Je n'ai pas précisé au départ, monsieur le ministre d'État, que nous avions un biais dans cette mission : nous nous sommes focalisés sur le remplacement du pétrole, sans remettre en question le nucléaire – sujet qui a déjà été largement traité.
La question de la vision est revenue quasiment dans tous nos échanges : comment être sûr d'emprunter la bonne voie ? Nous savons tous qu'à l'avenir les sources d'énergie seront multiples : le nucléaire, l'hydraulique, l'éolien, le solaire, la biomasse – notamment avec la méthanisation –, les biocarburants, la géothermie, ou encore l'hydrogène, utilisé comme vecteur.
Souvent, le débat politique bloque parce que beaucoup imaginent que l'on va remplacer le pétrole par quelque chose d'autre. Or on va le remplacer par de très nombreuses choses. En effet, le développement de la biomasse, par exemple, sera forcément limité car il ne faut pas empiéter sur les surfaces agricoles destinées aux productions alimentaires – vous l'avez dit tout à l'heure. La première chose que nous recommandons est de s'efforcer de quantifier la biomasse disponible, en termes de déchets agricoles – ou de déchets en général, du reste –, encore une fois sans empiéter sur les surfaces destinées aux productions alimentaires. Certains territoires ont un peu avancé dans ce domaine : le département du Maine-et-Loire, par exemple, est capable d'établir qu'en fonction des quantités disponibles, il est possible d'installer 49 méthaniseurs, soit un tous les 10 ou 12 kilomètres, sans courir le risque d'aller trop loin. En procédant ainsi, la démarche est acceptable pour la population.
Il en va de même pour l'éolien. Dans mon département, le Pas-de-Calais, l'éolien a connu un important développement : on y trouve des centaines d'éoliennes, qui ont été plutôt bien acceptées. Toutefois, on est arrivé à saturation : les nouvelles installations ne sont plus supportées. Avant, les zones de développement éolien permettaient d'avoir un débat local, au niveau des communautés de communes, pour déterminer où on pouvait en installer, combien il pouvait y en avoir, et de discuter avec la population. Une telle planification dans les territoires nous semble essentielle, en termes d'acceptabilité comme de vision. Ce qui vaut pour l'éolien vaut aussi pour d'autres sources d'énergie : en fonction de la quantité disponible de déchets issus de la betterave – la mélasse –, on sait précisément combien d'éthanol on obtiendra. Il faut savoir de quelles ressources on dispose avant de réfléchir à leur utilisation. On n'a pas de solution pour les avions, à l'heure actuelle : pourquoi ne pas dédier des quantités précises de biomasse à ce type d'utilisation ?
S'agissant d'ailleurs des carburants de synthèse, nous avons observé qu'il y avait beaucoup plus d'expériences en Allemagne qu'en France. Il y a là un domaine qu'il importe vraiment d'explorer. Cette question est bien sûr liée à la production d'hydrogène et à la politique de l'hydrogène, car pour fabriquer du carburant avec du CO2, il faut de l'hydrogène en quantité. Il apparaît donc très important de développer également la filière de l'hydrogène, en lien avec une politique en matière de carburants de synthèse.