire. Les personnes qui ont les retraites les plus faibles n'en ont pas ; or, pour avoir le complément différentiel de RCO, il faut déjà avoir le RCO ! Le dispositif que vous proposez manque donc une partie de la cible, il n'est pas adapté.
Je suis d'accord pour continuer à y travailler d'ici la séance, mais je ne crois pas que votre amendement soit la solution. Du reste, il vient seulement d'être déposé, si bien que nous n'avons pu ni l'examiner, ni le chiffrer. Parce que je crois qu'il va nous faire rater notre cible, je voterai contre.
Votre argument sur le caractère inapplicable de la mesure n'est pas convaincant. N'oublions pas que l'augmentation des pensions des chefs d'exploitation a été échelonnée de la même façon : on est passé graduellement de, je crois, 72 à 77 % du SMIC, puis 85 %. Je ne vois pas pourquoi on ne pourrait pas faire aujourd'hui comme ce qu'a fait la « loi Peiro » pour les chefs d'exploitation.
L'an dernier, on nous avait déjà dit que l'augmentation que nous avions votée était tellement complexe qu'elle ne pourrait entrer en vigueur au 1er janvier 2021. La Mutualité sociale agricole nous avait pourtant confirmé que c'était possible – j'ai conservé les lettres qu'elle m'a adressées – mais en définitive, la date a bien été repoussée au 1er novembre. Il me semble qu'avec les progrès informatiques, on dispose désormais de logiciels qui permettent de surmonter bien des difficultés. La preuve, c'est qu'on est parvenu à surmonter celles qui se posaient à propos des chefs d'exploitation, y compris la question très complexe de l'écrêtement.
Madame Dubois, j'espère que d'ici l'examen du texte en séance publique, nous serons en mesure d'obtenir l'augmentation du RCO, comme vous le proposez. J'y suis tout à fait favorable. Je veux bien travailler avec le Gouvernement sur cette question, car si l'on s'en tient à l'article 1er, qui a été amputé, on restera très loin du compte... Je sais que nous souhaitons tous trouver, d'ici le 17 juin, la formule qui permettra d'obtenir davantage, et je sais que le Gouvernement souhaite ne pas s'en tenir au texte qu'adoptera notre commission et qu'il veut aller plus loin. Trouvons un levier pour ne pas en rester à une augmentation moyenne de 62 euros.
La commission rejette l'amendement.
Elle en vient à l'amendement AS8 de M. Thierry Benoit.
Cet amendement concerne la question qu'a soulevée Nicolas Turquois et que nous avions abordée lors de l'examen de la première proposition de loi d'André Chassaigne, il y a un an : la situation des indépendants.
Je propose que le Gouvernement remette au Parlement un rapport relatif à la situation des conjoints de travailleurs indépendants, notamment à celle des conjoints d'artisans et de commerçants. Nous connaissons tous, dans nos circonscriptions, des personnes qui ont de très petites retraites. Comme je m'en veux de ne pas avoir pu, dans les délais impartis, déposer une proposition pour remédier à ce problème, j'ai pensé qu'un rapport proposant un diagnostic complet serait au moins une première étape.
Je suis tout à fait favorable à ce que le Gouvernement réfléchisse à une harmonisation par le haut des retraites, et pas seulement dans le milieu agricole. Cela va dans le sens des réflexions menées par MM. Turquois et Causse.
Permettez-moi cependant d'appeler votre attention sur deux points techniques. Je ne pense pas, premièrement, qu'il soit judicieux de consacrer le rapport à la situation des seuls artisans, comme le demande précisément l'amendement, car la question se pose aussi pour les commerçants, voire pour tous les non-salariés non agricoles. Par ailleurs, cette proposition de loi porte sur la PMR et le CDRCO ; or je ne pense pas que ce soient les bons leviers pour traiter la question des indépendants. Je suis favorable à cet amendement, mais je vous propose de le retravailler avec vous d'ici à la séance pour aboutir à rédaction plus satisfaisante.
Comme je l'avais dit dans mon explication de vote de l'année dernière, il faut embrasser la situation de l'ensemble des indépendants, commerçants et artisans. Nous retravaillerons cet amendement, nous l'élargirons et nous le soumettrons à la signature du plus grand nombre de députés possible !
Chers collègues, cette question est abordée dans mon rapport. Parmi les personnes qui ont une retraite inférieure à 1 000 euros, il y a deux grandes catégories : ceux qui ont eu une carrière incomplète d'une part, en général des femmes, et d'autre part les indépendants et conjoints d'indépendants. Même lorsqu'ils ont une carrière complète, les indépendants cotisent sur une base forfaitaire qui est trop faible. C'est particulièrement vrai pour les agriculteurs, mais nombre de commerçants et artisans sont également concernés. Notre rapport propose des pistes pour améliorer leur situation.
L'amendement est retiré.
Article 3 : Limitation dans le temps du statut de conjoint collaborateur d'exploitation ou d'entreprise agricole
La commission est saisie de l'amendement AS10 de M. Nicolas Turquois.
Cet amendement me permet surtout de vous faire part de mon questionnement sur le statut des conjoints collaborateurs. : je n'ai pas encore d'avis arrêté.
Il est clair que ce statut est une trappe à petites retraites, car les personnes y cotisent très peu. Lors de l'examen du projet de loi portant création d'un système universel de retraite, l'année dernière, nous avions évoqué l'idée de limiter ce statut dans le temps. Quand ma grand‑mère a choisi le statut de conjointe d'exploitant, c'était une autre époque. Lorsqu'une femme choisit ce statut en 2021, elle est le conjoint et son mari est le chef : cela renvoie à une hiérarchie qui n'est pas tout à fait dans l'air du temps.
L'idée de limiter ce statut à cinq ans me semble évidente pour les nouveaux entrants. Utilisé de façon temporaire, il peut faciliter une installation, un retour dans une exploitation. Ce sont des parcours de vie fréquents : monsieur est agriculteur, madame travaille à l'extérieur et quand les enfants commencent à grandir, elle souhaite revenir sur l'exploitation, pour la qualité de vie par exemple. Lui accorder le statut de conjointe collaboratrice pour une durée limitée, le temps qu'elle s'installe, qu'elle crée son activité et qu'elle puisse avoir les cotisations ad hoc me semble pertinent.
Pour les personnes qui ont déjà le statut de conjoint collaborateur en revanche, je me pose des questions. Les arguments en faveur de la limitation valent tout autant, mais va‑t‑on dire à des femmes de 50, ou 55, ou 60 ans, qui ont fait ce choix de vie, qu'elles doivent renoncer au statut de conjoint collaborateur ? Doit-on dire à ces femmes qui sont à quelques années de la retraite qu'elles doivent s'installer ou devenir salariées agricoles ? On peut imaginer de laisser le choix, peut-être à tous les conjoints collaborateurs, ou seulement à ceux qui sont à moins de dix ans de la retraite par exemple. Je propose donc cet amendement sans avoir de certitude absolue, mais il faut comprendre que certaines personnes font le choix d'être conjoint d'exploitant tout en sachant qu'elles auront une petite retraite : il faut aussi entendre ce choix de vie.
Votre amendement me paraît déjà satisfait puisque la limitation à cinq ans du statut de conjoint collaborateur ne s'applique qu'aux nouveaux entrants, à savoir les personnes qui opteront pour ce statut à partir du 1er janvier 2022.
Mais je ne suis pas favorable à votre intention de maintenir pour tous la possibilité d'opter pour une formule ou l'autre. J'avais d'ailleurs déposé un amendement, jugé irrecevable au titre de l'article 40 de la Constitution, visant à appliquer la limitation à cinq ans aussi à ceux qui sont déjà en activité. En effet, les organisations syndicales que nous avons auditionnées nous ont dit qu'il fallait sortir le plus tôt possible de ce statut dévalorisant de conjoint collaborateur, qui est une véritable trappe à petites retraites.
Contrairement à vous, je souhaite donc clairement que toutes les personnes qui ont le statut de conjoint collaborateur en sortent dans un délai de cinq ans. Cela n'affectera que les personnes qui sont à plus de six ans de la retraite : elles seront effectivement obligées de choisir un autre statut, plus protecteur, en devenant salarié ou chef d'exploitation, en entrant dans un groupement agricole d'exploitation en commun... Ce sont des cas de figure fréquents.
Nous aurons sans doute une discussion sur l'amendement que je compte déposer en ce sens. Mais quant au vôtre, je vous invite à le retirer car il est satisfait.
J'irais plutôt dans le sens du rapporteur. Dans l'intérêt des femmes, dans l'intérêt du progrès, pour aller vers une parfaite équité des statuts, j'encourage Nicolas Turquois à retirer son amendement, même si j'entends ses interrogations.
Je vais dans le même sens. Autrefois, les femmes n'étaient pas reconnues dans le monde agricole et le statut de conjoint collaborateur a constitué une étape. Mais je crois qu'elle a duré beaucoup trop longtemps, car les femmes qui ont choisi ce statut ont de toutes petites retraites. Il faut donc absolument en limiter la durée. C'est aussi une question d'égalité entre les hommes et les femmes, puisque la femme travaille autant que son mari sur l'exploitation et touche une retraite beaucoup plus faible. Plus court est le temps sous statut de conjoint collaborateur, mieux cela vaut pour eux.
Je suis très attaché à la revalorisation des petites retraites, mais j'insiste sur le fait que le statut de conjoint collaborateur peut aussi être un choix de vie. Je pense en particulier à une dame qui vit dans mon voisinage et qui doit avoir 52 ou 53 ans. Si cette disposition est votée, elle pourra conserver ce statut pendant cinq ans à compter du 1er janvier 2022, ce qui la mènera jusqu'à l'âge de 58 ans.
À 58 ans donc, elle va devoir prendre le statut soit de chef d'exploitation, soit de salariée agricole, sachant que, vu le périmètre de la ferme, elle n'aura jamais qu'un salaire à temps partiel : et c'est sur ce salaire qu'elle va se créer des droits à la retraite... Je me demande s'il est opportun d'imposer cette mesure à des femmes qui ne sont ni trop jeunes, ni à cinq ans de la retraite. Sous l'angle de la revalorisation des petites retraites et de l'équité hommes-femmes, je partage évidemment votre point de vue, mais obliger des gens à remettre en cause leur choix de vie me paraît problématique. Voilà pourquoi j'envisageais de laisser le choix aux personnes qui sont à moins de dix ans de la retraite. Cela dit, je m'en remettrai évidemment à la sagesse collective.
Lors des auditions, alors que le rapporteur évoquait les personnes qui se trouvent à moins de dix ans de la retraite, l'ensemble des syndicats ont dit qu'il valait quand même mieux mettre fin à ce statut après cinq ans. C'était aussi une proposition formulée par la délégation du Sénat aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes. J'entends vos arguments, monsieur Turquois, et il faut peut-être continuer de réfléchir aux situations particulières que vous évoquez d'ici l'examen du texte en séance publique, mais je crois qu'il y a un large consensus sur cette question.
J'ai cru comprendre que vous retiriez votre amendement, qui est satisfait. Pour le reste, je transmettrai aux différents groupes qui partagent mon point de vue l'amendement que j'avais déposé et qui a été jugé irrecevable au titre de l'article 40 : il serait bon qu'ils le déposent également, afin de mettre en avant cette mesure que toutes les organisations syndicales que nous avons auditionnées considèrent comme une avancée. Si certains amendements proposent au contraire d'allonger la durée de ce statut, nous en débattrons et nous trancherons.
L'amendement est retiré.
La commission adopte l'article 3 non modifié.
Article 3 bis (nouveau) : Rapport relatif à la déclaration des conjoints collaborateurs agricoles
La commission est saisie de l'amendement AS11 du rapporteur.
Au cours des auditions, nous avons découvert que, malgré les obligations déclaratives introduites par la loi relative à la croissance et la transformation des entreprises, dite « PACTE », un nombre difficile à déterminer de personnes, mais qui se monte sans doute à plusieurs milliers, ont encore une activité non déclarée sur une exploitation agricole, ne cotisent pas et ne bénéficient donc d'aucune protection sociale.
Pour faire la lumière sur cette question, nous demandons qu'à l'issue d'un délai d'un an à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remette au Parlement un rapport sur l'application de l'article 9 de la loi PACTE et, en particulier, sur la situation des personnes dont la situation professionnelle n'est pas déclarée et qui ne cotisent pas au régime agricole.
La loi PACTE oblige toutes les personnes qui travaillent, et pas seulement sur une exploitation agricole, à avoir un statut. Or il y aurait actuellement un certain nombre de personnes non déclarées. Les chiffres qui nous ont été transmis par la Coordination rurale sont très élevés ; il existe aussi des estimations beaucoup plus basses. En tout cas, il paraît certain, pour tous ceux que nous avons auditionnés, que des milliers de personnes travaillent sur des exploitations agricoles sans aucun statut.
Cet amendement est intéressant et nous permettra d'avancer : ce rapport aura le mérite de clarifier les choses.
La commission adopte l'amendement.
Articles 4 et 5 : Création d'une taxe additionnelle à la taxe sur les transactions financières
La commission rejette successivement les articles 4 et 5.
Article 6 : Gage financier
La commission adopte l'article 6.
Si vous le permettez, madame la présidente, j'aimerais dire un mot avant le vote sur l'ensemble de la proposition de loi. Je vais m'abstenir, parce que les amendements qui ont été adoptés ont largement modifié le texte initial. Mais cela ne préjuge pas du vote final de mon groupe parlementaire, ni du mien. Je crois que nous pouvons, en travaillant ensemble, en lien avec le Gouvernement, améliorer ce texte d'ici son examen en séance publique. Je sais qu'il y a une marge de progression et j'espère que nous arriverons, le 17 juin, à voter un texte qui nous réunira. Mais vous comprendrez qu'en l'état actuel des choses, je préfère m'abstenir.
Nous avons fait un premier pas qu'il ne faudrait surtout pas minimiser. La fusion des PMR, qui était attendue, va constituer une amélioration concrète pour un très grand nombre de conjoints collaborateurs, en majorité des femmes. Je suis donc très heureuse de dire que le groupe La République en Marche votera ce texte.
Monsieur le rapporteur, ne voyez pas le verre à moitié vide. Vous avez eu le mérite de vous pencher sur la situation des conjoints collaborateurs ; il faudrait maintenant faire de même pour les conjoints d'indépendants, comme l'a proposé Thierry Benoit. Il faut envoyer un message fort – et la réforme de la PMR en est un – tout en préservant les principes qui ont construit notre régime de retraite, que vous avez rappelés à de nombreuses reprises l'année dernière, à commencer par les principes de contributivité et d'équité. Il me semble que la mesure relative au CDRCO y contrevient, mais ne sous-estimez pas la mesure sur le PMR que nous avons votée, et qui est à mettre à votre crédit.
Monsieur le rapporteur, je vais voter, au nom du groupe UDI & Indépendants, votre proposition de loi telle qu'elle ressort de notre examen en commission. Nous n'avons avancé que sur la pension majorée de référence, c'est vrai, mais c'est mieux que rien. Attendons les arbitrages de la majorité : je suis sûr que nous pourrons introduire d'autres avancées d'ici l'examen en séance. Quand on parle des petites retraites, tout est bon à prendre. Nous avons déjà fait une petite avancée en commission et la partie n'est pas finie.
La commission adopte l'ensemble de la proposition de loi modifiée.
Monsieur le rapporteur, je vous remercie pour votre énergie, votre passion et la qualité de vos travaux.
La séance s'achève à dix-huit heures cinquante-cinq.
Information relative à la commission
La commission a désigné la Présidente, Fadila Khattabi, rapporteure sur les pétitions qui lui sont attribuées.