La quatrième mesure utilisée par l'Union européenne a été celle des « cartels de crise ». Ces « cartels » sont permis par l'article 222 du règlement sur l'organisation des marchés ; ils permettent d'enfreindre temporairement le droit de la concurrence afin que les agriculteurs puissent s'entendre sur tous les sujets sauf les prix. Elle est évidemment très positive, mais a encore une fois été déclenchée très tardivement : il a fallu plus d'un mois de négociations pour que la Commission européenne accepte de déclencher cet article 222 !
Enfin, nous voudrions insister sur les secteurs qui ont été négligés par l'Union européenne. Il s'agit en particulier de la viticulture, qui subissait un contexte déjà très dur du fait des taxes américaines dues au conflit entre Airbus et Boeing. Le secteur est en outre très dépendant de la restauration. En France, les ventes d'alcool ont baissé de 40 à 50 % pendant le confinement. La Commission européenne a autorisé des distillations de crise ou les retraits (pour éviter les stocks avant la prochaine récolte), mais elle a décidé de n'octroyer aucun financement à ce secteur.
L'horticulture, qui a subi une baisse d'activité de 80 %, n'a également pas été assez soutenue. Ce secteur a en effet été classé comme « non essentiel » car non alimentaire. Or, il réalise 70 % de son chiffre d'affaires entre mars et juin. C'est pourquoi une aide de 25 millions d'euros a été octroyée par la France à la filière horticole, mais rien n'a été fait au niveau européen !
Enfin, il faut bien se rendre compte que la Commission européenne n'était pas entièrement mobilisée pour lutter contre la crise agricole. En effet, elle a fait deux annonces totalement contradictoires en pleine crise : la stratégie « de la ferme à la table », annoncée le 20 mai et qui aura des impacts majeurs sur l'agriculture ; et, dans le même temps, la conclusion d'accords de libre-échange, en particulier avec le Mexique, qui prévoit l'ouverture du marché européen à 20 000 tonnes de viandes bovines mexicaines chaque année.
Ces deux annonces sont évidemment intervenues à des moments particulièrement inopportuns et sont totalement contradictoires. Alors que l'Union européenne cherche à élever ses standards en matière d'intrants chimiques et de bien-être animal par exemple, comment éviter une concurrence déloyale qui viendrait percuter le marché européen grâce à ces accords de libre-échange ?
Par ailleurs, la crise a évidemment mis en lumière les failles importantes de la PAC pour faire face aux crises, ce sera notre avant dernier point.
En effet, cette crise a révélé à quel point les dispositifs de soutien de la PAC sont inégalitaires. Certains secteurs ne bénéficient d'aucun système d'intervention publique : c'est le cas de l'horticulture, de la viande porcine et des volailles. D'autres secteurs en revanche bénéficient de soutiens déjà bien en place.
Ensuite, les soutiens de la PAC se révèlent insuffisants dans leurs montants. La PAC ne permet pas de mettre en place des mesures de sauvetage à la hauteur de nos concurrents directs, notamment le Canada et les États-Unis. Le gouvernement américain a effet augmenté le budget agricole de 48 milliards d'euros pour faire face à la crise. En Europe, nous sommes très loin du compte !