Intervention de André Chassaigne

Réunion du mercredi 11 décembre 2019 à 15h00
Commission des affaires européennes

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAndré Chassaigne, rapporteur :

. Madame la Présidente, chers collègues, je vous présente aujourd'hui une proposition de résolution européenne portant avis de non conformité au principe de subsidiarité d'une proposition de règlement européen. Il s'agit du texte COM(2019) 580 final qui a notamment pour objectif de pérenniser pour l'année 2021 la flexibilité entre les deux piliers de la politique agricole commune (PAC).

Il s'agit d'un texte technique, dont l'objectif fondamental ne pose évidemment aucun problème. Ce texte vise à opérer une transition vers la nouvelle PAC pour laquelle les discussions s'éternisent. Toutefois, ce texte me paraît mériter l'attention et l'action de notre commission au titre des prérogatives qui lui sont conférées par l'article 88-6 de la Constitution, pour deux motifs que je vais détailler très rapidement.

D'abord, je veux attirer l'attention sur le fait que, si ce texte pérennise la flexibilité des aides, il considère également que le système intégré de gestion et de contrôle (SIGC), mis en place au niveau européen, offre, je cite, des « garanties suffisantes ». Ce SIGC se base largement sur les États membres pour effectuer les contrôles et la proposition de texte européen considère tout cela comme, je cite, « bien rodé ». Or il n'en est rien !

Je m'inscris en cela dans la logique que nous avions développée, avec mon collègue Alexandre Freschi, dans la dernière résolution européenne que nous avions soumise à notre commission en juillet 2018. Par cette résolution, nous considérions que le projet de nouvelle PAC était contraire au principe de subsidiarité parce qu'il déléguerait de trop nombreuses compétences aux États membres. L'Union doit agir lorsque son action est plus efficace que celle des États !

Ici, c'est la même chose : cette proposition de texte confirme expressément le SIGC qui, en se basant à l'excès sur les États membres, fait courir des risques de contrôles à géométrie variable. Et c'est déjà le cas : la Cour des comptes a montré que 2,35 milliards d'euros de dépenses agricoles entre 2007 et 2016 n'avaient pas été utilisés dans les règles par la France. Surtout, la Cour des comptes européenne a clairement établi dès 2013 que les informations fournies à la Commission européenne par les États membres n'étaient, je cite, « pas fiables ». Nous ne pouvons plus laisser perdurer ce système injuste et faillible que la Commission européenne considère comme « bien rodé ».

Ensuite, il y a un second motif d'action selon moi. Dans cette proposition, la Commission européenne mentionne très directement son projet de plans stratégiques nationaux que notre commission avait déjà contesté en juillet 2018 et qui avait fait l'unanimité contre lui lors de notre réunion avec nos collègues du Sénat et du Parlement européen en octobre dernier. En effet, ces plans constitueraient une renationalisation partielle de la PAC, pouvant également entraîner de graves distorsions de concurrence, d'autant plus dans le contexte que je viens de décrire, où l'octroi des aides est aussi mal contrôlé.

Dans la présente proposition de texte, la Commission européenne explicite ainsi que les nouvelles dotations prévues pour 2021, et qui seraient non-utilisées, pourraient être, je cite, « réaffectées aux dotations du plan stratégique relevant de la PAC pour la période 2022-2025 ». Or, rien n'est acté ! La Commission développe des projets qui se basent directement sur un élément en cours de discussion et qui est loin de susciter le consensus. Ainsi, il me paraît indispensable de rappeler à la Commission européenne notre opposition aux plans stratégiques nationaux, et surtout qu'elle ne peut pas introduire avant son adoption l'idée de ces plans stratégiques.

Pour ces deux raisons, mes chers collègues, je pense que notre commission devrait déclarer ce texte non-conforme au principe de subsidiarité, notamment pour continuer à faire entendre la voix des parlements nationaux dans la réforme de la PAC et envoyer un message clair à la Commission européenne.

Je pense que la Commission européenne devrait prévoir une véritable période de transition ‑ qui s'annonce longue ‑ avec des règles claires et des perspectives d'amélioration et de simplification du système de contrôle des aides, qui doit être le même pour tous.

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