Intervention de André Chassaigne

Réunion du mercredi 24 juin 2020 à 16h35
Commission des affaires européennes

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAndré Chassaigne :

Je voudrais souligner la qualité du rapport d'information présenté aujourd'hui, et plus particulièrement sa première partie, qui fournit un constat objectif de la situation énergétique européenne et de la croissance de notre dépendance. À ce titre, votre approche dénote par rapport aux propos trop souvent angéliques, voire fantasmés, sur notre situation énergétique et notre capacité à régler cet enjeu au niveau européen par des coups de baguette magique, fût-elle verte.

Au-delà du constat, il ne serait d'ailleurs pas inutile de mettre en relation la croissance de la dépendance au gaz, notamment russe, avec les choix de soutien public et d'investissement des vingt dernières années en faveur d'énergies renouvelables intermittentes et non-pilotables comme l'éolien. Je crois que la transparence s'impose.

Je ne partage pas en revanche toutes les analyses du rapport sur la transition énergétique, notamment sur les capacités de production électrique décentralisée. Nous pouvons cependant nous retrouver sur les principales recommandations qui sont considérées comme prioritaires dans le rapport.

Je reviendrai sur deux éléments. Premièrement, si nous visons plus d'indépendance énergétique européenne et si nous voulons décarboner l'Europe, il faut investir massivement dans la baisse de nos consommations énergétiques et l'efficacité des usages de l'énergie.

Il faut baisser drastiquement et rapidement nos consommations et nos émissions de gaz à effet de serre des secteurs du bâtiment et des transports. C'est la mère des batailles, et votre rapport le dit fortement. Cependant, la question est d'abord budgétaire. Il faut soutenir rapidement la rénovation thermique globale du parc de logements et de bâtiments publics et mettre le paquet sur le transfert des usages du véhicule individuel et des transports routiers, d'une part, vers les modes doux et les transports en commun, d'autre part, vers le transport ferroviaire et fluvial pour le transport de marchandises.

Il faut non seulement s'assurer que le plan de relance européen aille dans ce sens, mais que notre engagement budgétaire national aussi. Je pose aussi cette question, qui n'est pas provocatrice mais ouverte : sommes-nous prêts à défendre et à dégager du budget pour 2021 les 10 à 15 milliards d'euros annuels nécessaires à la rénovation thermique annuelle des logements et des bâtiments publics ? Sommes-nous prêts à réinvestir massivement dans notre réseau ferroviaire et dans le transport de fret, alors que nous faisons tout le contraire depuis vingt ans ? La décarbonation du secteur des transports passe par des investissements d'envergure, dans le réseau ferroviaire pour les mobilités du quotidien, dans des infrastructures pour les modes les plus sobres en carbone (marche, cycle).

Quant aux transports en commun, ils doivent s'accompagner d'un engagement financier de l'État à une toute autre hauteur, en lien avec les autorités organisatrices de la mobilité sur les territoires. L'accès du plus grand nombre aux transports collectifs doit aller jusqu'à leur gratuité, ce qui exige un soutien de l'État et de nouvelles recettes.

Sur la dimension de la production et de la distribution d'énergie, je partage totalement la nécessité de stopper tout soutien aux énergies fossiles et de travailler à rehausser le prix du carbone. Je ne crois, en revanche, ni aux vertus intrinsèques, ni à la réactivité du seul marché pour sortir de l'impasse énergétique et climatique. Il nous faut au contraire construire de puissants outils publics nationaux et européens et en garantir les moyens. L'atteinte de la neutralité carbone à l'horizon 2050 et la baisse des émissions de 50 à 65 % d'ici 2030 (dans dix ans !) n'est pas seulement quelque chose d'important : c'est vital pour espérer contenir l'emballement climatique, respecter l'Accord de Paris et assurer un monde vivable pour les générations à venir.

Nous continuons à défendre, dans ma sensibilité politique, l'impérieuse nécessité d'une planification adossée à un pôle public de l'énergie et de l'efficacité énergétique, regroupant l'ensemble des entreprises de services publics qui produisent, transportent, stockent, distribuent, commercialisent de l'énergie ou fournissent un service énergétique. Seul un pôle public intégré sera en capacité d'assurer la trajectoire de baisse de nos consommations d'énergie finale, d'accompagner des besoins d'électrification des secteurs les plus fortement émetteurs de gaz à effet de serre comme le transport et le chauffage, de sécuriser les approvisionnements en énergie du pays, de garantir l'accès effectif à l'énergie de tous – particuliers ou entreprises – et d'assurer un développement équilibré des territoires.

Pour terminer, je souhaite tout naturellement que, dans le cadre de sa mutation écologique profonde, la Commission soit un jour en capacité de mettre de côté son bréviaire libéral pour faire ce choix de l'efficacité climatique avec un pôle public européen de l'énergie. Permettez-moi d'en douter.

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