Intervention de Philippe Latombe

Réunion du jeudi 12 novembre 2020 à 11h00
Mission d'information sur le thème « bâtir et promouvoir une souveraineté numérique nationale et européenne »

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPhilippe Latombe, rapporteur :

Vous consacrez depuis plusieurs années au thème de la souveraineté et du numérique une réflexion ayant donné lieu à de nombreuses publications. Le thème de la souveraineté fait appel au cœur régalien des missions de l'État, mais nous engage également à une réflexion sur les armes économiques dont nous devons disposer pour défendre la place de notre pays et de l'Union européenne dans la compétition mondiale. Sur ces deux plans, régalien et économique, nous aimerions connaître votre opinion sur la montée en puissance de la notion de souveraineté numérique. Comment l'analysez-vous ? Que pensez-vous des positions adoptées au niveau national et au niveau européen par les autorités publiques ? Quelles appréciations portez-vous sur les initiatives législatives en cours ?

Cette problématique de la souveraineté et du numérique est riche de nombreux sujets, souvent porteurs d'enjeux majeurs pour la place de notre pays sur la scène internationale. Nous pouvons penser en premier lieu aux questions de cybersécurité et de cyberdéfense. La thématique de la souveraineté est ici incontournable puisqu'il s'agit de déterminer comment protéger les intérêts français de nouvelles menaces, immatérielles et déterritorialisées. Il s'agit également de définir de nouvelles modalités de discussion avec nos partenaires, européens et autres, pour engager des actions concertées, mais respectueuses de la souveraineté de chacun. Quelle est votre analyse de ces enjeux multilatéraux ? Comment percevez-vous le paysage international actuel ? Quelles devraient être selon vous les réponses françaises et européennes aux menaces de déstabilisation ou de désinformation en ligne ?

La souveraineté est aussi confrontée, sur un mode peut-être moins visiblement conflictuel, à la montée en puissance de nouveaux acteurs privés qui prétendent imposer leurs normes ou disposent d'un pouvoir de marché les rendant incontournables pour les consommateurs et les usagers. Comment la France et l'Union européenne peuvent-elles, selon vous, reprendre la main sur la définition des termes dans ces rapports nouveaux afin de ne pas en être réduites à une position strictement réactive voire passive ? Nous pourrons évoquer les multiples instances privées ou semi-privées dans lesquelles s'organise la gouvernance d'internet, l'attribution des noms de domaines par exemple, ainsi que les géants du numérique qui jouent un rôle de prescripteur de plus en plus important dans nos sociétés, qu'il s'agisse de nos modes de consommation ou de notre façon de nous informer. La crise que nous traversons avec la covid ne fait que renforcer ces tendances. Quelle réponse publique apporter au plan national, européen et international ?

Enfin, la défense de la souveraineté numérique passe aussi par celle d'une certaine autonomie matérielle et la défense de la promotion d'une industrie du numérique européenne compétitive et indépendante. Or, nous savons que l'Europe souffre de façon croissante du départ d'industries stratégiques pour le matériel informatique qui constitue pourtant le soubassement du développement du numérique. La dépendance aux solutions numériques extracommunautaires, aussi bien logicielles que matérielles, met-elle en cause selon vous l'autonomie européenne ? Comment contrer cette tendance ? Comment faire participer l'innovation et à la recherche à une certaine forme de réindustrialisation dans les nouvelles technologies pour assurer une plus grande souveraineté européenne ?

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